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15/10/2007 | FRANCE | N°06/02010

France | France, Cour d'appel de Reims, 15 octobre 2007, 06/02010


COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1* SECTION

ARRET DU 15 OCTOBRE 2007

APPELANTS:

d'un jugement rendu le 16 Juin 2006 par le Tribunal de Grande Instance de CHARLEVILLE-MEZIERES,

Monsieur Cornelis X...


... BOURG FIDELE

Madame Maria Y...
Z... MARK épouse X...


... BOURG FIDELE

COMPARANT, concluant par la SCP THOMA - LE RUNIGO - DELAVEAU - GAUDEAUX avoués à la Cour, et ayant pour conseil Me Francis A... avocat au barreau de CHARLEVILLE MEZIERES

INTIMEE :

Madame Marie B...
C...
D... Bel Air 08230 BOUR

G FIDELE

Comparant, concluant par la SCP DELVINCOURT - JACQUEMET - CAULIER-RICHARD, avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SCP...

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1* SECTION

ARRET DU 15 OCTOBRE 2007

APPELANTS:

d'un jugement rendu le 16 Juin 2006 par le Tribunal de Grande Instance de CHARLEVILLE-MEZIERES,

Monsieur Cornelis X...

... BOURG FIDELE

Madame Maria Y...
Z... MARK épouse X...

... BOURG FIDELE

COMPARANT, concluant par la SCP THOMA - LE RUNIGO - DELAVEAU - GAUDEAUX avoués à la Cour, et ayant pour conseil Me Francis A... avocat au barreau de CHARLEVILLE MEZIERES

INTIMEE :

Madame Marie B...
C...
D... Bel Air 08230 BOURG FIDELE

Comparant, concluant par la SCP DELVINCOURT - JACQUEMET - CAULIER-RICHARD, avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SCP J. MANIL- P. MANIL, avocats au barreau de CHARLEVILLE MEZIERES.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur MAUNAND, Président de Chambre Madame SOUCIET, Conseiller

Monsieur MANSION, Conseiller

GREFFIER :

Madame Maryline THOMAS, Greffier lors des débats et Madame Francine E..., adjoint administratif, faisant fonction de Greffier lors du prononcé,

DEBATS :

A l'audience publique du 18 Septembre 2007, oÿ l'affaire a été mise en délibéré au 15 Octobre 2007,

ARRET :

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 Octobre 2007 et signé par Monsieur Yves MAUNAND, Président de Chambre, et Madame Francine E..., adjoint administratif, faisant fonction de Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ARRET

du 15 octobre 2007

R.G : 06/02010

X...
Y...
Z... MARK

cl KALUN

YM

1O

Formule exécutoire5 le :CT 2007

é:

1

M. Cornelis F... et Mme Maria Y...
Z... Mark épouse G... sont propriétaires d'une maison d'habitation bâtie sur un terrain sis ... à Bourg-Fidèle (08) et cadastré section A nº 81 et nº 82.

Ce terrain est contigu de celui de Mme Marie B..., cadastré même section n* 78, 79, et 80.

Les parties sont contraires sur la propriété d'un triangle de terre d'environ 250 m2 qui figure au cadastre dans la parcelle nº 80, mais qui était matériellement rattaché à la propriété des époux G....

Mme B... a fait établir le 27 novembre 1998 un procès-verbal de délimitation et de bornage des deux fonds respectifs, document qui n'a pas été approuvé par les époux F..., lesquels, s'estimant victimes d'un empiétement de la part de leur voisine qui avait arraché la clôture limitant les deux propriétés, l'ont fait assigner le 10 avril 2001 devant le Tribunal de grande instance de Charleville-Mézières sur le fondement des articles 2228 et suivants du code civil.

Un premier jugement avant dire droit du 7 mai 2004 a ordonné une expertise, confiée à M. Jacques H..., afin de déterminer avec précision la limite séparative des deux fonds.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 26 mai 2005. Sur la base d'une prescription acquisitive au profit des époux G..., il retient une délimitation appuyée sur l'ancienne clôture.

Par jugement du 16 juin 2006, le Tribunal de grande instance de Charleville-Mézières a :

-rejeté les demandes des époux G... relatives à leur revendication de droit de propriété ;

- dit que Mme B... dispose sur la parcelle nº 80 d'un droit de propriété conforme à la limite du plan cadastral révisé ;

- rejeté la demande en dommages-intérêts formée par Mme B... ;

-rejeté les demandes des parties relatives aux dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

-dit que les dépens relatifs aux frais d'expertise seront mis à la charge de chacune des parties pour moitié ;

- dit que les autres dépens seront supportés par M. et Mme G....

Les époux F... ont relevé appel de ce jugement le 25 juillet 2006.

2

Par dernières conclusions notifiées le 30 août 2007, M. et Mme G... poursuivent l'infirmation du jugement déféré et demandent à la Cour de :

- dire qu'ils sont propriétaires de la parcelle triangulaire revendiquée par Mme B... et ce du fait de la prescription acquisitive ;

- dire qu'ils sont propriétaires à Bourg-Fidèle, Cense Bel Air, de la parcelle ainsi délimitée :

. X à Y, en ligne droite entre les deux points ; X et Y devant être matérialisés par des bornes ;

. de Y à Z, en ligne droite entre les deux points ; Z étant matérialisé par une borne en pierre ;

. de Z à A, puis B, puis C, en ligne droite entre ces points ; A, B et C devant être matérialisés par des bornes ;

- condamner Mme B... au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens incluant les frais d'expertise.

Par dernières conclusions notifiées le 29 mars 2007, Mme B... poursuit la confirmation du jugement déféré et demande à la Cour de débouter les époux G... de leurs prétentions et de les condamner au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise.

SUR CE, LA COUR

Attendu que, pour débouter les époux G... de leurs demandes, le tribunal a retenu que ces derniers avaient implanté une clôture récente, quasiment alignée sur le plan cadastral révisé, et qu'ils s'étaient ainsi mis en contradiction avec leur argumentation soutenue au titre de la prescription acquisitive en interrompant leur possession, démontrant alors leur volonté de ne pas se comporter en propriétaire de ladite parcelle ;

Qu'au soutien de ses prétentions tendant à la confirmation du jugement, Mme B... fait valoir que les conditions de l'article 2229 du code civil ne sont pas remplies, motif pris de la rupture intervenue dans la possession de la parcelle revendiquée et l'édification d'une clôture par les appelants correspondant à la délimitation cadastrale nouvelle ;

Qu'elle indique, également, que la nouvelle superficie de sa parcelle, telle qu'elle résulte de la délimitation retenue par l'expert est de 918 m2, alors que, selon son acte de propriété qui prend en compte la surface de la parcelle litigieuse, la superficie de son terrain est de 1 265 m2 ;

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Qu'elle fait grief à l'expert judiciaire de ne pas avoir assez accordé d'importance aux actes de propriété et aux plans cadastraux et de s'être seulement fondé sur l'implantation d'une ancienne clôture ; qu'elle lui reproche, également, d'être allé au-delà de sa mission en donnant son avis sur la prescription acquisitive ;

Que Mme B... estime que les époux G... ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article 2229 du code civil alors que leur acte de propriété indique une superficie qui ne correspond pas à celle indiquée par l'expert judiciaire et que son acte, datant de 1970, tient compte de la superficie de la parcelle litigieuse ; qu'elle en conclut que, dès l'origine de la propriété en 1988 par les époux G..., la possession ne peut être continue et publique alors que les actes de propriété et les plans cadastraux ne peuvent qu'interrompre une possession qui aurait été acquise avant 1970 ; que l'intimée conteste la pertinence des attestations produites par les appelants et soutient que ces derniers ne rapportent pas la preuve des actes matériels qu'ils ont pu réaliser sur la parcelle litigieuse ;

Mais attendu, tout d'abord, qu'il ressort tant du rapport d'expertise que de la lettre adressée le 5 août 2006 par la fille des appelants, qui a vécu à Bourg-Fidèle de 2002 à 2004, que c'est seulement dans l'attente d'une décision judiciaire et afin de prévenir la divagation de leurs chiens que les époux G... ont implanté une clôture en alignement sur le plan cadastral révisé ;

Que cette circonstance ne traduit pas la volonté des appelants de ne pas se comporter en propriétaires de la parcelle litigieuse dès lors que la renonciation à un droit ne peut résulter que d'un acte ou d'un fait qui, implicitement ou explicitement, manifeste une volonté de manière claire et non équivoque ; que chacune des parties n'avait eu de cesse, depuis la naissance du litige, d'arracher la clôture que l'autre partie avait implantée sur la limite séparative qu'elle estimait devoir être retenue ; que, dans ces conditions, l'implantation d'une clôture provisoire par les époux G... dans un souci d'apaisement et pour prévenir la divagation des animaux ne traduit pas une volonté non équivoque de ces derniers de renoncer au droit qu'ils revendiquaient, par ailleurs, en justice ;

Attendu qu'aux termes de l'article 2229 du code civil, pour pouvoir prescrire il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire ;

Que celui qui fonde son action en revendication sur la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil n'est pas tenu d'en rapporter un titre et ne peut se voir opposer une exception déduite de la mauvaise foi ;

Attendu qu'en l'espèce, c'est en vain que Mme B... oppose aux prétentions des époux G... les mentions de son titre de

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propriété et des relevés cadastraux dès lors que l'on peut valablement prescrire contre un titre et que la propriété ne se prouve pas par le cadastre ;

Qu'en revanche, c'est à juste titre que les époux F... soutiennent qu'ils ont acquis par prescription acquisitive la propriété de la parcelle litigieuse ;

Attendu, tout d'abord, que les opérations d'expertise ont mis en évidence que les fonds appartenant aux époux G... et à Mme B... étaient, dans la zone litigieuse, séparés par une clôture ancienne dont l'implantation n'était pas conforme aux limites des propriétés telles qu'elles apparaissent sur le plan cadastral remanié ; que l'existence de cette ancienne clôture, arrachée par Mme B..., est également établie par le procès-verbal de constat dressé le 11 mars 2000 par Me I..., huissier de justice associé, et les photographies que ce dernier a prises et qui font apparaître de manière distincte les vestiges de l'ancienne clôture ;

Que les appelants justifient que leur possession et celle de leur auteur, dont ils peuvent se prévaloir par application de l'article 2235 du code civil, est continue et non interrompue depuis plus de trente ans et que la prescription était acquise quand, en 1998, Mme B... leur a contesté la propriété du triangle litigieux ; que Mme Marcelle J..., née le 16 octobre 1924, de qui les époux F... tiennent leur propriété achetée le 9 décembre 1988, atteste que, depuis 1968, date à laquelle elle est devenue propriétaire des lots cadastrés section A re 81 et 82, les limites de sa propriété avec celle de M. K..., ex-époux de Mme B..., étaient restées inchangées ; que Mme J... précise que le fonds appartenait auparavant à son père, et ce, depuis plus de soixante-dix ans, et qu'elle a toujours vu la clôture au même endroit ; que l'attestation de Mme J... est corroborée par celle de M. Régis L..., né le 10 février 1942, qui indique qu'il a vécu jusqu'à l'âge de quatorze ans, soit jusqu'au milieu des années cinquante, au Cense Bel Air, dont quelques années dans la maison appartenant aujourd'hui aux époux F..., et qu'il a "toujours connu les limites des clôtures à l'endroit oÿ elles étaient avant 2000" ;

Que la possession des époux G... et de leur auteur était, par ailleurs, paisible alors qu'il n'est ni démontré ni même allégué que les appelants auraient acquis ou gardé la possession de la parcelle revendiquée au moyen de voies de fait accompagnées de violences matérielles ou morales qui seules pouvaient rendre non paisible la possession invoquée pour la prescription ;

Que cette possession est également publique dès lors qu'elle se manifeste par des signes ostensibles, à savoir une clôture, de nature à la révéler à celui contre lequel on prescrit et à provoquer au besoin sa contradiction avant l'expiration du délai trentenaire ;

Qu'enfin, la parcelle litigieuse a été possédée par les appelants et leur auteur de manière non équivoque et à titre de propriétaire dans

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la mesure oÿ il ressort du rapport d'expertise que la possession a comporté tous les actes d'appropriation dont était susceptible cette partie du jardin d'agrément (entretien courant, taille des haies, plantations...) ; que les constatations de l'expert judiciaire sont, en outre, corroborées par celles de l'huissier de justice qui, dans son procès-verbal dressé le 11 mars 2000, avait relevé que les époux G... avaient planté deux lignes d'arbres fruitiers sur le triangle litigieux ;

Attendu qu'il convient, dès lors, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et de dire que M. et Mme G... sont propriétaires, par prescription acquisitive, à Bourg-Fidèle (08), Cense Bel Air, de la parcelle ainsi délimitée dans le plan de détail partiel annexé au rapport d'expertise nº ... par M. Jacques H... :

. X à Y, en ligne droite entre les deux points ; X et Y devant être matérialisés par des bornes ;

. de Y à Z, en ligne droite entre les deux points ; Z étant matérialisé par une borne en pierre ;

. de Z à A, puis B, puis C, en ligne droite entre ces points ; A, B et C devant être matérialisés par des bornes ;

Attendu que Mme B..., qui succombe dans ses prétentions, sera condamnée aux dépens de première instance, comprenant notamment les frais d'expertise, et d'appel ; qu'elle ne peut donc pas prétendre à l'indemnité qu'elle sollicite au titre de ses frais de procédure non compris dans les dépens ;

Que l'équité commande sa condamnation au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;

Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré et statuant à nouveau :

Dit que M. Cornelis G... et Mme Maria Y...
Z... Mark épouse G... sont propriétaires, par prescription acquisitive, à Bourg-Fidèle (08), Cense Bel Air, de la parcelle ainsi délimitée dans le plan de détail partiel annexé au rapport d'expertise riº ... par M. Jacques H... :

. X à Y, en ligne droite entre les deux points ; X et Y devant être matérialisés par des bornes ;

6

. de Y à Z, en ligne droite entre les deux points ; Z étant matérialisé par une borne en pierre ;

. de Z à A, puis B, puis C, en ligne droite entre ces points ; A, B et C devant être matérialisés par des bornes ;

Condamne Mme Marie B... à payer à M. Cornelis G... et Mme Maria Y...
Z... Mark épouse G... la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Rejette la demande d'indemnité de procédure formée par Mme Marie B... et la condamne aux dépens de première instance, comprenant notamment les frais d'expertise, et d'appel ; admet, pour ces derniers, la SCP Thoma Le Runigo Delaveaux Gaudeaux, avoués, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Numéro d'arrêt : 06/02010
Date de la décision : 15/10/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Charleville-Mézières


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-10-15;06.02010 ?
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