ARRET No
du 28 janvier 2008
R.G : 07/00440
SOCIETE CIVILE PIERRE ET FRANCOIS LEBLANC
LEBLANC
c/
Y...
OM
Formule exécutoire le :
à :COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1o SECTION
ARRET DU 28 JANVIER 2008
APPELANTS :
d'un jugement rendu le 16 Janvier 2007 par le Tribunal de Grande Instance de REIMS,
La Société Civile PIERRE & FRANCOIS LEBLANC
...
51100 REIMS
Monsieur François LEBLANC
...
51100 REIMS
COMPARANT, concluant par Me Estelle PIERANGELI avoués à la Cour, et ayant pour conseil Me Jérome BERNS, avocat au barreau de REIMS
INTIME :
Monsieur Yves Y...
...
35740 PACE
Comparant, concluant par la SCP SIX - GUILLAUME - SIX, avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SCP ROGER & RAMAGE, avocats au barreau de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur MAUNAND, Président de Chambre
Madame SOUCIET, Conseiller
Monsieur MANSION, Conseiller
GREFFIER :
Madame Nicole B..., Adjoint Administratif faisant fonction de Greffier lors des débats et Madame Francine C..., adjoint administratif, faisant fonction de Greffier lors du prononcé,
DEBATS :
A l'audience publique du 18 Décembre 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 28 Janvier 2008,
ARRET :
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 Janvier 2008 et signé par Monsieur Yves MAUNAND, Président de Chambre, et Madame Francine C..., adjoint administratif, faisant fonction de Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Par acte du 12 août 2004, un prêt de 226 335,85 € a été consenti par la société civile Pierre et François Leblanc (SCL) à une société civile Emifi, dont le capital est réparti entre M Y... pour 70 % des parts et 30 % pour SCL. Ce prêt aurait dû servir à rétablir la situation financière d'une SAS E-Mage In dont il était associé et président et pour laquelle il se serait engagé en août 2004 à acquérir 2000 actions auprès de M François Leblanc.
La SAS E-Mage In a été placée en liquidation judiciaire en janvier 2005 et la société Emifi le 5 juillet 2005. SCL a alors saisi le Tribunal de grande instance de Reims pour demander remboursement à M Y... du prêt accordé à Emifi.
Par jugement du 16 janvier 2007, cette juridiction a déclaré irrecevable SCL en ses demandes dirigées contre M Y... faute de vaine poursuite exercée contre Emifi et d'avoir déclaré sa créance, irrecevable M Leblanc dans son action dirigée contre M Y... faute d'être créancier d'Emifi, a condamné SCL et M Leblanc à payer à M Y... une somme de 1 000 € pour frais irrépétibles et à supporter les dépens.
SCL et M Leblanc ont interjeté appel le 21 février 2007.
Ils réclament condamnation de M Y... ès qualités d'associé d'Emifi à payer à SCL une somme de 156 009,85 € majorée de 5 % au titre d'une clause pénale, correspondant à 70 % de ses parts d'associé avec intérêts au taux de 5,80 %, de M Y... ès qualités de gérant d'Emifi à payer à SCL une somme de 66 861,37 € ou 67 906,76 € selon les écritures à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux de 5,80 % et 3 000 € pour frais irrépétibles au profit de SCL et de M Leblanc. A cet effet, ils soutiennent que la créance de SCL a été déclarée dans le cadre de la liquidation judiciaire d'Emifi, clôturée le 12 février 2007 pour insuffisance d'actif. M Y..., associé, serait donc tenu au regard des articles 1857 et 1858 du code civil à hauteur de ses parts.
Pour la créance demandée à M Y... gérant, les appelants se réfèrent à l'article 1382 du code civil en soutenant qu'il a commis une faute en affectant la somme prêtée à la société E-Mage In, dont le bilan a été rapidement déposé, alors que cette somme devait servir à une augmentation de capital pour prise de participation et pour rembourser d'autres investisseurs non associés.
M Y... conclut à la confirmation du jugement dont appel, à titre subsidiaire au rejet des demandes adverses, et à titre très subsidiaire à la garantie de M Leblanc pour les condamnations éventuellement prononcées contre lui. En tout état de cause, une somme de 3 000 € pour frais irrépétibles est sollicitée. Il reprend la motivation du jugement sur les irrecevabilités, seul le dépôt de la déclaration de créance serait justifié et non sa réception entre les mains du mandataire. Seule la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle de l'associé pourrait être recherchée à condition de démontrer une faute, non établie en l'espèce puisque le prêt aurait été conclu au profit de la société E-Mage In et ce avec l'accord de M Leblanc.
Il sera renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et demandes des parties aux conclusions des 6 et 17 décembre 2007, respectivement pour l'intimé et les appelants.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 décembre 2007.
MOTIFS
Sur les dernières conclusions :
M Y... a conclu le 18 décembre 2007, jour de l'ordonnance de clôture. Par conclusions du même jour, les appelants demandent le rejet desdites écritures communiquées en cours de matinée pour une clôture fixée à 14 heures et audience de plaidoiries le même jour et à la même heure.
En agissant ainsi, l'intimé n'a pas permis à son adversaire de prendre connaissance de ses derniers arguments et demandes formulés tardivement, ce qui implique le rejet de ces conclusions.
Sur la recevabilité :
Les articles 1857 et 1858 du code civil permettent au créancier d'une société civile d'obtenir paiement d'une dette sociale contre l'associé à proportion de sa part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou du jour de la cessation des paiements, après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale. L'absence de lien contractuel entre l'associé et le créancier de la société est indifférent dès lors que l'action est légale.
Ici, dans le cadre de sa demande en paiement dirigée contre M Y... ès qualités d'associé d'Emifi, SCL démontre qu'elle a adressé sa déclaration de créance à son destinataire le 18 octobre 2005. Si en application des anciens articles L.621-43 et L.621-46 du code de commerce, il incombe au créancier de prouver que la lettre contenant la déclaration a été reçue par le mandataire judiciaire et que la preuve du dépôt est insuffisante pour éviter l'extinction de la créance, force est de constater ici que le jugement de clôture pour insuffisance d'actif rendu par le Tribunal de grande instance de Reims le 13 février 2007, dans le cadre de la liquidation judiciaire d'Emifi, indique comme seul passif déclaré une somme de 226 000 € soit un montant sensiblement égal à la créance de SCL chiffrée à 266 335,85 € outre intérêts au taux de 5,80 %, ce qui implique preuve de la réception de la déclaration litigieuse.
De plus, le fait que la société civile soumise à une procédure collective ne dispose d'aucun actif disponible suffisant à établir que toute poursuite préalable à son encontre s'est révélée vaine, SCL est fondée à se prévaloir des motifs du jugement susvisé en date du 13 février 2007 qui, reprenant les propos de Me D..., mandataire, indique qu'il ne sera pas possible de désintéresser même partiellement les créanciers avec un actif disponible de 1 547,59 €, pour appuyer la recevabilité de sa demande.
En conséquence, le jugement dont appel sera infirmé en ce qu'il déclaré irrecevable la demande en paiement de SCL dirigée contre M Y... associé d'Emifi.
Sur la demande principale :
1o) La créance principale n'étant contestée ni son principe ni en son montant, SCL est en droit d'obtenir 70 % de 222 871,22 €, montant demandé, soit 156 009,70 € avec intérêts au taux contractuel de 5,80 % à compter du prononcé du présent arrêt, outre une indemnité forfaitaire égale à 5 % du capital restant dû telle que prévue à la reconnaissance de dette, page 4, du 12 août 2004.
2o) La demande dirigée contre M Y... ès qualités de gérant d'Emifi impose aux appelants de démontrer, en application de l'article 1850 du code civil, que la responsabilité du gérant est engagée à l'égard des associés. Ils leur incombent ainsi de caractériser une faute dans l'exercice de ses fonctions avant la liquidation judiciaire de la société Emifi.
Sur ce point, force est de constater que le prêt du 12 août 2004 ne comporte aucune affectation des fonds prêtés. De plus, les appelants n'établissent pas que les fonds versés au profit d'Emifi, alors en formation, devaient servir à une augmentation de capital d'une société E-Mage-In pour permettre une prise de participation d'Emifi ou ont été absorbés dès août 2004 alors que la cessation des paiements de E-Mage-In était envisagée le 30 septembre 2004 pour aboutir à une liquidation judiciaire en janvier 2005.
La pièce no10 produite par M Y... qui vaudrait preuve d'utilisation des fonds est un document manuscrit, rédigé par une personne non identifiée et donc insusceptible d'entraîner la conviction de la Cour.
Les attestations fournies par les appelants pièces no 30 à 35 émanant de personnes formulant des griefs contre M Y... ne sont pas pertinentes en ce qu'elles ne confortent pas les affirmations de SCL mais se contentent soit de rappeler des faits indifférents au litige (attestations de MM E..., F..., G..., H...) soit de faire état de la création par M Y... d'une société européenne de traçabilité laquelle aurait repris l'activité de E-Mage-in (attestation de M I...).
En conséquence, la demande en paiement de la somme de 66 861,37 € ou 67 906,76 € à titre de dommages et intérêts outre intérêts au taux de 5,80 % sera rejetée.
Sur les autres demandes :
1o) L'appel en garantie de M Y... à l'encontre de M Leblanc n'est fondé sur aucune explication, autre que le visa de l'article 1382 du code civil.
Cette demande sera donc rejetée.
2o) Toutes les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront écartées.
M Y... supportera les dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile pour Me Pierangéli.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant après débat public et par décision contradictoire :
- écarte des débats les conclusions tardives prises pour le compte de M Y... le 18 décembre 2007,
- infirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Reims en date du 16 janvier 2007,
Statuant à nouveau :
- dit recevable la demande en paiement exercée par la société civile Pierre et François Leblanc à l'encontre de M Y... en sa qualité d'associé de la société civile Emifi,
- condamne M Y... en sa qualité d'associé de la société civile Emifi à payer à la société civile Pierre et François Leblanc la somme de 156 009,70 € avec intérêts au taux contractuel de 5,80 % à compter du prononcé du présent arrêt, outre une indemnité forfaitaire égale à 5 % du capital restant dû,
- rejette toutes les autres demandes,
Y ajoutant :
- rejette toutes les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne M Y... aux dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile pour Me Pierangéli.
LE GREFFIERLE PRESIDENT