ARRET N.
15 octobre 2007
R.G : 06/01555
X...
c/
Y... TARLIER
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1º SECTION
ARRET DU 15 OCTOBRE 2007
APPELANTE :
Mademoiselle Sandrine X...
...
51120 ALLEMANT
d'un jugement rendu le 17 Mai 2006 par le Tribunal de Grande Instance de CHALONS-EN-CHAMPAGNE
COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT - JACQUEMET - CAULIER-RICHARD avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SCP JACQUEMET Avocats au barreau de REIMS
INTIMES :
Monsieur Jean-François Y...
... à Vent 51120 LA FORESTIERE
Madame Magdaléna Z... épouse Y...
... à Vent 51120 LA FORESTIERE
Comparant, concluant par la SCP THOMA - LE RUNIGO - DELAVEAU - GAUDEAUX, avoués à la Cour, et ayant pour conseil Me Anny A..., avocat au barreau de CHALONS EN CHAMPAGNE.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Monsieur Yves MAUNAND, Président de Chambre, et Monsieur Olivier MANSION, Conseiller, ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas, opposés. Ils en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Monsieur MAUNAND, Président de Chambre Monsieur ALESANDRINI, Conseiller
Monsieur MANSION, Conseiller
Formule exécutoire : 1 5 OCT. 2007GREFFIER :
à:
Madame Maryline THOMAS, Greffier lors des débats et Madame Francine B..., adjoint administratif, faisant fonction de Greffier lors du prononcé,
DEBATS :
A l'audience publique du 17 Septembre 2007, oÿ l'affaire a été mise en délibéré au 15 Octobre 2007,
ARRET :
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 Octobre 2007 et signé par Monsieur Yves MAUNAND, Président de Chambre, conseiller, et Madame Francine B..., adjoint administratif, faisant fonction de Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
YM
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Suivant acte authentique reçu le 22 mai 2003 par Me C..., notaire, Mlle Sandrine X... a acquis, au prix de 68.600 euros, de M. Jean-François Y... et de Mme Magdaléna Z... épouse Y... une maison d'habitation sise ... (51) comprenant au rez-de-chaussée un coin cuisine avec salle commune, un salon avec cheminée, une salle d'eau, des toilettes, une pièce au sol en béton, une grange à la suite avec, au-dessus, un grenier aménageable et à l'étage une pièce palière et trois chambres.
Le 16 août 2003, Mlle X... a écrit à Me C... pour se plaindre de désordres affectant l'électricité, la fosse sceptique, l'alimentation et l'évacuation d'eau, la cheminée non ramonée, ainsi que d'une menace d'effondrement du plancher du premier étage.
Par lettre du 6 septembre 2003, le notaire lui rappelait qu'elle avait accepté la vente sans garantie particulière et avait renoncé ainsi à tout recours contre les vendeurs.
L'assureur de Mlle X..., la compagnie Pacifica, a mandaté un expert, le cabinet Texa, qui a procédé à une expertise amiable et contradictoire le 17 février 2004 et déposé un rapport le 4 novembre 2004 dans lequel il indiquait que l'installation électrique était dangereuse et nécessitait une réfection complète, que l'évacuation des eaux n'étaient pas conforme et que les anciens propriétaires avaient modifié la façade et la toiture sans autorisation de travaux.
Le 27 mai 2005, Mlle X... a fait assigner en référé les époux Y... devant le président du Tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne afin de voir désigner un expert judiciaire.
Désigné par ordonnance de référé du 14 juin 2005, M. Jean-Marc D... a déposé une note de synthèse le 3 septembre 2005 sur la base de laquelle Mlle X... a fait assigner le 6 janvier 2006 à jour fixe ses vendeurs afin de voir prononcer la résolution de la vente au regard des vices cachés affectant l'immeuble. A titre subsidiaire, elle sollicitait l'annulation de la vente au motif que son consentement avait été vicié en raison de la réticence dolosive de ses vendeurs qui lui avaient caché la réalisation de travaux sans autorisation administrative.
Par jugement du 17 mai 2006, le Tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne a :
- déclaré Mlle X... irrecevable en sa demande de résolution de la vente comme tardive ;
- recevable mais mal fondée en sa demande d'annulation du contrat pour vice du consentement ;
- débouté Mile X... de l'ensemble de ses prétentions et déclaré sans objet les demandes reconventionnelles formées par les époux Y... à titre subsidiaire ;
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- dit n'y avoir lieu d'assortir le jugement de l'exécution provisoire ;
- condamné Mlle X... au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens de l'instance.
Mlle X... a relevé appel de ce jugement le 8 juin 2006.
Par dernières conclusions notifiées le 9 octobre 2006, Mlle X... poursuit l'infirmation du jugement déféré et demande à la Cour de :
- à titre principal, prononcer la résolution de la vente sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil ;
- à titre subsidiaire, prononcer la résolution de la vente pour manquement à l'obligation de délivrance sur le fondement des articles 1604 et suivants du code civil ;
-condamner les époux Y... à lui restituer le prix de la vente, soit la somme de 68.600 euros à charge pour elle de restituer l'immeuble dans un délai qui ne saurait être inférieur à deux mois ;
-condamner en outre les époux Y... à lui payer les sommes de :
. 3.355 euros au titre des droits notariaux mentionnés dans l'acte de vente ;
. 397,90 euros au titre des frais de dossier ;
. 255 euros au titre des parts sociales ;
. 6.829,05 euros correspondant au coût du crédit ;
. 3.000 euros à titre de dommages-intérêts complémentaires en réparation du préjudice subi ;
soit une somme totale de 13.836,95 euros ;
-dire que lesdites sommes seront assorties d'un intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;
-débouter les époux Y... de leurs prétentions et les condamner au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 3 mai 2007, M. et Mme Y... poursuivent à titre principal la confirmation du jugement déféré et demandent à la Cour à titre infiniment subsidiaire de :
- débouter Mlle X... de sa demande de dommages-intérêts complémentaires ;
-la condamner à leur payer la somme de 500 euros par mois à titre d'indemnité d'occupation, soit la somme de 22.500 euros arrêtée à mai 2007, sauf à parfaire, et jusqu'à la libération effective des lieux ;
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- condamner Mlle X... à leur payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts correspondant au défaut d'entretien et à la moins-value de l'immeuble ;
- condamner Mlle X... au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens.
SUR CE, LA COUR,
Attendu que les époux Y... poursuivent la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable comme tardive la demande formée par Mlle X... sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil en faisant valoir que cette dernière a eu connaissance des désordres dès le 23 mai 2003 ou, à tout le moins, dès le 16 août 2003 et que ce n'est que le 31 mai 2005, soit deux ans à dix-huit mois plus tard, qu'elle a saisi le tribunal de grande instance ; qu'ils estiment, en conséquence, qu'elle n'a pas attendu le rapport de l'expert amiable pour connaître les vices cachés dont elle se prévaut à l'appui de ses prétentions ;
Mais attendu que dans la lettre qu'elle a adressée le 16 août 2003 à Me C..., notaire, Mlle X... écrivait que, depuis son installation progressive à compter du 23 mai 2003, elle rencontrait notamment les problèmes suivants : fosse sceptique non vidangée, évacuation des eaux de la machine à laver directement dans la rue, divers câbles électriques et prises "qui se baladent" et prises ne fonctionnant pas, cheminée non ramonée, menace d'effondrement du plancher de l'étage ; qu'elle indiquait souhaiter connaître les modifications apportées à l'immeuble par les vendeurs, les autorisations administratives qui ont été délivrées et les certificats de conformité qui ont pu être établis ;
Que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que Mlle X... avait connaissance des vices cachés affectant l'immeuble dès le 16 août 2003 alors que dans le courrier qu'elle a adressé à cette date au notaire elle a seulement dénoncé des désordres apparents, affectant notamment l'installation électrique, et a posé des questions sur les travaux qui ont été faits par les vendeurs ; que ce n'est qu'à la suite du dépôt du rapport d'expertise de cabinet Texa, soit le 4 novembre 2004, qu'elle a eu connaissance des vices cachés dont elle allait se prévaloir à l'appui de son action rédhibitoire ; que c'est ce rapport d'expertise qui a mis en évidence que l'installation électrique, réalisée par M. Y..., était dangereuse et nécessitait une révision complète ; que le cabinet Texa qualifie, en effet, cette installation d'anarchique, avec des câbles de section insuffisants, des boîtes de dérivation non visibles et non accessibles, des équipements ne fonctionnant pas et des fils dénudés "aboutissant on ne sait oÿ" ; que lors de la réunion contradictoire organisée le 17 février 2004, M. Y... a précisé avoir fait les travaux lui-même et a reconnu que des câbles souples, et non rigides, passaient sous le plancher ou derrière les incurvements du premier étage et étaient inaccessibles, qu'ils traversaient les planchers et les
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doublages sans gaine de protection et que les boîtes de dérivation étaient cachées, voire inaccessibles ; que l'expertise amiable a également permis à Mme X... de découvrir que les époux Y... avaient réalisé des travaux touchant à la façade et la toiture sans autorisation administrative (suppression d'une entrée de garage et création d'une entrée de pièce, adjonction de deux fenêtres de toit sur le versant arrière de la maison dans le cadre de l'aménagement des combles) ; que l'expertise amiable a confirmé que l'évacuation de la machine à laver passait sous le dallage et ressortait dans le caniveau de la voie publique ;
Attendu que Mlle X... a fait assigner en référé ses vendeurs aux fins de désignation d'un expert judiciaire le 27 mai 2005, soit dans les six mois du dépôt du rapport amiable ; qu'elle a ainsi satisfait au bref délai prévu par l'article 1648 du code civil dans sa rédaction alors applicable ;
Qu'il convient, dès lors, par infirmation du jugement déféré, de déclarer recevable l'action introduite par Mlle X... sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil ;
Attendu que les époux Y... contestent que les désordres puissent constituer des vices cachés au motif qu'ils ont vendu une vieille maison dans laquelle peu de travaux avaient été réalisés et que l'appelante savait que des travaux étaient à prévoir ; qu'ils lui reprochent d'avoir branché des radiateurs électriques alors que la maison était précédemment chauffée par un poêle à bois et que les prises électriques ne supportaient pas de tels branchements ; qu'ils soutiennent, par ailleurs, que le système d'évacuation des eaux usées a été remplacé à l'identique ; que les époux Y... se prévalent, par ailleurs, de la clause d'exonération prévue dans l'acte de vente et de leur bonne foi ;
Mais attendu que les vices affectant l'immeuble constituent des vices cachés au sens de l'article 1641 du code civil alors que, d'une part, un acquéreur profane ne pouvait s'en convaincre lors des visites des lieux préalables à la vente et que, d'autre part, ces vices rendent la chose vendue impropre à l'usage auquel on la destine ou diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ;
Qu'en effet, M. D..., expert judiciaire, indique dans son rapport que l'installation électrique est défaillante, qu'elle ne peut pas être récupérée et qu'elle doit être "refaite rapidement et complètement pour la sécurité des personnes" ; que M. D... écrit également que "l'installation électrique est dangereuse pour les habitants de la maison", qu'ils "peuvent se faire électrocuter" et que "l'installation peut mettre le feu à la maison à la suite d'un court-circuit" ;
Que M. D... a également confirmé que des travaux avaient été réalisés par les époux Y... sans qu'ils aient préalablement effectué de déclaration auprès des services municipaux (pose de deux
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fenêtres de toit, modification de la façade sur rue, modification de l'affectation des surfaces après la condamnation du garage) ;
Que l'expert judiciaire a, enfin, indiqué que l'évacuation des eaux usées était inadaptée et devait être refaite ;
Qu'il a chiffré à une somme de l'ordre de 6.400 euros le coût des travaux de reprise ;
Attendu que les époux Y... ne sont pas fondés à opposer à Mlle X... la clause de non-garantie des vices cachés stipulée dans l'acte de vente dans la mesure oÿ ils ne sont pas de bonne foi dès lors qu'ils ont réalisé eux-mêmes les travaux litigieux et qu'ils connaissaient parfaitement les vices qui affectaient l'immeuble qu'ils vendaient ;
Attendu qu'il convient, dès lors, de faire droit à la demande de Mlle X... tendant à la résolution de la vente sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil ;
Attendu que les époux Y... devront restituer à Mlle X... le prix de la vente, soit la somme de 68.600 euros, à charge pour elle de leur restituer l'immeuble dans le délai maximal de deux mois à compter de la signification du présent arrêt ;
Attendu que, par application de l'article 1645 du code civil, les époux Y... sont tenus, outre la restitution du prix de la vente, de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur ;
Que Mlle X... justifie de la demande qu'elle forme au titre des droits de mutation (3.355 euros), lesquels ont été calculés dans l'acte de vente, des frais de dossier (397,90 euros) et de parts sociales (255 euros) par la production de la lettre du 1er avril 2003 du Crédit Agricole Mutuel de la Brie et de la somme de 6.829,05 euros réclamée au titre du coût du crédit par la production des documents afférents au prêt de 59.000 euros que lui avait consenti le Crédit Agricole Mutuel de la Brie pour l'acquisition de la maison ; qu'au regard des désagréments qu'elle subit du chef de la recherche d'un nouveau logement et du déménagement et compte tenu des éléments justificatifs produits et des explications fournies, une somme complémentaire de 1.000 euros lui sera allouée ;
Que les époux Y... seront, par conséquent, condamnés à payer à Mlle X... la somme totale de 11.836,95 euros à titre de dommages-intérêts ;
Que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt ;
Attendu qu'en raison de l'effet rétroactif de la résolution de la vente, les époux Y... ne sont pas fondés à obtenir une indemnité correspondant à la seule occupation de l'immeuble par Mlle X... ; que la demande qu'ils ont formée de ce chef sera rejetée ;
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Attendu que les seules photographies versées aux débats par les époux Y... ne sont pas de nature à justifier de la dépréciation du bien qu'ils imputent à Mlle X... ; que la demande de dommages-intérêts qu'ils ont formée de ce chef sera également rejetée ;
Attendu que les époux Y..., qui succombent dans leurs prétentions, seront condamnés aux dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise judiciaire, et d'appel ; qu'ils ne peuvent donc pas prétendre à l'indemnité qu'ils sollicitent au titre de leurs frais de procédure non compris dans les dépens ;
Que l'équité ne commande leur condamnation au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;
Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris et statuant à nouveau :
Prononce la résolution de la vente consentie par M. Jean-François Y... et Mme Magdaléna Z... épouse Y... à Mlle Sandrine X... suivant acte reçu le 22 mai 2003 par Me Olivier C..., notaire associé, et portant sur une maison d'habitation sise ... (51) comprenant au rez-de-chaussée un coin cuisine avec salle commune, salon avec cheminée, salle d'eau, WC, une pièce sol béton, à l'étage une pièce palière et trois chambres et à la suite une grange avec au-dessus un grenier aménageable, ledit bien immobilier cadastré lieudit "Les Auges" section F riº 87 pour dix ares quatre-vingt-quinze centiares et ri" 88 pour un are quatre-vingt-dix centiares, soit ensemble douze ares quatre-vingt-cinq centiares ;
Dit qu'il sera procédé aux formalités de publicité foncière par la partie la plus diligente ;
Condamne M. Jean-François Y... et Mme Magdaléna Z... épouse Y... à restituer à Mlle Sandrine X... le prix de la vente, soit la somme de 68.600 euros (soixante-huit mille six cents euros) à charge pour elle de leur restituer l'immeuble dans le délai maximal de deux mois à compter de la signification du présent arrêt ;
Condamne M. Jean-François Y... et Mme Magdaléna Z... épouse Y... à payer à Mlle Sandrine X... la somme de 11.836,95 euros (onze mille huit cent trente-six euros et quatre-vingt-quinze centimes) à titre de dommages-intérêts ;
Dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt ;
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Déboute M. Jean-François Y... et Mme Magdaléna Z... épouse Y... de leurs demandes d'indemnité d'occupation et de dommages-intérêts pour dépréciation de l'immeuble ;
Condamne M. Jean-François Y... et Mme Magdaléna Z... épouse Y... à payer à Mlle Sandrine X... la somme de 1.000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Rejette la demande d'indemnité de procédure formée par M. Jean-François Y... et Mme Magdaléna Z... épouse Y... et les condamne aux dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise judiciaire, et d'appel ; admet, pour ces derniers, la SCP Delvincourt Jacquemet Caulier-Richard, avoués, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Le Greffier
Le Président