ARRET No
du 28 avril 2008
R. G : 06 / 00154
X...
c /
L' INSTITUT NATIONAL DE L' ORIGINE ET DE LA QUALITE
Formule exécutoire le :
à : COUR D' APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE- 1o SECTION
ARRET DU 28 AVRIL 2008
APPELANT :
d' un jugement rendu le 12 Octobre 2005 par le Tribunal de Grande Instance de TROYES,
Monsieur Rémy X...
...
10250 PLAINES SAINT LANGE
COMPARANT, concluant par la SCP THOMA- LE RUNIGO- DELAVEAU- GAUDEAUX avoués à la Cour, et ayant pour conseil
Me David Y..., avocat au barreau de TROYES
INTIME :
L' INSTITUT NATIONAL DES APPELLATIONS D' ORIGINE (INAO) devenu L' INSTITUT NATIONAL DE L' ORIGINE ET DE LA QUALITE
51 rue d' Anjou
75008 PARIS
Comparant, concluant par la SCP SIX- GUILLAUME- SIX, avoués à la Cour, et ayant pour conseil Me Thierry Z..., avocat au barreau de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur MAUNAND, Président de Chambre
Monsieur MANSION, Conseiller
Madame HUSSENET, Conseiller
GREFFIER :
Madame Maryline THOMAS, Greffier lors des débats et du prononcé.
DEBATS :
A l' audience publique du 17 Mars 2008, où l' affaire a été mise en délibéré au 28 Avril 2008,
ARRET :
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2008 et signé par Monsieur Yves MAUNAND, Président de Chambre, et Madame THOMAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Entre 1966 et 1970, l' Institut National des Appellations d' Origine (ci- après l' INAO), aux droits duquel se trouve l' Institut National de l' Origine et de la Qualité, également dénommé INAO, a procédé au déclassement de terres à vigne classées en appellation Champagne au début du vingtième siècle, lesquelles se trouvaient désormais sans appellation particulière.
Ainsi que plusieurs propriétaires de terrains déclassés du département de l' Aube, M. Rémy X..., propriétaire de terres situées sur le territoire de la commune de Plaines- Saint- Lange, cadastrées lieudit Voie Bernard, section ZH no 34, contenance 4ha 9a 57ca, et lieudit Les Gravelières, section ZB no 1, contenance 66a 87ca, a fait assigner l' INAO devant le Tribunal de grande Instance de Troyes afin de voir juger que ses terres remplissaient le critère d' antériorité et faisaient ainsi partie de l' aire délimitée d' appellation Champagne.
L' INAO a soulevé l' incompétence des juridictions judiciaires.
Par jugement du 12 octobre 2005 assorti de l' exécution provisoire, le Tribunal de grande instance de Troyes a décliné sa compétence, renvoyé les parties à mieux se pourvoir, condamné M. X... au paiement de la somme de 50 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par M. X... sur ce fondement et l' a condamné aux dépens.
M. X... a relevé appel de ce jugement le 23 janvier 2006.
Par dernières conclusions notifiées le 15 septembre 2006, M. X... poursuit l' infirmation du jugement déféré et demande à la Cour de :
- se déclarer compétente pour connaître du présent litige qui porte sur une difficulté relative à la notion de droit de propriété et à celle d' appellation d' origine ;
- usant de sa faculté d' évoquer le litige, le recevoir en sa demande et la dire bien fondée ;
- dire qu' en 1970 le seul critère permettant de délimiter l' aire d' appellation Champagne est celui de l' antériorité ;
- dire que les terres désignées ci- dessus remplissent le critère d' antériorité et font partie intégrante de l' aire délimitée d' appellation Champagne ;
- dire que cette appellation est un accessoire du droit de propriété et que ce dernier a été violé par l' INAO ;
- le rétablir dans ses droits à l' appellation Champagne et dire que l' INAO devra reporter la délimitation Champagne et y faire figurer
les parcelles sus- mentionnées sur les plans cadastraux sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de l' arrêt à intervenir ;
- condamner l' INAO au paiement de la somme de 15. 000 euros à titre de dommages- intérêts pour procédure particulièrement dilatoire et de celle de 5. 000 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile, ainsi qu' aux entiers dépens de première instance et d' appel.
Par dernières conclusions notifiées le 27 février 2008, l' Institut National de l' Origine et de la Qualité demande à la Cour de lui donner acte de ce qu' il vient désormais aux droits de l' Institut National des Appellations d' Origine, confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et condamner l' appelant au paiement de la somme de 2. 500 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
SUR CE, LA COUR,
Attendu qu' à l' appui de ses prétentions tendant à la réformation du jugement entrepris, l' appelant fait valoir que l' appellation Champagne, qui a été acquise au début du vingtième siècle et qui n' a jamais été contestée devant les tribunaux civils alors compétents en application de l' article 2 de la loi du 6 mai 1919, est un accessoire de la propriété foncière du sol se transmettant avec celui- ci ; qu' il rappelle que ce principe a été maintenu par la loi du 22 juillet 1927, que le code de la propriété intellectuelle classe les appellations d' origine dans les signes distinctifs faisant partie de la propriété industrielle et que la Cour de Justice des Communautés Européennes a également décidé que les appellations d' origine appartenaient à la catégorie des droits de propriété industrielle et commerciale ; que l' appelant se prévaut également de l' arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l' homme du 12 mai 2005 qui a jugé que si des restrictions pouvaient être apportées à l' usage du droit de propriété, elles devaient répondre à des objectifs d' intérêt général ne constituant pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti ; qu' il soutient qu' en l' espèce les déclassements, qui n' ont concerné que le département de l' Aube et non celui de la Marne, n' ont pas répondu à un objectif d' intérêt général et ont porté atteinte à la substance même de son droit de propriété en le privant de la possibilité de vendre sa production sous l' appellation champagne ; que l' appelant poursuit en indiquant, d' une part, que, si le droit sur l' appellation d' origine est un droit que l' Etat crée à son profit et dont il réglemente et contrôle l' utilisation par les opérateurs, le droit à l' appellation d' origine appartient aux propriétaires postérieurement à sa reconnaissance et, d' autre part, que, en matière de Champagne, la loi du 6 mai 1919 a fait de l' appellation d' origine un droit collectif de propriété dont était titulaire la collectivité des viticulteurs ; qu' il s' agit d' un droit déclaratif pouvant faire l' objet d' un contrôle et d' une reconnaissance par voie judiciaire ou par décret, la condition de membre de la collectivité des propriétaires fonciers viticulteurs de l' appellation étant liée à la propriété du sol et cette propriété intellectuelle collective étant inaliénable, perpétuelle et imprescriptible et ne disparaissant pas par le non- usage ;
Mais attendu, tout d' abord, que les développements de l' appelant sont fondés, pour l' essentiel, sur des dispositions légales qui ne sont plus en vigueur dès lors que le nouveau système établi par le décret- loi du 30 juillet 1935, créant la catégorie des appellations d' origine contrôlée et confiant à une institution spécifique, le Comité National des Appellations d' Origine, devenu l' Institut National des Appellations d' Origine à la suite du décret du 16 juillet 1947, la reconnaissance et la définition des conditions de production, repose sur des bases réglementaires ; que c' est en application de ce décret- loi, qui prévoyait dans son article 21 la possibilité d' une réglementation spéciale pour l' appellation Champagne, que le décret du 29 juin 1936 a reconnu cette appellation d' origine contrôlée ; que la loi du 11 février 1951 a modifié la loi du 6 mai 1919 et a donné compétence à l' INAO pour réviser et délimiter l' aire d' appellation d' origine contrôlée Champagne ; que le décret du 11 septembre 1958, modifiant l' article 3 du décret du 29 juin 1936, a prévu le report des délimitations parcellaires résultant de l' application de la loi du 6 mai 1919, modifiée par les lois du 22 juillet 1927 et 11 février 1951, sur les plans cadastraux et le dépôt de ces plans en mairie ; que c' est sur la base de ces dispositions que l' INAO a procédé à l' opération de déclassement litigieuse ;
Attendu que le droit à l' appellation d' origine ne constitue pas un droit acquis attaché aux parcelles en tant qu' accessoire du droit de propriété ; que l' appellation n' est pas en effet un accessoire de la propriété foncière, mais est définie par un décret qui fixe non seulement l' aire géographique de production, mais également les conditions de production et de contrôle du produit, la propriété du sol ne suffisant pas à elle seule à conférer un droit à l' usage d' une appellation d' origine ; que les développements de l' appelant qui tendent à voir juger que le droit d' user de l' appellation est un droit patrimonial lié à la propriété du sol et qu' il doit être considéré comme un accessoire de la propriété foncière sont, par conséquent, inopérants ;
Attendu que l' appelant ne peut pas se prévaloir, en l' espèce, d' une voie de fait qui justifierait, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l' ordre judiciaire dès lors que l' INAO n' a pas pris une décision portant une atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale qui serait elle- même manifestement insusceptible d' être rattachée à un pouvoir appartenant à l' autorité administrative ; que c' est en effet en application des dispositions rappelées ci- dessus que l' INAO a procédé à la révision et à une nouvelle délimitation de l' aire d' appellation d' origine contrôlée Champagne, cette opération ayant entraîné le déclassement contesté par l' appelant ;
Attendu qu' il s' ensuit que c' est à juste titre que les premiers juges n' ont pas retenu la compétence des juridictions de l' ordre judiciaire dès lors que celle du juge administratif résulte de la nature juridique de l' Institut National des Appellations d' Origine qui était, en vertu de l' ancien article L. 641- 5 du code rural, un établissement public administratif ; qu' il en est de même de l' Institut National de l' Origine et de la Qualité en application de l' article L. 642- 5 du code rural ; que les actes de délimitations réalisés par l' INAO en application de l' article 18 de la loi du 6 mai 1919, modifiée par la loi du 11 février 1951, ont un caractère réglementaire et relèvent de la compétence du juge administratif ; que les dispositions de l' article 2 de la loi du 6 mai 1919, codifiées à l' article L. 115- 10 du code de la consommation, dont se prévaut l' appelant, ne sont pas applicables aux produits agricoles et alimentaires conformément aux articles L. 641- 2 ancien et L. 641- 8 nouveau du code rural ;
Attendu qu' il résulte de ce qui précède que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que l' appelant ne rapportant pas la preuve de l' attitude dilatoire de l' intimé ni du préjudice qu' il allègue sera débouté de la demande de dommages- intérêts qu' il a formée de ce chef ;
Que, succombant dans ses prétentions devant la Cour, il sera condamné aux dépens d' appel ; qu' il ne peut donc pas prétendre à l' indemnité qu' il sollicite au titre de ses frais de procédure non compris dans les dépens ;
Que l' équité commande sa condamnation au paiement de la somme supplémentaire de 100 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;
Donne acte à l' Institut National de l' Origine et de la Qualité de ce qu' il vient aux droits de l' Institut National des Appellations d' Origine ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Condamne M. Rémy X... à payer à l' Institut National de l' Origine et de la Qualité la somme de 100 euros (cent euros) au titre de l' article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. Rémy X... du surplus de ses prétentions et le condamne aux dépens d' appel ; admet la SCP Six Guillaume A..., avoués, au bénéfice de l' article 699 du code de procédure civile.
Le GreffierLe Président