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29/09/2008 | FRANCE | N°07/2075

France | France, Cour d'appel de Reims, 29 septembre 2008, 07/2075


ARRET No

du 29 septembre 2008



R.G : 07/2075

joint au 07/01731





X...


X...


Y...






c/



COPIATTI-CASTEL

SELAFA FIDAL













































YM





Formule exécutoire le :

à :COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1o SECTION

ARRET DU 29 SEPTEMBRE 2008



APPELANTS :


d'un jugement rendu le 11 Mai 2007 par le Tribunal de Grande Instance de CHARLEVILLE-MEZIERES,



Mademoiselle Sandrine X...


...


51000 CHALONS EN CHAMPAGNE

Madame Maryse X... épouse Y...


...


08130 ATTIGNY

Monsieur Guy Y...


...


08130 SAINT LAMBERT



COMPARANT, concluant par la SCP GENET - BRAIBANT avoués à la Cour, et ay...

ARRET No

du 29 septembre 2008

R.G : 07/2075

joint au 07/01731

X...

X...

Y...

c/

COPIATTI-CASTEL

SELAFA FIDAL

YM

Formule exécutoire le :

à :COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1o SECTION

ARRET DU 29 SEPTEMBRE 2008

APPELANTS :

d'un jugement rendu le 11 Mai 2007 par le Tribunal de Grande Instance de CHARLEVILLE-MEZIERES,

Mademoiselle Sandrine X...

...

51000 CHALONS EN CHAMPAGNE

Madame Maryse X... épouse Y...

...

08130 ATTIGNY

Monsieur Guy Y...

...

08130 SAINT LAMBERT

COMPARANT, concluant par la SCP GENET - BRAIBANT avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SELARL GAST & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

INTIMES :

Maître Catherine Z..., Avocat

...

08000 CHARLEVILLE-MEZIERES

La SELAFA FIDAL

Les Hauts de Villiers

...

92309 LEVALLOIS PERRET

Comparant, concluant par la SCP THOMA - LE RUNIGO - DELAVEAU - GAUDEAUX, avoués à la Cour, et ayant pour conseil le CABINET HASCOËT & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur MAUNAND, Président de Chambre, entendu en son rapport

Madame SOUCIET, Conseiller

Monsieur MANSION, Conseiller

GREFFIER :

Madame Maryline THOMAS, Greffier lors des débats et du prononcé.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

DEBATS :

A l'audience publique du 02 Septembre 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 Septembre 2008,

ARRET :

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2008 et signé par Monsieur Yves MAUNAND, Président de Chambre, et Madame THOMAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Mme Sandrine X..., M. Guy Y... et Mme Maryse Y... née X... sont associés de la Sarl Attigny Distribution laquelle a acheté, le 29 juillet 1996, un fonds de commerce de distribution alimentaire sous l'enseigne Huit à Huit appartenant au groupe Promodès.

Le 30 juillet 1996, la Sarl Attigny Distribution a signé un contrat de franchise avec la S.A.S. Prodim, filiale du groupe Promodès, et un contrat d'approvisionnement avec la société Logidis.

Afin de permettre le financement de l'acquisition, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Nord Est avait consenti le 31 juillet 1996 à la Sarl Attigny Distribution un prêt de 45.734,71 euros remboursable en quatre-vingt-quatre mensualités. Les trois associés de la Sarl Attigny Distribution s'étaient portés cautions solidaires de cette dernière à hauteur de la somme maximale de 59.455,12 euros.

Le 21 juin 2001, le Tribunal de commerce de Charleville-Mézières a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la Sarl Attigny Distribution. La société Logidis a déclaré une créance de 32.131,29 euros et la S.A.S. Prodim de 2.212,20 euros.

Le 29 octobre 2001, la S.A.S. Prodim a adressé une offre de reprise du fonds de commerce prévoyant le versement d'une somme de 38.112,25 euros et le renoncement partiel de la société Logidis à sa créance à hauteur de 22.867,35 euros.

Par jugement du 11 avril 2002, le tribunal de commerce a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire.

Par ordonnance du 16 juillet 2002, le juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce de la Sarl Attigny Distribution à la S.A.S. Prodim.

Sur assignation du Crédit Agricole, le Tribunal de commerce de Charleville-Mézières a, par jugement du 6 décembre 2005, condamné les consorts A..., recherchés en leur qualité de cautions, au paiement de la somme de 17.984,20 euros. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Reims du 12 février 2007.

*

Par actes des 4 et 12 novembre 2003, les consorts A... ont fait assigner Me Catherine Z..., avocate, en qualité de représentante du cabinet Fidal, et la Selafa Fidal devant le Tribunal de grande instance de Charleville-Mézières afin d'obtenir leur condamnation à leur payer à titre de dommages-intérêts les sommes en principal de 62.841,01 euros et de 17.984,20 euros.

Ils faisaient valoir que l'avocate, à qui ils avaient fait appel après l'ouverture de la procédure collective, avait manqué à son devoir de conseil dans le déroulement de cette procédure et avait notamment autorisé la reprise du fonds de commerce pour une valeur insuffisante. Ils se prévalaient d'un préjudice constitué par le manque à gagner lors du rachat du fonds de commerce et par la condamnation prononcée à leur encontre le 6 décembre 2005.

Par jugement du 11 mai 2007, le Tribunal de grande instance de Charleville-Mézières a :

- condamné solidairement Me Z... et la Selafa Fidal à payer aux demandeurs la somme de 8.000 euros en réparation du préjudice subi au titre d'une perte de chance de voir établi un plan de continuation, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné solidairement Me Z... et la Selafa Fidal à payer aux demandeurs la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné solidairement Me Z... et la Selafa Fidal aux dépens.

Les consorts A... ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 4 juillet 2007 et déclaration rectificative du 6 août 2007.

Les deux instances ont été jointes par le magistrat chargé de la mise en état.

Par dernières conclusions notifiées le 25 avril 2008, les consorts A... demandent à la Cour de confirmer le jugement entrepris sur la faute et le réformer partiellement sur le préjudice et de :

- à titre principal, condamner solidairement Me Z... et la Selafa Fidal à leur payer la somme de 62.841,01 euros à titre de dommages-intérêts ;

- à titre subsidiaire, condamner solidairement Me Z... et la Selafa Fidal à leur payer la somme de 23.684,32 euros, montant de la condamnation prononcée à leur encontre au profit de la banque augmentée des intérêts jusqu'à la date du 4 septembre 2007, des dépens et de l'article 700 ;

- en toute hypothèse, débouter Me Z... et la Selafa Fidal de leurs prétentions et les condamner au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions notifiées le 1er août 2008, Me Z... et la Selafa Fidal demandent à la Cour de recevoir le cabinet Fidal en son appel incident, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de :

- dire que Me Z... et la Selafa Fidal n'ont commis aucune faute et que les consorts A... n'apportent pas la preuve de l'existence du préjudice qu'ils invoquent et d'un lien de causalité entre celui-ci et la prétendue faute que les intimées auraient commise ;

- débouter les consorts A... de l'intégralité de leurs prétentions et les condamner solidairement au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR,

Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats et des explications fournies par les parties qu'à la suite de l'ouverture de la procédure collective de la Sarl Attigny Distribution, Mme Y... a consulté le cabinet Fidal de Charleville-Mézières et que Me Z..., avocat dans ce cabinet, a accepté d'assister les appelants ; que l'intervention de Me Z... est notamment attestée par une lettre qu'elle a adressée le 21 septembre 2001 à Mme Y... et une facture d'honoraires établie à son nom le 19 février 2002 ; que Me Z... n'a plus suivi le dossier à partir du mois d'octobre 2001 et a dirigé ses clients sur le cabinet Fidal de Reims où ils ont été pris en charge par Me Marie B... ; que l'intervention du cabinet de Reims est notamment établie par la lettre adressée le 20 novembre 2001 à la Sarl Attigny Distribution à l'attention de Mme Y... et la demande de provision formée le même jour ; que le 13 février 2002, soit quelques jours avant l'audience du tribunal de commerce au cours de laquelle devait être examinée l'offre de reprise formulée par la société Prodim, Me B... a informé ses clients de l'existence d'un conflit d'intérêt alors que la Selafa Fidal était l'avocat du groupe Carrefour dont font partie les sociétés Promodès, Prodim et Logidis ; que la Selafa Fidal a confirmé qu'elle n'intervenait plus dans cette affaire par lettre du 18 février 2002 et a assuré le renvoi de l'affaire fixée devant le tribunal de commerce ;

Attendu que les consorts A... reprochent aux avocats leur carence totale dans le traitement de leur dossier en faisant valoir qu'ils n'ont présenté aucun plan de continuation alors que, à la date d'ouverture de la procédure collective, la situation de la Sarl Attigny Distribution n'était pas obérée et que les associés pouvaient espérer une continuation de l'entreprise ; qu'ils reprochent également au cabinet Fidal d'avoir attendu huit mois avant de se décharger du dossier en raison du conflit d'intérêt ;

Attendu que les parties sont contraires sur la mission qui aurait été confiée par la Sarl Attigny Distribution et ses associés à l'avocat, les appelants soutenant qu'ils avaient fait appel à Me Z..., puis à la Selafa Fidal de Reims, afin de permettre la présentation d'un plan de continuation à l'issue de la période d'observation, les intimées faisant valoir que les associés de la Sarl Attigny Distribution souhaitaient rompre les relations avec le groupe Carrefour-Promodès et mettre un terme au contrat de franchise ; que les intimées indiquent que rien ne prouve que la mission confiée à l'avocat était bien la présentation d'un plan de continuation et que les appelants disposaient de fonds suffisants permettant de fournir des garanties d'apurement du passif ; qu'elles rappellent que Me B... a formé un recours contre une ordonnance du juge-commissaire désignant les sociétés Prodim et Logidis en qualité de contrôleurs du redressement judiciaire et qu'elle a également demandé les documents comptables de la société afin d'étudier l'offre de reprise de la société Prodim, mais qu'elle ne les a jamais obtenus ;

Attendu, tout d'abord, que la révélation, en février 2002, du conflit d'intérêt qui a interdit à la Selafa Fidal de Reims de poursuivre la défense des intérêts des consorts A... et de la Sarl Attigny Distribution n'est pas fautive alors qu'il n'est pas démontré que l'intimée ait su plus tôt que le cabinet Fidal, qui est une très grosse structure, était également l'avocat du groupe Carrefour ; qu'il n'est notamment établi aucune collusion entre la Selafa Fidal et la société Prodim, candidate à la reprise de la Sarl Attigny Distribution, alors que l'avocat avait notamment introduit un recours contre la désignation de cette société en qualité de contrôleur du redressement judiciaire ;

Attendu, en revanche, que l'avocat est tenu à un devoir général de conseil constitué par l'obligation d'informer et d'éclairer ses clients sur les différentes solutions pouvant être adoptées en fonction du dossier qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, la Sarl Attigny Distribution avait été placée en redressement judiciaire et avait donc vocation, à l'issue de la période d'observation, à faire l'objet d'un plan de redressement par voie de cession ou de continuation ; que, dans ce contexte, la solution de la continuation de l'entreprise ne pouvait pas ne pas être envisagée par l'avocat avec ses clients alors, de surcroît, que la société Prodim avait fait une offre de reprise estimant, de toute évidence, que la situation de la Sarl Attigny Distribution n'était pas complètement obérée ; qu'il ne ressort pas des pièces versées aux débats que les avocats intimés aient appelé l'attention de leurs clients sur la nécessité de présenter un plan de continuation lequel constituait la solution la plus avantageuse pour eux au regard des engagements qu'ils avaient pris pour le compte de la Sarl Attigny Distribution ; qu'il n'est, en effet, justifié d'aucune diligence des avocats en vue de l'élaboration d'un tel plan ; que les intimées ne peuvent pas se prévaloir utilement du fait que les appelants n'auraient peut-être pas été en mesure de proposer un plan de continuation dès lors qu'aucune démarche n'a jamais été entreprise en ce sens ; que les intimées ne peuvent pas davantage soutenir que leur mission se limitait à la rupture des relations de la Sarl Attigny Distribution avec le groupe Carrefour-Promodès alors que le 7 février 2002, soit moins de trois semaines avant l'audience du tribunal de commerce, la Selafa Fidal écrivait à la Sarl Attigny Distribution pour lui demander de lui adresser le plus rapidement possible les éléments comptables concernant l'activité durant la période d'observation afin "d'analyser les possibilités de redressement de la (société) et en conséquence l'opportunité d'accepter l'offre de reprise formée devant le tribunal de commerce" ; que l'avocat poursuivait : "En cas de refus, nous pourrons alors déposer la requête afin de voir constater la résiliation du contrat de franchise" ; qu'il résulte de ces développements que les intimées ont commis une faute pour ne pas avoir exécuté l'obligation particulière d'information pesant à leur encontre ;

Attendu que cette faute est à l'origine du préjudice subi par les consorts A... lequel est constitué non pas par une prétendue sous-évaluation du prix de cession de leur fonds de commerce ou par les conséquences des poursuites diligentées à leur encontre par la banque, mais, comme l'ont justement retenu les premiers juges, par la perte de la chance de voir, dans le cadre d'un plan de redressement par voie de continuation, la situation de la Sarl Attigny Distribution s'améliorer et de ne pas subir les préjudices qu'ils invoquent désormais ;

Que la réparation d'une perte de chance devant être mesurée à la chance perdue et ne pouvant être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, les consorts A... ne peuvent prétendre aux sommes qu'ils réclament à titre principal et subsidiaire ; qu'au regard des circonstances de l'espèce, des éléments produits et des explications fournies, les premiers ont justement estimé le préjudice subi par les appelants en relation directe avec la faute commise par les intimées en allouant aux premiers la somme de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que chacune des parties succombant dans ses prétentions en cause d'appel conservera la charge des dépens qu'elle a exposés ;

Qu'aucune considération d'équité ne commande l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Rejette les demandes formées en cause d'appel par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Numéro d'arrêt : 07/2075
Date de la décision : 29/09/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Charleville-Mézières


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-09-29;07.2075 ?
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