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03/12/2001 | FRANCE | N°99/01452

France | France, Cour d'appel de reims, 03 décembre 2001, 99/01452


COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE CIVILE-1° SECTION PR ARRET N° AFFAIRE N : 99/01452 AFFAIRE CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD NORD-EST C/ X..., Y..., Z... C/ une décision rendue le 23 Avril 1999 par le Tribunal de Grande Instance de CHARLEVILLE-MEZIERES, ARRET DU 03 DECEMBRE 2001 APPELANTE ET INTIMEE INCIDEMMENT : CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD NORD-EST 25 rue Libergier 51100 REIMS COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT - JACQUEMET avoué à la Cour, et ayant pour conseil la SCP LEDOUX FERRI YAHIAOUI RIOU-JACQUES, avocats au barreau de CHARLEVILLE MEZI

ERES, INTIMES ET APPELANTS INCIDEMMENT : Monsieur Al...

COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE CIVILE-1° SECTION PR ARRET N° AFFAIRE N : 99/01452 AFFAIRE CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD NORD-EST C/ X..., Y..., Z... C/ une décision rendue le 23 Avril 1999 par le Tribunal de Grande Instance de CHARLEVILLE-MEZIERES, ARRET DU 03 DECEMBRE 2001 APPELANTE ET INTIMEE INCIDEMMENT : CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD NORD-EST 25 rue Libergier 51100 REIMS COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT - JACQUEMET avoué à la Cour, et ayant pour conseil la SCP LEDOUX FERRI YAHIAOUI RIOU-JACQUES, avocats au barreau de CHARLEVILLE MEZIERES, INTIMES ET APPELANTS INCIDEMMENT : Monsieur Alain X... A... des Gravières 08160 ST MARCEAU COMPARANT, concluant par la SCP GENET - BRAIBANT, avoué à la Cour, et ayant pour conseil la SELARL "MH ROFFI JURIS CONSEIL", avocat au barreau de REIMS. Monsieur Antoine Y... 43 place d'Arches 08000 CHARLEVILLE MEZIERES COMPARANT, concluant par la SCP GENET - BRAIBANT, avoué à la Cour, et ayant pour conseil Maître BOURBOUZE, avocat au barreau de CHARLEVILLE MEZIERES. INTIME :

Monsieur Yvan Z... 4 rue Jean Baptiste 08000 CHARLEVILLE MEZIERES N'AYANT PAS CONSTITUE AVOUE, bien que régulièrement assigné. COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : Monsieur RUFFIER, Président de Chambre Madame MESLIN, Conseiller Madame NEMOZ-BENILAN, Conseiller GREFFIER : Madame Maryline B..., Greffier lors des débats et Madame Nicole C..., Agent Administratif faisant fonction de Greffier lors du prononcé, DEBATS : A l'audience publique du 25 Juin 2001, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 Octobre 2001, prorogée au 03 Décembre 2001, ARRET : Prononcé par Monsieur RUFFIER, Président de Chambre, à l'audience publique du 03 décembre 2001, conformément aux dispositions de l'article 452 du nouveau code de procédure civile, qui a signé la minute avec le Greffier, présent lors du prononcé. LA COUR FAITS ET PROCÉDURE

La Caisse Régionale de Crédit Agricole du Nord-Est, qui sera désignée ci-après le CRÉDIT AGRICOLE, a accordé le 7 juin 1994 à la SARL NPG trois prêts destinés à financer l'acquisition d'un fonds de commerce, à savoir : .

un prêt de 300

000 francs au taux de 7,30 % l'an, remboursable en 84 échéances mensuelles de 4 571,93 francs chacune, .

un prêt de 240

000 francs au taux de 8,05 % l'an, remboursable en 60 échéances mensuelles de 4 923,97 francs chacune, .

un prêt de 100

000 francs au taux de 8 50 % l'an, remboursable en 84 échéances mensuelles de 1 561,11 Francs chacune.

Le remboursement de ces emprunts était garanti par un nantissement sur le fonds de commerce et par le cautionnement solidaire, à hauteur de 33 %, de Monsieur Alain X..., de Monsieur Yvan Z... et de Monsieur Antoine Y....

En outre, le CRÉDIT AGRICOLE a consenti le 6 février 1995 à la SARL NPG un crédit de 78

000 francs destiné à financer l'acquisition d'un véhicule, stipulé remboursable en 48 échéances mensuelles de 1933,63 francs chacune et garanti par une inscription de gage sur le véhicule et par le cautionnement solidaire de Monsieur Alain X..., de Monsieur Yvan Z... et de Monsieur Antoine Y....

Par jugement rendu le 14 novembre 1996, une procédure de redressement judiciaire à été ouverte à l'encontre de la SARL NPG. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire.

Le CRÉDIT AGRICOLE a procédé à la déclaration de sa créance entre les mains du représentant des créanciers et a été admis au passif pour la somme de 601 216,68 francs.

Après avoir vainement mis en demeure les cautions d'avoir à lui régler chacune la somme de 241

644,59 francs, ce par lettre recommandée avec avis de réception du 26 septembre 1997, le CRÉDIT AGRICOLE les a faits attraire devant le Tribunal de grande instance

de Charleville-Mézières, par acte introductif instance en date des 24, 25 et 26 novembre 1997, pour obtenir leur condamnation à lui payer : .

chacune, avec exécution provisoire, la somme de 179

786 francs, avec intérêts au taux conventionnel de 7,30 % l'an sur la somme de 89

724,38 francs, de 8,50 % sur la somme de 29

200,24 francs et de 8,50 % sur la somme de 60

860,78 francs à compter du 29 septembre 1997, .

solidairement, la somme de 61

858,59 francs au titre du prêt de 78

000 francs, avec intérêts au taux conventionnel de 8,80 % l'an à compter du 26 septembre 1997, .

une indemnité de 10 000 francs au titre de ses frais irrépétibles.

Par jugement rendu le 23 avril 1999, le Tribunal de grande instance de Charleville-Mézières a : .

déclaré la Caisse Régionale de Crédit Agricole du Nord-Est déchue des intérêts sur les quatre prêts en date des 4 juin 1994 et 6 février 1995, .

condamné Monsieur Alain X..., Monsieur Yvan Z... et Monsieur Antoine Y..., chacun à concurrence de 33 %, au montant du capital afférent aux trois prêts restant dû par la SARL NPG, .

condamné conjointement et solidairement Monsieur Alain X..., Monsieur Yvan Z... et Monsieur Antoine Y... à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole du Nord-Est le montant du capital restant dû sur le prêt ouvert le 10 mars 1995, sous déduction de la somme de 11

708,60 francs, .

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, .

condamné conjointement et solidairement Monsieur Alain X..., Monsieur Yvan Z... et Monsieur Antoine Y... à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole du Nord-Est la somme de 3000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, .

condamné conjointement et solidairement Monsieur Alain X..., Monsieur Yvan Z... et Monsieur Antoine Y... à subir les entiers dépens de l'instance, avec distraction au profit de la société civile professionnelle LEDOUX FERRI YAHIAOUI RIOU- JACQUES, avocats.

Le CRÉDIT AGRICOLE a relevé appel de cette décision le 1er juin 1999. * * * PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 6 juin 2001, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de son argumentation en application des dispositions de l'article 455, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile, le CRÉDIT AGRICOLE sollicite la réformation dans la mesure utile du jugement entrepris et la condamnation de Monsieur Alain X..., de Monsieur Yvan Z... et de Monsieur Antoine Y... à lui payer chacun la somme de 179

786 francs, avec intérêts au taux conventionnel de 7,30 % l'an sur la somme de 89

724,38 francs, de 8,50 % sur la somme de 29

200,24 francs et de 8,50 % sur la somme de 60

860,78 francs à compter du 26 septembre 1997, et solidairement la somme de 61

858,59 francs au titre du prêt de 78

000 francs, avec intérêts au taux conventionnel de 8,80 % l'an à compter du 26 septembre 1997.

Subsidiairement, dans l'hypothèse où la Cour appliquerait des dispositions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, elle demande la condamnation de Monsieur Alain X..., Monsieur Yvan Z... et Monsieur Antoine Y... à lui payer chacun : .

la somme de 74

291,64 francs au titre du prêt de 300

000 francs, avec intérêts au taux conventionnel de 7,30 % à compter du 26 septembre 1997, .

la somme de 24

581,35 francs au titre du prêt de 100

000 francs, avec intérêts au taux conventionnel de 8,05 % l'an à compter du 26 septembre 1997, .

la somme de 49

438,85 francs au titre du prêt de 240

000 francs, avec

intérêts au taux conventionnel de 8, 50 % l'an à compter du 26 septembre 1997 et solidairement la somme de 50

843,24 francs au titre du prêt de 78

000 francs, avec intérêts au taux conventionnel de 8,80 % l'an à compter du 26 septembre 1997.

Elle réclame en outre la condamnation des intimés à lui payer une indemnité de 15

000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel et à supporter les entiers dépens, avec droit de recouvrement direct des dépens d'appel au profit de son avoué.

Selon ses dernières écritures déposées le 28 mars 2001, auxquelles il est également renvoyé pour l'exposé de son argumentation, Monsieur Alain X... conclut au débouté et, formant appel incident, sollicite la réformation du jugement entrepris. Il demande à la Cour, au visa des articles 1326 et de 1015 du Code civil, de déclarer irréguliers, nuls et de nul effet les cautionnements qu'il a souscrits en date du 7 juin 1994.

À titre subsidiaire, il prétend que les trois cautionnements sont solidaires les uns par rapport aux autres et que les garanties souscrites par les trois cautions ne s'additionnent pas, de sorte que le CRÉDIT AGRICOLE n'est garanti qu'à hauteur du tiers des sommes empruntées, le solde restant dû en principal au titre de ces trois prêts devant être divisé entre les trois cautions.

Invoquant les dispositions de l'article 2037 du Code civil, il observe que l'acte de prêt cautionné le 6 février 1995 prévoit une inscription de gage au profit du CRÉDIT AGRICOLE. Faisant valoir que ce gage n'a pas été inscrit et qu'en qualité de caution, il ne peut plus en conséquence être subrogé dans la sûreté par la faute de la banque, il demande à être déchargé de son engagement de caution.

Il relève par ailleurs que la créance du CRÉDIT AGRICOLE a été admise

à titre privilégié et que les sommes qui lui ont été attribuées consécutivement à la cession du fonds de commerce pour la somme de 200 000 francs à Monsieur Boualem D..., dès lors qu'elle est primée que par un seul créancier superprivilégié, doivent venir en déduction de la créance qu'il invoque.

Monsieur Alain X... invoque en outre les dispositions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, modifiées par la loi du 25 juin 1999, et demande à la Cour de constater que le CRÉDIT AGRICOLE ne rapporte pas la preuve d'avoir accompli son obligation d'information annuelle des cautions relativement aux quatre prêts et il y a lieu de lui enjoindre de rétablir une attestation de créance réactualisée faisant application de la déchéance des intérêts pour défaut d'information et conforme à la limite de garantie à hauteur d'un tiers, faisant application de la règle édictée par la loi du 25 juin 1999, à savoir l'affectation prioritaire des paiements intervenus par le débiteur principal au règlement du principal de la dette.

Il réclame enfin la condamnation du CRÉDIT AGRICOLE au paiement d'une indemnité de 8000 francs au titre de ses frais irrépétibles, ainsi qu'à supporter les entiers dépens dont distraction est requise au profit de son avoué.

Selon ses conclusions déposées le 24 décembre 1999, Monsieur Antoine Y... formule les mêmes prétentions et développe les mêmes moyens que Monsieur Alain X..., à l'exception du montant de l'indemnité pour frais irrépétibles qu'il réclame, soit la somme de 15

000 francs.

Bien que régulièrement assigné et réassigné, Monsieur Yvan Z... n'a pas constitué avoué.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 juin 2001. * * * DISCUSSION Sur la validité des engagements de cautions du 7 juin 1994

Il est constant que les trois actes de prêt sous seings privés datés du 7 juin 1994 comportent la signature des trois cautions, chacune d'elles étant précédée d'une mention manuscrite ainsi libellée :

bon pour caution solidaire à hauteur de 33 % du capital en principal, plus les intérêts, frais et accessoires .

Monsieur Alain X... et Monsieur Antoine Y... font valoir qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles 1326 et de 1015 du Code civil que l'engagement de la caution doit comporter la mention écrite de la main du signataire, en toutes lettres et en chiffres, de toutes sommes déterminables au jour de la signature de l'acte de garantie et en déduisent que les trois cautionnements litigieux sont irréguliers dès lors que les mentions manuscrites ne font état que d'un engagement de leur part à hauteur de 33 % du capital en principal.

Ils soutiennent que ladite mention ne permet pas de considérer qu'ils se seraient engagés en qualité de cautions au paiement de 33 % de l'emprunt ainsi contracté, alors que dans leur esprit, ce pourcentage, calquée sur celui de la répartition des parts sociales détenues par chacun des trois associés au sein de la SARL NPG, représentait la limite du montant de leur apport et partant de celle de leur responsabilité en cas de défaillance du débiteur principal.

Il échet effectivement de constater que les mentions manuscrites portées par les trois cautions signataires ne sont pas conformes aux dispositions des articles 1326 et 2015 du Code civil. Toutefois, si l'insuffisance de la mention manuscrite rend les cautionnements litigieux irréguliers, les actes sous seings privés du 7 juin 1994 constituent néanmoins des commencements de preuve par écrit pouvant être complétés par des éléments extrinsèques.

Il convient en premier lieu d'observer que la validité du

cautionnement de Monsieur Yvan Z..., qui n'a au demeurant pas relevé appel du jugement entrepris, ne peut être mise en cause, dès lors qu'en sa qualité de gérant de la SARL NPG il a personnellement signé les contrats de prêts garantis

Monsieur Alain X... et Monsieur Antoine Y..., s'ils n'étaient qu'associés au sein de la SARL NPG, n'en avaient pas moins nécessairement pleinement conscience de la nature et de l'étendue de leurs engagements.

En effet, il y a lieu de relever que les trois prêts ont été consentis pour financer l'acquisition du fonds de commerce que devait exploiter la société à responsabilité limitée constituée à cette fin et au sein de laquelle les trois cautions étaient associées à parts égales, de sorte qu'ils ne peuvent être considérés comme ayant été souscrits par la société dans le cadre d'une opération de gestion courante dont les deux associés n'exerçant pas les fonctions de gérant auraient pu être tenus à l'écart.

Il s'évince en outre de la recension des actes de prêt que Monsieur Alain X... et Monsieur Antoine Y... les ont personnellement paraphés, alors qu'ils stipulent l'intervention des trois cautions, de sorte que cet élément extrinsèque complète la preuve de l'engagement des cautions.

Par ailleurs, la Cour relève que chacun des actes de caution mentionne le montant en principal du prêt garanti et comporte l'indication de l'engagement à hauteur de 33 % du capital emprunté, de sorte que les cautions ne peuvent sérieusement prétendre qu'elles ne se seraient engagées qu'à hauteur du tiers du montant du capital social.

Monsieur Alain X... et Monsieur Antoine Y... seront en conséquence déboutés de leur demande d'annulation des cautionnements du 7 juin 1994. * * * Sur l'étendue des cautionnements

Ainsi que le retiennent à juste titre les premiers juges, il résulte de l'analyse des quatre contrats versés aux débats que Messieurs Alain X..., Yvan Z... et Antoine Y... se sont portés cautions solidaires de la SARL NPG chacun à hauteur de 33 % du montant du capital emprunté, sans que les stipulations des actes de cautionnements ne mentionnent à aucun moment qu'ils se soient engagés conjointement et solidairement entre eux.

Le CRÉDIT AGRICOLE est donc fondé à soutenir qu'il s'agit d'une obligation cumulative, chaque caution ayant voulu garantir séparément une fraction distincte de la dette principale, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu que chacun des intimés sera tenu de payer un montant égal au tiers des sommes totales réclamées par le CRÉDIT AGRICOLE. Sur la déduction de la somme de 200 000 francs

Il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu à tort que le CRÉDIT AGRICOLE devra déduire de sa créance la somme de 200

000 francs représentant le montant du prix de réalisation du fonds de commerce par Maître BRUCELLE-GODET agissant en sa qualité de mandataire liquidateur.

En effet, le CRÉDIT AGRICOLE justifie par la production d'un certificat d'irrecouvrabilité établi le 26 juin 1998 par Maître BRUCELLE-GODET en sa qualité de liquidateur judiciaire et du compte de répartition du prix de vente du fonds de commerce établi par ce mandataire judiciaire qu'il n'est appelé à recevoir aucun règlement sur le produit de la réalisation des actifs de la liquidation judiciaire. Sur le cautionnement du prêt du 6 février 1995

Les premiers juges ont relevé que le prêt de 78

000 francs accordé le 10 mars 1995 à la société NPG était destiné à l'acquisition d'un véhicule automobile mis en circulation le 25 janvier 1995, pour lequel l'acte de constitution de gage signé le 2 mars 1995 par le

gérant de la société NPG n'a pas fait l'objet de l'inscription réglementaire dans le délai de trois mois prévus à l'article 5 du décret n 53-968 du 30 septembre 1953.

Ils ont en revanche retenu à tort que l'examen des pièces versées aux débats ne permettait pas de conclure qu'il y avait eu faute de la banque, laquelle restée libre d'inscrire ou non le gage dès lors que le contrat ne lui imposait pas de le faire.

En effet, il y a lieu de considérer que les cautions se sont engagées en considération de la sûreté consentie au créancier par le débiteur principal et qu'elles étaient fondées à croire que le Crédit AGRICOLE procéderait à l'inscription du gage sur le véhicule dont ce dernier a financé l'acquisition.

Par suite, le CRÉDIT AGRICOLE a commis une faute en omettant de procéder à l'inscription de ce gage, faisant ainsi obstacle, soit à la demande d'attribution judiciaire du gage, soit au report de la sûreté sur le prix de vente du véhicule automobile en application des dispositions de l'article 159, alinéa 4, de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 622-21 du Code de commerce, et à la subrogation subséquente des cautions.

C'est vainement que le CRÉDIT AGRICOLE fait valoir que le gage n'aurait pu être inscrit du fait des déclarations inexactes de l'emprunteur. En effet, s'il s'avère que le véhicule faisant l'objet du financement cautionné a été acheté et payé par la société NPG antérieurement à l'acte de prêt du 6 février 1995, dans la mesure où la carte grise a été établie le 25 janvier 1995, force est d'observer que le délai de trois mois n'était pas expiré au moment de la réalisation du prêt, à savoir le 10 mars 1995 et que seule la négligence de la banque l'a conduite à ne constater qu'après l'expiration du délai d'inscription de gage que cette information lui avait été dissimulée.

D'autre part, le CRÉDIT AGRICOLE ne peut opposer à Monsieur Alain X... et à Monsieur Antoine Y..., qui n'étaient pas gérants de la société NPG, les fautes qui ont pu être commises par Monsieur Yvan Z...

Il convient par contre de rappeler que les cautions ne sont déchargées qu'à concurrence de la valeur des droits pouvant leur être transmis par subrogation et dont elles ont été privées du fait du créancier, soit en l'occurrence à concurrence du prix de vente du véhicule par le mandataire liquidateur, soit de la somme de 11

708,60 francs, alors qu'il n'est aucunement démontré que la réalisation de ce bien serait intervenue dans des conditions anormales.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déchargé les cautions à hauteur de ladite somme. Sur l'application des dispositions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984

Aux termes des dispositions de l'article 48 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, devenu l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de I'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution ainsi que le terme de cet engagement. Si , l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu a cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'a la date de communication de

la nouvelle information.

Les dispositions susvisées n'imposent aucune forme particulière pour l'envoi à la caution des éléments d'information annuelle mis à la charge de l'établissement de crédit, dont la preuve peut être rapportée par tous moyens ; étant en outre observé qu'il n'incombe pas à la banque de démontrer en sus que la caution aurait effectivement reçu l'information.

En l'occurrence, il échet de considérer comme les premiers juges que le CRÉDIT AGRICOLE, qui se borne à produire un extrait du listing d'envoi des lettres d'information aux cautions exécuté le 1er janvier 1998 et trois attestations purement internes datées du 21 avril 1998 sur la lettre d'envoi aux cautions, dont le contenu et sa conformité avec les dispositions susvisées ne sont au demeurant aucunement justifiés, ne démontre pas qu'il a satisfait à son obligation annuelle d'information, a fortiori pour les périodes antérieures au 1er janvier 1998, année qui est seule concernée par les documents qu'il produit.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le CRÉDIT AGRICOLE déchu à l'égard des cautions des intérêts au taux conventionnels, cette déchéance s'appliquant toutefois, dans la mesure où l'information n'a jamais été fournie, à compter de la date à laquelle information devait, au plus tard, être adressée aux cautions, soit en l'occurrence à compter du 31 mars 1995, pour les prêts consentis le 7 juin 1994 et à compter du 31 mars 1996, pour le prêt consenti le 6 février 1995.

Les cautions sollicitent l'application des dispositions de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier dans sa rédaction issue de l'article 114 de la loi n 99-532 du 29 juin 1999, relative à l'épargne et à la sécurité financière, lesquelles prévoient que les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés affectés

prioritairement au règlement du principal de la dette dans les relations entre la caution établissement de crédit.

Le CRÉDIT AGRICOLE soutient que cette nouvelle sanction n'aurait vocation à s'appliquer qu'aux manquements qui sont postérieurs au 1er juillet 1999, date de l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 29 juin 1999.

Il convient toutefois de rappeler que le principe de non-rétroactivité des lois posé par l'article 2 du Code civil ne s'impose pas au législateur et qu'il peut donner à un texte une application rétroactive si son intention apparaît sans équivoque.

En l'occurrence, le législateur n'a pas expressément déclaré que les dispositions de l'article 114 de la loi n 99-532 du 29 juin 1999, qui dérogent aux dispositions de l'article 1254 du Code civil, avaient un caractère interprétatif.

En revanche, la Cour relève que l'article 114, qui a été introduit dans la loi par la voie d'un amendement parlementaire n°160 approuvé par le Gouvernement lors de sa discussion en première lecture au Sénat le 12 mai 1999, n'avait pour objet que de préciser le sens d'un droit préexistant susceptible de controverse, à savoir quelle devait être la portée de la sanction de la déchéance des intérêts conventionnels en cas d'inobservation par l'établissement de crédit de son obligation d'information annuelle des cautions, sans créer pour autant une nouvelle sanction.

Il échet également de constater que la volonté des parlementaires, qui ont employé délibérément l'expression les paiements sont réputés , était d'obvier immédiatement à la "pratique bancaire en matière de cautionnement de prêts hypothécaires", en constatant qu'elle conduisait à priver d'effet la sanction de l'article 48 dès lors que le produit de la vente de l'immeuble hypothéqué était affecté prioritairement par les établissements prêteurs au paiement

des intérêts conventionnels en application des dispositions de l'article 1254 du Code civil.

Par ailleurs, la Cour rappelle que la portée de la sanction de la déchéance des intérêts a été la source de controverses jurisprudentielles quant à l'imputation des paiements effectués par le débiteur principal, plus particulièrement dans les cas du cautionnement du solde débiteur d'un compte courant.

Ces éléments conduisent la Cour à retenir que les dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'article 114 de la loi n 99-532 du 29 juin 1999, ont un caractère interprétatif et qu'elles doivent en conséquence s'appliquer, sous réserve des décisions judiciaires passées en force de chose jugée, non seulement aux cautionnements souscrits avant leur entrée en vigueur, mais également à la sanction des manquements à l'obligation annuelle d'information commis avant le 1er juillet 1999, date d'entrée en vigueur de la loi.

Il convient en conséquence, avant dire droit sur la quantum de la créance de l'appelante et sur les autres prétentions des parties, d'ordonner la réouverture des débats pour permettre au CRÉDIT AGRICOLE de produire un décompte de sa créance tenant compte de la déchéance des intérêts conventionnels et de l'imputation sur le principal de la dette des paiements effectués par le débiteur principal. * * * PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Dit recevable mais mal fondé l'appel formé par la Caisse Régionale de Crédit Agricole du Nord-Est ;

Dit recevable et partiellement fondés les appels incidents formés par Monsieur Alain X... et Monsieur Antoine Y... ;

Confirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de

Charleville-Mézières le 23 avril 1999 en ce qu'il a : .

déclaré la Caisse Régionale de Crédit Agricole du Nord-Est déchue à l'égard des cautions des intérêts conventionnels sur les quatre prêts en date des 4 juin 1994 et 6 février 1995, .

condamné Monsieur Alain X..., Monsieur Yvan Z... et Monsieur Antoine Y..., chacun à concurrence de 33 %, au montant du capital afférent aux trois prêts restant dû par la SARL NPG, .

condamné conjointement et solidairement Monsieur Alain X..., Monsieur Yvan Z... et Monsieur Antoine Y... à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole du Nord-Est le montant du capital restant dû sur le prêt de 78

000 francs ouvert le 10 mars 1995, sous déduction de la somme de 11

708,60 francs, Le réformant dans la mesure utile et statuant à nouveau,

Dit que la déchéance des intérêts conventionnels prendra effet à compter du 31 mars 1995 pour les prêts consentis le 7 juin 1994 et à compter du 31 mars 1996 pour le prêt consenti le 6 février 1995 ;

Dit que les paiements effectués par la SARL NPG postérieurement au point de départ de la déchéance des intérêts seront imputés sur le principal de la dette dans les rapports entre les cautions et la Caisse Régionale de Crédit Agricole du Nord-Est, de sorte que le capital restant dû visé ci-avant doit s'entendre du capital restant dû après imputation des versements du débiteur principal ;

Dit en revanche que les sommes restant dues en principal par les cautions après imputation des paiements effectués par le débiteur principal produiront intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 1997, date de la mise en demeure,

Avant dire droit sur le montant de la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole du Nord-Est et sur les autres prétentions des parties, ordonne la réouverture des débats et le renvoi de l'affaire à l'audience du 10 juin 2002 pour permettre à l'appelante de produire

avant le 15 mars 2002 un décompte rectifié de sa créance tenant compte de la déchéance des intérêts conventionnels et de l'imputation des paiements effectués par le débiteur principal dans les conditions rappelées ci-avant et aux parties d'en débattre contradictoirement,

Réserve les dépens. LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de reims
Numéro d'arrêt : 99/01452
Date de la décision : 03/12/2001

Analyses

CAUTIONNEMENT - Preuve - Acte sous seing privé - Mentions de l'article 1326 du Code civil - Défaut - Complément de preuve.

Les mentions manuscrites portées par trois cautions signataires ne sont pas conformes aux dispositions des articles 1326 et 2015 du Code civil dès lors qu'elles ne comportent pas la mention écrite à la main des sommes empruntées. Toutefois, les cautionnements irréguliers, en tant qu'actes sous seing privés, constituent des commencements de preuve par écrit pouvant être complétés par des éléments extrinsèques démontrant que les cautions ont eu conscience de la nature et de l'étendue de leurs engagements, notamment en paraphant les actes de prêt cautionnés alors même qu'elles prétendaient que leur engagement ne portait que sur le capital social

CAUTIONNEMENT - Caution solidaire - Pluralité.

Dès lors que les contrats de prêt comportent l'engagement des trois cautions à hauteur de 33 % du capital emprunté, et qu'aucune mention ne stipule que les cautions se sont engagées conjointement et solidairement entre elles, l'obligation de chaque caution est cumulative

BANQUE - Responsabilité - Prêt - Prêt garanti par un gage - Défaut de réalisation à l'échéance - Portée.

A commis une faute, la banque qui après avoir accordé à une société un prêt destiné à l'acquisition d'un véhicule automobile garanti par un cautionnement, et par l'inscription d'un gage, a omis de procéder à cette inscription dans les délais ; les cautions s'étant engagées en considération de la sûreté consentie au créancier par le débiteur principal et de sorte , en omettant de procéder à l'inscription du gage, la banque a fait obstacle, soit à la demande d'attribution judiciaire du gage, soit au rapport de la sûreté sur le prix de vente du véhicule automobile en application des dispositions de l'article 159, alinéa 4, de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 622-21 du Code du commerce, et à la subrogation subséquente des cautions

LOIS ET REGLEMENTS - Retroactivité.

Les dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 313-22 du Code Monétaire et Financier, dans sa rédaction issue de l'article 114 de la loi n° 99-532 du 29 juin 1999, ont un caractère interprétatif et doivent en conséquence s'appliquer, sous réserve des décisions judiciaires passées en force de chose jugée, non seulement aux cautionnements souscrits avant leur entrée en vigueur, mais également à la sanction des manquements à l'obligation annuelle d'information commis avant le 1er juillet 1999, date d'entrée en vigueur de la loi


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.reims;arret;2001-12-03;99.01452 ?
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