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27/04/2009 | FRANCE | N°08/00965

France | France, Cour d'appel de reims, Chambre civile-1o section, 27 avril 2009, 08/00965


ARRET No du 27 avril 2009
R.G : 08/00965

S.A.S. SUPERMARCHES MATCH

c/
LA FEDERATION DEPARTEMENTALE DE LA BOULANGERIE ET BOULANGERIE PATISSERIE DE LA MARNE

YM

Formule exécutoire le :à :COUR D'APPEL DE REIMSCHAMBRE CIVILE-1o SECTIONARRET DU 27 AVRIL 2009
APPELANTE :d'un jugement rendu le 19 Mars 2008 par le Tribunal de Grande Instance de CHALONS-EN-CHAMPAGNE,
S.A.S. SUPERMARCHES MATCH250 rue du Général de Gaulle59110 LA MADELEINE
COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT - JACQUEMET - CAULIER-RICHARD avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SC

P FLICHY et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
INTIMEE :
LA FEDERATION DEPARTEMENTALE DE ...

ARRET No du 27 avril 2009
R.G : 08/00965

S.A.S. SUPERMARCHES MATCH

c/
LA FEDERATION DEPARTEMENTALE DE LA BOULANGERIE ET BOULANGERIE PATISSERIE DE LA MARNE

YM

Formule exécutoire le :à :COUR D'APPEL DE REIMSCHAMBRE CIVILE-1o SECTIONARRET DU 27 AVRIL 2009
APPELANTE :d'un jugement rendu le 19 Mars 2008 par le Tribunal de Grande Instance de CHALONS-EN-CHAMPAGNE,
S.A.S. SUPERMARCHES MATCH250 rue du Général de Gaulle59110 LA MADELEINE
COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT - JACQUEMET - CAULIER-RICHARD avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SCP FLICHY et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
INTIMEE :
LA FEDERATION DEPARTEMENTALE DE LA BOULANGERIE ET BOULANGERIE PATISSERIE DE LA MARNEMaison de la Boulangerie2 rue Chanzy - BP 8951007 CHALONS EN CHAMPAGNE
Comparant, concluant par la SCP SIX - GUILLAUME - SIX, avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SELARL PELLETIER FREYHUBER, avocats au barreau de REIMS.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur MAUNAND, Président de Chambre, entendu en son rapportMadame SOUCIET, ConseillerMadame HUSSENET, Conseiller
GREFFIER :
Madame Francine COLLARD, adjoint administratif, faisant fonction de Greffier lors des débats et Madame Maryline THOMAS, Greffier lors du prononcé,
DEBATS :
A l'audience publique du 23 Mars 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 Avril 2009,
ARRET :
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 Avril 2009 et signé par Monsieur Yves MAUNAND, Président de Chambre, et Madame THOMAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

La S.A.S. Supermarchés Match exploite depuis le début de l'année 2005 un établissement place de Verdun à Châlons-en-Champagne (51) dans lequel elle procédait notamment à la vente de pain tous les jours de la semaine.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 mars 2005, la Fédération départementale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie de la Marne a fait injonction à la S.A.S. Supermarchés Match de se conformer à l'arrêté préfectoral du 7 novembre 2001 réglementant la vente du pain dans le département et la fermeture hebdomadaire et de lui communiquer le jour de la semaine qu'elle avait retenu pour cette fermeture.
Se prévalant du fait que la S.A.S. Supermarchés Match, qui s'était conformée dans un premier temps aux prescriptions de l'arrêté en 2005, avait repris la vente du pain le dimanche à compter de 2006 et de l'insuccès des démarches amiables entreprises auprès d'elle, la Fédération départementale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie de la Marne l'a fait assigner le 24 juillet 2006 devant le Tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne afin de voir mettre un terme à la voie de fait que constitue la vente de pain tous les jours de la semaine en violation des dispositions de l'arrêté préfectoral du 7 novembre 2001.
La défenderesse a sollicité du tribunal la saisine du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une question préjudicielle sur la légalité de l'arrêté du 7 novembre 2001.
La Fédération départementale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie de la Marne ne s'est pas opposée à la demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision qui devait être rendue par la juridiction administrative saisie de la régularité de cet arrêté.
*
Le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne avait en effet été saisi le 16 juin 2003 par la Sarl La Champaline d'une requête tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 7 novembre 2001. Il a rendu une décision constatant son dessaisissement le 1er mars 2007 à la suite du désistement de la requérante.
*
Par jugement du 19 mars 2008, le Tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne a :
- dit que la S.A.S. Supermarchés Match ne soulevait aucune contestation sérieuse de la légalité de l'arrêté préfectoral du 7 novembre 2001 ;
- rejeté la demande de sursis à statuer ;
- enjoint à la S.A.S. Supermarchés Match de respecter les dispositions de l'arrêté préfectoral du 7 novembre 2001 ;
- ordonné la fermeture hebdomadaire du point de vente de pain exploité en son établissement place de Verdun à Châlons-en-Champagne dans le délai de quinze jours à compter de la signification du jugement sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée passé ce délai ;
- ordonné à la S.A.S. Supermarchés Match dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement d'afficher le jour de fermeture de son point de vente de pain en son établissement situé place de Verdun à Châlons-en-Champagne, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;
- ordonné la communication dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à l'inspection du travail du jour de fermeture choisi ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- débouté la S.A.S. Supermarchés Match de toutes ses demandes ;
- condamné la S.A.S. Supermarchés Match au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La S.A.S. Supermarchés Match a relevé appel de ce jugement le 22 avril 2008.
Par dernières conclusions notifiées le 21 août 2008, la S.A.S. Supermarchés Match poursuit l'infirmation du jugement déféré et demande à la Cour de :
- in limine litis, saisir la juridiction administrative d'une question préjudicielle sur la légalité de l'arrêté du 7 novembre 2001 et surseoir à statuer jusqu'à ce qu'il y soit répondu ;
- à titre subsidiaire, enjoindre à la Fédération départementale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie de la Marne de produire les statuts de l'ensemble des organismes professionnels signataires de l'accord du 9 octobre 2001 et juger que l'arrêté du 7 novembre 2001 ne lui est pas opposable ;
- débouter en conséquence la Fédération départementale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie de la Marne de l'intégralité de ses demandes ;
- en toute hypothèse, la débouter de sa demande d'indemnité de procédure et de condamnation aux dépens et la condamner au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions notifiées le 23 janvier 2009, la Fédération départementale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie de la Marne poursuit la confirmation du jugement entrepris, le débouté des prétentions de la S.A.S. Supermarchés Match et sa condamnation au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
SUR CE, LA COUR,
Attendu qu'à l'appui de sa demande de renvoi préjudiciel, la S.A.S. Supermarchés Match soulève une exception d'illégalité de l'arrêté préfectoral du 7 novembre 2001 ;
Que, comme l'ont justement rappelé les premiers juges, si le principe de la séparation des pouvoirs des autorités administratives et judiciaires interdit au juge civil de se prononcer sur la légalité d'un acte administratif, il lui appartient, lorsque la légalité de cet acte est contestée, de se prononcer sur le caractère sérieux de la question préjudicielle ; que c'est seulement dans l'affirmative qu'il y a lieu de renvoyer au juge administratif l'appréciation de la légalité de l'acte querellé ;
Attendu que l'arrêté préfectoral du 7 novembre 2001 a été pris, au visa du chapitre 1er du titre II du livre II du code du travail - alors en vigueur - relatif au repos hebdomadaire, notamment l'article L. 221-17, à la suite d'un accord intervenu le 9 octobre 2001 entre, d'une part, l'union départementale CGT-FO et l'union départementale CFE-CGC et, d'autre part, le Conseil national des professions de l'automobile, la Fédération départementale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie de la Marne, le Syndicat de la pâtisserie, l'Union départementale des chambres syndicales de l'alimentation de la Marne et la Confédération générale de l'alimentation de détail de la Marne ;
Que cet arrêté, qui abrogeait l'arrêté préfectoral du 20 mars 1996 relatif à la fermeture au public des boulangeries, disposait que dans l'ensemble des communes du département de la Marne, tous les établissements, parties d'établissements, dépôts, fabricants artisanaux ou industriels, fixes ou ambulants, dans lesquels s'effectue à titre principal ou accessoire la vente au détail ou la distribution de pain, emballé ou non, tels que notamment les boulangeries, les boulangeries-pâtisseries, les coopératives de boulangerie, les boulangeries industrielles, les terminaux de cuisson, quelle que soit leur appellation (points chauds, viennoiseries...), les dépôts de pain (sous quelque forme que ce soit, y compris les stations services), les rayons de vente de pain, seront fermés au public un jour par semaine au choix des intéressés ;
Que l'arrêté précisait que cette fermeture devait s'entendre par journée complète de vingt-quatre heures consécutives, de 0 à 24 heures, et que l'exploitant devait, d'une part, dans un délai de trente jours de l'arrêté ou de la création d'un point de vente de pain, informer le maire de la commune du jour de fermeture choisi, lequel en avisera le préfet, et, d'autre part, apposer sur le point de vente, à un endroit apparent et visible de l'extérieur, la mention du jour de fermeture ;
Qu'il était également indiqué que l'arrêté ne s'appliquait pas durant la période des vendanges pour les communes viticoles et durant la période dite de la "trêve des confiseurs" du 18 décembre au 2 janvier ; qu'au cours de ces périodes de suspension, les droits légaux et conventionnels des salariés en matière de repos hebdomadaire devaient être en tout état de cause strictement respectés ;
Attendu que la S.A.S. Supermarchés Match soulève à l'encontre de l'arrêté du 7 novembre 2001 quatre chefs d'illégalité qu'il convient d'examiner afin de rechercher s'ils présentent un caractère sérieux pouvant justifier le renvoi préjudiciel ;
Attendu que la S.A.S. Supermarchés Match soutient, tout d'abord, que l'accord du 9 octobre 2001 sur la base duquel a été pris l'arrêté du 7 novembre 2001 ne détermine pas les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés ;
Que l'article L. 221-17 du code du travail, dans sa rédaction applicable, dispose que lorsqu'un accord est intervenu entre les syndicats d'employeurs et les travailleurs d'une profession et d'une région déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné au personnel suivant un des modes prévus par les articles précédents, le préfet du département peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la région pendant toute la durée de ce repos ;
Que la S.A.S. Supermarchés Match fait observer que cette disposition vise de toute évidence l'article L. 221-5 qui dispose que le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche et l'article L. 221-6 qui prévoit les exceptions au principe précédent lorsque le repos dominical simultané de tout le personnel d'un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de l'établissement ; que, dans ce cas, le repos peut être donné, soit toute l'année, soit à certaines périodes de l'année, un autre jour que le dimanche à tout le personnel de l'établissement, ou du dimanche midi au lundi midi, ou le dimanche après-midi avec un repos compensateur par roulement et par quinzaine ou par roulement de tout ou partie du personnel ;
Que l'appelante estime que les accords collectifs visés à l'article L. 221-17 du code du travail doivent opter pour l'un de ces modes d'organisation du repos hebdomadaire et fait observer que l'accord du 9 octobre 2001 ne répond pas à cette exigence alors qu'il renvoie au préfet le soin de prescrire un jour de fermeture obligatoire ;
Qu'elle conclut à l'illégalité de l'arrêté du 7 novembre 2001 au motif qu'il repose sur un accord ne déterminant pas les conditions dans lesquelles sera donné le repos hebdomadaire suivant un des modes prévus par les articles précédant l'article L. 221-17 du code du travail ;
Mais attendu que les signataires de l'accord du 9 octobre 2001, après avoir rappelé que le code du travail avait rendu obligatoire pour les salariés un jour de repos hebdomadaire et prévu à son article L. 221-17 qu'un accord paritaire servait de base à la mise en place dans le département d'un arrêté de fermeture pour permettre aux entreprises dans le cadre d'une concurrence loyale de bénéficier d'un jour de repos par semaine, demandaient au préfet de la Marne de prendre un arrêté de fermeture hebdomadaire de tous les points de vente de pain du département ;
Que l'article L. 221-17 du code du travail n'impose pas aux signataires de l'accord collectif relatif aux conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné au personnel d'opter pour un des modes d'organisation de ce repos dès lors que cet accord ne saurait régler la situation de tous les établissements qu'il concerne et qui, pour certains d'entre eux, relèvent du régime dérogatoire au repos dominical prévu par l'article L. 221-6 du code du travail alors applicable ; qu'il s'ensuit que l'accord du 9 octobre 2001, qui demande au préfet de prendre un arrêté de fermeture hebdomadaire de tous les points de vente de pain du département et qui permet à chaque établissement concerné de faire le choix du jour de fermeture hebdomadaire, répond aux exigences posées par l'article L. 221-17 du code du travail ;
Que, dès lors, la circonstance selon laquelle l'accord sur la base duquel a été pris l'arrêté préfectoral ne détermine pas précisément les conditions dans lesquelles sera donné le repos hebdomadaire suivant un des modes prévus par les articles précédant l'article L. 221-17 du code du travail ne saurait constituer un moyen sérieux d'illégalité de l'arrêté préfectoral pris pour son application ;
Attendu que la S.A.S. Supermarchés Match soutient, par ailleurs, que l'accord du 9 octobre 2001 ne peut régir les commerces multiples de denrées alimentaires ; qu'elle fait valoir, à cette fin, que les compétences de l'Union départementale des chambres syndicales de l'alimentation de la Marne et de la Confédération générale de l'alimentation de détail de la Marne ne leur permettaient pas de conclure un accord du type de celui du 9 octobre 2001 ;
Qu'elle expose, tout d'abord, que la Confédération générale de l'alimentation de détail de la Marne n'a pas compétence dans les relations avec les organisations syndicales de salariés et qu'il est peu probable qu'elle puisse signer des conventions et accords collectifs dans les termes exigés par l'article L. 132-3 du code du travail alors qu'elle regroupe des fédérations de branches professionnelles qui disposent seules du pouvoir de représenter les professions telles qu'elles sont définies à l'article L. 132-5 ; que l'appelante fait observer que la confédération se qualifie de syndicat interprofessionnel du secteur de l'artisanat et du commerce indépendant de l'alimentation, ce qui exclut les magasins à commerces multiples ; que la S.A.S. Supermarchés Match soutient qu'il n'est pas indiqué dans les statuts de l'Union départementale des chambres syndicales de l'alimentation de la Marne qu'elle aurait une compétence dans les relations avec les organisations syndicales de salariés alors qu'elle n'est pas signataire de la convention collective de la boulangerie, qu'elle n'est pas un syndicat dès lors qu'elle regroupe diverses branches du commerce et qu'elle ne représente pas les commerces multiples à prédominance alimentaire ;
Attendu que la S.A.S. Supermarchés Match fait également valoir que, selon les termes mêmes de l'article L. 221-17 du code du travail, la seule profession pour laquelle l'arrêté d'interdiction doit produire ses effets est celle dans laquelle s'appliquent les modalités du repos hebdomadaire propre à cette profession ; qu'elle expose que l'arrêté prévoit la fermeture au public "un jour par semaine au choix des intéressés", la fermeture devant s'entendre par journée complète de 24 heures consécutives (de 0 heure à 24 heures), mais qu'il ne s'agit pas de la modalité du repos hebdomadaire du personnel des commerces multiples de denrées alimentaires qui relèvent des dispositions de l'article L. 221-16 du code du travail prévoyant un repos à compter du dimanche à partir de midi avec un repos compensateur accordé par roulement conformément à la convention collective nationale du 12 juillet 2001 du commerce de gros et de détail à prédominance alimentaire ; qu'elle en conclut que les commerces multiples sont des professions distinctes des commerces spécialisés pour l'application de l'article L. 221-17 du code du travail ;
Mais attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats, notamment du mémoire en défense rédigé par le préfet de la Marne dans le cadre du recours exercé par la Sarl La Champaline contre l'arrêté du 7 novembre 2001 et des productions jointes à ce mémoire, que la signature de l'acte administratif litigieux avait été précédée d'une large concertation avec les professionnels concernés en vue d'aboutir à la négociation d'un accord relatif au repos hebdomadaire dans le secteur de la boulangerie ; qu'avaient notamment été conviés à la réunion à l'issue de laquelle a été signé l'accord du 9 octobre 2001, outre les parties signataires, le Groupement indépendant des terminaux de boulangerie, la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution et le Syndicat de l'épicerie française et de l'alimentation générale ;
Que la fédération intimée est bien fondée à soutenir que l'accord collectif du 9 octobre 2001 sur la base duquel a été pris l'arrêté du 7 novembre 2001 exprimait la volonté de la majorité des professionnels concernés par la vente de pain à titre principal ou accessoire alors qu'elle représente à elle seule trois cent cinquante points de vente de pain dans le département de la Marne ; que cet accord a, de surcroît, été pris à l'issue d'une consultation à laquelle a été notamment conviée la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution, syndicat représentatif des magasins à commerces multiples ;
Qu'il s'ensuit que l'arrêté préfectoral pris sur le fondement de l'article L. 221-17 du code du travail, après accord entre les syndicats d'employeurs et de travailleurs d'une profession et d'une région déterminées représentant la majorité des professionnels concernés, s'applique à tous les établissements de la profession pratiquant les activités qu'il vise expressément et au rang desquelles figure la vente de pain, peu important qu'ils aient ou non adhéré à cet accord ;
Qu'en outre, exercent la même profession, au sens de ce texte, les établissements dans lesquels s'effectuent, à titre principal ou accessoire, la vente au détail ou la distribution de pain quel que soit le mode artisanal ou industriel de sa fabrication ;
Attendu, enfin, que les dispositions, notamment de l'article L. 221-9 du code du travail, donnant le droit aux entreprises qui exercent une des activités qu'il énumère de donner le repos hebdomadaire par roulement ne fait pas obstacle aux dispositions de l'article L. 221-17 applicable à tous les modes de repos hebdomadaire ;
Que, par ailleurs, l'arrêté préfectoral pris en application de l'article L. 221-17 du code du travail, après qu'un accord est intervenu entre les syndicats d'employeurs et de travailleurs d'une profession et d'une région déterminée, s'applique à tout établissement relevant de la profession et de la région, peu important que l'établissement concerné se prévale de l'application d'une autre période de repos définie en vertu de l'article L. 221-16 du même code ou d'une convention collective ;
Qu'il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen d'illégalité de l'arrêté préfectoral du 7 novembre 2001 n'est pas sérieux ;
Qu'en outre, pour les raisons développées ci-dessus les demandes formées à titre subsidiaire par l'appelante tendant à lui voir déclarer cet arrêté inopposable et à voir ordonner une mesure d'instruction portant sur la production des statuts de l'ensemble des organismes professionnels signataires de l'accord du 9 octobre 2001 doivent être rejetées ;
Attendu que la S.A.S. Supermarchés Match soutient que l'arrêté du 7 novembre 2001 est affecté d'un vice identique à celui du 20 mars 1996, qu'il abroge et remplace, alors que la Cour d'appel de Reims avait, dans un arrêt du 4 avril 2001, confirmé une ordonnance de référé ayant estimé très contestable l'opposabilité à la grande distribution et aux magasins à commerces multiples de l'arrêté du 20 mars 1996 ;
Que l'appelante expose que l'arrêté du 20 mars 1996, qui tendait, dans les mêmes termes que l'arrêté du 7 novembre 2001, à la fermeture des rayons de pain dans le département de la Marne, avait été pris sur la base d'un accord intervenu le 23 avril 1969 entre le Syndicat départemental de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie de la Marne et le Syndicat FO des ouvriers boulangers de la Marne ; que, sur la base de l'arrêté du 20 mars 1996, le Syndicat départemental de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie de la Marne avait saisi le juge des référés du Tribunal de commerce de Reims d'une demande dirigée contre un supermarché et tendant à la fermeture du rayon de pain ; que, par arrêt du 4 avril 2001, la Cour d'appel de Reims a confirmé l'ordonnance de référé ayant rejeté les prétentions du syndicat professionnel ;
Que la S.A.S. Supermarchés Match fait observer que l'arrêté du 7 novembre 2001 s'est substitué à celui du 20 mars 1996 sans que les données aient été modifiées alors que les secteurs d'activité sont les mêmes, à savoir tous les établissements dans lesquels s'effectue à titre principal ou accessoire la vente au détail ou la distribution de pain, et que la seule différence réside dans l'identité des signataires employeurs de l'accord du 9 octobre 2001, celui du 23 avril 1969 n'ayant été signé que par le Syndicat départemental de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie de la Marne ; que l'appelante estime que la situation juridique est cependant la même car les nouvelles organisations signataires n'ont aucun pouvoir de représentation des magasins à commerces multiples et d'alimentation générale à prédominance alimentaire ;
Mais attendu que ce troisième moyen ne peut pas plus prospérer que les deux précédents dès lors que la situation juridique dont a eu à connaître la cour d'appel dans son arrêt de référé du 4 avril 2001, qui n'a au demeurant aucune autorité au principal, est différente de celle qui lui est soumise dans le cadre de la présente instance ; qu'en effet, il ressort des énonciations de l'arrêt du 4 avril 2001 que l'arrêté préfectoral du 20 mars 1996 n'avait "été précédé d'aucun accord préalable entre les organisations syndicales représentatives qui soit postérieur au précédent arrêté abrogé du 23 mai 1969 dont il modifie pourtant substantiellement l'économie" ;
Attendu, enfin, que la S.A.S. Supermarchés Match se prévaut de l'impossibilité de prendre un arrêté de fermeture concernant seulement des parties d'établissements alors que la loi ne prévoit que la fermeture des établissements et non des parties d'établissements ;
Que ce moyen ne peut cependant pas prospérer dès lors que, lorsqu'il existe au sein d'un même magasin plusieurs commerces, chacun doit être fermé le jour prévu par l'arrêté qui le réglemente ; que l'arrêté du 7 novembre 2001 vise expressément tous les établissements, parties d'établissements, dépôts, fabricants artisanaux ou industriels, fixes ou ambulants, dans lesquels s'effectue à titre principal ou accessoire la vente au détail ou la distribution de pain, emballé ou non, tels que notamment les boulangeries, les boulangeries-pâtisseries, les coopératives de boulangerie, les boulangeries industrielles, les terminaux de cuisson, quelle que soit leur appellation (points chauds, viennoiseries...), les dépôts de pain (sous quelque forme que ce soit, y compris les stations services), les rayons de vente de pain ;
Que le fait que l'article L. 221-7 du code du travail, alors applicable, n'assimile pas une fraction d'établissement à un établissement pour l'extension d'une autorisation donnée en vertu de l'article L. 221-6 aux établissements de la même localité faisant le même genre d'affaires, s'adressant à la même clientèle et compris dans la même classe de patente est sans incidence sur l'application de l'article L. 221-17 du code du travail à une partie d'établissement dont l'activité relève d'un arrêté préfectoral de fermeture ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de tout moyen sérieux invoqué par la S.A.S. Supermarchés Match à l'encontre de la légalité de l'arrêté préfectoral du 7 novembre 2001, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de renvoi préjudiciel et fait droit aux prétentions de la fédération intimée ;
Que pour les raisons développées ci-dessus, les demandes subsidiaires formées par la S.A.S. Supermarchés Match ne peuvent pas prospérer ;
Attendu que, succombant dans ses prétentions devant la Cour, la S.A.S. Supermarchés Match sera condamnée aux dépens d'appel ; qu'elle ne peut donc pas prétendre à l'indemnité qu'elle sollicite au titre de ses frais de procédure non compris dans les dépens ;
Que l'équité commande sa condamnation au paiement de la somme supplémentaire de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Déboute la S.A.S. Supermarchés Match de l'ensemble de ses prétentions ;
Condamne la S.A.S. Supermarchés Match à payer à la Fédération départementale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie de la Marne la somme supplémentaire de 3.000 euros (trois mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande d'indemnité de procédure formée par la S.A.S. Supermarchés Match et la condamne aux dépens d'appel ; admet la SCP Six Guillaume Six, avoués, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de reims
Formation : Chambre civile-1o section
Numéro d'arrêt : 08/00965
Date de la décision : 27/04/2009
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Acte administratif - Appréciation de la légalité, de la régularité ou de la validité - Question préjudicielle -

Malgré le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, le juge civil est compétent pour examiner le caractère sérieux des reproches faits à un acte administratif afin de se prononcer sur une demande de question préjudicielle. Dès lors, le fait que l'arrêté prévoit la fermeture de parties d'établissements, notamment les rayons de vente de pain dans les supermarchés, ne le rend pas illégal, dés lors que le rayon peut être assimilé à un commerce pouvant fermer dans les conditions prévues par la réglementation applicable et que rien dans le Code du travail ne s'oppose à la fermeture de parties d'établissements selon arrêté préfectoral


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne, 19 mars 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.reims;arret;2009-04-27;08.00965 ?
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