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20/02/2008 | FRANCE | N°07/000428

France | France, Cour d'appel de Reims, 20 février 2008, 07/000428


ARRÊT No
du 20 / 02 / 2008


AFFAIRE No : 07 / 00428


BS / VB




ASSOCIATION D'AIDE AUX INFIRMES MOTEURS CEREBRAUX DE LA REGION CHAMPAGNE ARDENNE


C /


Françoise DE X...











Formule exécutoire le :
à : COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 20 FEVRIER 2008




APPELANTE :
d'un jugement rendu le 10 Janvier 2007 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section activités diverses




ASSOCIATION D'AIDE AUX INFIRMES MOTEURS CEREBRA

UX DE LA REGION CHAMPAGNE ARDENNE

...

51100 REIMS


Représentée par la SELARL P. Y...-M. C. BENNEZON-J. Z..., avocats au barreau de REIMS,




INTIMÉE :


Madame Françoise DE X......

ARRÊT No
du 20 / 02 / 2008

AFFAIRE No : 07 / 00428

BS / VB

ASSOCIATION D'AIDE AUX INFIRMES MOTEURS CEREBRAUX DE LA REGION CHAMPAGNE ARDENNE

C /

Françoise DE X...

Formule exécutoire le :
à : COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 20 FEVRIER 2008

APPELANTE :
d'un jugement rendu le 10 Janvier 2007 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section activités diverses

ASSOCIATION D'AIDE AUX INFIRMES MOTEURS CEREBRAUX DE LA REGION CHAMPAGNE ARDENNE

...

51100 REIMS

Représentée par la SELARL P. Y...-M. C. BENNEZON-J. Z..., avocats au barreau de REIMS,

INTIMÉE :

Madame Françoise DE X...

...
A...

51350 CORMONTREUIL

Représentée par la SCP BRUN, avocats au barreau de REIMS,

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur Bertrand SCHEIBLING, Président
Monsieur Jean-Philippe KUNLIN, Conseiller
Madame Claire CHAUX, Conseiller

GREFFIER lors des débats :

Mademoiselle Valérie B..., Adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 08 Janvier 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 Février 2008, sans opposition de la part des conseils des parties et en application des dispositions des articles 939 et 945-1 du code de procédure civile, Monsieur Bertrand SCHEIBLING, conseiller rapporteur, a entendu les conseils des parties en leurs explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la cour dans son délibéré

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Bertrand SCHEIBLING, Président et par Mademoiselle Valérie B..., Adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *
Françoise DE C... a été engagée le 1er octobre 1978 par l'ASSOCIATION D'AIDE AUX INFIRMES MOTEURS CÉRÉBRAUX DE LA RÉGION CHAMPAGNE ARDENNES, ci-après dénommée AAIMC, en qualité d'éducatrice spécialisée.

L'AAIMC est une association habilitée à recevoir des enfants et des adolescents, atteints d'un handicap moteur, avec ou sans troubles associés.

Françoise DE C... était affectée à l'établissement du CRM du VAL DE MURIGNY.

Par lettre du 9 décembre 2004, l'AAIMC a notifié à Françoise DE LA ROCQUE une mise à pied conservatoire jusqu'à l'issue d'une enquête en cours.

Apres l'avoir convoquée à un entretien préalable le 4 janvier 2005, l'AAIMC a procédé à son licenciement pour faute grave par lettre du 13 janvier 2005.

Considérant ce licenciement abusif, Françoise DE C... a saisi le Conseil de Prud'hommes de REIMS en paiement de diverses sommes.

Par jugement du 27 avril 2006, le Conseil de Prud'hommes a ordonné une mesure d'enquête et désigné à cette fin des conseillers rapporteurs.

Par jugement du 10 janvier 2007, le Conseil de Prud'hommes a :
-déclaré le licenciement abusif
-condamné l'ASSOCIATION D'AIDE AUX INFIRMES MOTEURS CÉRÉBRAUX DE LA RÉGION CHAMPAGNE ARDENNES à payer à Françoise DE C... les sommes suivantes :
-5. 523, 67 € à titre d'indemnité conventionnelle
-16. 570, 98 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
-16. 598, 98 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Avec intérêts au taux légal à compter de la saisine
outre 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'AAIMC a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Vu les conclusions déposées le 8 janvier 2008 par l'AAIMC et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles celle-ci demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter Françoise DE C... de ses demandes et de lui allouer une somme de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Vu les conclusions déposées le 8 janvier 2008 par Françoise DE C... et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles celle-ci demande à la cour de confirmer le jugement sauf sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de lui allouer à ce titre une somme de 99. 500 €, et de condamner l'AAIMC au paiement d'une somme de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que la lettre de licenciement est ainsi motivée :
" en tant qu'éducatrice spécialisée, nous avons observé de graves négligences d'accompagnement et des attitudes éducatives inadaptées, notamment de la dépendance de certains usagers du groupe " préparation à la vie sociale "
Monsieur Lucas D...

Vous avez cru devoir le priver de dessert au motif qu'il ne mange pas assez vite.
Vous l'avez privé de sortie au motif qu'il ne mange pas correctement ou ne se déplace pas suffisamment vite.
Vus avez refusé de lui mettre des bouchons de protection aux oreilles afin de le protéger des sources sonores importantes conformément aux indications médicales.
Vous avez aggravé son angoisse en ayant avec lui un face à face d'une extrême violence au cours d'un repas pendant lequel vous l'avez forcé à prendre une cuiller
Vous avez refusé de lui apporter l'aide nécessaire pour aller à la selle, le contraignant à se retenir.
Vous avez interdit à celui-ci d'évoquer avec sa psychomotricienne et sa kinésithérapeute ses difficultés
Or depuis mars 2004 date de l'arrivée de Lucas dans le groupe que vous animez à la préparation à la vie sociale, l'état de Lucas s'est dégradé.
Mademoiselle Nakila E...

Vous lui avez volontairement servi de la viande de porc alors que, de religion musulmane, nous avons pris l'engagement de respecter les convictions religieuses des pensionnaires et de leur famille.
Vous vous êtes acharnée sur celle-ci alors qu'elle éprouvait des difficultés à prendre ses repas.
Pourtant, vous n'ignorez pas qu'elle est suivie médicalement en raison, outre son handicap, d'un problème de nutrition insuffisante.
Monsieur F... BENSEDIK
Là encore et sans son consentement, vous lui avez servi de la viande de porc.
Mademoiselle Laetitia G...

Elle a effectué en juillet 2004 un stage en vue de son admission, comme interne. Or vous ne vous êtes pas cachée de ne pas vouloir recevoir cette personne dans votre groupe. Pour ce faire, vous l'avez critiqué injustement devant les autres usagers afin qu'ils la laissent à l'écart. Vous l'avez contrainte à manger jusqu'à l'excès. Vous vous êtes assises auprès d'elle pendant un repas, dans une attitude provocante entraînant de sa part une réaction d'opposition. De ce fait, vous avez établi un rapport de stage négatif, incitant cette personne et sa mère à différer voire annuler la demande d'admission.
Monsieur Jérémy H...

Durant votre mise à pied conservatoire, nous avons découvert que vous avez initié et facilité une correspondance non licite en 2004 entre Jérémy et une de ses tantes. Vous avez agi à l'insu de la tutrice de Jérémy qui était opposée à l'époque à cette relation et sans en référer à quiconque...
Vous prenez à témoin les jeunes du groupe sur votre désaccord avec Madame Gaelle I... auxiliaire, qui ne cautionne plus vos actes.
Votre ancienneté dans l'entreprise ne peut excuser vos agissements fautifs... cette conduite met en cause la bonne marche du service " ;

Attendu que cette lettre reprend en grande partie les termes de deux attestations, établies dans des termes quasiment identiques, par deux salariés, Gaelle I..., aide medico-psychologue, et Caroline J..., aide-soignante ;

Attendu s'agissant des jeunes E... et BENSEDIK, que contrairement aux dires de l'employeur, Françoise DE C... n'a jamais reconnu les faits reprochés ; qu'il ressort du rapport de mission des Conseillers enquêteurs et de l'attestation établie par le cuisinier de l'époque, Jean-Marc K..., qu'un laxisme certain régnait dans l'organisation des cuisines et qu'en l'absence d'indication sur les composants des plats servis, des erreurs étaient possibles ; qu'il n'est ainsi nullement certain que Françoise DE C... ait sciemment, comme l'indique la lettre de licenciement, imposé à ces deux résidents, de confession musulmane, de consommer de la viande de porc ;

Attendu en revanche, s'agissant des autres mineurs, que rien ne permet de mettre en doute les témoignages concordants de Mmes I... et J..., qui ont par ailleurs maintenu leurs déclarations devant les conseillers enquêteurs ;

Que ces déclarations sont corroborées en ce qui concerne le jeune Lucas D..., par le rapport de Madame L..., psychomotricienne, qui a constaté une brutale dégradation de l'état émotionnel et tonique de ce jeune adulte et qui, avec beaucoup de difficulté, a recueilli ses confidences sur la manière dont il était traité par Françoise DE C... ; que d'après ce jeune, celle-ci criait fréquemment après lui, lui interdisait de mettre ses bouchons d'oreille pour se protéger du bruit et d'aller à la selle le temps de l'externat et refusait de l'aider à manger ; que le témoin précise que l'état de Lucas D... est redevenu normal à partir du moment où il a été retiré du service de Françoise DE C...

Que de tels traitements et privations ne peuvent s'inscrire dans le projet éducatif de l'établissement et du groupe ;

Que s'agissant de la correspondance entre le jeune H... et sa tante, les propos de Gaelle I... et Caroline J... sont confirmés par les remerciements que la tante adresse dans l'un de ces courriers à son " éducatrice Françoise " ;

Que Françoise DE C... se prévaut vainement des nombreux témoignages favorables qu'elle verse aux débats, ces témoignages n'excluant nullement qu'elle ait pu avoir un comportement inadapté à l'égard de certains résidents ; que tel est d'ailleurs l'analyse, que la cour partage, de Véronique M..., médecin réeducateur chef, qui conclut, dans une attestation très détaillée, que " si je n'ai jamais personnellement objectivé de maltraitance verbale ou physique concernant les jeunes du groupe, si devant moi Françoise DE C... semblait particulièrement attentive et bienveillante, en même temps il était évident dans ses propos au quotidien qu'elle appréciait beaucoup certains jeunes et trouvait d'autres trop lourds à gérer et ne correspondant pas au projet du groupe qu'elle avait établi... " ;

Attendu toutefois que Françoise DE C... avait 26 ans d'ancienneté dans l'association ; qu'elle n'avait jamais fait l'objet de remarques et encore moins de poursuites disciplinaires ; que de nombreux intervenants et parents témoignent de ses qualités professionnelles ; que les deux mineurs victimes des agissements précités ne se trouvaient plus dans son service à l'époque du licenciement ;

Que des lors, la cour considère que le comportement de la salariée ne rendait pas impossible la poursuite de la relation de travail et ne pouvait justifier un licenciement pour faute grave ;

Or attendu qu'aux termes de l'article 33 de la convention collective applicable, sauf en cas de faute grave, il ne peut y avoir de mesures de licenciement si le salarié n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins deux sanctions de manière écrite dans le cadre d'une procédure légale ;
Que tel n'est pas le cas en l'espèce ;

Que dès lors, le licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu'au regard de l'ancienneté de la salariée, de son salaire (2. 715 €) mais également de sa situation de retraitée cinq mois après la rupture, la somme de 99. 500 € sollicitée à titre d'indemnisation est très excessive ; qu'en revanche, l'indemnité allouée par le Conseil de Prud'hommes, correspondant au minimum légal, est insuffisante ; que le préjudice sera justement réparé par une somme de 22. 000 € ;

Attendu qu'il y lieu pour le surplus à confirmation du jugement ;

Attendu que l'équité commande d'allouer à Françoise DE LA ROCQUE la somme de 1. 200 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de REIMS le 10 janvier 2007, sauf sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Statuant à nouveau,

Condamne l'ASSOCIATION D'AIDE AUX INFIRMES MOTEURS CÉRÉBRAUX DE LA RÉGION CHAMPAGNE ARDENNES à payer à Françoise DE LA ROCQUE la somme de 22. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Y ajoutant,

Condamne l'ASSOCIATION D'AIDE AUX INFIRMES MOTEURS CÉRÉBRAUX DE LA RÉGION CHAMPAGNE ARDENNES à payer à Françoise DE LA ROCQUE la somme de 1. 200 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne l'ASSOCIATION D'AIDE AUX INFIRMES MOTEURS CÉRÉBRAUX DE LA RÉGION CHAMPAGNE ARDENNES aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Numéro d'arrêt : 07/000428
Date de la décision : 20/02/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Reims


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-02-20;07.000428 ?
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