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11/06/2008 | FRANCE | N°07/00597

France | France, Cour d'appel de Reims, 11 juin 2008, 07/00597


ARRÊT N o

du 11/06/2008



AFFAIRE No : 07/00597





BS/GP



Me Jean-François DARGENT, mandataire liquidateur de la S.A. Transports PETIT



C/



Bernard Y..., AGS-CGEA D'AMIENS









Formule exécutoire le :

à :COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 11 JUIN 2008





APPELANT :

d'un jugement rendu le 11 Mars 1999 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section commerce





Maître Jean-François DARGENT, mand

ataire liquidateur de la S.A. Transports PETIT

34 Rue des Moulins

51100 REIMS



Représenté par la SCP FOSSIER, avocat au barreau de REIMS,





INTIMÉS :



Monsieur Bernard Y...


...


51420 WITRY LES REIMS



C...

ARRÊT N o

du 11/06/2008

AFFAIRE No : 07/00597

BS/GP

Me Jean-François DARGENT, mandataire liquidateur de la S.A. Transports PETIT

C/

Bernard Y..., AGS-CGEA D'AMIENS

Formule exécutoire le :

à :COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 11 JUIN 2008

APPELANT :

d'un jugement rendu le 11 Mars 1999 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section commerce

Maître Jean-François DARGENT, mandataire liquidateur de la S.A. Transports PETIT

34 Rue des Moulins

51100 REIMS

Représenté par la SCP FOSSIER, avocat au barreau de REIMS,

INTIMÉS :

Monsieur Bernard Y...

...

51420 WITRY LES REIMS

Comparant en personne

AGS-CGEA D'AMIENS

2 rue de l'Etoile

80094 AMIENS CEDEX 3

Représentés par Maître RAFFIN, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Monsieur Christian MALHERBE, Président

Monsieur Bertrand SCHEIBLING, Conseiller

Madame Christine ROBERT, Conseiller

GREFFIER lors des débats :

Madame Geneviève PREVOTEAU, adjoint administratif principal assermenté faisant fonction de greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 30 Avril 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 Juin 2008,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Christian MALHERBE, Président, et par Madame Geneviève PREVOTEAU, adjoint administratif principal assermenté faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Bernard Y... a été engagé par la société TRANSPORTS PETIT en novembre 1991 en qualité de chauffeur routier longue distance.

Il a été licencié pour faute grave le 14 octobre 1994.

Considérant cette rupture abusive et estimant n'avoir pas été rempli de ses droits, il a saisi le Conseil de prud'hommes de REIMS en paiement de diverses sommes .

Par jugement du 14 juin 2006, le Conseil de prud'hommes a ordonné une expertise confiée à Mr A....

L'expert ayant déposé son rapport, le Conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement pour faute grave est justifié

- condamné la société TRANSPORTS PETIT à payer à Bernard Y... les sommes suivantes :

- 97.954,41 F à titre d'heures supplémentaires

- 9.785,44 F à titre de congés payés

- 34.802,11 F à titre d'indemnité de repos compensateurs

avec intérêts au taux légal à compter de la décision

- rejeté les autres demandes.

Les deux parties ont interjeté appel limité de cette décision.

La société TRANSPORTS PETIT a été déclaré en redressement judiciaire le 31 mai 2005 puis en liquidation judiciaire le 20 avril 2006, la SCP DARGENT MORANGE étant nommé es qualité de mandataire liquidateur.

Vu les conclusions déposées le 30 avril 2008 par Bernard Y... et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles celui-ci demande à la cour la confirmation des condamnations prononcées par le Conseil de prud'hommes et au surplus l'allocation des sommes suivantes :

- 1.727,63 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement

- 10.291,42 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 3.636,30 € à titre d'indemnité de préavis

- 363,30 € à titre de congés payés sur préavis

- 496,69 € à titre d'indemnité de licenciement

- 1.153,82 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire avec intérêts au taux légal

à compter de la saisine et prononcé d'une astreinte pour la remise de documents rectifiés

- 9.588,51 €, ou subsidiairement 7.790,60 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

Vu les conclusions déposées le 16 janvier 2008 par la SCP DARGENT MORANGE TIRMANT, es qualité de liquidateur, et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles celle-ci demande en substance à la cour de confirmer le jugement en ses dispositions relatives au licenciement, de l'infirmer pour le surplus, de débouter Bernard Y... de ses demandes et de le condamner à restituer la somme de 15.396,51 € perçue au titre de l'exécution provisoire, subsidiairement d'ordonner une expertise, plus subsidiairement encore de rectifier l'erreur maternelle contenue dans le rapport de l'expert et de limiter la créance de Bernard Y... à la somme de 19.346,21 €, et de le condamner au paiement d'une somme de 5.980 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'au remboursement des frais d'expertise.

Vu les conclusions déposées le 23 janvier 2008 par l'AGS et le CGEA d'AMIENS et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles ceux-ci demandent essentiellement à la cour de débouter Bernard Y... de ses demandes et de rappeler en toute hypothèse leurs limites de garantie.

MOTIFS DE LA DECISION

I) sur le licenciement

Attendu que la lettre de licenciement pour faute grave après avoir rappelé plusieurs avertissements antérieurs, reproche au salarié un non respect de la législation sur les temps de repos et de conduite continue;

Attendu que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que sa preuve incombe à l'employeur ; que la poursuite par le salarié de faits fautifs autorise l'employeur à se prévaloir de faits similaires, y compris déjà sanctionnés, pour caractériser la faute grave ;

Attendu qu'il ressort de l'examen d'un disque controlographe versé aux débats que lors d'un retour d'Espagne, le vendredi 30 septembre 1994, Bernard Y... a effectué 1035 km en 16 heures, en s'arrêtant seulement 1h 30 et en dépassant fréquemment la vitesse autorisée ; qu'il a ainsi enfreint la réglementation relatives au temps de coupure obligatoire, imposant un repos de 45 mn minimum après 4h50 de conduite, et à la durée de conduite continue ;

Attendu que Bernard Y... ne conteste pas la matérialité des faits mais considère que diverses circonstances les rendent excusables ; qu'il invoque successivement la nécessité de procéder à des travaux urgents sur le véhicule, une permanence syndicale le samedi matin, l'assistance d'un chauffeur en difficulté et la défaillance technique du véhicule moteur "CHIMI" ; qu'il prétend également être victime d'une discrimination par rapport aux autres chauffeurs, coutumiers, selon lui, de ce type d'infraction ;

Attendu que ces moyens de défense sont inopérants ;

Qu'à les supposer démontrés, les circonstances alléguées ne peuvent en aucun cas justifier les manquements à la réglementation reprochés ; que notamment, la prétendue défaillance du véhicule moteur n'interdisait nullement au chauffeur de respecter les temps de conduite et de repos ;

Que la commission par d'autres chauffeurs d'infractions de même nature qui n'auraient pas été sanctionnées, ne peut suffire à rendre discriminatoire la sanction prononcée, ne serait ce que parce que l'employeur a pris en compte dans sa décision des faits similaires déjà sanctionnés à plusieurs reprises ;

Que les griefs sont ainsi pleinement caractérisés ;

Attendu qu'il ressort du dossier qu'à trois reprises, les 4 juin 1993, 2 septembre 1993 et 14 février 1994,la société TRANSPORTS PETIT avait délivré des avertissements à Bernard Y... pour des infractions de même nature à la réglementation ;

Que le respect des temps de conduite, de repos et de la vitesse autorisée, indispensable à la sécurité des usagers de la route, constitue une obligation élémentaire pour un chauffeur poids lourd ;

Que la violation persistante de cette obligation, en dépit des rappels à l'ordre de la société TRANSPORTS PETIT , rendait impossible le maintien de Bernard Y... dans l'entreprise ;

Que le tribunal a ainsi validé à juste titre le licenciement pour faute grave ;

Attendu s'agissant de la régularité de la lettre de convocation à l'entretien préalable, que contrairement à l'analyse du salarié, la société TRANSPORTS PETIT a clairement informé celui-ci de l'éventualité d'un licenciement en indiquant qu'il avait eu un comportement inadmissible et en lui notifiant sa mise à pied conservatoire, laquelle ne se conçoit que dans la perspective d'un licenciement ; que la demande de dommages et intérêts formée de ce chef n'est donc pas fondée ;

II) sur les heures supplémentaires

Attendu que la preuve des heures supplémentaires n'appartient spécialement à aucune des parties ; que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'il appartient toutefois à ce dernier de fournir préalablement des éléments de nature à étayer sa demande ;

Attendu que Bernard Y... produit aux débats des photocopies de disques et des cahiers de travail, qui suffisent à étayer sa demande ;

Attendu que le Conseil de prud'hommes a ordonné une expertise des disques, produits en original par l'employeur ; que cette expertise a été menée contradictoirement ; que l'expert a conclu que la société TRANSPORTS PETIT restait redevable d'une somme de 97.954,41 F au titre des heures supplémentaires , outre les congés payés, et de 34.802,11 € à titre d'indemnité de repos compensateur ;

Attendu que la société TRANSPORTS PETIT conteste la valeur probante des disques examinés par l'expert aux motifs que le chauffeur a procédé à des manipulations irrégulières et a abusé des temps de conduite et de mise à disposition ;

Attendu que les irrégularités invoquées- ouverture de l'horloge de disques, mise en panne volontaire de l'appareil sans demande de réparation, conservation des disques au domicile-ne ressortent sérieusement d'aucune pièce produite par l'employeur et n'ont pas été mise en évidence par l'expert ;

Que ce dernier a seulement relevé que le tachygraphe n'avait pas toujours fonctionné normalement et que certains disques n'étaient pas correctement imprimés ; que rien ne permet cependant d'attribuer ces dysfonctionnements à une action volontaire du chauffeur ; que dans ces cas et en l'absence d'éléments contraires fournis par la société TRANSPORTS PETIT, l'expert s'est logiquement basé sur les relevés manuscrits portés par Bernard Y... au dos des disques incomplets ;

Attendu que s'agissant du recours excessif à des heures de mise à disposition, la société TRANSPORTS PETIT procède par affirmation, étant observé qu'à aucun moment, alors qu'elle exerçait pourtant une surveillance étroite des activités de son chauffeur, comme en témoigne les quatre sanctions disciplinaires prononcées contre lui, elle n'a formulé de reproches sur ce point ;

Que de même, elle n'a jamais relevé les prétendus déplacements inutiles qu'elle invoque aujourd'hui ;

Que la fiabilité des disques est donc vainement contestée par l'employeur ;

Attendu que sur cette base, l'expert a procédé au décompte du temps de travail ; que contrairement aux allégations de l'employeur, son rapport n'est pas rempli d'erreurs de calcul et d'incohérences ; qu'en effet,

- s'agissant du mois de juin 1994, l'expert n'indique nullement que Bernard Y... a accompli moins de 39 h par semaine, mais que le contrôle effectué à l'époque par l'employeur a abouti à cette conclusion ; ceci n'est donc pas contradictoire avec le fait qu'il aboutit à un rappel de salaire sur ce mois de 2.056,72 € ;

- les repos compensateurs ont été exactement calculés sur la base d'un contingent annuel d' heures supplémentaires de 130 heures ; qu'en effet, s'il est vrai que la convention collective des transports prévoit un contingent annuel d' heures supplémentaires de 195 h pour le personnel roulant marchandise, l'application de ce contingent est subordonnée, par l'article 2, à l'information de l'inspection du travail, information non justifiée en l'espèce ; en tout état de cause, c'est le seuil du contingent légal, soit à l'époque 130 h, et non celui du contingent conventionnel, qui déclenche le droit au repos compensateur ;

- l'expert a bien commis une erreur de calcul mais celle-ci concerne le montant des salaires qui aurait du être perçu par le salarié, qui s'élève en réalité, à minima, à la somme de 339.334 F ; après déduction des salaires versés par l'employeur, le rappel d' heures supplémentaires est bien de 97.954,41 F ;

Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement de ces chefs, sauf à préciser :

- que les sommes seront portées au passif de la liquidation judiciaire de la société TRANSPORTS PETIT

- que les intérêts au taux légal sur ces sommes sont dus depuis le 15 mars 1995, date de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes, mais cessent d'être dus postérieurement au 13 avril 2006, date du redressement judiciaire ayant arrêté leur cours ;

III) sur l'indemnité pour travail dissimulé

Attendu que la dissimulation d'emploi prévue par l'article L-324-10 du code du travail est caractérisée lorsque l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ;

Attendu qu'en l'espèce, la société TRANSPORTS PETIT avait nécessairement connaissance des horaires de son chauffeur par les enregistrements effectués par le chronotachygraphe ;

Qu'il ressort du rapport de l'expert qu'elle a systématiquement rémunéré le conducteur sur une base très inférieure à la durée réelle de travail, celui-ci subissant suivant les mois une perte de salaire de 15 à 40 % ;

Que ces éléments démontrent l'existence d'une dissimulation volontaire d'une partie du temps de travail du salarié, ouvrant droit au paiement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 324-11-1 du code du travail ;

Que cette indemnité a été exactement chiffré par le salarié à la somme de 62.896,52 F, soit 9.588,51 € ;

IV) sur les autres demandes

Attendu qu'il y lieu d'ordonner la remise d'un bulletin de salaire recensant les sommes allouées au titre des heures supplémentaires, repos compensateurs et congés payés ; que le prononcé d'une astreinte ne se justifie pas ;

Attendu que contrairement à l'analyse de l'AGS et le CGEA d'AMIENS , l'indemnité pour travail dissimulé entre dans leur champ de garantie, cette indemnité réparant les conséquence d'une exécution fautive de ses obligations contractuelles par l'employeur ;

Attendu que compte tenu de l'état de liquidation judiciaire de la société TRANSPORTS PETIT, l'équité ne commande pas d'allouer à Bernard Y... une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de REIMS le 11 mars 1999.

Dit toutefois que les sommes allouées seront inscrites au passif de la liquidation judiciaire de la société TRANSPORTS PETIT et que ces sommes produisent intérêts au taux légal du 15 mars 1995 au 13 avril 2006.

Ajoutant au jugement,

Fixe à 9.588,51 € le montant de l'indemnité pour travail dissimulé qui devra être inscrite au passif de le liquidation judiciaire de la société TRANSPORTS PETIT.

Ordonne la remise au salarié d'un bulletin de salaire recensant les rappels d' heures supplémentaires, congés payés et repos compensateurs.

Dit que l'indemnité pour travail dissimulé entre dans le champs de garantie de l'AGS et du CGEA d'AMIENS.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile .

Donne acte à L'AGS et au CGEA D'AMIENS de ce qu'ils ne pourront être amenés à avancer le montant des créances qu'entre les mains du mandataire liquidateur et dans la seule limite des textes légaux et réglementaires applicables, à l'exception de tous intérêts et autres.

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Numéro d'arrêt : 07/00597
Date de la décision : 11/06/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Reims


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-06-11;07.00597 ?
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