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24/08/2016 | FRANCE | N°15/01141

France | France, Cour d'appel de reims, Chambre civile- 1o section, 24 août 2016, 15/01141


COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE CIVILE- 1o SECTION ARRET DU 24 AOUT 2016

Appelant :
d'un jugement rendu le 21 avril 2015 par le tribunal de commerce de Troyes,
Monsieur Stéphane X..., demeurant ....
Comparant, concluant et plaidant par Maître Penaud de la SELARL Octav, avocats au barreau de Reims.
Intimées :
La SA Emo, au capital de 1. 000. 000 euros, inscrite au RCS de Troyes sous le no 316 276 302 prise en la personne des président et membres de son conseil d'administration domiciliés de droit audit siège, 51 rue Courtalon, 10000 Troyes.
Comparant, conclua

nt par la SCP Delvincourt, Caulier-Richard, avocats au barreau de Reims et pl...

COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE CIVILE- 1o SECTION ARRET DU 24 AOUT 2016

Appelant :
d'un jugement rendu le 21 avril 2015 par le tribunal de commerce de Troyes,
Monsieur Stéphane X..., demeurant ....
Comparant, concluant et plaidant par Maître Penaud de la SELARL Octav, avocats au barreau de Reims.
Intimées :
La SA Emo, au capital de 1. 000. 000 euros, inscrite au RCS de Troyes sous le no 316 276 302 prise en la personne des président et membres de son conseil d'administration domiciliés de droit audit siège, 51 rue Courtalon, 10000 Troyes.
Comparant, concluant par la SCP Delvincourt, Caulier-Richard, avocats au barreau de Reims et plaidant par Maître Christophe Livet Lafourcade, avocat au barreau de Paris.
La SCP Z...A...Y..., société civile professionnelle de mandataires judiciaires, dont le siège est ..., immatriculée au RCS ... au capital de 22. 867, 35 euros, prise en la personne de Maitre Stéphane Y...es qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société Emo, fonction à laquelle il a été nommé par jugement du Tribunal de Commerce de Troyes du 24. 02. 2015

Comparant, concluant par la SCP Delvincourt, Caulier-Richard, avocats au barreau de Reims.
Composition de la cour lors des débats et du délibéré :
Madame Maillard, président de chambre Madame Lauer, conseiller Madame Simon-Rossenthal, conseiller, entendue en son rapport.

Greffier : Madame Goulard, greffier lors des débats.

Greffier lors du prononcé : Monsieur Muffat-Gendet greffier

Ministère public : Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

Débats :
A l'audience publique du 13 juin 2016, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 juillet 2016, prorogé au 23 août 2016 puis à ce jour ;
Arrêt :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 24 août 2016 et signé par Madame Simon-Rossenthal, conseiller à la cour, et Monsieur Muffat-Gendet, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par arrêt du 19 février 2015, la cour d'appel de Paris a condamné solidairement les sociétés Emo et Sib à payer à la société Du Design la somme de 307 942, 40 euros en règlement de factures dues et à titre de dommages et intérêts, outre intérêts et astreinte en cas de poursuite de l'exploitation du projet « Set in Black » par les sociétés Emo et Sib ; ces dernières étant reconnues coupables d'actes de parasitisme et de concurrence déloyale.
Sur requête du gérant de la société Emo, le tribunal de commerce de Troyes a, par jugement du 24 février 2015, ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la SA Emo.
Par jugement du 2 juin 2015, le tribunal de commerce de Troyes a renouvelé la période d'observation jusqu'au 24 février 2016.
Par déclaration au greffe du 19 mars 2015, Monsieur Stéphane X..., créancier de la société Emo, a formé tierce-opposition à l'encontre de ce jugement.
Par jugement du 21 avril 2015, le tribunal a rejeté la tierce-opposition formée par M. X...et laissé les dépens à la charge de ce dernier.
Le tribunal a estimé que M. X...était en litige avec la société Emo et que ce litige était pendant devant la troisième chambre du tribunal de grande instance de Paris de sorte que sa demande n'était pas fondée car sa créance était incertaine.
Par conclusions notifiées le 5 décembre 2015, M. X...a demandé à la cour d'infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Troyes le 21 avril 2015 ; de constater que la société Emo ne prouvait pas les difficultés insurmontables susceptibles de la placer en état de cessation des paiements, de rétracter le jugement rendu par le tribunal de commerce de Troyes le 24 février 2015, de rejeter tout demande de condamnation de la SA Emo à l'encontre de Monsieur Stéphane X...et de condamner l'intimée à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et celle de 5 000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Isabelle Penaud.
Par conclusions notifiées le 23 novembre 2015, la société Emo et la SCP Z...A...Y...ès qualités de mandataire judiciaire de la société Emo ont demandé à la cour, au visa des articles L 620-1, L 661-1 et L 661-2 du code de commerce, 580 et 583 du code de procédure civile, de débouter M. X...de ses demandes, de confirmer le jugement entrepris et de condamner l'appelant à leur payer la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 5 000 € à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens, avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Olivier Delvincourt.
Par arrêt rendu le 19 janvier 2016, la cour de céans a :
- déclaré les conclusions et pièces signifiées par Monsieur Stéphane X...les 4 et 5 décembre 2015 recevables ;
- avant dire droit sur la recevabilité et le fond, ordonné la réouverture des débats ;
- enjoint à la société Emo de produire les baux consentis par cette dernière au profit des sous-locataires agréés par le bailleur ainsi que la balance clients de l'exercice 2015 ;
- invité les parties à conclure sur ce point ;
- renvoyé la cause et les parties à l'audience du lundi 13 juin 2016 à 14 heures ;
- sursis à statuer sur les demandes des parties ;
- réservé les dépens.
La Cour a jugé que M. X...avait la qualité de créancier et donc un intérêt à former opposition dans la mesure où le jugement de sauvegarde était susceptible de porter atteinte à ses droits et qu'il restait à déterminer si la procédure de sauvegarde avait été ouverte en fraude de ses droits et notamment si la demande d'ouverture de la procédure collective le 23 février 2015, l'avait été dans le seul but d'échapper à la condamnation prononcée par la cour d'appel de Paris du 19 février 2015, soit quelques jours avant le dépôt de la requête en ouverture de la procédure de sauvegarde
Elle rappelait que Monsieur X..., du fait de la liquidation judiciaire de la SARL Du Design dont il était le gérant et qui était créancière des condamnations mises à la charge de la SA Emo, ne percevait plus aucune rémunération au titre de ses œuvres, alors que la SA Emo avait poursuivi l'exploitation du projet Set in Black postérieurement à la résiliation du contrat ayant lié les sociétés Emo et SARL Du Design.
Dans le but de déterminer si la SA Emo avait sollicité l'ouverture de la procédure de sauvegarde en vue d'échapper au paiement des condamnations prononcées contre elle ou si au contraire elle se trouvait confrontée à des difficultés insurmontables, la cour a relevé que le tribunal de commerce de Troyes avait caractérisé les difficultés par la seule condamnation prononcée par la cour d'appel de Paris à l'encontre de la société Emo et de sa filiale SIB d'environ 300 000 € qui serait, selon les premiers juges de nature à fragiliser l'entreprise d'autant qu'une saisie pourrait être engagée et engendrerait une impossibilité de payer l'échéance trimestrielle de crédit-bail immobilier alors que le tribunal n'avait indiqué ni le montant du loyer visé, ni indiqué dans quelle mesure la société serait dans l'impossibilité de le surmonter.
C'est la raison pour laquelle elle a rouvert les débats et enjoint à la société Emo de produire les baux consentis par cette dernière au profit des sous-locataires agréés par le bailleur ainsi que la balance clients de l'exercice 2015.
Par jugement du 16 février 2016, le tribunal de commerce de Troyes a rejeté le plan de sauvegarde présenté par la société Emo en relevant qu'il avait été refusé par la majorité des créanciers ; que pour certains d'entre eux, ce refus résultait d'un empêchement absolu de pouvoir consentir un abandon d'une partie de la créance et que pour d'autres, il était vraisemblable que ce refus provenait d'une incompréhension consécutive à une imprécision, sur le sort de la créance dans le plan ; que le résultat de la consultation aura été favorisé par l'absence, dans le plan, d'éléments prévisionnels ainsi que de comptes relatifs à la période d'observation, conduisant les créanciers à se prononcer à l'aveugle, sans information sur la situation réelle de la société.
Consécutivement à ce rejet, une nouvelle consultation des créanciers a été organisée courant avril 2016.
Par conclusions notifiées le 3 juin 2016, Monsieur X...demande à la cour, au visa des articles L 661-2 et L 620-1 et R 621-1 du code de commerce, de le déclarer recevable en sa tierce opposition et en son appel et d'infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Troyes le 21 avril 2015 en toutes ses dispositions.
Il prie la cour de constater que la société Emo ne prouve pas les difficultés insurmontables susceptibles de la placer en état de cessation des paiements et en conséquence, de rétracter le jugement rendu par le tribunal de commerce de Troyes le 24 février 2015.
Il prie la cour de rejeter toute demande de la société Emo et condamner cette dernière à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral sur le fondement de l'article 1382 du code civil et celle de 5 000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Isabelle Penaud.
M. X...soutient que la société Emo ne rapporte pas la preuve de difficultés insurmontables ni au moment où le tribunal de commerce de Troyes a statué, ni même à ce jour.
Il indique que le financement qui a été refusé par la Banque Populaire Lorraine Champagne n'est pas l'unique moyen de payer ou de financer les condamnations prononcées et ne permet pas d'attester de la situation de trésorerie ou des capacités de financement de la société au jour de l'ouverture de la procédure de sauvegarde.
Il fait valoir que les quelques rapports des commissaires aux comptes produits révèlent un refus de certification des comptes qui ne peuvent donc pas être considérés comme sincères et véritables et refléter une image fidèle des opérations de l'exercice, de la situation financière ou encore du patrimoine de ces sociétés.
Il indique que la trésorerie excédentaire figurant dans les filiales textiles de la société Emo pouvaient parfaitement permettre, dans le cadre d'une convention de trésorerie intra-groupe, d'honorer la dette qu'elle avait tant à l'encontre de la société Du Design que vis-à-vis de Monsieur X..., directement ou indirectement, sans remettre en cause le paiement des échéances de crédit bail ; que la filiale roumaine Loradela a bénéficié de prêts de trésorerie intra-groupe par la holding (+/-327. 000 €) ; que la filiale SIB ne survit que grâce au soutien de la société Emo SA qui détient sur elle une créance de 1 391 534 € et que la notion de groupe est validée systématiquement par le commissaire aux comptes dans ses rapports et ses courriers.
M. X...soutient que la société Emo ne justifie pas de l'impossibilité d'honorer les échéances du crédit-bail puisque le montant annuel des échéances s'élève à la somme de 174 925, 76 euros (43 731, 44 € HT par trimestre) alors que le montant des sous-locations qui peuvent être délégués au crédit bailleur s'élève à la somme approximative de 214 00 € HT, soit un montant supérieur au loyer principal et que même si l'on admet que la société Aube Tricotage ai eu un arriéré de loyer, la société Emo ne démontre pas que le paiement du crédit-bail ait été mis en péril par le paiement des condamnations mises à la charge de la SA Emo.
Par conclusions notifiées le 2 juin 2016, la société Emo et la SCP Z...A...Y...prise en la personne de Maître Stéphane Y...ès qualités de mandataire judiciaire de la société Emo demandent à la cour, au visa des articles L. 620-1, L. 661-1 et L. 661-2 du code de commerce, de les déclarer bien fondés et de débouter M. X...de ses demandes et de confirmer le jugement rendu le 21 avril 2015 par le tribunal de commerce de Troyes en ce qu'il a rejeté la tierce opposition formée par Monsieur Stéphane X...à l'encontre de la procédure de sauvegarde ouverte au bénéfice de la société Emo SA selon jugement rendu le 24 février 2015 par le tribunal de commerce de Troyes.
Elles sollicitent la condamnation de M. X...à leur payer la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 5 000 € à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Olivier Delvincourt.
Elles indiquent avoir versé aux débats, le 16 février 2016, les pièces sollicitées, à savoir :
- la convention de sous-location ImmEmo/ DHL International Express (France) du 30 septembre 2010 et l'avenant du 1er juin 2011,- le contrat de sous-location ImmEmo/ Guy B...du 13 octobre 2010 et l'avenant du1er juin 2011,- le bail de sous-location ImmEmo/ Aube Tricotage du 30 août 2010 et l'avenant du 1er juin 2011,- Le Bail de sous-location ImmEmo/ Emo SAS du 30 août 2010 et l'avenant du 1er juin 2001,- la balance clients Emo SA de l'exercice 2015.

Elles exposent que le montant annuel des sous-locations consenties pour l'exercice 2013-2014 s'est élevé à la somme de 214 436, 00 € HT et à celle de 214 584, 00 € HT, pour l'exercice 2014-2015 ; que la société Aube Tricotage n'a pas réglé ses sous-loyers pour l'exercice social 2013-2014 à hauteur de la somme de 48 817, 85 € puis de la somme nette de 71 735, 70 €, pour l'exercice social 2014-2015 et qu'après cessions de créances entre la société Aube Tricotage et la société Emo SA, il a été passé une provision pour dépréciation sur la société Aube Tricotage d'un montant de 40 681, 00 €, pour l'exercice social 2013-2014 et une provision pour dépréciation d'un montant total de 42 889, 00 € pour l'exercice social 2014-2015 ; qu'en l'absence de compensation et de cessions des créances, elle aurait été dans l'impossibilité de régler les loyers dus à son crédit bailleur, avec risque d'acquisition de la clause résolutoire et de déclaration de cessation des paiements de la société Emo SA.
Elles indiquent que les éléments financiers de la société Emo SA retenus par la Cour sont étrangers à la société intimée puisque ce sont des éléments comptables de la société Emo SAS et que la situation de la société débitrice doit être appréciée en elle-même, sans que soient prises en compte les capacités financières du groupe auquel elle appartient.
Elles exposent que :
- pour l'exercice clos le 31 octobre 2013, le chiffre d'affaires de la société Emo SA s'est élevé à la somme de 486 916 € ; le résultat pour l'exercice clos le 31 octobre 2013 a été une perte de 398 990 € ; le poste « disponibilités », au 31 octobre 2013, s'est élevé à la somme de 1 027 €.- pour l'exercice clos le 31 octobre 2014, établi le 15 mars 2015 soit postérieurement au jugement du 24 février 2015, le chiffre d'affaires de la société Emo SA s'est élevé à la somme de 472 813 €, mais le résultat pour l'exercice clos a été une perte de 565 157 €. Le passif bancaire s'est élevé à la somme de 149 028 €, et le poste « disponibilités » à la somme de 73 599 €. Le compte « clients et comptes rattachés » présente un solde brut de 80 717 € qui, après provision pour dépréciation sur la société Aube Tricotage d'un montant de 40 681 €, présente un solde net de 40 036 €.

Elles exposent que, pour l'exercice clos le 31 octobre 2015 :
- le chiffre d'affaires de la société Emo SA s'est élevé à la somme de 636 510 €, mais le résultat pour l'exercice clos a été une perte de 63 139 €. Le passif bancaire s'est élevé à la somme de 135 249 €, et le poste « disponibilités » s'est élevé à la somme de 76 123 €. Le compte « clients et comptes rattachés » présente un solde brut de 172 899 € qui, après provision pour dépréciation d'un montant total de 42 889 €, présente un solde net de 130 010 €.
Elles précisent que la la provision pour dépréciation d'un montant total de 42 889 €, concerne les sociétés Aube Tricotage, SNTM et Sotratex ; que les sociétés SNTM et Sotratex ont chacune pour représentant légal la société Emo SA ; que SNTM a fait l'objet, selon jugement rendu le 26 mai 2015 par le tribunal de grande instance de Saverne, d'une procédure de sauvegarde, laquelle a été convertie en redressement judiciaire, selon jugement rendu le 20 octobre 2015 ; que Sotratex a fait l'objet d'un plan de continuation arrêté jusqu'au 14 septembre 2020, selon jugement rendu le 14 septembre 2010 par le tribunal de commerce de Troyes ; que la société Emo SA a donc été contrainte d'effectuer des provisions pour dépréciation pour non-paiement des loyers et prestations de ces deux filiales qui ont permis d'éviter aux sociétés SNTM et Sotratex de se retrouver en état de cessation des paiements et, pour la société Sotratex, de faire l'objet d'une liquidation judiciaire.
- Pour l'exercice clos le 31 octobre 2015, le passif bancaire de la société Emo SA s'est élevé à la somme de 135 249 € qui correspond au remboursement d'un emprunt d'un montant total de 410 304, 60 €, consenti le 21 septembre 2011 par la Banque Populaire Lorraine, portant sur le financement de travaux réalisés dans les locaux faisant l'objet des sous-locations (zone industrielle de Savipole). Ce prêt a été garanti par une hypothèque portant sur des locaux appartenant à la société Emo SA situés rue Courtalon à Troyes. le poste « emprunts et dettes financières divers » d'un montant de 50 92 € concerne le compte courant de la société Emo SA dans les livres de la société Emo SAS.
Elle fait valoir que les bilans de la société Emo SA, versé aux débats ont été certifiés conforme par la société de commissariat aux comptes.
La clôture de l'instruction est intervenue par ordonnance du 7 juin 2016.
SUR CE,
La cour a estimé que si M. X...n'était pas créancier de la société Emo SA en vertu de l'arrêt rendu le 19 février 2015 puisque cette dernière a été condamnée au titre de factures impayées et sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire au bénéfice de Maître C..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société Du Design dont M. X...était le gérant et non au profit de M. X..., ce dernier avait néanmoins déclaré sa créance au passif de la société débitrice le 4 mars 2015 à hauteur de la somme de 442 000 euros sur le fondement de l'instance diligentée par lui à l'encontre des sociétés Emo et Sib devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon ; le président du tribunal de grande instance ayant autorisé M. X...à faire procéder à des saisies contrefaçon dans la boutique Set in Black rue des Blancs Manteaux à Paris et sur le salon Who's nest, Porte de Versailles à Paris ; que par ailleurs, la balance des comptes de la société Emo de l'exercice 2014-2015 mentionnait au 23 février 2015 (veille du jugement d'ouverture de la sauvegarde), au titre du passif exigible, une dette intitulée « débiteur divers : Plassier » pour un montant de 262 317, 94 € de sorte que M. X...avait bien la qualité de créancier ayant intérêt à former tierce-opposition dans la mesure où le jugement de sauvegarde était susceptible de porter atteinte à ses droits, précisant que si l'intérêt de l'opposant devait être actuel, il n'était pas nécessaire que le préjudice qui le fonde soit déjà réalisé.
Si, comme le soutient la société Emo, tribunal de grande instance de Paris (jugement du 12 février 2016) a, par jugement définitif, débouté Monsieur X...de ses demandes indemnitaires fondées sur sa revendication de droits d'auteur sur le concept Set In Black au motif que ses créations n'étaient pas protégeables au titre du droit d'auteur de sorte que la cour ne saurait lui reconnaître la qualité de créancier autorisé à contester la procédure de sauvegarde en se fondant sur le moyen propre d'un préjudice tiré de « l'exploitation du projet Set in Black postérieurement à la date de résiliation du contrat » et de « la rémunération due au titre de ses œuvres ", ce même jugement a déclaré valable les opérations de saisie contrefaçon du 7 septembre 2010, dit que les société Emo et SIB avaient commis des actes de contrefaçon de la marque communautaire " La Sirène " par reproduction et de la marque communautaire " Stéphane X..." par imitation, au préjudice de leur titulaire Monsieur Stéphane X...et a condamné ces dernières à payer à M X...la somme de 100 000 euros à tire de dommages et intérêts, confirmant ainsi sa qualité de créancier.
En tout état de cause, M. X...ayant été le gérant et l'associé unique de la société Du Design, avait vocation à percevoir une rémunération de cette dernière, seule bénéficiaire directe de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 février 2015.
La cour a, aux termes de son arrêt avant dire droit, indiqué qu'il restait à déterminer si la procédure de sauvegarde avait été ouverte en fraude des droits de M. X...et notamment si la demande d'ouverture de la procédure collective le 23 février 2015, l'avait été dans le seul but d'échapper à la condamnation prononcée par la cour d'appel de Paris le 19 février 2015, soit quelques jours avant le dépôt de la requête en ouverture de la procédure de sauvegarde.
S'il incombe au tiers opposant de rapporter la preuve de la fraude alléguée, il incombe à la société débitrice qui sollicite l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, d'exposer la nature des difficultés qu'elle rencontre et les raisons pour lesquelles elle n'est pas en mesure de les surmonter ; les conditions d'ouverture de la procédure de sauvegarde devant être appréciées par la cour au jour où il a été procédé à cette ouverture par le tribunal, soit au 24 février 2015.
La société Emo a invoqué, au soutien de sa demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, que le paiement des condamnations prononcées par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 15 février 2015 n'aurait pas permis le paiement de l'échéance trimestrielle de crédit-bail à hauteur de 43 731, 44 euros HT.
Or, il résulte de pièces produites par la société Emo en suite de l'arrêt avant dire droit que le montant annuel des sous-locations consenties s'est élevé, pour l'exercice 2013-2014, à la somme de 214 436, 00 € HT et celui pour l'exercice 2014-2015 à celle de 214 584, 00 € HT alors que le montant annuel des redevances du crédit bail immobilier s'est élevé à la somme de 175 925, 76 euros HTce qui induit un différentiel positif de 38 658, 24 euros HT.
La société Emo n'établit pas que le montant des condamnations prononcées à son encontre et alors même que sa locataire la société Aube Tricotage, n'avait pas payé son loyer ni, comme elle le soutient, que la provision pour dépréciation qu'elle a dû passer en conséquence et qui n'a aucun effet sur la trésorerie, l'aurait mise dans l'impossibilité d'honorer l'échéance trimestrielle du contrat de crédit bail immobilier.
Elle ne prouve pas la preuve que sa situation de trésorerie au jour de l'ouverture de la procédure, ne lui permettait pas de prévoir le paiement des sommes dues, ou en qu'un tel paiement l'aurait mise dans des difficultés impossibles à surmonter, c'est-à-dire des difficultés qui la conduiraient inévitablement à l'état de cessation de paiements.
Les comptes de résultat de la SA Emo au 31 décembre 2014 ne permettent pas d'établir que la procédure de sauvegarde sollicitée serait de nature à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif et alors que la situation fragilisée évoquée n'est pas une condition suffisante à l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
Elle ne produit pas l'état des créances déclarées de sorte qu'il est impossible de déterminer à quelles créances correspond le passif échu.
La société Emo ne saurait utilement invoquer sa situation au 31 octobre 2015, date postérieure à l'ouverture de la procédure de sauvegarde par le tribunal de commerce ni la situation comptable et financière de ses filiales puisqu'ainsi qu'elle le soutient dans ses écritures, seule la situation de l'entreprise demanderesse doit être prise en considération indépendamment des ses associés et/ ou filiales.
Le tribunal de commerce a, en outre, aux termes de son jugement du16 février 2016 rejetant le plan de sauvegarde mentionné que le résultat de la consultation des créanciers aura été favorisé par l'absence, dans le plan, d'éléments prévisionnels ainsi que de comptes relatifs à la période d'observation conduisant les créanciers à se prononcer à l'aveugle sans information sur la situation réelle de la société. Il convient de souligner que le projet de plan de sauvegarde prévoit le remboursement de la créance bancaire au titre de l'emprunt souscrit auprès de la BPLC selon l'échéancier initial de sorte que la créance sera remboursée à l'issue de l'année 2017-2018 alors que les autres créanciers devront patienter 11 années, introduisant un traitement différencié entre les créanciers sans qu'aucune justification ne soit apportée.
Enfin, le courrier adressé par l'huissier chargé de l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Paris au conseil de M. X...le 21 octobre 2013 aux termes duquel il rapporte les propos du directeur financier du groupe EMO qui lui a indiqué « faire en sorte que la trésorerie de la société Emo SA disparaisse pour échapper aux saisies » ainsi que le courrier adressé par Maître C..., mandataire liquidateur judiciaire de la SARL Du Design le 17 mai 2016 à Maître Y..., mandataire judiciaire de la société EMO aux termes duquel il estimait que la société Emo s'est placée sous la protection du tribunal de commerce de Troyes principalement pour ne pas exécuter la condamnation à indemniser la liquidation judiciaire de la société Du Design et des créanciers qu'il représente, viennent conforter qu'en réalité, la société EMO a instrumentalisé la procédure de sauvegarde dans le but d'échapper au paiement des condamnations prononcées par la cour d'appel.
Aussi, M. X...est-il recevable en sa tierce opposition.
Si l'article 582 du code de procédure civile dispose que la tierce opposition n'a pour objet que de remettre en question relativement à son auteur les points jugés qu'il critique, les décisions différentes sur l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ne sont pas conciliables et l'indivisibilité qui en résulte fait que l'arrêt rendu doit avoir un effet erga omnes. Il est précisé que la rétractation du jugement d'ouverture de la sauvegarde emportant de facto l'anéantissement de toutes les décisions qui en seraient la suite.
Ainsi, le jugement rendu par le tribunal de commerce de Troyes le 2 juin 2015 ayant débouté M. X...de son opposition sera infirmé en toutes ses dispositions et le jugement rendu par ce même tribunal le 2 juin 2015 sera rétracté.
Sur la demande de dommages et intérêts de la société EMO pour procédure abusive
Celle-ci, succombant en ses demandes sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts de M. X...
Le comportement de la société Emo a nécessairement entraîné pour M. X...un préjudice moral dont il est bien fondé à solliciter la réparation à hauteur de la somme de 3 000 euros.
La société Emo qui succombe en ses demandes sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure. Elle sera condamnée à payer à M. X..., sur ce même fondement, la somme de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Vu les articles 583 du code de procédure civile et L 610, 1 et L 661-2 du code de commerce,
INFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Troyes le 2 juin 2015 en toutes ses dispositions ;
statuant à nouveau,
DÉCLARE Monsieur Stéphane X...recevable en sa tierce opposition ;
RETRACTE le jugement rendu par le tribunal de commerce de Troyes le 24 février 2015 ayant ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la SA Emo ;
DIT n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard de la société EMO ;
RAPPELLE que la rétraction du jugement entraîne l'anéantissement des décisions judiciaires ultérieures ;
CONDAMNE la société Emo aux dépens de première instance ;
Y ajoutant,
DEBOUTE la société Emo de sa demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE la société Emo à payer à Monsieur Stéphane X...la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
CONDAMNE la société Emo aux dépens avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la société Emo de sa demande d'indemnité de procédure ;
CONDAMNE la société Emo à payer à Monsieur Stéphane X...la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de reims
Formation : Chambre civile- 1o section
Numéro d'arrêt : 15/01141
Date de la décision : 24/08/2016
Sens de l'arrêt : Autres décisions constatant le dessaisissement en mettant fin à l'instance et à l'action
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.reims;arret;2016-08-24;15.01141 ?
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