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13/10/2008 | FRANCE | N°07/02312

France | France, Cour d'appel de Reims, 13 octobre 2008, 07/02312


ARRET No

du 13 octobre 2008



R.G : 07/02312





S.C.I. PLACEMENT ET PATRIMOINE

ROSEN





c/



CRCAM DE CHAMPAGNE BOURGOGNE













































CHS





Formule exécutoire le :

à :COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1o SECTION

ARRET DU 13 OCTOBRE 2008









APPELANTES :

d'

un jugement rendu le 20 Juillet 2007 par le Tribunal de Grande Instance de TROYES,



LA S.C.I. PLACEMENT ET PATRIMOINE

...


10150 CHARMONT SOUS BARBUISE

Madame Iris X... épouse Y...


...


10150 CHARMONT SOUS BARBUISE



COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT - JACQUEMET - CAULIER-RICHARD avoués à la Cour, et ayant pour...

ARRET No

du 13 octobre 2008

R.G : 07/02312

S.C.I. PLACEMENT ET PATRIMOINE

ROSEN

c/

CRCAM DE CHAMPAGNE BOURGOGNE

CHS

Formule exécutoire le :

à :COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1o SECTION

ARRET DU 13 OCTOBRE 2008

APPELANTES :

d'un jugement rendu le 20 Juillet 2007 par le Tribunal de Grande Instance de TROYES,

LA S.C.I. PLACEMENT ET PATRIMOINE

...

10150 CHARMONT SOUS BARBUISE

Madame Iris X... épouse Y...

...

10150 CHARMONT SOUS BARBUISE

COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT - JACQUEMET - CAULIER-RICHARD avoués à la Cour, et ayant pour conseil Me Joseph Z..., avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL -CRCAM- DE CHAMPAGNE BOURGOGNE

...

10000 TROYES

Comparant, concluant par la SCP SIX - GUILLAUME - SIX, avoués à la Cour, et ayant pour conseil Me Bernard-Claude LEFEBVRE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur MAUNAND, Président de Chambre

Madame SOUCIET, Conseiller, entendue en son rapport

Monsieur MANSION, Conseiller

GREFFIER :

Madame Maryline THOMAS, Greffier lors des débats et du prononcé.

DEBATS :

A l'audience publique du 16 Septembre 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Octobre 2008,

ARRET :

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 Octobre 2008 et signé par Monsieur Yves MAUNAND, Président de Chambre, et Madame THOMAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES ;

Madame Iris Y... née X... est intervenue en qualité de caution personnelle et solidaire :

- à hauteur de 40% des sommes dues par la SCI LES TERRASSES DE REUILLY lors du prêt du 3 mai 1990 consenti par acte notarié par la CRCAM de l'AUBE et qui venait à échéance le 3 novembre 1991,

- à hauteur de 61% des sommes dues par la SCI RESIDENCE LES HORTENSIAS lors du prêt du 27 février 1991 consenti par acte notarié par la CRCAM de l'AUBE et qui venait à échéance le 27 août 1992.

La SCI LES TERRASSES DE REUILLY et la SCI RESIDENCE LES HORTENSIAS n'ont pas respecté leurs engagements contractuels de remboursement des dits prêts.

Le 9 avril 1992 Madame Iris Y... née X..., propriétaire d'un immeuble sis à ... SAINTE MARIE, a apporté les droits afférents à ce bien à la SCI PLACEMENT ET PATRIMOINE en cours de création.

L'acte d'apport comportant les statuts de la SCI a été publié le 10 juin 1992.

La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE, venant aux droits de la CRCAM de l'AUBE et de la HAUTE MARNE, elle même venant aux droits de la CRCAM de l'AUBE, estimant que l'apport avait pour but d'appauvrir la caution en faisant sortir de son patrimoine au profit d'une SCI familiale un bien immobilier d'une valeur importante et avait été fait en fraude de ses droits, a saisi le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TROYES par exploits d'huissier du 1er août 1994 d'une action paulienne à l'encontre de Madame Iris Y... et de la SCI PLACEMENT ET PATRIMOINE aux fins d'obtenir l'inopposabilité à son encontre de l'acte du 9 avril 1992 et la réintégration des biens et droits immobiliers dans le patrimoine originaire.

Madame Iris Y... et la SCI PLACEMENT ET PATRIMOINE ont conclu à l'irrecevabilité de la demande de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE pour défaut de qualité à agir, à la nullité du prêt consenti à la SCI RESIDENCE LES HORTENSIAS et des actes de cautionnement et en conséquence au rejet de l'action paulienne diligentée à leur encontre.

Madame Iris Y..., dans ses dernières écritures de première instance du 1er décembre 2006, a reproché à la CAISSE REGIONALE DECREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE d'avoir manqué à son devoir de loyauté et de bonne foi et à son obligation d'information, fautes ayant entraîné un préjudice dont elle a demandé réparation pour un montant de 4 395 093,20 € avec compensation avec les sommes réclamées à son encontre au titre des engagements de caution.

Par jugement du 20 juillet 2007 le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TROYES a :

- déclaré la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE recevable à agir,

- déclaré valides le contrat de prêt souscrit le 27 février 1991 et les engagements de caution de Madame Iris Y... née X... souscrits en garantie des actes de prêts des 3 mai 1990 et 27 février 1991,

- déclaré inopposable à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE l'acte d'apport en nature en date du 9 avril 1992, publié le 10 juin 1992 volume 1992 no2650 par lequel Madame Iris Y... a transféré au profit de la SCI PLACEMENT ET PATRIMOINE le bien immobilier sis à ... SAINTE MARIE ..., d'une contenance de 1 ha 44 a 95 ca lieudit l'Etang, ordonné la réintégration du dit bien dans le patrimoine de Madame Iris Y... et condamné cette dernière à supporter les frais afférents à la publication de tous les actes rendus nécessaires par la présente procédure,

- déclaré irrecevable la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par Madame Iris Y... et la SCI PLACEMENT ET PATRIMOINE et les a condamnées à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CRCAM DE CHAMPAGNE BOURGOGNE une somme globale de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision et débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Le 19 septembre 2007 Madame Iris Y... née X... et la SCI PLACEMENT ET PATRIMOINE ont interjeté appel du jugement du 20 juillet 2007.

Le 11 octobre 2007 la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CRCAM DE CHAMPAGNE BOURGOGNE a constitué avoué.

En application des dispositions de l'article 455 du nouveau code de procédure civile, résultant de l'article 11 du décret du 28 décembre 1998, il est expressément fait référence pour les appelantes et l'intimée à leurs conclusions signifiées les 8 et 9 septembre 2008 tendant à ce que la Cour :

pour Madame Iris Y... née X... et la SCI PLACEMENT ET PATRIMOINE, appelantes ,

- les déclare recevables et bien fondées en leur appel et infirme le jugement du 20 juillet 2007 en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- déclare le prêt du 27 février 1991 non repris par la SCI RESIDENCE LES HORTENSIAS et les deux cautionnements des 9 mai 1990 et 27 février 1991 nuls et de nul effet et déboute en conséquence la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CRCAM DE CHAMPAGNE BOURGOGNE de toutes ses demandes fins et conclusions plus amples ou contraires, notamment de son action paulienne,

- condamne l'intimée à leur payer une somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens tant de première instance que d'appel,

- subsidiairement, si par impossible les cautionnements étaient déclarés valables, fasse droit à la demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de l'intimée et la condamne à payer à Madame Iris Y... la somme équivalente au montant de ses réclamations et ordonne la compensation.

pour la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE, intimée,

- déclare Madame Iris Y... et la SCI PLACEMENT ET PATRIMOINE mal fondées en leur appel, les en déboute et confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- dise et juge en conséquence inopposable à son encontre l'acte d'apport en nature en date du 9 avril 1992, publié le 10 juin 1992 volume 1992 no 2650 par lequel Madame Iris Y... née X... a transféré au profit de la SCI PLACEMENT ET PATRIMOINE les biens et droits immobiliers sis à ... SAINTE MARIE, ... 1 ha 44 a 95 ca, lieudit l'Etang, cadastré section 152 no47 pour 1 a 23, no48 pour 5 a 07, no52 pour 17 a 35, no53 pour 6 a 39, no54 pour 30 a 81, no55 pour 16 a 92, no834 pour 0 a 09, no 862 pour 22 a 41, no863 pour 1 a 27, no866 pour 1 a 73, no870 pour 17 a 07, no872 pour 24 a 61,

- réintègre par conséquent les dits biens et droits immobiliers dans le patrimoine de Madame Iris Y... avec toutes ses conséquences de droit et condamne cette dernière à supporter les frais afférents à la publication de tous les actes rendus nécessaires par l'introduction de la présente procédure et par ses suites,

y ajoutant,

- condamne solidairement les appelantes à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel.

Le 16 septembre 2008, l'ordonnance de clôture est intervenue, les plaidoiries entendues et le délibéré fixé au 13 octobre 2008.

Sur ce ;

Sur la demande en nullité de l'acte de cautionnement du 3 mai 1990

Attendu qu'aux termes de l'article 1326 du code civil, l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention écrite par lui-même de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ;

Qu'en l'espèce, le mandat de se porter caution donné le 3 mai 1990 par Madame Iris Y... à Monsieur Joseph Y..., annexé à l'acte de prêt du même jour consenti à la SCI LES TERRASSES DE REUILLY, ne comporte pas la mention manuscrite, en toutes lettres et en chiffres, de la somme pour laquelle l'intéressée souscrivait son engagement ;

Que cet acte ne peut donc valoir que comme commencement de preuve par écrit ;

Attendu que le considérant de l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 17 mars 1998 auquel se réfèrent les appelantes dans leurs écritures, de façon tronquée, est ainsi libellé en son intégralité :

"mais considérant que Messieurs B... et C... n'étaient pas les gérants de ces sociétés ; que les éléments extrinsèques dont se prévaut la C.R.C.A.M .DE L'AUBE ET DE LA HAUTE MARNE ne suffisent pas à démontrer qu'ils avaient une exacte connaissance de l'étendue et de la portée de leurs engagements lorsqu'ils ont signé les mandats de se porter caution, que leurs engagements de caution ne sont donc pas valables" ;

Attendu que Madame Arlette D... épouse Y..., dont l'engagement de caution a été annulé par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TROYES, ainsi que le mentionnent les appelantes dans leurs écritures, n'était pas non plus gérante de la SCI LES TERRASSES DE REUILLY ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats, et comme l'ont constaté les premiers juges, que Madame Iris Y... était au moment de la conclusion du prêt non seulement gérante de la SCI LES TERRASSES DE REUILLY mais également associée de la

Société D'INVESTISSEMENT et PARTICIPATION, société elle-même associée de la SARL PARISIENNE DE PROMOTION IMMOBILIERE dont elle était gérante, ladite société étant associée majoritaire de la SCI LES TERRASSES DE REUILLY ;

Attendu que les statuts de la SCI LES TERRASSES DE REUILLY ont été établis le 19 janvier 1990, publiés le 12 février 1990 et mentionnent comme premier gérant nommé : Madame Iris X..., étant rappelé que le prêt a été consenti le 3 mai 1990 à cette SCI ;

Attendu que la qualité de gérante de Madame Iris Y... née X... de la SCI "emprunteur", son intérêt personnel à l'opération immobilière, son implication dans diverses SCI de même nature, constituent des éléments extrinsèques complétant utilement l'acte litigieux et établissent, comme les premiers juges l'ont retenu, que l'appelante ne pouvait ignorer les risques d'une opération de ce type et avait eu de la nature et de la portée de son engagement une connaissance claire et non équivoque ;

Sur les discordances figurant à l'acte

Attendu que la simple lecture de l'acte notarié du 3 mai 1990 contredit les allégations des appelantes sur les discordances existant entre certaines mentions de cet acte et celles de la procuration signée par Madame Iris Y... ;

Attendu que dans sa procuration Madame Iris Y... déclare se rendre et constituer caution personnelle et solidaire de la SCI LES TERRASSES DE REUILLY à hauteur de 40 %, pourcentage repris en page 13 de l'acte notarié ;

Qu' au regard des dispositions de l'article 2292 du code civil (article 2015 ancien)aucune contradiction relative aux obligations de la caution n"est établie par les appelantes entre la procuration et l'acte de prêt ;

Que dés lors le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté Madame Iris Y... et la SCI PLACEMENT ET PATRIMOINE de leur demande en nullité de l'acte de cautionnement du 3 mai 1990 ;

Sur la demande en nullité du prêt du 27 février 1991

Attendu que les appelantes poursuivent la nullité du prêt du 27 février 1991 motif pris de l'absence de ratification de ce prêt par la SCI RESIDENCE LES HORTENSIAS après son immatriculation ; qu'elles font valoir à cette fin que l'article 24 des statuts a donné pouvoir à Madame Y... épouse E... de se porter acquéreur d'immeuble ou de terrain et de contracter les emprunts ou les financements nécessaires à ces acquisitions ; qu'elles rappellent

que l'acte de prêt a été souscrit par la SCI RESIDENCE LES HORTENSIAS représentée par ses deux associés la SARL PARISIENNE DE PROMOTION et Monsieur José F...
G..., lesquels n'avaient pas été mandatés par les statuts pour agir au nom de la société en formation ; qu'elles font observer qu'il n'y a pas eu de reprise d'engagement tacite et que l'acte de prêt ne pouvait engager la société qu'après une décision spéciale et expresse des associés de ratifier les engagements intervenus antérieurement à l'immatriculation; que la banque incontestablement a commis une faute en négligeant de procéder à la vérification des pouvoirs des associés ; qu'elles concluent à la nullité de l'engagement de caution pour reposer sur une obligation qui n'est pas valable ;

Attendu que l'article 24 des statuts a donné pouvoir non pas à Madame Y... épouse E..., comme le mentionnent les appelantes, mais à Madame Iris X... ;

Attendu que l'article 1843 du civil dispose que les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant l'immatriculation sont tenus des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas ; que la société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits qui sont alors réputés avoir été dès l'origine contractés par celle-ci ;

Qu'en vertu de l'article 6 alinéa 3 du décret no 78-704, pris pour application de cet article, les associés peuvent, dans les statuts ou par acte séparé, donner mandat à l'un ou plusieurs d'entre eux, ou au gérant non associé qui a été désigné, de prendre des engagements pour le compte de la société : que, sous réserve qu'ils soient déterminés et que les modalités en soient précisées par le mandat, l'immatriculation de la société emportera reprise de ces engagements par ladite société ;

Qu'en l'espèce, aux termes de l'article 24 des statuts, adoptés le 1er janvier 1991, "tous pouvoirs sont donnés à Madame Iris X... à l'effet de se porter acquéreur de tous immeubles et terrains, de contracter tous emprunts ou financements nécessaires à ces acquisitions, de désigner Monsieur Joseph Y... à l'effet de la représenter pour la régularisation des opérations sus-visées conformément à l'article 14-1 des présents statuts" ;

Que par procuration annexée à l'acte notarié, Madame Iris X..., agissant en qualité de gérante de la SCI RESIDENCE LES HORTENSIAS et de gérante de la SARL SOCIETE PARISIENNE DE PROMOTION IMMOBILIERE, a donné tous pouvoirs à Monsieur Joseph Y... à l'effet de signer l'acte d'acquisition d'un immeuble situé à Saint-Maurice (94) et "l'acte établi par Maîtres Chaton et Somborn, notaires associés à Troyes, devant constater une ouverture de crédit en compte-courant par la Caisse Régionale

de Crédit Agricole Mutuel de l'Aube à la SCI RESIDENCE LES HORTENSIAS d'un montant de trente et un millions de francs (31000000 Francs) destinée à financer notamment le prix d'acquisition d'une propriété immobilière à Saint-Maurice (Val-de-Marne) (suit la description du bien)...." ;

Que Monsieur Joseph Y..., signataire de l'acte de prêt du 27 février 1991, avait reçu délégation à cette fin de Madame Iris X..., laquelle avait été expressément mandatée par les statuts de la société en cours d'immatriculation pour procéder à l'opération litigieuse ;

Attendu que le grief formulé par les appelantes à l'encontre de l'intimée concernant l'absence de vérification des pouvoirs des associés n'est donc pas fondé ;

Qu'il s'ensuit que la formalité prévue par l'article 6 alinéa 3 du décret no 78-704 du 3 juillet 1978 ayant été accomplie, l'immatriculation de la société, effectuée le 12 avril 1991, a entraîné la reprise de l'engagement qui avait été souscrit le 27 février 1991;

Que c'est donc par une juste application de ces dispositions que les premiers juges ont rejeté la prétention des appelantes tendant à la nullité du prêt du 27 février 1991 ;

Sur la demande de nullité du cautionnement du 27 février 1991

Sur les conséquences de la reprise du prêt

Attendu que le cautionnement du 27 février 1991 a donc été souscrit par Madame Iris Y... pour un prêt valablement repris par la SCI RESIDENCE LES HORTENSIAS ;

Que le moyen tendant à la nullité de l'acte de cautionnement fondé sur le défaut d'existence du prêt du 27 février 1991 à l'égard de la SCI RESIDENCE LES HORTENSIAS doit dés lors être rejeté;

Sur le défaut de signature de toutes les parties

Attendu que les appelantes poursuivent la nullité de l'acte de cautionnement signé par Madame Iris Y... en faisant valoir que les signatures de MM. B... et C... ont été déclarées fausses et qu'en conséquence l'acte de cautionnement litigieux doit être déclaré nul pour ne pas avoir été signé par l'intégralité des cautions ; qu'elles rappellent, d'une part, que cet argument avait déjà été soulevé dans leurs écritures régularisées le 24 novembre 2000 devant le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TROYES, interrompant ainsi la prescription quinquennale soulevée par l'intimée au visa de l'article 1304 du code civil, et d'autre part, que dans son

action contre le notaire, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE contestait l'authenticité et l'efficacité de l'acte dressé par Me H... ;

Que la lecture de ces écritures du 24 novembre 2000 révèle que le grief formulé ne concernait pas le défaut de signature de toutes les parties devant entraîner l'annulation de l'acte notarié du 27 février 1991 mais un incident relatif aux signatures ayant ainsi vicié le consentement de Madame Iris Y..., source d'erreur entraînant la nullité de l'acte sur le fondement de l'article 1110 du code civil, ce dernier moyen lui même étant repris de nouveau en cause d'appel;

Qu'ainsi il ne ressort pas des pièces versées aux débats que Madame Iris Y..., qui avait connaissance des jugements ayant annulé les actes de cautionnement consentis au nom de MM. B... et C... à tout le moins le 14 novembre 2000, ainsi que l'atteste le bordereau annexé aux conclusions qu'elle faisait signifier ce jour-là, ait agi en nullité de son propre acte de cautionnement pour défaut de signature de toutes les parties avant l'expiration du délai de cinq ans prévu par l'article 1304 précité ni interrompu le cours de cette prescription ;

Qu'en toute hypothèse, l'action n'aurait pas pu prospérer sur ce fondement dés lors que l'article 23, désormais 41 du décret no 71-941 du 26 novembre 1971 vise exclusivement le défaut de signature des parties à l'acte authentique et non l'hypothèse de la signature, reconnue par la suite comme fausse, apposée sur un mandat de se porter caution annexé à l'acte ;

Sur l'absence de délégation de pouvoir donnée par la banque

Attendu que l'article 1998 du code civil est ainsi libellé :

"Le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné.

"Il n'est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu'autant qu'il l'a ratifié expressément ou tacitement" ;

Attendu que par des motifs pertinents que la Cour adopte, les premiers juges ont considéré, à bon droit, que le dépassement par le notaire du mandat qui lui avait été donné est sans incidence sur la validité de l'acte reçu, seul le mandant, soit en l'espèce la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE, ayant qualité pour contester ou ratifier le dépassement de pouvoir du mandataire ;

Que les poursuites engagées à l'encontre des cautions, non visées dans les pouvoirs qui avaient été confiés au notaire par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE, établissent manifestement une ratification par cette dernière des dits dépassements ;

Que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a rejeté ce moyen ;

Sur les irrégularités affectant le cautionnement

Attendu que la simple lecture de l'acte notarié du 27 février 1991 contredit les allégations des appelantes sur les discordances qu'elles relèvent entre les mentions portées en page 15 et celles figurant en page 17 ; Qu'en effet, c'est seulement en page 17 qu'est portée la répartition de l'engagement entre les cautions, à savoir, d'une part, à hauteur de 39% solidairement entre MM. C..., B... et I..., et, d'autre part, à hauteur de 61% solidairement entre Mmes Iris Y..., Paulette E..., Arlette Y..., Melle Jacqueline Y... et M. et Mme F...
G... ; que la page 15 ne mentionne aucune répartition de l'engagement souscrit par les différentes cautions ;

Que la procuration consentie par Madame Iris Y... à Monsieur Joseph Y... vise les cautions personnelles et solidaires de Mmes Iris Y..., Paulette E..., Melle Jacqueline Y... et M. et Mme F...
G..., ensemble à hauteur de 61% et celles MM. C..., B... et I... à hauteur de 39% ;

Attendu que si les appelantes visent dans leurs écritures l'existence de nombreuses anomalies et annotations manuscrites non paraphées contenues dans la copie de l'acte du 27 février 1991 certifiée conforme par le président du tribunal de grande instance de Bobigny, cependant elles ne caractérisent pas les contradictions flagrantes qu'elles présenteraient susceptibles de remettre en cause l'engagement de caution souscrit par Madame Iris Y... ;

Que dés lors, les actes étant concordants de ces chefs, Madame Iris Y... n'est pas fondée à contester la validité et l'étendue de ses engagements au sens de l'article 2292 du code civil (anciennement article 2015) ;

Sur le caractère déterminant de l'engagement de toutes les cautions et le vice du consentement

Attendu que les appelantes soulèvent la nullité de cautionnement consenti par Madame Iris Y... en faisant valoir que cette dernière ne s'est portée caution qu'à la condition que les autres intervenants se portent également cautions ; qu'elles soutiennent que l'engagement des autres cautions était déterminant dans la mesure où elle s'est engagée sous la condition de constitution d'autres sûretés au nombre desquelles l'engagement de caution de MM. C..., B..., dirigeants de la Banque Saga ; qu'elles rappellent que leurs cautionnements ont été déclarés nuls et qu'en raison de cette nullité son consentement a été obtenu par erreur dès lors qu'elle se trouve privée du recours contre ses cofidéjusseurs ; qu'en raison du lien d'indivisibilité implicite existant entre ces différents engagements, la nullité qui affecte l'un entraîne la nullité de l'autre ;

Mais attendu qu'en vertu de l'article 1110 du code civil, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet ;

Qu'en l'espèce, Madame Iris Y... ne démontre pas qu'elle aurait fait des cautionnements de MM. C..., B... la condition déterminante de son engagement ; qu'en effet, l'acte de prêt était garanti par deux groupes distincts de cautions, à savoir le groupe des consorts Y... - PIMENTEL G... solidairement entre eux à hauteur de 61% et celui des consorts J... -BELADINA solidairement entre eux à hauteur de 39% ; qu'il s'ensuit qu'aucun recours subrogatoire n'était possible d'un groupe à l'autre de sorte que l'annulation des cautionnements de MM. C..., B... est sans incidence sur l'obligation de Madame Iris Y... et ne lui préjudicie pas ;

Qu'en outre la circonstance alléguée selon laquelle MM. C..., B... auraient été les instigateurs de l'opération immobilière et que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE n'aurait accepté de prêter de l'argent qu'en considération de la présence de la banque SAGA, dirigée par MM. C..., B..., ne caractérise pas un lien d'indivisibilité implicite entre les différents engagements de caution alors que, bien au contraire, l'acte litigieux prévoit expressément un engagement limité des consorts Y... - PIMENTEL G... d'une part et des consorts J... -BELADINA d'autre part ;

Que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de l'engagement de cautions souscrit par Madame Iris Y... de ce chef ;

Sur l'action paulienne

Attendu qu'en vertu de l'article 1167 du code civil, les créanciers peuvent, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits ;

Attendu que les premiers juges ont justement relevé que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE pouvait se prévaloir à l'encontre de Madame Iris Y... d'un principe certain de créance au jour où, par acte du 9 avril 1992, publié le 10 juin 1992, soit postérieurement aux deux engagements de cautionnement, elle a transféré au profit de la SCI PLACEMENT ET PATRIMOINE les droits afférents au bien immobilier sis à ... SAINTE MARIE ..., d'une contenance de 1 ha 44 a 95 ca lieudit l'Etang ; que Madame Iris Y... et son cocontractant avaient connaissance du préjudice causé à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE par l'acte litigieux qui faisait sortir du patrimoine du débiteur un bien immobilier, d'une valeur substantielle, en contrepartie de l'attribution au sein de la société civile immobilière de parts dont le tribunal a justement relevé qu'il n'était justifié ni de la négociabilité ni de la valeur ; qu'il s'en est suivi une insolvabilité apparente de la débitrice qui n'est pas utilement combattue par cette dernière qui ne démontre pas disposer de biens de valeur suffisante pour répondre de son engagement ; que les premiers juges ont également justement relevé que le caractère frauduleux de l'acte était conforté par la concomitance des opérations similaires effectuées par les autres cautions ;

Que le jugement déféré sera, par conséquent, confirmé en ce qu'il a fait droit à l'action paulienne intentée par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE et déclaré inopposable à cette dernière l'acte d'apport du 9 avril 1992;

Attendu que l'inopposabilité paulienne autorisant le créancier poursuivant, par décision de justice et dans la limite de sa créance, à échapper aux effets d'une aliénation opérée en fraude de ses droits, afin d'en faire éventuellement saisir l'objet entre les mains d'un tiers, la demande de réintégration des dites biens et droits immobiliers, objet de l'acte du 9 avril 1992, dans le patrimoine de Madame Iris Y... apparaît sans objet ;

Que le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé de ce chef ;

Attendu que Madame Iris Y... supportera les frais afférents à la publication de tous les actes rendus nécessaire par la présente procédure ;

Sur la demande indemnitaire formée par Madame Iris Y...

Attendu qu'à l'appui de sa demande subsidiaire tendant à voir condamner la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE à lui payer une somme équivalente au montant de ses réclamations et ordonner la compensation de ces dommages-intérêts avec les sommes réclamées par la banque au titre de son engagement de caution, Madame Iris Y... se prévaut des fautes qu'aurait commises l'intimée en raison d'un financement excessif, d'un manquement à son devoir de prudence et d'une disproportion entre les prêts accordés et les ressources de la caution ;

Mais attendu que c'est à juste titre que les premiers juges ont fait droit à la fin de non-recevoir opposée par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE aux prétentions de l'appelante dés lors que la faute de la banque, qui justifie d'un principe certain de créance, ne peut être invoquée par voie d'exception dans le cadre d'une défense à une action paulienne ;

Que le jugement déféré sera également confirmé de ce chef;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Attendu que les dispositions du jugement entrepris doivent être confirmées, comme demandé par l'intimée, du chef des frais irrépétibles et des dépens de première instance ;

Attendu que, succombant dans leurs prétentions devant la Cour, Madame Iris Y... et la SCI PLACEMENT ET PATRIMOINE seront condamnées in solidum aux dépens d'appel ; qu'elles ne peuvent donc pas obtenir l'indemnité qu'elles sollicitent au titre de leurs frais de procédure non compris dans les dépens ;

Que l'équité commande leur condamnation in solidum à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE la somme supplémentaire de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;

Déboute Madame Iris Y... née X... et la SCI PLACEMENT ET PATRIMOINE de leurs prétentions et confirme en toutes ses dispositions le jugement du 20 juillet 2007 rendu par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TROYES à l'exception de celles relatives à la demande de réintégration des biens et droits immobiliers, objet de l'acte du 9 avril 1992, dans le patrimoine de Madame Iris Y... née X... ;

Réformant le jugement de ce chef et statuant à nouveau,

Déboute la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE de sa demande tendant à la réintégration des biens et droits immobiliers, objet de l'acte du 9 avril 1992, dans le patrimoine de Madame Iris Y... née X... ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum Madame Iris Y... née X... et la SCI PLACEMENT ET PATRIMOINE à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE BOURGOGNE la somme supplémentaire de 3 000 € (trois mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande d'indemnité de procédure formée par Madame Iris Y... née X... et la SCI PLACEMENT ET PATRIMOINE et les condamne in solidum aux dépens d'appel ; admet la SCP SIX GUILLAUME K..., avoués, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Numéro d'arrêt : 07/02312
Date de la décision : 13/10/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Troyes


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-10-13;07.02312 ?
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