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29/05/2006 | FRANCE | N°04/00951

France | France, Cour d'appel de Reims, 29 mai 2006, 04/00951


ARRET No
du 29 mai 2006 R.G : 04 / 00951

SARL FORGE FRANCE

c /

S.A. FORGES DE L'EMINEE

X...


A...


BB

Formule exécutoire le :
à :

COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1o SECTION
ARRET DU 29 MAI 2006

APPELANTE :
d'un jugement rendu le 30 Mars 2004 par le Tribunal de Commerce de CHARLEVILLE-MEZIERES,

SARL FORGE FRANCE
27 rue des Trois Obus
08700 NOUZONVILLE

COMPARANT, concluant par la SCP THOMA-LE RUNIGO-DELAVEAU-GAUDEAUX avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SCP SOCI

ETE D AVOCATS LANDWELL ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS,

INTIMES :

S.A. FORGES DE L'EMINEE
Route de Chanier
63250 CELLES SUR DUROL...

ARRET No
du 29 mai 2006 R.G : 04 / 00951

SARL FORGE FRANCE

c /

S.A. FORGES DE L'EMINEE

X...

A...

BB

Formule exécutoire le :
à :

COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1o SECTION
ARRET DU 29 MAI 2006

APPELANTE :
d'un jugement rendu le 30 Mars 2004 par le Tribunal de Commerce de CHARLEVILLE-MEZIERES,

SARL FORGE FRANCE
27 rue des Trois Obus
08700 NOUZONVILLE

COMPARANT, concluant par la SCP THOMA-LE RUNIGO-DELAVEAU-GAUDEAUX avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SCP SOCIETE D AVOCATS LANDWELL ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS,

INTIMES :

S.A. FORGES DE L'EMINEE
Route de Chanier
63250 CELLES SUR DUROLLE

COMPARANT, concluant par la SCP SIX GUILLAUME SIX, avoués à la Cour, et ayant pour conseil Maître RAFFIN, avocat au barreau de REIMS

Monsieur Blaise X...

...

Madame Christiane A... épouse X...

...

COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT-JACQUEMET-CAULIER-RICHARD, avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SCP BLOCQUAUX-BROCARD, avocats au barreau de CHARLEVILLE MEZIERES.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur BANGRATZ, Président de Chambre
Monsieur ALESANDRINI, Conseiller
Monsieur CIRET, Conseiller

GREFFIER :

Madame Francine COLLARD, adjoint administratif, faisant fonction de Greffier lors des débats et Madame Maryline THOMAS, Greffier lors du prononcé,

DEBATS :

A l'audience publique du 12 Avril 2006, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 Mai 2006,

ARRET :

Prononcé par Monsieur BANGRATZ, Président de Chambre, à l'audience publique du 29 mai 2006, conformément aux dispositions de l'article 452 du nouveau code de procédure civile, qui a signé la minute avec le Greffier, présent lors du prononcé.

La SA FORGE FRANCE a fait l'acquisition le 7 Juillet 1993 des trois fonds de commerce des SA METAYER FORGE France, SOCIETE D'EXPLOITATION METAYER France et de la SARL SYSMA auprès des époux X... fondateurs des sociétés spécialisées dans la transformation des métaux, la fabrication de pièces usinées ou forgées et notamment de matériaux de levage. Les époux X... en leurs qualités respectives ont souscrit à un engagement de non concurrence d'une durée de 10 ans au sein de la CEE au profit de la société FORGE France suivant les termes de l'article 7 du contrat de cession.

Fin 1993 les époux X... ont acquis les FORGES DE L'EMINEE fabricant de pièces en sous-traitance pour l'industrie de la réparation automobile.

Début 1995 le directeur général de FORGE France s'inquiétait de la présence d'une pièce identique à celles fabriquées par sa société dans le catalogue des FORGES DE L'EMINEE qui se voyaient délivrer l'estampille H » des fabricants de matériel de levage et déplorait le départ du Directeur commercial madame C..., de la comptable madame D... et du responsable maintenance monsieur E... qui rejoindront la société précitée. Ces trois collaborateurs étaient suivis de monsieur F... le directeur technique qui devenait PDG et actionnaire de FORGES DE L'EMINEE.

Compte tenu de ces faits FORGE France mettait en garde monsieur X... en lui rappelant l'obligation souscrite, que le courrier du 31 Juillet 1995 suivi d'une relance ne donnera lieu à aucune réponse si ce n'est que monsieur X... informait par lettre du 23 Janvier 1997 FORGE France de la cession de ses actions depuis plus d'un an.

Alors que FORGE DE L'EMINEE lançait en Mai 1997 une gamme EXCEL » qui serait une copie conforme des produits de la gamme commercialisée par FORGE FRANCE sous la marque SYSMA », qu'elle perdait monsieur G... son tourneur régleur CN ainsi qu'en 2001 monsieur H... responsable du bureau d'études qui rejoignaient les sociétés contrôlées par monsieur X... et que FORGES DE L'EMINEE faisait appel aux mêmes fournisseurs pour être livrées des mêmes aciers grâce à leur connaissance du savoir-faire de FORGE France celle-ci saisissait par assignation du 26 Juin 2002, le tribunal de commerce de CHARLEVILLE-MEZIERES aux fins de condamnation des époux X... et de la société FORGES DE L'EMINEE à lui payer des dommages et intérêts en réparation des conséquences préjudiciables de la violation de la clause de non rétablissement d'une part et pour des actes de concurrence déloyale et de parasitisme d'autre part.

Par jugement du 30 Mars 2004, le tribunal qui rejetait l'exception de nullité de l'assignation, déclarait valide la clause de non-concurrence mais considérant qu'il n'était pas justifié d'une violation de cette clause et de la réalité des actes de concurrence déloyale, déboute la demanderesse et laisse les dépens à sa charge.

Interjetant régulièrement appel du jugement FORGE FRANCE ci après FF, conclut à l'infirmation partielle pour voir constater la violation de la clause de non rétablissement des époux X..., leur responsabilité dans la violation de la clause par FORGES DE L'EMINEE ci après FE, la concurrence déloyale et le parasitisme pratiqués par cette dernière avec la complicité des époux X... et leur responsabilité solidaire.

Elle sollicite la condamnation des époux X... in solidum avec FE à lui payer 2. 462. 500 Euros au titre de la marge sur coûts variables,530. 000 Euros pour perte de valeur de l'entreprise,68. 297 Euros quant aux dépenses engagées ; 300. 000 Euros en réparation du préjudice moral,58. 126 Euros au titre du coût des licenciements économiques et la condamnation à cesser les actes de concurrence déloyale sous astreinte de 1. 524 Euros par jour de retard à compter de l'arrêt, la publication de la décision dans un journal d'annonces légales, l'allocation de 15. 300 Euros et 30. 000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et la condamnation in solidum des intimés aux entiers dépens d'instance et d'appel avec faculté de recouvrement direct pour ceux d'appel.

Sollicitant la confirmation du jugement-quant à la validité de l'assignation dés lors que la mention la société agissant par son représentant légal est conforme aux exigences de l'article 648 du nouveau code de procédure civile,-quant au cumul des actions en responsabilité délictuelle et contractuelle dés lors que les personnes et les faits visés sont différents,-quant à la validité de la clause de non rétablissement et son opposabilité aux époux X... dés lors qu'ils étaient partie à l'acte, percevront directement ou indirectement une partie du prix de cession en contrepartie sachant que le prix n'a aucun sens sans clause de non réinstallation ; l'appelante observe que la clause n'a jamais été levée entre les parties comme le démontrent les pièces produites aux débats.

Elle relève ainsi que les pièces adverses à savoir la lettre de monsieur
I...

Y... du 20 Juin 1994, celle de monsieur J..., les factures SIPAFI, le prétendu contrat de livraison entre les sociétés cédantes et FF et la pièce No 69 sont dénuées de pertinence.

Le jugement étant dénué de motivation quant à l'absence de violation de la clause de non rétablissement encourt la nullité, que dés lors que la date de la prétendue cession des actions de FE n'est pas valide et incohérente de surcroît avec les faits, que les époux X... poursuivront la nullité des cessions d'actions faites à des prêtes noms il est établi qu'ils ont simulé une cession d'actions pour tenter d'échapper à leurs responsabilités.

Elle ajoute que monsieur X... était le véritable gérant de FE, les désignations de monsieur F... en qualité de PDG et de madame C... en qualité de directeur général étant factices et les pièces versées aux débats démontrant à suffisance la réalité de la gestion sachant que madame X... sera la responsable commerciale de la société au sein de la CEE même pour une société au Canada.

Elle relève que FE a débauché le personnel de FF qui sera ainsi désorganisée en prenant à son service 6 salariés-clés qui seront difficilement remplacés, débauchages nullement contestés quant à trois d'entre eux et clairement établis quant aux autres les pièces produites n'étant pas de nature à contredire la réalité des faits.
Elle retient que son savoir-faire spécifique a été détourné au profit de FE par ses anciens salariés, que le jugement n'est pas motivé sur ce point alors que l'acier utilisé a une formule particulière et que les accessoires de levage ne sont pas standards et ont été développés, imités à partir du savoir de FF directement par FE ou sa filiale FORGEAVIA, que ces accessoires seront produits pour RUD et TRACTEL concurrents de FF au mépris de la clause convenue ; qu'ils seront distribués avec un démarchage déloyal de la clientèle de FF.

Compte tenu de ce qui précède elle s'estime bien fondée dans sa demande tendant à la réparation du préjudice qu'elle détaille caractérisé par un manque à gagner, la perte de valeur de son entreprise, le préjudice consécutif aux dépenses engagées et un préjudice moral tout en sollicitant le débouté des demandes reconventionnelles pour procédure abusive.

Les époux Blaise et Christiane X... régularisant un appel incident, concluent dans le dernier état de leurs écritures à l'infirmation du jugement entrepris dés lors que l'assignation est nulle, qu'ils n'étaient pas les cessionnaires des fonds et que la clause de non réinstallation est dépourvue de cause faute de toute contrepartie.
Ils concluent subsidiairement à voir rejeter les pièces 121 à 123 et à voir ordonner l'irrecevabilité de la sommation du 31 Mars 2006, partant à voir déclarer irrecevable cette preuve testimoniale.

Ils sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté FF de ses prétentions à leur encontre et à titre reconventionnel à l'infirmation en tant que de besoin et à la condamnation ensuite de l'abus de procédure, de FF à leur payer 40. 000 Euros à titre de dommages et intérêts,30. 000 Euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et à supporter les entiers dépens avec faculté de recouvrement direct.

Les époux X... exposent qu'ils détenaient des participations dans les sociétés cédantes, que monsieur X... était également propriétaire de deux autres sociétés de forge à savoir CONVERSAT et FORGEAVIA ; que la clause de non rétablissement figurant à l'acte de cession ne porte que sur les accessoires de levage, saisissage et de pêche, de produits de même nature, produits pendant les seules années 1992 et 1993 ; que l'acquisition à la barre du tribunal de la SARL FORGE DE L'EMINEE – FE-est intervenue en Septembre 1993, la société étant spécialisée dans l'outillage pour l'automobile et les pièces pour bancs de la Sté CELETTE qui n'a jamais été cliente de FF même si elle utilise des chaînes et des crochets ; que l'activité de levage ne sera introduite qu'en 1997 à l'initiative de MM K... et F... deux ans après le départ de M.X... ; que durant l'année 1994 FF va solliciter SIPAFI et FE dirigées par ce dernier pour produire des COUPLING et LINGUET alors qu'elle ne parvenait pas à les produire.

Ils ajoutent que la neutralisation de la clause de non concurrence était sollicitée pour permettre la livraison des pièces non conformes à des tiers et que devant le refus de FF ils cèderont leurs actions de FE par acte des 3 et 4 Janvier 1995 sachant que monsieur X... ne redeviendra propriétaire des actions cédées à madame C... qu'ensuite de l'arrêt de la Cour de RIOM du 15 Janvier 2004 alors que la clause de réinstallation ne les liait plus état précisé que c'est par une assignation du 2 Juillet 2002 que FF leur reprochera des actes de concurrence déloyale ou parasitaire sans démontrer la réalité d'une faute et d'un préjudice alors que son CA a largement augmenté et qu'elle a incorporé des réserves pour 1,7 Million d'Euros, qu'il n'est pas prouvé le moindre démarchage de client, que l'activité levage a débuté après leur départ et que la concurrence sur ce terrain est parfaitement licite.

Quant à l'assignation ils remarquent qu'elle ne mentionne que FF … agissant par son représentant légal », que les responsabilités contractuelles et délictuelles ne peuvent être cumulées et qu'ainsi l'assignation est nulle.

Quant à la clause de non rétablissement ils font valoir qu'ils n'étaient pas partie à l'acte relatif aux cessions par les trois sociétés de leur fonds de commerce ; que la clause de non rétablissement dépourvue de toute contrepartie financière est dénuée de cause, que le prix de cession va être affecté à l'exploitation et aux investissements des sociétés cédantes sachant que madame L... détenait 40 % du capital de METAYER France ; que la décharge de leurs engagements de caution était de droit dans le cadre du crédit bail immobilier et ne saurait être considérée comme la contrepartie de leur engagement nul faute de cause et qui contrevient à l'effet relatif des contrats ; que la volonté de négociation aux fins de neutralisation de la clause dans le cadre de la relation d'affaire postérieure à la cession ne peut faire obstacle à la nullité invoquée par voie d'exception.

Ils relèvent d'ailleurs que la réalité de la relation d'affaires est démontrée par le contrat de livraison du 6 Juin 1993, l'attestation du comptable quant aux règlements de FF à SIPAFI entre le 1 Décembre 1995 et le 30 Novembre 1996, la lettre de SIPAFI du 19 Décembre 1994 et celle de FF du 21 Juillet 1995.

Quant à la violation alléguée de la clause de non rétablissement, ils observent que les lettres produites suivant lesquelles madame C... aurait été débauchée pour exercer en apparence comme directrice commerciale et tendant à démontrer la gestion de fait de Monsieur X... et l'exercice par Madame X... d'une activité de responsable commerciale des produits EXCEL sont antérieures au début de l'activité levage, ne démontrent pas la violation de la clause alors qu'il n'est pas justifié de la perte du moindre client d'autant que la gestion de fait n'est nullement démontrée : MM.F... et C... avaient seuls la signature bancaire, les modèles de lettre sont indifférents, la lettre à l'assureur DD... intéresse M.X... propriétaire du bâtiment et assuré pour ses autres activités ; Monsieur K... a été embauché en Septembre 1995 et atteste de ce qu'il a constaté après le départ de Monsieur X..., qu'il précise qu'il a été à l'origine de la création de la gamme EXCEL d'accessoires de levage lancée en mai 1997 ; madame C... n'a jamais prétendu que M.X...-qui ne l'a pas débauchée et dont le départ suite à un licenciement négocié, ne désorganisera pas FF-était le dirigeant de fait de FE qu'elle demandait, après son licenciement le rachat de ses actions dont la vente n'était pas simulée.

Quant à son activité, Madame X... observe que les relevés de télécopies produits ne correspondent pas au FAX de SIPAFI, qu'elle est destinataire en copie de messages commerciaux de clients hors CEE comme MM. de M..., GG..., HH... et qu'au demeurant, l'interdiction est limitée aux frontières de la CEE sachant que FF ne donnera pas suite à ses velléités d'acquisition des actions de SYSMA LC basée au CANADA.

Quant à la prétendue complicité de concurrence déloyale et parasitaire, ils remarquent que Madame C... était secrétaire commerciale au chômage, que Monsieur F... licencié pour faute lourde par FF va embaucher Messieurs E... et G... ainsi que Madame D..., que cette dernière comptable, a été licenciée, que Monsieur E... était mécanicien d'entretien et Monsieur G... tourneur et qu'il n'est pas démontré de démarches déloyales pas plus que la réalité d'une désorganisation, que Monsieur H..., technicien du bureau d'études, a simplement sollicité un emploi à FORGEAVIA en raison des divergences l'opposant à la direction de FF.

Quant au démarchage déloyal de la clientèle il n'est en rien justifié comme l'atteste le propre VRP de FF M. BB..., que son seul document interne relatif à son client ERRARD est dénué de toute valeur, que ses documents n'établissent pas plus la réalité de la perte de clients en lien direct avec de prétendus agissements déloyaux.

En ce qui concerne la concurrence parasitaire alléguée ils font valoir qu'ils sont étrangers à l'activité levage initiée après leur départ, que l'acier est conforme à la norme DIN sans autre savoir faire spécifique ; que FF ne saurait se constituer des preuves avec une attestation de son DG Monsieur O... du 20 Septembre 2005 produite le 16 Mars 2006 – toutes les pièces produites le 31 Mars 2006 devant être écartées comme tardives et la sommation interpellative à Monsieur P... devant être déclarée irrecevable ; que les produits EXCEL ne sont pas identiques à ceux de FF et que FORGEAVIA pouvait étudier des pièces de levage sachant qu'il n'est pas établi qu'elle aurait utilisé des plans de FF ; que les catalogues sont quasiment tous identiques et les produits ont une forme imposée par leur usage et les normes de sécurité.

Quant au préjudice allégué celui-ci n'est pas démontré par des documents comptables qui le contredisent à l'examen, qu'une perte de 0,43 % du CA global ne prouve en rien le préjudice relatif à une vingtaine de clients pas plus que des licenciements économiques en 2003 qui ne peuvent leur être imputés.
Compte tenu de ce qui précède et notamment de l'abus de procédure dont ils s'estiment victimes les époux X... sollicitent des dommages et intérêts.

La SA FORGES DE L'EMINEE-FE-, régularisant un appel incident conclut à l'infirmation du jugement qui n'a pas fait droit à sa demande de nullité de l'assignation et à sa demande reconventionnelle tendant à l'allocation de dommages et intérêts et à la confirmation quant au débouté de FF qui sera condamnée aux entiers dépens avec faculté de recouvrement direct ainsi qu'au paiement de 3000 Euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle expose que l'assignation du 26 Juin 2002 encourt la nullité à double titre dés lors qu'en violation des dispositions de l'article 648 du nouveau code de procédure civile l'organe habile à représenter la SA FF n ‘ est pas indiqué et que FF cumule au soutien de son action un fondement contractuel et quasi délictuel étant précisé que FE n'était pas partie au contrat de cession.

Quant à la concurrence déloyale FE considère qu'aucune faute ne peut lui être imputée (1) et qu'aucun préjudice (2) n'est prouvé.

Elle note que la liberté du commerce et de l'industrie constitue un principe et que la théorie de la concurrence déloyale pour en limiter les excès, fondée sur la responsabilité qui ne peut être présumée, implique la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité.

Elle fait valoir qu'elle n'a pas participé à la violation de la clause liant les époux X... qui ont cédé leur participation depuis le 1 Janvier 1995, que rien n'interdit à un salarié licencié qui n'est pas tenu par une clause de non concurrence d'exploiter chez son nouvel employeur l'expérience acquise chez le précédent, qu'en l'espèce les différents salariés n'occupaient pas d'emploi stratégique, ne sont tenus d'aucune obligation envers FF et que leur départs sont étrangers à tout débauchage et encore moins de nature à désorganiser FF.

Quant aux produits elle observe qu'elle produit et commercialise depuis 1997 des produits de manutention et levage sous la marque EXCEL » déposée en 1996, qu'il ne s'agit pas de copies des produits SYSMA » de FF, mais de produits normalisés tous semblables, que FF reproduira d'ailleurs les crochets GUNEBO dont le brevet était tombé dans le domaine public et qu'on ne saurait pas plus tirer la moindre preuve d'une concurrence déloyale de la nature de l'acier utilisé qui correspond à un standard non protégé, sachant que M. II... avait repris le procédé qu'il avait développé chez FF, que FE a développé ses propres outillages en n'utilisant nullement la résine qui conduirait à la fabrication de pièces aux mêmes côtes, qu'au demeurant la sommation interpellative délivrée à monsieur P... ne démontre pas la prétendue concurrence déloyale.

En ce qui concerne le démarchage déloyal de la clientèle elle note qu'il n'est en rien prouvé et que les tarifs ne sont pas systématiquement inférieurs, sont en vérité la traduction d'un mode de fabrication moins onéreux et la réalité des prix pratiqués par FF avec des remises jusqu'à 63 % du prix catalogue démontrée par les tableaux produits contredisant ses allégations.

Quant au préjudice elle observe qu'il n'est pas établi par les comptes de FF et ne saurait se déduire des comptes FE dont seuls 60 % du CA concernent le levage et alors que les pièces produites à hauteur de Cour pour partie contradictoires ne tiennent pas compte de certains clients.

Elle se considère en tout état de cause bien fondée à mettre en compte une indemnité en réparation en réparation du préjudice consécutif à la demande injustifiée et abusive.

SUR CE

Vu les pièces de la procédure, ensemble les mémoires et annexes des parties auxquels il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits et moyens de la cause ;

1) Sur la nullité de l'assignation du 26 Juin 2002 :

Attendu que les intimés arguent de la nullité de l'assignation au motif que la désignation du représentant de la SA FF contreviendrait aux prescriptions de l'article 648 du nouveau code de procédure civile d'une part et que la demande se heurterait à la règle du non cumul des responsabilités contractuelles et quasi délictuelles ;

Attendu que s'agissant de l'assignation et suivant les prescriptions de l'article 648 du nouveau code de procédure civile, à peine de nullité, l'acte doit mentionner l'organe qui représente les personnes morales ;
Attendu que si l'assignation comporte la mention agissant par son représentant légal » sans autre précision, les intimés n'allèguent pas plus qu'ils n'établissent la réalité d'un grief qui s'en serait suivi étant relevé que le vice sera réparé puisque aussi bien le tribunal mentionnera que FF était représentée par le Président de son Conseil d'administration ;

Attendu qu'il échet donc par application des dispositions combinées des articles 648,649 et 112 et suivants du nouveau code de procédure civile de rejeter l'exception de nullité invoquée et de confirmer par substitution de motifs la décision entreprise sur ce point ;

Attendu qu'en ce qui concerne le vice tiré d'une prétendue violation du principe du non-cumul des responsabilités contractuelles et délictuelles (-quasi) la règle ne trouve application que dans les rapports entre contractants (Com. 9 Juillet 2002 in Bull. civ. IV no122) et sa violation le cas échéant, ne saurait entraîner la nullité de l'assignation dés lors qu'une telle sanction n'est pas prévue par les dispositions du nouveau code de procédure civile ;

Attendu qu'il échet donc également de rejeter cette exception en confirmant par substitution de motifs la décision dont appel ;

2) Quant à la demande principale :

Attendu qu'il est constant que par contrat du 7 Juillet 1993 les sociétés METAYER FORGE France, la SARL d'exploitation METAYER FORGE France et la SARL SYSMA représentées par monsieur Blaise X... cédaient leur fonds de commerce à FF ;

Attendu que Blaise X... et son épouse née Christiane A... actionnaires majoritaires » agissant conjointement et solidairement entre eux », intervenaient à l'acte et s'interdisaient avec les sociétés cédantes, d'exercer directement ou indirectement, que ce soit en qualité de commerçant, artisan, salarié, dirigeant, consultant, associé, actionnaire ou autre, toute activité de fabrication ou de commercialisation d'accessoires de levage, de saisissage et de pêche comme de tous autres produits de la même nature que ceux qui auront été fabriqués ou commercialisés à quelque titre que ce soit par les cédants ou l'un d'entre eux à un moment quelconque au cours des deux années qui auront précédé la date des présentes et ce dans tout le territoire de la CEE pour une durée de 10 années » (sous Vo Interdiction de se rétablir Article 7) ;

Attendu que FF poursuit la réparation de son préjudice qu'elle impute à faute aux époux X... qui auraient violé l'interdiction ci avant avec la tierce complicité de FE d'une part, et à FE par des manoeuvres de concurrence déloyale et de parasitisme avec la complicité des époux X... d'autre part ;

Attendu que FF agit ainsi de manière distributive sur le terrain contractuel (2. 1. 1) et sur le terrain quasi délictuel (2. 1. 2) sans cumuler à l'égard des époux X...-tenus par la clause de non rétablissement qu'ils contestent-les deux fondements ;

Attendu que les actions de FF constituent des actions en responsabilité qui, pour prospérer impliquent la démonstration d'une faute qui n'est pas présumée et d'un préjudice (2. 2) avec un lien de causalité entre les deux, sachant que la liberté du commerce et de l'industrie constitue le principe ;

2. 1. 1) Violation d'une obligation contractuelle :

Attendu que les époux X... qui ont souscrit à la clause de non rétablissement en contestent la validité et arguent de cessions de leurs parts dans FE tout en niant tout agissement qualifié de fautif par FF ;

Quant à la validité de la clause :

Attendu que contrairement à ce que soutiennent les époux X... s'ils intervenaient certes en qualité de représentant légal des sociétés cédantes voire de bailleurs ou titulaires de droits et brevets, ils intervenaient aussi en qualité d'actionnaires majoritaires » agissant conjointement et solidairement entre eux ;

Attendu qu'ils étaient ainsi des parties à l'acte de cession ;

Attendu que c'est vainement qu'ils soutiennent que l'interdiction de rétablissement serait dépourvue de cause faute de contrepartie financière dés lors que même si le prix de cession revenait aux sociétés cédantes et qu'il était pour partie utilisé à l'exploitation et aux investissements, l'interdiction querellée permettait de mieux valoriser leurs parts sociales ;

Attendu que les époux X... trouveront un avantage financier direct comme le révèle l'acte quant aux cautionnements et un avantage indirect dans l'appréciation de leurs parts de telle sorte que leur engagement était causé conformément aux dispositions de l'article 1131 CIV ;

Attendu que par ailleurs les époux X... arguent tout aussi vainement de l'effet relatif des contrats puisqu'ils sont des parties au contrat d'une part, que le cessionnaire faisait de la clause une condition de son engagement et du prix de plus de 22MF d'autre part et que n'arguant d'aucun vice du consentement, ils ont par ailleurs librement souscrit à une clause licite qui s'impose à eux conformément aux prescriptions de l'article 1134 CIV ;

Attendu que les époux X... ne justifient pas plus de ce que la clause aurait été levée entre les parties par un avenant à la convention voire une tolérance de la part de FF ;

Attendu qu'en effet FF, respectivement monsieur
I...

Y... son directeur général qui avait eu connaissance de l'acquisition de FE et vu l'estampille H » sur un produit du catalogue, interrogeait monsieur X... le 13 Janvier 1995 qui le rassurait en lui indiquant qu'il n'entendait pas faire concurrence à une des entreprises cédées et s'engageait à retirer un système de connexion qui pouvait être considéré comme faisant véritablement concurrence ;

Attendu que FF écrivait ainsi le 30 Janvier 1995, un courrier à monsieur X... dans les termes clause de non concurrence, nous apprécions votre franchise et nous vous faisons confiance pour l'avenir » ;

Attendu que, suite à des départs de personnel de FF (C..., D..., E...) qui rejoindront FE, FF, faisait tenir sous la plume de son conseil Maître GROSSIN un rappel des obligations nées de la clause de non concurrence par lettre du 31 Juillet 1995 et rappel du 13 Septembre 1995 qui ne seront honorés d'aucune réponse ;

Attendu que lors de rencontres le 24 Mai et le 20 Novembre 1996 le représentant de FF confirmait que la clause de non concurrence n'était pas négociable et le signifiait à monsieur X... qui avait pris l'attache de son conseil ;

Attendu que ce n'est que par lettre du 23 Janvier 1997, que monsieur X... qui cherchait à renégocier la clause fera part à FF sur un courrier au timbre de SIPAFI,-Forges de l'Eminée :
suite aux demandes formulées par I...
Y... ET Mr R... lors de leur visite en Mai 1995 et pour éviter toute ambiguïté, nous avons cédé cette société depuis plus d'un an » ;

Attendu que la simple relation ci-dessus démontre à suffisance que FF n'entendait pas revenir sur la clause de non concurrence d'une part, que monsieur X... en était averti et l'était tellement qu'il cédera ses actions d'autre part et qu'à supposer même que FE ou SIPAFI (étrangère au litige) aient pu produire des pièces pour FF-ce qui n'est pas établi de manière incontestable par des documents probants-cette circonstance ne vaudrait toujours pas encore renonciation à la clause ;

Attendu qu'il échet ainsi de confirmer le jugement entrepris quant à la validité de la clause de non rétablissement souscrite par les époux X... ;

Quant à la cession des actions de FE :

Attendu que les époux X... justifient par une attestation de monsieur J..., expert comptable, de la nomination de monsieur B.X... aux fonctions de PDG de FE lors du CA du 23 Septembre 1993 et de la cession des actions FE par les époux X... les 3 et 4 Janvier 1995 ainsi que de la démission de monsieur X... de ses fonctions de PDG et son remplacement par monsieur F... lors du CA du 31 Mai 1995 dont PV versé aux débats ;
Attendu que les ordres de mouvements souscrits le 3 Janvier 1995 par monsieur, respectivement madame X... de l'ensemble des actions, sont établis au profit de madame C... (75 actions), monsieur F... (150 actions), monsieur S...

(200 + 22 actions), monsieur T... (25 actions) et monsieur E... (23 actions) ;

Attendu qu'il est constant que par suite de l'arrêt infirmatif du 15 Janvier 2004, par lequel la Cour de RIOM constatait le non paiement du prix des actions par madame C... (qui au demeurant les offrait à la vente à FF par lettre du è Septembre 1999), monsieur X... redevenait actionnaire de FE ;

Attendu que de même ainsi qu'il s'évince de l'attestation de monsieur K..., monsieur X... poursuivait le paiement des actions dont le prix n'avait pas été acquitté par monsieur F... ;

Attendu cependant qu'on ne saurait, à partir de l'arrêt de la Cour de Riom et de 75 actions, remettre en cause la validité de toutes les cessions d'autant que madame C... soutenait que les actions constituaient un supplément de rémunération et qu'elle quittait de manière conflictuelle la société ;

Attendu qu'on ne saurait pas plus prétendre, sans autre élément de preuve, que les cessions ont été faites à des prête-noms ;

Attendu que l'appelante sera donc déboutée de ses prétentions étant observé que les bénéficiaires des cessions ne sont pas dans la cause et que l'annulation de la cession qui s'évince de l'arrêt de la Cour précité ne saurait avoir plus d'effet qu'elle n'en a ;

Attendu que c'est d'ailleurs pourquoi l'appelante recherche la responsabilité de monsieur X... en qualité de dirigeant de fait de FE et de madame X... comme responsable commerciale ;

Quant à la gestion de fait et les manquements de monsieur X... :

Attendu que le dirigeant de fait d'une société, par opposition au dirigeant de droit, est une personne dépourvue de mandat social qui s'immisce dans la direction ou l'administration d'une société, qui exerce en toute indépendance et souveraineté une activité positive de gestion et de direction ;

Attendu que la qualité de dirigeant de fait ne se présume pas et doit être établie par le demandeur ;

Attendu que si la lettre de madame C... du 7 Septembre 1999 par laquelle elle offre ab irato ses actions FE, ensuite d'un conflit avec monsieur X..., n'établit pas la gestion de ce dernier après sa démission et son remplacement le 31 Mai 1995, elle doit être rapprochée de son attestation du 30 Mars 2006 ;
Attendu qu'elle y indique de manière parfaitement claire la réalité de la direction de l'entreprise par monsieur X... qui continuait comme par le passé à donner ses instructions à celle qui était alors seulement son assistante ;

Attendu que les courriers et écrits dont monsieur X... ne conteste nullement être l'auteur, témoignent à suffisance la réalité de ses activités comme dirigeant de FE ;

Attendu de plus que sa présence avec son épouse, sur un stand de FE voire FF, lors d'un salon à VILLEPINTE en 1997et 2001 avec des produits dans les poches, participe de cette gestion de fait et du maintien des relations avec la clientèle ;

Attendu qu'au demeurant l'activité de monsieur F... pour deux sociétés des Ardennes même si elle n'est pas de nature à lui interdire l'exercice de ses missions de PDG paraît difficilement compatible avec la direction concurrente de FE sachant que madame C... n'a aucune compétence technique et exécute les directives de monsieur X... ;

Attendu que les relations avec l'assureur voire un fournisseur qui veut être payé ou encore un conflit avec monsieur V... témoignent de la réalité du comportement apparent de monsieur X... auquel des tiers dignes de foi reconnaissent la qualité de dirigeant de l'entreprise ;

Attendu qu'ainsi la preuve d'une direction de fait et en toute indépendance de FE par monsieur X... après sa démission est rapportée peu important au demeurant qu'il n'ait pas eu la signature sur un compte de l'entreprise ;

Attendu que l'attestation de monsieur K... n'est pas de nature à contredire les éléments ci avant et la réalité d'une intervention permanente sous une forme ou une autre d'un dirigeant qui instrumentalise ses anciens salariés dés lorsqu'on ne saurait sérieusement soutenir que madame C... aurait eu des problèmes de compréhension en français ;

Attendu qu'au demeurant rien ne permet d'expliquer qu'un ancien dirigeant de FF qui était certes au courant des dossiers mais avait prétendument cessé toute activité concurrente, s'obstine à obtenir une mainlevée de la clause de non rétablissement qui l'handicape dans une activité, qui, loin d'avoir pris fin après la cession des parts, se poursuit par l'intermédiaire d'anciens salariés de confiance ;

Quant à madame X... :

Attendu que madame X... a reçu des messages en copie relatifs à l'activité de FE et se prévaut de la qualité de responsable commerciale à l'export suivant FAX du 12 Septembre 2001 à monsieur de M... ;
Attendu que monsieur W... la tient au courant de l'activité de FE suivant lettre du 17 Avril 2001 ;

Attendu que les pièces produites démontrent que madame X..., non seulement revendique la qualité de responsable, mais encore, continue de se rendre aux salons professionnels au mépris d'une clause de non rétablissement quand bien même elle continuerait de diriger une entreprise canadienne SYSMA, concurrente dont FF n'a finalement pas voulu se porter acquéreur ;

Attendu qu'elle ne peut soutenir sérieusement qu'elle exercerait son activité hors de la CEE alors qu'elle œ uvre comme responsable export en France de FE société française au siège en France, depuis les locaux de la SIPAFI et, ainsi dénaturer les termes très larges de la clause à laquelle elle souscrivait, d'autant qu'elle entretient des relations avec des entreprises ou clients européens comme il s'évince des pièces produites qui ne font nullement état de SYSMA ;

Attendu que suivant les propres indications tirées de son site Internet, c'est en 1995 que la Sté FE lance une gamme de matériel de levage en acier sous la marque EXCEL », que la marque EXCEL sera déposée en 1996 à l'INPI et suivant le rapport de M. PERTHUIS au service de FF, c'est en Mai 1997 qu'intervient le lancement de la gamme EXCEL rapport 97 / 5. Tarif et catalogue en ma possession. » ;

Attendu qu'ainsi la réalité d'une violation par les époux X... de la clause de non rétablissement dans le cadre d'une gestion de fait après le lancement et la distribution de la gamme EXCEL concurrente de la gamme SYSMA de FF qui comporte des matériels de levage et de saisissage, est établie de manière certaine ;

Attendu qu'il en va de même de l'intervention indirecte par le biais de FORGEAVIA pour le compte de FE ;

2. 1. 2) La faute quasi délictuelle :

FF impute à faute à FE un débauchage de son personnel, une concurrence parasitaire et un démarchage déloyal de ses clients ;

Quant au débauchage :

Attendu qu'en vertu de la liberté du travail, il est loisible à un salarié de changer d'employeur au mieux de ses intérêts et on ne saurait lui faire grief d'exploiter chez un nouvel employeur l'expérience acquise précédemment ;

Attendu cependant que le débauchage massif des salariés d'un concurrent susceptible de désorganiser le fonctionnement de son entreprise pour en capter le savoir faire est illicite ;

Attendu qu'en l'espèce, plusieurs salariés de FF – non tenus par une obligation de non concurrence-vont rejoindre FE notamment après leur licenciement ;

Attendu qu'il est constant que madame C... qui deviendra directrice générale de FE était employée selon son attestation produite à hauteur de Cour, du 27 Août 1979 au 30 Juin 1994 en qualité d'assistante de direction de monsieur X... jusqu'à son départ, alors qu'il était le représentant légal de METAYER FORGE France ;

Attendu qu'elle a clairement indiqué avoir été débauchée par les époux X... et que monsieur X... lui avait fait des promesses non tenues, à l'origine de leur rupture et d'un licenciement sanctionné comme étant sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que les attestations de MM XX... et YY... suivant lesquelles elle va quitter FF en raison d'un conflit qui donnera lieu au demeurant à une transaction ne sont pas de nature à contredire ses propres allégations d'autant que la motivation de la rupture est pour le moins peu précise ;

Attendu que si la position de l'intéressée, assistante de direction, n'est pas à proprement parler stratégique il n'en demeure pas moins qu'elle doit être appréciée in concreto-une salariée dévouée proche du dirigeant-et rapprochée des autres départs de salariés de FF ;

Attendu que madame D... était comptable et atteste qu'elle était engagée par monsieur F... suite à son licenciement par FF en Mai 1995, après transaction libre de tout engagement ;

Attendu que si la réalité du débauchage n'est pas établie et qu'un professionnel du chiffre n'a pas en soi une position stratégique il n'en demeure pas moins que l'intéressée avait une longue expérience dans le domaine d'activité, immédiatement utilisable et bénéficiait de la confiance de monsieur X... ;

Attendu que son embauche doit être rapprochée de celle des autres salariés de FF passés au service de FE ;

Attendu que monsieur E... était technicien de maintenance au service de FF jusqu'au 31 juillet 1995 et rejoindra suite à sa démission FE ;

Attendu que si la liberté du salarié demeure un principe et que par ailleurs un technicien de maintenance ne constitue pas en tant que telle une spécialité introuvable sur le marché de l'emploi, il n'en demeure pas moins qu'un technicien de maintenance avec une expérience du domaine d'activité concerné n'est pas aisément disponible et que son remplacement peut être difficile, sa formation sur des matériels spécifiques longue et son absence préjudiciable à la société qui en est privée ;

Attendu que monsieur G... était tourneur-règleur au service de FF et démissionnait par lettre du 12 Mars 1999 libre de tout engagement pour rejoindre FE où il sera embauché par monsieur F... qui le connaissait ;

Attendu que là encore même si un tourneur régleur n'est pas introuvable sur le marché de l'emploi ce dernier n'a pas nécessairement des compétences en programmation pour travailler sur des machines équipées de dispositifs de programmation ;

Attendu que la perte de monsieur G... qui connaissait les machines de l'entreprise FF depuis des années et avait les compétences pour les régler a nécessairement induit des perturbations et des frais divers ;

Attendu que monsieur F... directeur technique et responsable usinage de FF, va quitter l'entreprise ensuite de son licenciement le 12 Octobre 1994 pour faute grave en l'espèce pour avoir giflé un salarié qui l'avait insulté ;

Attendu que même s'il n'est pas à l'évidence établi que ce licenciement aurait été provoqué par sa victime, il n'en demeure pas moins que la faute de ce dernier paraît peu conciliable avec un sang froid et les fonctions jusqu'alors exercées sans le moindre manquement ;

Attendu que les termes de l'attestation de madame ZZ... une ancienne collègue, tout en mettant en évidence l'attachement de l'intéressé à son entreprise et sa région, ne sont pas inconciliables avec la volonté de rejoindre un ancien dirigeant et d'améliorer sa situation personnelle d'autant que monsieur F... occupe par essence même un poste stratégique et va amener à FE toutes ses compétences, comme cette dernière le reconnaît elle-même ;

Attendu qu'en ce qui concerne monsieur H..., responsable du bureau d'études et méthodes depuis le 25 Janvier 1988, FF va le licencier le 27 Janvier 2001 pour insubordination ;

Attendu qu'il va rejoindre la société FORGEAVIA dirigée par monsieur X... ;

Attendu que la nature des manquements laisse à croire que son comportement fautif était volontaire et s'inscrivait bien dans une entreprise de débauchage menée par monsieur X... au profit d'une entreprise qui va développer pour le compte de FE des outillages nécessaires dans le cadre du développement de la gamme EXCEL ;

Attendu qu'il a d'ailleurs bénéficié d'un rappel des obligations de confidentialité d'usage ;

Attendu qu'il est ainsi démontré que des salariés plus ou moins proches de monsieur X..., en tout cas qui avaient sa confiance et ont avec lui participé au développement de FF, même si certains d'entre eux ont été licenciés par FF, ont été captés dans le cadre d'une opération massive de débauchage pour pouvoir bénéficier de leurs connaissances acquises chez FF ;

Attendu que même si leurs compétences ne sont pas toutes stratégiques prises individuellement, leur débauchage compte tenu des postes tenus et du savoir faire dans un domaine peu commun ont entraîné des perturbations et désorganisé l'activité de FF quand bien même elle attendra prés de 9 ans pour s'en prévaloir après avoir réuni les pièces nécessaires à l'appui de sa demande en justice ;

Quant aux autres faits de concurrence parasitaire :

Attendu que parmi les comportements déloyaux imputés à faute, FF fait état de la captation d'un savoir faire développé par elle et de l'imitation servile de ses produits ;

Attendu qu'il est admis qu'un acier standard ne peut être substitué à l'acier mis en œ uvre par FF compte tenu des contraintes propres à la nature des produits ;

Attendu cependant qu'il est de notoriété publique suivant l'expert cité par FF, que l'emploi de chrome, manganèse et molybdène contribue au résultat recherché et que par ailleurs la formulation correspond à une norme de production DIN 17115 ;

Attendu qu'en l'espèce l'acier mis en œ uvre par FF qu'utilise également FE retenu par monsieur F... qui l'employait déjà chez FF est le même et est aussi utilisé par une société CARLIER CHAINES ;

Attendu que son choix et le choix du même fournisseur-pour des livraisons au départ par le biais de FORGEAVIA-tiennent au résultat recherché et ne peuvent être considérés comme constitutifs d'agissements déloyaux ;

Attendu qu'en ce qui concerne le savoir-faire FF, il est constant que l'entreprise a développé des process de fabrication pour ses produits ;

Attendu qu'il est acquis que FE a une antériorité quant aux produits CELETTE, dans le domaine des produits de levage et saisissage et qu'elle va développer en deux ans une gamme de produits ;

Attendu que l'attestation de monsieur O... et la sommation interpellative délivrée à monsieur P... s'ils permettent de comprendre l'utilisation des compétences d'un technicien transfuge de FF, qui en tant que telle n'est pas blâmable, ne permet pas d'affirmer de manière certaine que des résines qui auraient été emportées par monsieur X... permettront de gagner du temps dans le développement des outillages requis à partir des produits FF et des modèles avec le concours de FORGEAVIA dirigée par monsieur X... alors qu'il sera fait appel à d'autres sociétés pour développer des outillages ;

Attendu que l'attestation de monsieur O..., qui rapporte des propos d'un candidat à l'embauche n'a pas la portée que veut lui donner FF notamment à l'examen des réponses à la sommation et ne permet pas d'affirmer que monsieur X... aurait pillé le catalogue des modèles de FF ;

Attendu qu'il est au demeurant fait usage d'une technique d'usinage différente de celle de FF ;

Attendu que FF ne saurait sérieusement prétendre qu'elle détiendrait un savoir-faire unique et spécifique alors qu'il est établi que plusieurs acteurs majeurs sont actifs dans le secteur ;

Attendu qu'en ce qui concerne les produits, leur apparente ressemblance suivant les catalogues des divers fabricants du secteur versés aux débats peut être expliquée par des standards et normes même s'il a été procédé à l'emploi du même alliage et de résines, technique mise en oeuvre concurremment avec l'usinage par CFAO ;

Attendu que des raisons techniques imposent la reproduction quasi à l'identique de toutes les pièces surtout que FF avait initialement copié les crochets GUNNEBO dont les brevets étaient tombés dans le domaine public ;

Quant au démarchage déloyal de la clientèle :
Attendu que FF reproche à FE un démarchage systématique de ses clients et une politique de prix inférieurs ;

Attendu que les attestations de madame AA..., de messieurs
I...

Y... et SASTRE, des rapports de MM BB... et CC... ainsi que les pièces destinées à madame X... responsable export, témoignent de la réalité du démarchage de clients de FF ;

Attendu que les documents produits s'inscrivent d'ailleurs dans un ensemble de pièces dans le cadre d'un litige commercial, dont il appartient à la Cour d'apprécier la qualité et pertinence ;

Attendu que l'attestation de monsieur BB... en cause d'appel n'est pas de nature à ruiner le contenu de ses rapports et à contredire la réalité d'un démarchage de clients FF par FE ;

Attendu cependant que rien n'interdit à une entreprise de prendre contact avec des clients qui ne sont pas légion dans un domaine d'activité limité si elle ne pille pas les fichiers de son concurrent ;

Attendu qu'en l'espèce aucun élément ne permet d'établir la réalité de tels agissements déloyaux ;

Attendu qu'en ce qui concerne les prix, il est constant que le prix d'un produit industriel intègre le coût de la matière, le coût de production fonction du process mis en œ uvre mais également les amortissements des investissements parmi lesquels le coût de recherche et développement ;

Attendu que si FE a pu bénéficier des développements de FF quant aux personnels, de la notoriété des époux X..., rien ne prouve que les prix étaient plus faibles par suite d'agissements considérés comme déloyaux ;

Attendu que la vente d'un produit à un prix inférieur à celui du concurrent n'est pas en soi déloyale si elle est la simple traduction du libre jeu du marché ;

Attendu qu'elle est cependant déloyale quand elle est le résultat d'agissements parasitaires caractérisés ;

Attendu que si l'analyse des prix pratiqués par les deux entreprises met en évidence une variation de 0,23 à 48,20 %, cette différence qu'il faut pondérer par les remises que pratiquent les différents acteurs du marché ne démontre pas en soi une pratique déloyale qui serait rendue possible par des agissements parasitaires d'autant que des pays étrangers aux moindres coûts de main d'œ uvre sont en mesure de fournir des produits encore moins chers-produits normalisés aux contraintes techniques identiques-et qu'un catalogue de prix n ‘ a aucun sens sans le confronter aux prix réellement facturés sur le marché et aux marges réelles ;

Attendu qu'il est ainsi établi, contrairement à ce que retenaient les premiers juges au terme d'une motivation insuffisante et non pertinente, que les époux X... tenus par une clause de non rétablissement très large à laquelle ils ont souscrit car elle était une condition de l'accord de FF et de la valorisation des fonds de commerce, ont continué sans désemparer à exercer une activité dans le domaine du levage et de la manutention directement ou par le biais d'anciens salariés et de FE ainsi que FORGEAVIA ;

Attendu que c'est en ayant recours aux compétences de certains salariés clés de FF dont monsieur F... que FE, entreprise de forge qui maîtrise les différentes techniques requises a pu développer rapidement une gamme complète de produits de levage et de manutention ;

Attendu qu'il est d'autre part établi que FE tirera profit de la notoriété des époux X... désormais déliés de leur clause de non rétablissement et du débauchage des salariés occupant des postes clés, sans que soit démontrée la mise en œ uvre des connaissances et du savoir faire de FF, le démarchage systématique des clients de cette dernière et une politique de prix agressive qui aurait été rendue possible compte tenu de pratiques déloyales étrangères au jeu normal de la concurrence ;
Attendu que si les agissements établis ont pu faire grief à FF il appartient à cette dernière de démontrer la réalité du dommage qu'elle allègue et dont elle réclame réparation ;

2. 2) Le préjudice de FF :

Attendu que FF qui a la charge de la preuve du préjudice dont elle réclame réparation met en compte un manque à gagner, la perte de valeur patrimoniale de son entreprise, le coût des dépenses rendues nécessaires du fait des actions querellées et un préjudice moral ;

Attendu qu'en ce qui concerne le manque à gagner FF se contente de mettre en compte la marge sur coûts variables réalisée par FE durant la période considérée indifférente, sans démontrer la réalité de la perte de chiffre d'affaires ;

Attendu qu'elle ne verse aucune pièce mettant en évidence cette baisse de chiffre d'affaires du fait des agissements querellés tels que caractérisés ci-dessus pas plus que la perte totale de certains clients sur un marché soumis à une réelle concurrence notamment de la Chine ;

Attendu que les pièces produites à hauteur de Cour si elles témoignent d'une perte de 202. 000 Euros sur 20 clients ne sont pas significatives, pas plus que la traduction comptable de la politique économique suivie dans le cadre du groupe auquel elle appartient ;
Attendu que de surcroît FE ne réalise qu'une part de son CA dans le secteur des matériels de levage et manutention ;

Attendu que le préjudice de FF tient donc uniquement dans une perte de chance de rentabiliser aussi rapidement que prévu l'investissement qu'elle faisait en se portant acquéreur des fonds des trois sociétés en cause, le coût direct lié aux débauchages et le préjudice moral, la baisse de chiffre d'affaires ne pouvant être imputée directement aux seuls agissements querellés ;

Attendu que FF ne saurait sérieusement prétendre que les licenciements économiques auxquels elle procédait dans le cadre de sa gestion sont la conséquence directe des agissements querellés ;

Attendu qu'aucun élément produit ne le démontre et que cet acte de gestion, plusieurs années après la cession, s'inscrit dans une politique de groupe confronté à des impératifs de rentabilité comme n'importe quelle entreprise ;

Attendu qu'il ne saurait pas plus être fait interdiction à FE d ‘ exercer son activité dans le domaine des matériels de levage sauf à porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie dés lors qu'il n'est pas démontré la réalité d'agissements parasitaires ou constitutifs de concurrence déloyale qui perdureraient ;

Attendu que compte tenu des éléments versés aux débats et de ce qui précède, en infirmant le jugement entrepris, le préjudice de FF sera exactement réparé par la condamnation in solidum des époux X... et de FE à lui verser une indemnité de 500. 000 Euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

Attendu qu'il convient également à titre d'indemnisation d'ordonner la publication de l'arrêt par extraits aux frais des précités dans un journal d'annonces légales au choix de FF ;

3) Quant à la demande reconventionnelle de FE et des époux X... :

Attendu que les intimés sollicitent l'allocation de dommages et intérêts au motif que la procédure menée par l'appelante serait abusive et aurait été menée avec légèreté ;

Attendu que ce qui précède démontre que l'action entreprise par FE n'était pas dépourvue de pertinence et qu'ainsi les intimés qui n'établissent pas plus la réalité d'un préjudice seront déboutés de leurs prétentions, la décision entreprise étant confirmée sur ce point par substitution de motifs ;

4) Quant au surplus et aux dépens :

Attendu que les intimés qui succombent pour partie dans leurs prétentions seront condamnés in solidum aux entiers dépens d'instance et d'appel avec faculté de recouvrement direct pour ceux d'appel au profit de la SCP THOMA LE RUNIGO DELAVEAU GAUDEAUX ;

Attendu que l'équité commande d'allouer une indemnité à l'appelante au titre des frais non répétibles ;

Attendu qu'il échet à ce titre et par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, de condamner les intimés in solidum à payer à l'appelante un montant de 10. 000 Euros ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et contradictoirement ;

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau ;
Constate que les époux X... ont manqué à leur obligation de non rétablissement parfaitement régulière ensuite de l'acte du 7 Juillet 1993 ;

Constate que la SA FORGES DE L'EMINEE avec la complicité des époux X... a commis des actes constitutifs de parasitisme en débauchant des salariés de la SA FORGE FRANCE ;

Condamne in solidum les époux X... et la SA FORGE DE L'EMINEE à payer à la SA FORGE FRANCE un montant de 500. 000 Euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour en réparation de son préjudice né de ces agissements et de la violation de la clause de non rétablissement ;

Ordonne la publication du présent arrêt, par extraits dans un journal d'annonces légales au choix de la SA FORGE FRANCE, aux frais des époux X... et de la SA FORGE DE L'EMINEE ;

Déboute la SA FORGE FRANCE quant au surplus ;

Ajoutant ;

Condamne les époux X... et la SA FORGE DE L'EMINEE in solidum aux entiers dépens d'instance et d'appel, avec faculté de recouvrement direct pour ceux d'appel au profit de la SCP THOMA LE RUNIGO DELAVEAU GAUDEAUX ;

Les condamne in solidum à payer à la SA FORGE FRANCE un montant de 10. 000 Euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Numéro d'arrêt : 04/00951
Date de la décision : 29/05/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Charleville-Mézières


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-05-29;04.00951 ?
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