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10/01/2002 | FRANCE | N°00/01643

France | France, Cour d'appel de reims, 10 janvier 2002, 00/01643


COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE CIVILE- 2ème SECTION R MJR/EN ARRET N° AFFAIRE N : 00/01643 AFFAIRE X... C/ Y... C / deux décisions rendues par le Tribunal de Grande Instance CHALONS EN CHAMPAGNE le 10 Mai 2000 et le 28 Juin 2000. ARRET DU 10 JANVIER 2002 APPELANT : Monsieur Bernard X... Bel Z... 56120 LANOUEE COMPARANT, concluant par la SCP GENET - BRAIBANT avoué à la Cour, et ayant pour conseil Me Bernard OGER, avocat au barreau de VANNES, INTIMEE : Madame Suzanne Y... 2 avenue du Général Sarrail 51250 SERMAIZE LES BAINS COMPARANT, concluant par la SCP SIX - GUILLAUME, avoué à la Cour

, et ayant pour conseil Me Jean-Christophe LEDUC, avocat...

COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE CIVILE- 2ème SECTION R MJR/EN ARRET N° AFFAIRE N : 00/01643 AFFAIRE X... C/ Y... C / deux décisions rendues par le Tribunal de Grande Instance CHALONS EN CHAMPAGNE le 10 Mai 2000 et le 28 Juin 2000. ARRET DU 10 JANVIER 2002 APPELANT : Monsieur Bernard X... Bel Z... 56120 LANOUEE COMPARANT, concluant par la SCP GENET - BRAIBANT avoué à la Cour, et ayant pour conseil Me Bernard OGER, avocat au barreau de VANNES, INTIMEE : Madame Suzanne Y... 2 avenue du Général Sarrail 51250 SERMAIZE LES BAINS COMPARANT, concluant par la SCP SIX - GUILLAUME, avoué à la Cour, et ayant pour conseil Me Jean-Christophe LEDUC, avocat au barreau de CHARTRES. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE : PRESIDENT DE CHAMBRE : Madame MARZI Odile A... : Madame NEMOZ-BENILAN Roselyne A... : Madame B... Marie-Josèphe GREFFIER C... : Madame Michèle D..., Greffier lors des débats et du prononcé. DEBATS : En chambre du Conseil du 16 Novembre 2001, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Janvier 2002, sans opposition de la part des conseils des parties et en application des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile, Madame B..., a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, ARRET : Prononcé par Madame Odile MARZI, Président de Chambre, à l'audience publique du 10 Janvier 2002 et qui a signé la minute avec le Greffier.

Vu les appels formés par Monsieur Bernard X... à l'encontre d'un jugement rendu le 10 mai 2000 par le Juge aux Affaires Familiales près le Tribunal de Grande Instance de CHALONS EN CHAMPAGNE qui l'a débouté de toutes ses demandes et d'un jugement rectificatif rendu par le Tribunal de Grande Instance le 28 juin 2000 aux termes duquel le premier jugement a été rendu par le Tribunal de Grande Instance et non par le Juge aux Affaires Familiales, appels joints par décision

du conseiller de la Mise en Etat.

LES FAITS - LA PROCEDURE

Par jugement du 17 février 1983 le Tribunal de Grande Instance de CHAUMONT a notamment prononcé le divorce des époux E... et condamné Monsieur Bernard X... à payer à Madame Suzanne Y... une prestation compensatoire de 1 500 F par mois, indexée pendant 4 ans à compter de son prononcé.

Par arrêt du 12 février 1985 la Cour d'Appel de DIJON a confirmé les dispositions sur la prestation compensatoire.

Le 15 février 1999 Monsieur Bernard X... a assigné Madame Suzanne Y... "devant le Tribunal de Grande Instance de CHALONS EN CHAMPAGNE" sur le fondement de l'article 1235 du Code Civil en :

[* restitution d'une somme de 231 916 F avec intérêts de droit à compter de l'assignation, indûment perçue, qu'il indiquait lui avoir versé par erreur de mars 1989 à fin 1997, "ne se souvenant plus que la prestation compensatoire avait été limitée pour une durée de 4 ans",

*] paiement de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Madame Suzanne Y... a opposé la prescription de l'article 2277 du Code Civil, soutenu que le paiement correspondait à l'exécution d'une obligation naturelle telle que visée par l'article 1235 alinéa 2 du Code Civil et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil et de l'équité, elle a fait valoir que la restitution de cette somme lui causerait un préjudice.

A titre très subsidiaire elle a prétendu n'avoir perçu que 199 026 F et conclu en conséquence au débouté du surplus de la demande de restitution par application de l'article 1341 du Code Civil.

C'est dans ces conditions qu'ont été rendus les 2 jugements déférés. Vu les conclusions récapitulatives de

[* Monsieur Bernard X... du 15 octobre 2001

*] Madame Suzanne Y... du 24 octobre 2001 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 26 octobre 2001 ;

SUR CE

Sur la procédure

Attendu que sur le fondement de l'article 16 du Nouveau Code de Procédure Civile Madame Suzanne Y... demande le rejet des débats des conclusions récapitulatives de Monsieur Bernard X... et conclut à l'irrecevabilité des appels sur le fondement de l'article 954 du Nouveau Code de Procédure Civile au motif que les premières conclusions de ce dernier n'étaient motivées ni en fait, ni en droit et ne comportaient pas annexé de bordereau de communication de pièces ;

Attendu que les conclusions récapitulatives de Madame Suzanne Y... du 24 octobre 2001 démontrent que le principe du contradictoire a été respecté puisque dans ces conclusions, elle a amplement répondu à celles de Monsieur Bernard X... du 15 octobre 2001 dont elle demande le rejet, étant observé que :

[* ces conclusions ne datent pas de la veille de la clôture comme elle l'indique mais précédaient celle-ci de 11 jours,

*] par contre ses propres conclusions précédent de 2 jours la clôture ;

Attendu qu'il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats les conclusions récapitulatives de Monsieur Bernard X... du 15 octobre 2001, qui comportaient annexé un bordereau récapitulatif de communication de pièces ;

Attendu que ces conclusions étant fondées en fait et en droit, comme

la demande l'était dès l'origine sur l'article 1235 du Code Civil, les appels sont recevables ;

Au fond

1) Sur la prescription

Attendu que Madame Suzanne Y... critique le jugement qui n'a pas fait application de la prescription prévue par l'article 2277 du Code Civil pour les sommes payées de 1989 à 1994 au motif que ces sommes ne constituent qu'une simple créance civile ;

Attendu qu'aux termes de l'article 2277 du Code Civil : "se prescrivent par 5 ans les actions en paiement.... des arrérages des rentes perpétuelles et viagères et de ceux des pensions alimentaires.... et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courtes" ;

Attendu que la prestation compensatoire ayant été prévue pour 4 ans c'est à bon droit que le tribunal a jugé que les sommes versées après février 1989 par Monsieur Bernard X... n'ont pas le caractère juridique de pension alimentaire ou de prestation compensatoire mais constituent une simple créance civile, qu'en conséquence il a écarté la prescription prévue par l'article 2277 du Code Civil ces sommes non légalement dues ne pouvant en tout état de cause être considérées comme payables à termes périodiques ;

2) Sur la qualification de l'obligation

Attendu que Madame Suzanne Y... critique le jugement qui a refusé la qualification d'obligation naturelle aux versements effectués par Monsieur Bernard X... en considérant qu'ils n'avaient pas été faits volontairement manifestant une intention libérale d'exercer un devoir de conscience mais résultaient des rappels écrits de Madame Suzanne Y... précisant le nouvel indice fourni par son avocat ;

Attendu que celle-ci ne peut valablement se prévaloir d'un courrier antérieur de 2 ans à la procédure de divorce qui a abouti à une

décision fixant une prestation compensatoire pour un temps limité, contrairement à ce qui avait été envisagé dans ce courrier, seule cette décision étant à prendre en compte ;

Attendu qu'il résulte des documents produits que Monsieur Bernard X... ne s'est jamais acquitté volontairement passé le délai de 4 ans des sommes versées mais sur pressions, voire menaces de saisie de Madame Suzanne Y... comme en témoignent les lettres qu'elle lui a adressées les 10 mars 1985, 15 janvier 1986, mais surtout les 5 janvier 1996 et 5 janvier 1998 dans lesquelles elle se référait à ce que lui aurait indiqué "l'avocat" ce qui reste totalement à démontrer en conséquence de quoi ce sont bien les manoeuvres et menaces de Madame Suzanne Y... qui ont déterminer Monsieur Bernard X... à payer ;

Attendu que c'est donc à bon droit que le tribunal a refusé la qualification d'obligation naturelle aux versements effectués passé le délai de 4 ans qui ne résultent ni d'une intention libérale, ni de l'exercice d'un devoir de conscience ;

3) Sur l'application de l'article 1382 du Code Civil

Attendu qu'aux termes de cet article "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer" ;

Attendu que les courriers de Madame Suzanne Y... se référant expressément à ce qu'aurait dit "l'avocat" dont rien ne justifie qu'il ait seulement été consulté, constituent des manoeuvres de Madame Suzanne Y... pour obtenir un paiement indu qui excluent que ce paiement puisse être qualifié de faute grossière, constituant un simple fait obtenu par la faute de Madame Suzanne Y... qui s'est prévalu de l'autorité d'un professionnel du droit à l'encontre de Monsieur Bernard X... qui a seulement commis l'erreur de lui faire confiance et de ne pas vérifier personnellement ce que lui

affirmait son ex-épouse sous couvert de "l'avocat" ;

Attendu que c'est donc à tort que le tribunal a jugé que Madame Suzanne Y... était de bonne foi et que Monsieur Bernard X... avait commis une faute grossière ;

Attendu par ailleurs que l'unique feuille d'imposition de 1997 produite par Madame Suzanne Y... ne suffit pas à démontrer son impécuniosité, la Cour observant qu'elle ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle et disposait notamment d'un fermage à l'époque du divorce ;

Attendu que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur Bernard X... de sa demande en application de l'article 1382 du Code Civil et de l'équité qui ne saurait l'emporter sur le droit ;

4) Sur le montant de la créance

Attendu que le jugement du 17 février 1983 confirmé prévoyait le versement d'une prestation compensatoire de 1 500 F par mois pendant 4 ans à compter de son prononcé qu'il n'était toutefois pas assorti de l'exécution provisoire ;

Attendu que Madame Suzanne Y... ne conteste pas que cette disposition a pris effet en février 1985 et que la prestation compensatoire n'était donc due que jusqu'en février 1989 compris ;

Attendu qu'il incombe à Monsieur Bernard X... de rapporter la preuve du montant des versements indus ;

Attendu qu'il produit des relevés de comptes bancaires dont il résulte qu'il a payé en :

- 1989 (mars à décembre) : 1 980 F x 10 = 19 800 F

- 1990 : 1 980 F + (2 000 F x 3) + (2 050 F x 8) = 24 380 F

- 1991 : 2 050 F + (2 130 F x 11) = 25 480 F

- 1992 : 2 130 F + (2 190 F x 11) = 26 220 F

- 1993 : 2 500 F + (2 240 F x 5) + (2 190 F x 6) = 26 840 F

- 1994 : 2 190 F + (2 255 F x 7) + (2 250 F x 4) = 26 975 F

- 1995 : 2 250 F + (2 228 F 10) = 24 530 F

- 1996 : 2 228 F + (2 260 F x 9) = 22 568 F

- 1997 : (2 260 F x 5) + (2 290 F x 5) = 22 750 F

- janvier 1998 : 2 260 F

Attendu que pour 1993 Monsieur Bernard X... ne réclame que 26 200 F et pour 1994, 26 700 F ;

Attendu qu'au vu des documents produits et de la demande totale de remboursement la somme que Madame Suzanne Y... doit restituer s'élève à 221 803 F ;

5) Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser supporter aux parties leurs frais irrépétibles ;

6) Sur les dépens

Attendu que Madame Suzanne Y..., débitrice, supportera seule tous les dépens ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement contradictoirement, après débats en Chambre du Conseil,

Dit n'y avoir lieu à rejet des débats, les conclusions de Monsieur Bernard X... du 15 octobre 2001,

Déclare l'appel principal recevable et partiellement fondé et l'appel incident recevable et mal fondé,

Infirme dans la mesure utile le jugement rendu le 10 mai 2000 rectifié le 28 juin 2000 par le Tribunal de Grande Instance de CHALONS EN CHAMPAGNE,

Statuant à nouveau,

Condamne Madame Suzanne Y... à payer à Monsieur Bernard X... TRENTE TROIS MILLE HUIT CENT TREIZE EUROS SOIXANTE F... (33 813,65 Euros) avec intérêts au taux légal à compter du 15 février 1999,

Confirme le jugement en ses autres dispositions,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne Madame Suzanne Y... en tous les dépens avec pour ceux d'appel possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP GENET-BRAIBANT conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de reims
Numéro d'arrêt : 00/01643
Date de la décision : 10/01/2002

Analyses

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quinquennale - Article 2277 du Code civil - Exclusion.

La prescription prévue par l'article 2277 du Code civil ne s'applique pas aux sommes payées par le mari à son ancienne épouse une fois le délai fixé pour le versement de la prestation compensatoire dépassé. Ces sommes, non légalem- ent dues, ne pouvent être considérées comme payables à terme périodique, n'ayant pas le caractère juridique d'une pension alimentaire ou d'une prestation compensatoire, mais celui d'une simple créance civile

OBLIGATION NATURELLE - Transformation en obligation civile - Conditions.

C'est à bon droit que le tribunal a refusé la qualification d'obligation naturelle aux versements effectués par le mari, une fois le délai de paiement de la prestation compensatoire expiré, dès lors que ces versements ne résultent ni d'une intention libérale, ni d'un devoir de conscience, mais au contraire, des manoeuvres et menaces que sa femme a exercées à son encontre pour qu'il s'exécute

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute.

Le paiement par l'ancien époux de sommes indues à sa femme, une fois le délai de la prestation compensatoire dépassé, ne peut être qualifié de faute grossière au titre de l'article 1382 du Code civil dès lors que la créancière, de mauvaise foi, a commis des manoeuvres et menaces pour obtenir ces paiements alors obtenus par sa seule faute et ce, en se prévalant de l'autorité d'un professionnel du droit


Références :

Article 2277 du Code civil

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.reims;arret;2002-01-10;00.01643 ?
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