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30/08/2006 | FRANCE | N°05/02495

France | France, Cour d'appel de Reims, 30 août 2006, 05/02495


Formule exécutoire le : à :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 30 AOUT 2006

DEMANDEUR EN CONTESTATION DE LA DECISION DE REFUS D'ACCEPTATION DU FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

Monsieur Gérard X...



...

51300 BLACY
Comparant, concluant et plaidant par Maître Michel LEDOUX, avocat au barreau de PARIS,

DEFENDEUR :
FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

...

Tour Galliéni II
93175 BAGNOLET CEDEX
Comparant, concluant et plaidant par la SELARL STINGER, avocats au barreau

de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Monsieur Bertrand SCHEIBLING, Président Monsieur Jean...

Formule exécutoire le : à :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 30 AOUT 2006

DEMANDEUR EN CONTESTATION DE LA DECISION DE REFUS D'ACCEPTATION DU FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

Monsieur Gérard X...

...

51300 BLACY
Comparant, concluant et plaidant par Maître Michel LEDOUX, avocat au barreau de PARIS,

DEFENDEUR :
FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

...

Tour Galliéni II
93175 BAGNOLET CEDEX
Comparant, concluant et plaidant par la SELARL STINGER, avocats au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Monsieur Bertrand SCHEIBLING, Président Monsieur Jean-Philippe KUNLIN, Conseiller Monsieur Olivier MANSION, Conseiller

GREFFIER lors des débats :
Madame Françoise CAMUS, Greffier DÉBATS :
A l'audience publique du 24 Mai 2006, oÿ l'affaire a été mise en délibéré au 30 Août 2006

ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile et signé par Monsieur Bertrand SCHEIBLING, Président et par Madame Françoise CAMUS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ARRÊT N º 803 du 30 / 08 / 2006
AFFAIRE N º : 05 / 02495
OM / VB
Gérard X...

CI
FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

1
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 septembre 2005, M X... a saisi la présente cour suite à refus d'acceptation de l'offre d'indemnisation faite par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) le 27 juillet 2005.
Il soutient qu'après double carcinome dont le caractère professionnel a été reconnu par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Marne, le FIVA lui a proposé une indemnisation nulle au titre du préjudice patrimonial et de 44 000 € pour tous les préjudices extra-patrimoniaux, ce qui serait insuffisant.
Sur la base d'un taux d'incapacité de 100 % du 2 décembre 2000 au 6 novembre 2002 et de 8 % du 7 novembre 2002 au 30 juin 2005, soit sur une assiette de rente respective de 16 565 € et 684 €, le FIVA a calculé un capital de rente, arriérés compris, de 50 409, 27 €, inférieur au montant versé par la Caisse primaire d'assurance maladie de 58 551, 31 €.
Si l'appelant ne conteste ni les taux d'incapacité ni les assiettes de rente, il conclut à une indemnisation proportionnelle à l'incapacité, soit un calcul fondé sur le principe de linéarité, d'oÿ demande d'arriérés de rente évalués à 35 508, 10 € et après déduction de la somme versée par la Caisse primaire d'assurance maladie de 8 142, 04 € un solde dû de 27 366, 06 €, ainsi qu'une rente annuelle future de 1 325, 20 € à compter du 1 " juillet 2005, avec revalorisation et déduction de la rente versée par la caisse.
Il est également sollicité majoration des indemnisations pour les préjudices physique, moral, esthétique et d'agrément.
Le FIVA rappelle que selon barème indicatif fondé sur la croissance de la valeur de point de rente ou du capital en résultant en fonction de la gravité des conséquences de l'atteinte à l'intégrité physique de la personne exposée à l'amiante, l'indemnisation de l'incapacité s'opère donc sur la seule valeur du point, progressive et non linéaire, d'oÿ réparation intégrale en valorisant plus largement les incapacités conséquentes que les moindres.
Par ailleurs, il est demandé capitalisation de la rente pour pouvoir déduire les sommes versées, à l'avenir, par la Caisse primaire d'assurance maladie.
Enfin, il est réclamé confirmation des montants proposés à titre d'indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux.
Il sera renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et demandes des parties aux conclusions des 16 et 22 mai 2006, respectivement pour l'intimé et l'appelant, et ce telles que reprises à l'oral à l'audience du 22 mai 2006.

2
MOTIFS
Sur l'indemnisation du préjudice patrimonial :
Au regard du principe de réparation intégrale induit de l'article 1382 du Code civil et de l'article 53 § I et § II de la loi n º 2000-1257 du 23 décembre 2000, il convient pour procéder à l'indemnisation du préjudice patrimonial de retenir d'une part que le barème mis au point par le conseil d'administration du FIVA n'est qu'indicatif et ne serait donc lier les juridictions et, d'autre part, que ce barème attribue de façon forfaitaire à un taux d'incapacité évalué de 5 à 100 % et selon une évolution du taux de 5 % en 5 %, une base chiffrée d'indemnisation progressive mais non linéaire, soit d'autant plus élevée que le taux d'incapacité est important.
Il en résulte donc une disproportion dans la réparation des préjudices nés de maladies bénignes et les autres plus graves, sans que cette différence de traitement ne soit justifiée par le caractère consolidé des pathologies bénignes alors qu'elles sont susceptibles, selon le FIVA lui-même, d'évoluer y compris en s'aggravant, ni par la nécessité de rendre " neutre " une telle indemnisation au regard des montants en cause ou de l'âge de la victime argument en contradiction avec le principe de réparation intégrale ci-avant rappelé, ni enfin une incompatibilité avec la réparation sociale assurée par le FIVA alors que la mission essentielle de ce fonds, traduisant une solidarité nationale dans la prise en charge du risque lié à la contamination par l'amiante, ne peut avoir pour but de minorer l'indemnisation des victimes même à l'aide d'un dispositif plus favorable en terme indemnitaire que le droit commun.
Enfin, le principe de réparation proportionnelle au taux d'incapacité fonctionnelle ne fait pas obstacle à l'indemnisation d'une éventuelle aggravation laquelle procède du seul taux alors retenu, indépendamment du taux initial d'incapacité, peu important la progressivité ou la linéarité de la valeur du point, simple modalité de calcul permettant de passer d'un taux à une somme chiffrée.
En l'espèce, les parties admettent d'une part un taux d'incapacité de 100 % du 2 décembre 2000 au 6 novembre 2002 puis de 8 % du 7 novembre 2002 au 30 juin 2005, ainsi qu'une base de 16 565 € pour le calcul de la rente pour un taux de 100 %.
Pour le taux de 8 %, M X... se réfère à un montant annuel de rente de 1 325, 20 €, alors que le FIVA propose une valeur de 684 €.
Cependant, parce que le barème proposé par le FIVA évolue chaque année et que l'année de référence retenue par les parties est 2005, il y a lieu en dépit de barèmes contradictoires versés au débat par les parties de fixer le montant annuel de rente pour un taux de 8 % à 684 €.
Les arriérés de rente capitalisés s'établissent donc à 31 995, 41 € pour la première période, puis à 1 813, 07 € pour la seconde, soit un total de 33 808, 48 € d'oÿ après déduction de la créance de la Caisse primaire d'assurance maladie de 8 142, 04 €, un solde dû de 25 666, 44 €.
A compter du 1" juillet 2005, M X... est en droit d'obtenir une rente viagère et non nécessairement un capital dès lors que cette demande n'est pas formulée par l'intéressé et ne s'oppose pas à la déduction de la créance de la Caisse primaire d'assurance maladie.

3
Ici, en fonction de l'âge de l'appelant et sur la base d'une rente viagère, la rente annuelle sera chiffrée à 1 325, 20 € avec revalorisation annuelle par application du coefficient prévu aux articles L 351-1, L 434-17 et L 161-23-1 du Code de la sécurité sociale, et déduction de la rente annuelle versée par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Marne.
Sur les préjudices extra-patrimoniaux :

1 º) Suite à un double carcinome (carcinome de la corde vocale droite et microcarcinome papillaire thyroïdien), M X... a subi une laryngectomie sus-glottique associée à une thyroïdectomie en janvier 2001.
Il est noté par le Dr Z..., médecin conseil de la Caisse primaire d'assurance maladie, en août 2004 une parole dysphonique mais très intelligible entrecoupée de 2 à 3 hémages par minute. Le Pr A... relève, en mars 2005, que M X... n'est pas dyspnéïque, que sa voix est grave mais manque de puissance, enfin que l'oropharynx est sans anomalie.
L'entourage familial, à travers les attestations de Mmes D..., Annie et Thérèse X... relaie une souffrance physique, des difficultés de déglutition et des fausses routes avec toux expectorantes difficiles.
Le préjudice physique ainsi démontré sera indemnisé à hauteur de 10 000 €.

2 º) Au titre du préjudice moral, le Dr Z... conclut à une incidence psychologique marquée avec note d'anticipation péjorative de l'avenir et inquiétude larvée du pronostic, à une note d'anxiété et de blessure narcissique, enfin à un travail de deuil incomplet des capacités antérieures.
Madame B..., orthophoniste, indique la présence de séquelles psychologiques suite à une voix différente et un manque d'amplitude ce qui constituerait un frein à son implication sociale.
Le Dr C... ajoute que suite la thyroïdectomie, M X... a bénéficié d'un traitement anti-dépresseur en raison d'une grande souffrance morale après traitement de sa maladie.
Mmes D... et Thérèse X... confirment dans leurs attestations l'existence de ce préjudice.
Ces pièces régulièrement communiquées sont recevables à l'appui de la demande sur ce point, peu important leur absence de production antérieurement à l'offre du fonds dès lors qu'il a pu en discuter la pertinence dans le cadre de la présente procédure.
Si le carcinome avéré a été opéré avec succès, le préjudice moral perdure tant dans les conséquences des opérations chirurgicales sur la voix que sur le plan psychologique par la survenance d'un cancer et les risques éventuels de rechute.
En conséquence une somme de 40 000 € sera allouée à ce titre.

3 º) La laryngectomie s'est traduite par une cicatrice importante de par en par du cou, d'oÿ une indemnisation justement fixée à 1 500 €.

4 º) Le préjudice d'agrément de M X... réside au regard des attestations de MM D... et E... dans l'impossibilité de donner des consignes avant les matchs de football ou d'encourager activement de la voix son équipe en la motivant, d'oÿ réparation à hauteur de 8 000 € comme valablement proposé par le FIVA.

4

Sur les autres demandes :
1 º) Les sommes dues par le FIVA produiront intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du présent arrêt par la seule application de l'article 1153-1 du Code civil.
2 º) Le FIVA paiera à M X... une somme de 1 200 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et supportera les dépens conformément à l'article 31 du décret n º 2001-963 du 23 octobre 2001.

PAR CES MOTIFS
La cour statuant après débat public et par décision contradictoire :
-Reçoit, en la forme, le recours exercé par M X... contre la proposition d'indemnisation du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante en date du 27 juillet 2005,
-Dit le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante devra payer à M X... les sommes de :
* 25 666, 44 € à titre d'arriérés de rente d'invalidité pour la période du 1" décembre 2000 au 30 juin 2005,
* 1 325, 20 € de rente annuelle à compter du 1 " juillet 2005, avec revalorisation par application des dispositions des articles L 161-23-1, L 351-11 et L 434-47 du Code de la sécurité sociale et déduction de la rente versée par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Marne à ce titre,
* 10 000 € à titre de réparation du préjudice physique,
* 40 000 € à titre de réparation du préjudice moral,
* 1 500 € à titre de réparation du préjudice esthétique,
* 8 000 € à titre de réparation du préjudice d'agrément,
* 1 200 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
-Dit que les sommes susvisées et dues par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,
-Rejette toutes les autres demandes,
-Laisse les dépens à la charge du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Numéro d'arrêt : 05/02495
Date de la décision : 30/08/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-08-30;05.02495 ?
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