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19/06/2006 | FRANCE | N°05/00050

France | France, Cour d'appel de Reims, 19 juin 2006, 05/00050


ARRET No

du 19 juin 2006



R.G : 05/00050





Société PATRIARCHE PERE & FILS LIMITED





c/



Société JACQUART ET ASSOCIES DISTRIBUTION













































TP





Formule exécutoire le :

à :COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1o SECTION

ARRET DU 19 JUIN 2006



APPELANTE :

d'une ordonnance de rÃ

©féré rendue le 30 Novembre 2004 par le Président du Tribunal de Commerce de REIMS,



Société PATRIARCHE PERE & FILS LIMITED

Minerva House

5 Montague Close

LONDON SEI 988



COMPARANT, concluant par la SCP SIX - GUILLAUME - SIX avoués à la Cour, et ayant pour conseil Me Valérie SERMET, avocat au barreau de...

ARRET No

du 19 juin 2006

R.G : 05/00050

Société PATRIARCHE PERE & FILS LIMITED

c/

Société JACQUART ET ASSOCIES DISTRIBUTION

TP

Formule exécutoire le :

à :COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1o SECTION

ARRET DU 19 JUIN 2006

APPELANTE :

d'une ordonnance de référé rendue le 30 Novembre 2004 par le Président du Tribunal de Commerce de REIMS,

Société PATRIARCHE PERE & FILS LIMITED

Minerva House

5 Montague Close

LONDON SEI 988

COMPARANT, concluant par la SCP SIX - GUILLAUME - SIX avoués à la Cour, et ayant pour conseil Me Valérie SERMET, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE,

INTIMEE :

Société JACQUART ET ASSOCIES DISTRIBUTION

6 rue de Mars

51100 REIMS

COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT - JACQUEMET - CAULIER-RICHARD, avoués à la Cour, et ayant pour conseil Maître DARGHAM Christian avocat au barreau de PARIS.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame CHAUBON, Président de Chambre

Monsieur PERROT, Conseiller

Monsieur ALESANDRINI, Conseiller

GREFFIER :

Madame Maryline THOMAS, Greffier lors des débats et du prononcé,

DEBATS :

A l'audience publique du 27 Février 2006, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Mai 2006, prorogée au 19 Juin 2006,

ARRET :

Prononcé par Madame CHAUBON, Président de Chambre, à l'audience publique du 19 juin 2006, conformément aux dispositions de l'article 452 du nouveau code de procédure civile, qui a signé la minute avec le Greffier, présent lors du prononcé.

Vu l'ordonnance rendue le 30 novembre 2004 par le Juge des Référés du Tribunal de Commerce de REIMS, ayant :

Vu la demande de la Sté PATRIARCHE PERE ET FILS LIMITED,

- constaté que celle-ci se heurte à une contestation sérieuse ;

- renvoyé la cause et les parties devant le Juge du fond ;

- rejeté toutes autres demandes sur lesquelles il n'aurait pas été statué comme inopérantes et mal fondées ;

- condamné la Sté PATRIARCHE PERE ET FILS LIMITED en tous les dépens ;

Vu, ensemble, l'appel régulièrement interjeté contre cette décision le 10 janvier 2005 par la société PATRIARCHE PERE ET FILS LIMITED (PATRIARCHE), ses conclusions du 2 mai 2005, celles de la SAS JACQUART ET ASSOCIES DISTRIBUTION (JACQUART), du 5 septembre 2005, celles, de reprise, de l'appelante, du 7 novembre 2005, celles, No2, de l'intimée, du 15 février 2006, ainsi que l'ordonnance de clôture rendue le 27 février 2006, fixant l'affaire pour plaidoirie à l'audience du même jour ;

*

* *

Attendu qu'aux termes d'un contrat en date du 8 juin 1988, la COOPERATIVE REGIONALE DES VINS DE CHAMPAGNE (CRVC) confiait à la société de droit anglais PATRIARCHE la concession exclusive de l'ensemble des produits et cuvées élaborés par la coopérative sous la marque JACQUART, ainsi que des marques de distributeur, y compris les "duty free", compagnies aériennes et avitailleurs de navires, dans le territoire constitué de la GRANDE BRETAGNE, REPUBLIQUE D'IRLANDE et CHANNEL ISLANDS, où PATRIARCHE assurait donc, depuis dix-sept ans, la distribution des produits JACQUART, en y réalisant aussi la vente de ses propres produits, vins de bourgogne notamment ;

Attendu qu'au cours de l'exécution de cette convention, la CRVC transférait la marque JACQUART et ses activités de vente et distribution de champagne à la SA JACQUART, les ayant elle-même transmis à la SAS JACQUART ET ASSOCIES DISTRIBUTION ;

Attendu que JACQUART, ayant par ailleurs changé de direction au second semestre 2003, exposait à PATRIARCHE sa stratégie, consistant à développer le circuit dit "off trade" de ses ventes en supermarchés, en manifestant dès lors le souhait de voir modifier le contrat de distribution exclusive, en vue de reprendre en direct les ventes auprès des enseignes de la grande distribution britannique ;

Attendu que des pourparlers s'engageaient entre les parties, à la faveur desquels PATRIARCHE émettait diverses réserves, en sollicitant notamment que la marque et l'habillage des bouteilles distribuées en supermarchés fussent différenciées de celles du circuit traditionnel, dit "on trade", que la politique tarifaire fût cohérente entre les deux circuits, et que l'équilibre entre les intérêts de chacune des parties fût préservé, motif pris du développement par ses soins d'une clientèle "on trade", haut de gamme, constituée d'hôtels de luxe, restaurants et autres, et du tort que les ventes des mêmes produits à des prix bien moindres ne manqueraient pas de causer aux ventes des mêmes produits consenties à des prix notoirement supérieurs à la clientèle de luxe ;

Attendu qu'en l'absence d'accord définitif des parties, hors tout avenant au contrat de distribution exclusive originaire intervenu entre elles, JACQUART n'en entreprenait pas moins de vendre ses produits en supermarchés, en méconnaissant par-là même, du moins selon PATRIARCHE, son exclusivité dans leur distribution ;

Attendu que celle-ci faisait dès lors attraire JACQUART devant le Juge des Référés du Tribunal de Commerce de REIMS par exploit du 2 novembre 2004, aux fins de voir ensemble constater l'absence de contestation sérieuse à l'exclusivité dont elle bénéficie aux termes du contrat de distribution conclu le 8 juin 1988, l'existence d'un trouble manifestement illicite que lui causait cette dernière en réalisant des ventes directes sur le territoire à elle exclusivement concédé, et l'urgence à faire respecter une telle exclusivité, eu égard aux risques encourus et dommages d'ores et déjà subis ;

Qu'elle entendait dès lors voir enjoindre à JACQUART de se conformer à l'ensemble des termes du contrat de distribution exclusive, en cessant notamment toute distribution sur le territoire ainsi concédé, sous astreinte de 50 € par bouteille, poursuivait par ailleurs sa condamnation en une indemnité provisionnelle de 120.000 € à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices alors consommés, ensuite de la violation par celle-ci de ladite convention, et sollicitait en outre l'organisation d'une expertise, aux fins notamment de déterminer l'étendue des ventes directes réalisées par JACQUART sur le territoire exclusivement concédé, ainsi que le chiffre d'affaires correspondant, et d'obtenir tous éléments de nature à permettre l'évaluation des préjudices subis ensuite de la violation du contrat par cette dernière, en termes notamment de pertes, atteinte à l'image de marque et à la réputation commerciale de PATRIARCHE, tant en qualité de distributeur des produits JACQUART que des siens propres, en prétendant enfin à l'indemnisation de ses frais irrépétibles à hauteur de 5.000 € ;

Attendu que JACQUART, sans méconnaître avoir directement distribué ses produits en grandes et moyennes surfaces, invoquait cependant n'avoir agi ainsi qu'avec l'accord de PATRIARCHE, concluait par suite à l'absence d'urgence, comme de tout trouble manifestement illicite, et arguait de l'existence d'une contestation sérieuse, pour en déduire n'y avoir lieu à référé et prétendre voir débouter son contradicteur de l'ensemble de ses demandes, en lui réclamant paiement d'une indemnité de 7.500 € du chef de ses propres frais non répétibles de procédure ;

Attendu que le premier juge, devait donc, dans les termes susvisés de la décision déférée, au visa de l'existence d'une contestation sérieuse, renvoyer la cause et les parties devant le juge du fond, et rejeter toutes autres demandes sur lesquelles il n'aurait pas été statué comme inopérantes et mal fondées, en condamnant enfin PATRIARCHE aux entiers dépens ;

*

* *

Attendu qu'il est dûment acquis aux débats, et au demeurant incontesté, que les parties étaient liées, depuis 1988, par un contrat aux termes duquel JACQUART, -et, avant elle, son auteur-, avait concédé à PATRIARCHE la distribution exclusive des produits de la marque JACQUART sur le territoire de la GRANDE BRETAGNE, REPUBLIQUE D'IRLANDE et CHANNEL ISLANDS ;

Or attendu, s'il est non moins constant que JACQUART devait, au cours du deuxième semestre 2003, signifier à sa partenaire son choix d'une nouvelle stratégie commerciale, consistant à développer massivement ses ventes en grandes et moyennes surfaces, et pour autant que PATRIARCHE fût dès lors sur ce sujet encline à la discussion, que force est néanmoins de constater, contrairement aux allégations de l'intimée, qu'aucun accord n'est venu définitivement consacrer les seuls pourparlers alors engagés et suivis entre les parties ;

Attendu qu'il appert en effet que PATRIARCHE avait tôt fait, devant cette nouvelle politique commerciale de JACQUART, d'attirer l'attention de sa partenaire sur les néfastes incidences d'une telle orientation vers une pratique de ventes à bas prix sur le marché de la clientèle traditionnelle que l'appelante avait indéniablement développée depuis maintenant quelque dix-sept ans, cette préoccupation ayant dès lors largement participé de l'ensemble des échanges intervenus entre les parties intéressées ;

Mais attendu, pour autant, que les tractations suivies entre celles-ci n'aboutissaient nullement à un accord formel ni même seulement définitif par lequel PATRIARCHE eût effectivement renoncé à l'exclusivité de distribution lui ayant été originairement concédée ;

Attendu qu'il n'est, de toute évidence, pour s'en convaincre, que de compulser les diverses correspondances échangées entre les parties, ayant donné lieu à proposition de divers avenants, dont un premier transmis par JACQUART à PATRIARCHE le 4 novembre 2003, aux fins de lui retirer l'exclusivité sur certaines enseignes de la grande distribution britannique, mais refusé par celle-ci, suivant courrier du 19 décembre 2003, par lequel elle confirmait certes le principe de son accord pour ne pas étendre la distribution en circuit "off trade", mais faisait dans le même temps une contre-proposition d'avenant, n'ayant toutefois jamais recueilli l'adhésion de JACQUART, ni dès lors donné lieu à un quelconque avenant revêtu du commun accord des sociétés intéressées ;

Que PATRIARCHE entendait en réalité, par cette lettre du 19 décembre 2003, refuser l'avenant tel que présenté par JACQUART, et y voir apporter différentes modifications tendant certes à voir exclure les ventes en supermarchés du contrat de distribution exclusive, mais sans qu'aucun accord formel et définitif ait manifestement pu en découler, alors même qu'elle y énonçait encore que des précautions restaient à envisager quant à cette commercialisation en supermarchés, et aux fins de tenir compte également des répercussions de cette nouvelle politique sur le commerce "on trade" traditionnel et les pertes de volumes et de clientèle induites pour le distributeur qu'elle était ;

Qu'une réunion se tenait d'ailleurs ensuite le 5 février 2004, où JACQUART devait exposer plus avant à PATRIARCHE sa stratégie en GRANDE BRETAGNE, démontrant en tant que telle, et plus qu'à suffire, l'absence de toute modification acquise au contrat initialement conclu, et ayant débouché sur la proposition soumise par JACQUART le 9 février 2004 à sa cocontractante d'un nouvel avenant, qui tendait à exclure les ventes en supermarchés du contrat de distribution exclusive en érigeant PATRIARCHE en un prestataire de facturation et autres services sur cette clientèle, tout en l'associant quant à la politique à développer à destination de celle-ci, et en intégrant les préjudices tenant à la concurrence entre les deux circuits de distribution ;

Que cet avenant était non moins expressément refusé par PATRIARCHE par courrier du 17 février 2004, exposant clairement qu'après examen par son Conseil d'Administration, cette nouvelle proposition était réputée non conforme à l'esprit d'équilibre devant présider aux discussions, au point d'être alors taxée de vider de tout sens le contrat de la filiale PWA de PATRIARCHE, pour remettre en cause des éléments substantiels dont le maintien avait pourtant été demandé, tel celui de la clause d'indemnité, outre qu'y était encore dénoncé le manque de lisibilité de la politique de JACQUART en ANGLETERRE à l'égard de PWA, ne permettant pas, dans le souci de préservation économique de sa filiale, de donner suite à cette proposition ;

Que, bien plus, PATRIARCHE concluait cette même lettre en affirmant s'en tenir aux termes de son contrat du 8 juin 1988, dont elle demandait à JACQUART de respecter l'ensemble des clauses, s'agissant, tout particulièrement, de l'exclusivité de clientèle et de territoire ;

Attendu qu'il est sur ce point pertinemment relevé par PATRIARCHE que les premières propositions et autres discussions préliminaires de JACQUART avaient été soumises à son directeur commercial, ayant prétendu à l'obtention de diverses garanties, devant être au besoin censément étudiées

par son Conseil d'Administration pour éventuel entérinement de tout avenant au contrat d'origine, sans que cela ait pu échapper à JACQUART, n'ayant pu ignorer qu'il n'entrait pas dans les pouvoirs du seul directeur commercial d'amender le contrat ;

Attendu qu'il suit de là que PATRIARCHE n'a jamais procédé à la prétendue "volte-face" alléguée par l'intimée, mais n'a tout au plus eu de cesse que de refuser toutes modifications susceptibles de rompre l'équilibre contractuel existant alors depuis près de dix-sept ans ;

Attendu qu'une nouvelle réunion devait au demeurant se tenir le 29 mars 2004 à BEAUNE (21), dont on concevrait en vérité bien mal l'intérêt, si tant est que l'accord des parties sur un quelconque avenant fût définitivement acquis, alors surtout qu'à l'issue, JACQUART devait transmettre à PATRIARCHE, par courrier du 27 mai 2004, un projet d'accord définitif, témoignant éloquemment de son inexistence antérieure, ainsi d'ailleurs que l'intimée ne manquait pas de l'énoncer en cette même lettre, en ne faisant référence qu'à un avenant en cours de discussion ;

Et attendu que le nouveau projet d'avenant joint à cet envoi ouvrait droit, cette fois-ci, à PATRIARCHE, à un commissionnement indirect sur les ventes de JACQUART "off trade", avec faculté pour celle-ci de dénoncer le contrat en observant un préavis de six mois et sans indemnité pour le distributeur si les objectifs par ailleurs fixés pour 2004 n'étaient pas atteints, sans que ce nouveau projet d'avenant ait davantage reçu l'agrément de PATRIARCHE, tout au contraire, puisque, aussi bien, elle répondait en dénonçant l'absence de garanties et affirmait rester persuadée que cette nouvelle politique commerciale "off trade" condamnait à court terme le développement des réseaux "on trade", estimant même qu'il n'existait plus alors que deux solutions, consistant, soit dans le maintien, inchangé, du contrat de distribution, soit dans sa résiliation emportant mise en oeuvre des obligations en découlant pour chacune des parties ;

Attendu que PATRIARCHE est ainsi fondée à en conclure qu'il n'avait jamais existé entre elle et JACQUART qu'autant de discussions ou pourparlers en vue d'amender le contrat originaire qui les obligeait, n'ayant toutefois abouti à aucun accord, -ayant bien pourtant pu, seul, révoquer, de leur mutuel consentement, et au moins partiellement, mais en touchant cependant à l'essentiel-, qui vînt à remettre en cause l'exclusivité de distribution concédée à l'appelante sur le territoire précité ;

Or attendu qu'il est en revanche aussi dûment acquis aux débats que JACQUART a bien quant à elle procédé au développement de ventes directes "off trade", dans un tel contexte contractuel par suite demeuré inchangé depuis l'origine, et donc au mépris de l'exclusivité de distribution concédée à PATRIARCHE ;

Que, bien plus, il s'avérait que divers partenaires, tels TESCO, COSTCO, MAJESTIC WINES, l'Hôtel REGENCY, ou encore BRUCE BURLINGTON LTD, avaient, sinon tous, véritablement déréférencé PATRIARCHE, entendu suspendre, au moins un temps, leurs approvisionnements, en réaction à la politique commerciale suivie par JACQUART, au point d'avoir valu à PATRIARCHE de se voir réclamer par MAJESTIC WINES une substantielle indemnité de 65 118,86 €, au titre de la différence de prix des produits lui ayant été vendus par rapport à celui pratiqué par JACQUART en supermarché, ayant amené le distributeur exclusif à mettre celle-ci en demeure, mais en vain, de cesser toute vente directe ;

Attendu qu'il s'ensuit que le premier juge s'est assurément mépris, en ayant essentiellement considéré que l'évolution des relations entre les parties avait abouti à faire disparaître l'exclusivité quant à la prospection et à la commercialisation des produits JACQUART sur le secteur des grandes et moyennes surfaces, ainsi retenu que cette modification n'était pas douteuse, pour s'évincer du comportement des parties et de leurs échanges préalables à la prétendue "volte-face" de PATRIARCHE en mars 2004, encore énoncé que celle-ci avait donné son accord à JACQUART pour les prospection et commercialisation de ses produits "off trade", notamment en 2003 et début 2004, et estimé aussi que PATRIARCHE aurait accepté cette évolution en étant consciente de n'être pas capable d'y procéder elle-même, faute d'être favorable à une telle stratégie de JACQUART ;

Attendu qu'il convient d'avoir égard, à l'inverse, à la violation, irréfutablement consommée, par JACQUART, de ses obligations au regard de l‘exclusivité de distribution consentie à PATRIARCHE, caractérisant plus qu'à suffire l'émergence d'un trouble manifestement illicite au regard de la loi des parties, restée invariablement en vigueur, faute pour l'intimée de démontrer en rien que les parties fussent finalement convenues d'y mettre un terme quant au marché "off trade", et alors que les circonstances de la cause militent au contraire clairement en faveur de l'absence de tout accord, formel ou non, provisoire ou définitif, emportant novation du contrat d'origine, le seul accord de principe de l'appelante n'ayant jamais été donné que sous diverses réserves sus-énoncées, et non levées, de négocier les termes d'un avenant n'ayant jamais reçu l'agrément des deux parties ;

Et attendu que, dans un tel contexte, manifestement empreint de la fautive violation par JACQUART de ses obligations contractuelles, en elles-mêmes génératrices d'un préjudice réel et certain pour sa partenaire, l'intimée n'a pu davantage valablement procéder, par courrier du 25 mai 2005, alors même que l'affaire était pendante, en cause d'appel, devant la Cour de céans, par voie de résiliation de la convention liant les parties ;

Attendu qu'il est d'ailleurs déterminant d'observer qu'il ne s'est alors jamais agi que de résilier le contrat initial et non tout autre convention née d'un quelconque avenant, -auquel il n'était fait aucune référence, et pour cause-, ce qui n'en corrobore au besoin que plus définitivement encore l'irréfutable absence ;

Attendu, pour le surplus, que cette résiliation est, de toute évidence, éminemment abusive, tant elle est initiée par JACQUART, et sous l'imputation impromptue, après quelque dix-sept ans d'une harmonieuse exécution de la convention à la satisfaction des deux parties, d'autant de manquements aussi divers que bien mal caractérisés, au contraire de la violation préexistante et quant à elle dûment avérée de cette convention par l'intimée, et indépendamment même du fait que cette sanction, ayant ainsi pris place pendant le cours de l'instance d'appel, avait pour son auteur l'insigne mérite de rendre sans objet les demandes formulées dès en première instance, puis initialement réitérées par son contradicteur à hauteur d'appel, avant qu'il ne fût ainsi contraint, par la force des choses, à les retirer ;

Attendu, de surcroît, que cette résiliation, dont le caractère abusif s'évince déjà suffisamment des circonstances ayant présidé à sa notification, pour n'être, pour le moins, et tant s'en faut, nullement intervenue de bonne foi, est encore et de surcroît éminemment contestable, tant au regard de la méconnaissance du préavis de principe de douze mois expressément stipulé au contrat en cas de rupture unilatérale non fautive, car en l'absence de versement de l'indemnité y étant en pareil cas dûment convenue et précisément définie, qu'en l'état du manque de pertinence des griefs aussi abruptement imputés à PATRIARCHE au soutien d'une résiliation pour faute, à ses torts et griefs exclusifs, et, surtout, au défaut de délivrance d'une mise en demeure proprement dite d'avoir à satisfaire alors à ses obligations sous trente jours pour obvier à toute rupture de la convention ;

Attendu en effet, et en tout état de cause, que la lettre de résiliation du contrat en date du 25 mai 2005 tient bien plutôt cette sanction pour dès lors irrévocablement acquise, -fût-ce au visa de principe mais en l'espèce très largement théorique, d'un délai de trente jours-, qu'elle ne fait part de la volonté de JACQUART de ne voir devenir cette résiliation effective qu'à sa seule expiration, et faute seulement pour sa partenaire de remédier entre-temps à tous prétendus manquements lui étant reprochés, d'autant que cette dernière, après avoir confirmé à PATRIARCHE la résiliation de la convention par lettre du 27 juin 2005, lui indiquait ensuite, par courrier du 12 septembre 2005, tenir celle-ci pour acquise dès le 25 mai 2005, correspondant précisément à la date d'envoi de la lettre en portant notification, et pas même à celle de sa réception, seule susceptible de faire utilement courir ce délai de trente jours ;

Attendu que la résiliation est par ailleurs d'autant plus évidemment abusive qu'il résulte encore de ce même courrier de JACQUART du 12 septembre 2005 que celle-ci était dès cette époque et depuis le 1er juillet 2005, selon ses propres indications, -sinon même avant-, liée à un nouveau distributeur, PLB, dont PATRIARCHE souligne en tout cas fort à juste titre qu'elle avait nécessairement dû le démarcher et choisir bien avant de décider, dès le 25 mai 2005, de la rupture de son contrat ;

Attendu que PATRIARCHE est dans ces conditions assurément recevable, hors toute contestation sérieuse, et nonobstant la résiliation postérieure du contrat n'y ayant rien pu changer, à solliciter l'allocation d'une indemnité provisionnelle, à valoir sur son préjudice inhérent, du temps de son exécution, aux manquements caractérisés de JACQUART à ses obligations, ensuite de sa violation, parfaitement consciente et délibérée, de l'exclusivité de distribution concédée à l'appelante et qui persistait à s'imposer à l'intimée, sans que la révision à la hausse, en cause d'appel, de ses prétentions initialement formulées en première instance puisse conférer à sa demande une quelconque nouveauté qui, comme telle, la rendît irrecevable, tant il ne saurait manifestement s'agir d'une demande nouvelle, mais d'une simple révision, toujours possible, du quantum de sa prétention initialement émise de ce chef dès en première instance ;

Attendu qu'il y a donc lieu d'infirmer la décision querellée en toutes ses dispositions pour, statuant à nouveau, mais en l'état des seuls éléments d'appréciation dont dispose la Cour, ne condamner toutefois JACQUART à lui payer, à ce titre, sur le fondement de l'article 873 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile, qu'une indemnité provisionnelle de 100.000 €, outre intérêts de retard de plein droit au taux légal à compter du présent arrêt et jusqu'à parfait règlement ;

Attendu que PATRIARCHE est par ailleurs, dans le principe, non moins recevable, au vu de cet élément nouveau consistant en la résiliation du contrat prétendument prononcée à ses torts exclusifs par JACQUART en cause d'appel, à requérir, et fût-ce donc, ici, pour la première fois devant la Cour, telle autre indemnité provisionnelle, tendant à tout le moins à lui assurer réparation de partie de son préjudice d'ores et déjà consommé, car inhérent au caractère, en toute hypothèse abusif, pour les motifs sus-exposés, de cette résiliation, qui ne sera toutefois arbitrée en vertu du même texte, et, a minima, au vu des seuls éléments de la cause, qu'à hauteur de 50 000 €, somme en laquelle JACQUART sera par suite condamnée à titre provisionnel, avec semblables intérêts moratoires au taux légal depuis la présente décision et jusqu'à complet désintéressement ;

Et attendu que PATRIARCHE est autrement aussi recevable que fondée à prétendre à l'organisation d'une expertise, à tout le moins au visa de l'article 145 du même Code, sinon de tout autre texte ;

Qu'en effet, telle mesure d'instruction in futurum est assurément formulée dès avant tout procès, nonobstant toutes assertions contraires mais sur ce point si fondamentalement erronées qu'elles en deviennent empreintes d'une patente mauvaise foi de l'intimée, n'hésitant pas à conclure que PATRIARCHE y devînt irrecevable au seul motif qu'elle eût préalablement présenté d'autres demandes, tout d'abord, en première instance, et y compris aux fins de cessation d'un trouble manifestement illicite, -qu'elle a d'ailleurs nécessairement abandonnées devant la Cour, une fois devenues sans objet, ensuite de la résiliation unilatérale du contrat par sa cocontractante-, puis, jusqu'à hauteur d'appel, en maintenant par ailleurs sa demande d'indemnité provisionnelle initialement présentée mais revue à la hausse, et y ajoutant une nouvelle, précisément induite par la résiliation de la convention ;

Qu'à l'évidence, semblable demande aux fins d'expertise, même présentée parmi d'autres, n'en cesse pas moins de l'être avant tout procès, tant il est vrai qu'il n'est pas même seulement invoqué qu'aucune autre procédure eût été ici engagée, cependant qu'elle revêt de surcroît un caractère autonome, pour obéir au régime spécifique de l'article 145 susvisé du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Qu'étant donc assurément recevable, cette demande d'expertise est également fondée, en l'état de l'existence d'un motif légitime, dont PATRIARCHE justifie amplement, tant au regard de la méconnaissance par sa partenaire de ses obligations en termes de violation du contrat de distribution exclusive lui ayant été consenti, que de la rupture en tout état de cause abusivement décidée par celle-ci de leur convention, ne fût-ce, par-delà la mauvaise foi ayant déjà présidé à la volonté empressée de JACQUART de procéder si promptement par voie de résiliation du contrat pendant le cours de l'instance d'appel, non sans s'être elle-même au préalable gravement affranchie de ses propres obligations, qu'en contournant l'exigence, bien pourtant formellement stipulée, de la délivrance à sa cocontractante d'une mise en demeure proprement dite, afin de lui ménager la faculté lui étant conventionnellement reconnue et acquise, de remédier au besoin, sous trente jours, aux manquements reprochés au soutien de la résiliation ainsi pressentie ;

Attendu qu'une expertise sera donc par ailleurs ordonnée, aux frais avancés de PATRIARCHE, la requérant et y ayant principalement intérêt, et confiée au technicien ci-après commis, et avec mission telle que ci-dessous définie et spécifiée dans le dispositif ;

*

* *

Attendu que, succombant en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, dont elle se verra par conséquent débouter, JACQUART sera par ailleurs condamnée envers PATRIARCHE en une équitable indemnité de 5 000 €, à venir en déduction de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel non compris dans les dépens y afférents, dont l'intimée sera enfin intégralement tenue, moyennant distraction, pour ceux d'appel, au profit de la SCP SIX GUILLAUME SIX, Avoués à la Cour ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRMANT l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

ET, STATUANT A NOUVEAU,

Vu l'article 873 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile,

CONDAMNE la SAS JACQUART ET ASSOCIES ET DISTRIBUTION à payer à la société PATRIARCHE PERE ET FILS LIMITED :

* une provision de 100.000 €, à valoir sur l'indemnisation de ses divers chefs de préjudices inhérents aux agissements perpétrés, au cours de son exécution, ensuite de la violation par sa cocontractante de la convention de distribution exclusive conclue le 8 juin 1988 ;

* une provision de 50.000 €, à valoir sur l'indemnisation de ses divers chefs de préjudices, du fait de la résiliation unilatérale de la même convention à l'initiative de sa cocontractante ;

Vu l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile,

ORDONNE une expertise ;

COMMET, pour y procéder, Monsieur Eric B..., demeurant ..., avec pour mission de :

* entendre les parties, se faire remettre tous documents détenus par les parties ou des tiers nécessaires ou utiles à l'accomplissement de sa mission ;

* entendre tout sachant, et s'adjoindre, au besoin, tout sapiteur ;

* déterminer l'étendue des ventes directes réalisées par la SAS JACQUART ET ASSOCIES DISTRIBUTION dans le territoire exclusif de la société PATRIARCHE PERE ET FILS LIMITED, au regard, à partir du chiffre d'affaires correspondant, de la perte de marge brute en étant résultée pour celle-ci ;

* définir, au vu des pertes de chiffre d'affaires subies par la société PATRIARCHE PERE ET FILS LIMITED ensuite de la rupture du contrat, la perte de marge brute induite ;

* fournir, plus généralement, tous éléments d'ordre comptable et/ou de fait, de nature à permettre l'évaluation globale et définitive des divers postes du préjudice subi par la société PATRIARCHE PERE ET FILS LIMITED, en raison, tant des agissements perpétrés par la SAS JACQUART ET ASSOCIES DISTRIBUTION en violation du contrat de distribution exclusive signé le 8 juin 1988, que de sa résiliation, notamment en termes de pertes de chiffre d'affaires et de marge brute, d'atteinte à l'image de marque et à la réputation commerciale de la société PATRIARCHE PERE ET FILS LIMITED, en sa qualité de distributeur des produits de la marque JACQUART comme, aussi, de ses propres produits ;

DIT que la société PATRIARCHE PERE ET FILS devra consigner au Greffe de la Cour, au plus tard le 17 juillet 2006, la somme de 7.500 €, à titre de provision à valoir sur la rémunération du technicien commis, faute de quoi il sera fait application des dispositions de l'article 271 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

DIT que l'expert devra déposer le rapport de ses opérations dans les HUIT MOIS de sa saisine, sauf prorogation de ce délai dûment accordée sur sa demande ;

DIT qu'en cas de refus ou d'empêchement légitime, il sera procédé au remplacement de l'expert conformément aux dispositions de l'article 235 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

COMMET Monsieur ALESANDRINI, Conseiller, pour surveiller les opérations d'expertise ;

DEBOUTE la SAS JACQUART ET ASSOCIES DISTRIBUTION de toutes demandes, fins ou prétentions plus amples, contraires ou reconventionnelles, infondées ;

LA CONDAMNE envers la société PATRIARCHE PERE ET FILS LIMITED, en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, en une indemnité de 5.000 €, en déduction de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

CONDAMNE enfin la même aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, moyennant, pour ces derniers, distraction au profit de la SCP SIX GUILLAUME SIX, Avoués à la Cour.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Numéro d'arrêt : 05/00050
Date de la décision : 19/06/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Reims


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-06-19;05.00050 ?
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