COUR D'APPEL DE REIMS AUDIENCE SOLENNELLE SM ARRET N° 44 AFFAIRE N :
00/01702 AFFAIRE AMBROSSINI C/ ROSSETO
ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2001
PARTIES EN CAUSE
Madame AMBROSINI X...
27 rue René Dorme
54150 BRIEY
AMBROSINI X...
COMPARANT, concluant et ayant pour conseil la SCP Eric MALLET - Jean-Marie
TISSOT, avocats au barreau de BRIEY
Appelante, devant la Cour d'appel de NANCY, d'un jugement rendu, le 5 avril 1996,
par le Conseil des Prud'hommes de BRIEY
Demanderesse devant la Cour d'appel de REIMS, Cour de renvoi
Madame ROSSETTO Y... épouse Z...
11 rue Maurièe Thorez
54310 HOMECOURT
Représentée par Monsieur Richard A..., Délégué Syndical CGT
Demanderesse en première instance
Intimée sur ledit appel
Défenderesse devant la Cour d'appel de REIMS, Cour de renvoi
DÉBATS:
A l'audience publique du 29 mai 2001, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 septembre
2001
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
PREMIER PRÉSIDENT: Monsieur Bernard B...
PRÉSIDENT DE CHAMBRE: Monsieur Daniel C...
CONSEILLERS : Monsieur Bertrand D..., Monsieur Bruno E...,
Madame Sylvie F...
GREFFIER: Madame Isabelle TORRE, greffier en chef, lors des débats et Madame Frédérique G..., adjoint administratif faisant fonction de greffier, lors du prononcé du délibéré.
ARRÊT:
Contradictoire, prononcé publiquement, en audience solennelle sur renvoi de cassation, le 25 septembre 2001, par Monsieur le Premier Président qui a signé la minute avec le (*raffiPr
FAITS ET PROCÉDURE
Y... Z... a été engagée en qualité de coiffeuse par X... AMBROSINI, le 28 octobre 1992.
Des difficultés sont apparues dans leurs relations au cours de l'année 1995.
C'est ainsi qu'en septembre 1995, X... AMBROSINI a reproché à sa salariée à son retour de congés, un manque de sérieux dans l'exécution de son travail compte tenu d'un "manque d'amabilité envers certaines clientes, accueil peu courtois, dialogues trop hautains...".
Le 30 octobre 1995, elle lui a encore, par courrier, fait reproche d'avoir refusé de coiffer une cliente alors que le salon de coiffure était vide au motif qu'aucun rendez-vous préalable n'avait été pris, et d'avoir "bâclé" un client homme en effectuant une coupe en quelques minutes.
X... AMBROSINI a ensuite proposé à Y... Z... le 31 octobre 1995, de travailler à mi-temps pour raison économique, ce que cette dernière a refusé par lettre du 10 novembre 1995.
Le 28 novembre suivant, X... AMBROSINI a convoqué sa salariée à un entretien préalable à une mesure de licenciement.
Cet entretien a été suivi, le 7 décembre, de l'envoi d'une lettre de licenciement pour faute grave, caractérisée par les motifs suivants :
"manque de délicatesse envers la clientèle, refus par la clientèle d'être coiffée par vous-même, inaptitude au travail qui a entraîné une perte de clientèle, travail au ralenti".
Le 12 décembre, Y... Z... a écrit à son employeur pour lui demander de revenir sur sa décision de licenciement, compte tenu de son état de grossesse.
Le 19 décembre, Y... Z... a une nouvelle fois écrit à X... AMBROSINI pour lui rappeler avoir signalé son état de grossesse à son départ en vacances. Elle lui a ensuite adressé le 28
décembre suivant un certificat médical confirmant cette situation.
Contestant la légitimité de son licenciement, Chystelle Z... a enfin saisi le Conseil de Prud'hommes de BRIEY aux fins d'obtenir les sommes suivantes
- salaires dus pendant la période de protection - indemnité de licenciement - dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
56.046, 37 francs
7.189, 97 francs
46.272, 90 francs
- rappel sur congés payés
3.591, 94 francs
- article 700 du NCPC
1.000, 00 francs.
Par décision du 5 avril 1996, le Conseil de Prud'hommes de BRIEY a débouté Chystelle Z... de sa demande de salaires pour la période de protection liée à son état de grossesse et a fait droit à toutes les autres prétentions.
Par décision du 12 mai 1997 la Cour d'Appel de NANCY, saisie par X... AMBROSINI, a confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait débouté Y... Z... de sa demande de salaires au titre de la protection due à son état de grossesse mais a infirmé le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions et a condamné Chystelle Z... aux dépens de première instance et d'appel.
Sur pourvoi formé par la salariée, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a, par arrêt du 8 mars 2000, cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de NANCY et remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt avant de, pour être fait droit, les renvoyer devant la Cour d'Appel de REIMS.
C'est dans ces conditions qu'est intervenue la saisine de la Cour de céans, suivant déclaration d'Evelyne AMBROSINI reçue au greffe le 3 juillet 2000, conformément aux dispositions des articles 1032 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suivant conclusions déposées au dossier et développées oralement à l'audience, X... AMBROSINI prie la Cour de Céans de
- débouter Y... Z... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer le jugement prononcé par le Conseil de Prud'hommes de BRIEY en ce qu'il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- dire et juger le licenciement justement qualifié pour "fautes graves",
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il rejette les prétentions de Y... Z... fondées sur les termes de l'article L 122-25-2 du Code du Travail,
- condamner Y... Z... à payer à X... AMBROSINI une indemnité de 5.000 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- laisser les dépens de l'instance à la charge de Y... Z...
Elle y expose que les motifs avancés pour fonder le licenciement de la salariée ne sont pas contradictoires ; que les griefs allégués sont établis par de nombreux témoignages, précis et circonstanciés, versés aux débats ; que la poursuite de la relation de travail était devenue impossible compte tenu du
comportement désagréable et de rejet adopté par Y... Z...
envers les clients de son salon de coiffure ; que la protection due au regard de l'état de grossesse de la salariée ne peut exister lorsque, comme en l'occurrence, l'employeur fait état d'une faute grave non liée à l'état de grossesse ainsi que lorsque l'employeur n'était pas informé de cet état de grossesse, médicalement constaté, antérieurement au licenciement;
Suivant conclusions datées du 28 mai 2001 déposées au dossier et développées oralement à l'audience, Y... Z... demande de son côté à la Cour de
- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de BRIEY, - rejeter le caractère de faute grave,
- dire et juger que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse, - condamner X... AMBROSINI au paiement de la somme de 7.189, 97 francs au titre de l'indemnité de licenciement, outre celle de 46.272, 90 francs au titre de l'indemnité de licenciement pour cause réelle et sérieuse, celle de 3.591, 94 francs au titre du rappel des congés payés et une indemnité de 1.000 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle fait valoir à l'appui qu'elle effectuait des heures supplémentaires tous les mois et qu'elle percevait une prime de rendement ; qu'en réalité, son licenciement a été motivé par son état de grossesse.
SUR CE
LA COUR
Sur la procédure
La déclaration à fin de saisir la Cour d'Appel de REIMS, désignée comme Cour de renvoi, est conforme aux dispositions des articles 1032 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile;
L'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 8 mars 2000 a cassé et
annulé l'arrêt de la Cour de NANCY, Chambre Sociale, du 12 mai 1997, les parties étant remises dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt;
Il convient donc, à titre principal, de déterminer si le licenciement de Y... Z... décidé le 7 décembre 1995 par X... AMBROSINI, se trouve fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Sur le fond
II est constant que la lettre de licenciement rédigée par X... AMBROSINI, notifiée le 7 décembre 1995 à Y... Z..., fait état des motifs suivants :
"manque de délicatesse vis à vis de la clientèle, refus par la
clientèle d'être coiffée par vous-même, inaptitude au travail demandé qui a entraîné une perte de clientèle, travail au ralenti " ;
Si cette procédure de licenciement apparaît avoir été déclenchée
immédiatement après le refus opposé par la salariée à la proposition de son
employeur de modifier son coffin raf de travail à témps plein en travail à mi-temps,
cette circonstance ne constitue pas un argument décisif susceptible, à lui seul, de
caractériser l'illégitimité de la mesure incriminée ;
Afin de contester la réalité des griefs qui lui sont reprochés, Y... Z... verse aux débats une seule attestation datée du 4 janvier 1996 , au demeurant non conforme aux dispositions de l'article 202 du Nouveau Code de Procédure Civile, par laquelle une cliente du salon de coiffure - Valérie MACNIAK - témoigne en sa faveur, dans les termes suivants : " Je me suis rendue au salon de coiffure X... à BRIEY régulièrement depuis 2 ans environ. C'est Y... Z... qui me coiffait J'en ai toujours été satisfaite.
Elle était serviable, perfectionniste et très attentionnée envers les clients ";
X... AMBROSINI produit de son côté de nombreux témoignages (Hélène PICARD - X... ROSQUIN - Marie Hélène KLOPP - Claudine HENNING - Robert ZANETTI - Maria Rosa EMONDI -Georges PRUZSINA Renée GILLOT) dont la plupart font état de faits qui, bien que non précisément situés dans le temps, tendent à caractériser le comportement habituellement peu commercial et désagréable de son employée, en particulier depuis le début de l'année 1995, ce qui correspond à une période nécessairement antérieure à son état de grossesse dont le terme était, au vu des énonciations du certificat médical du 28 décembre 1995 établi par le Docteur H... versé aux débats, fixé au 17 avril 1996 ;
L'un de ces témoignages, établi par Marthe PIERRET et daté du 14 mars 1997, apparaît en particulier rédigé de la manière suivante: " Je peux donner mon avis car je fréquente le salon depuis l'ouverture 92 comme voisine, cliente et amie. J'ai rendu des services à Mme Ambrosini X... lui faisant ses courses et en la remplaçant pour surveiller le salon lorsqu'elle n'est pas là. Depuis son mariage Christelle était paresseuse toujours fatiguée répétant sans cesse qu'elle en avait assez de travailler de plus en plus antipathique avec les clientes. Elle était très brusque en technique les clientes se plaignant, très effrontée. Elle restait affalée dans un fauteuil malgré le salon en désordre très souvent assise dans le vestiaire les jambes allongées au ras du sol. Elle était devenue gùnante pour l'ambiance du salon depuis le début 95."
II n'apparaît en tout état de cause pas inutile de souligner que la salariée elle-même n'â-jemais prétendu que son comportement avait été d'une manière ou d'une autre, influencé par son état de grossesse.
Le manque d'empressement de Y... Z..., son aspect peu
aimable et la mauvaise qualité de ses prestations, qu'il s'agisse de shampoing, de couperôu de coloration, constituent sans conteste une faute grave dans un salon de coiffure où l'instauration de relations de qualité avec les clients est essentielle à la conservation de la clientèle;
II convient donc d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le
licenciement de Y... Z... sans cause réelle et sérieuse et de
débouter la salariée de toutes ses prétentions, puisqu'il est de-pfinzipe gue le
licenciement d'une salariée en état de grossesse est possible en cas de faute
grave, non liée à l'état de grossesse et gué dâns cétfé hypothèse, les dispositions
de l'article L 122-25-2 alinéa 2 du Code du Travail n'ont pas vocation à s'appliquer;
II apparaît inéquitable de laisser à la charge d'Evelyne AMBROSINI tout ou partie des frais irrépétibles que celle-ci a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens de sorte que Y... Z... sera condamnée à verser à son ancien employeur, une indemnité de 2.000 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;
II y a lieu enfin de laisser à Y... Z... la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire.
Reçoit X... AMBROSINI en son appel principal et Y... Z... en son appel incident.
INFIRME dans la mesure utile le jugement du Conseil de Prud'hommes de BRIEY du 5 avril 1996 en ce qu'il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Confirme le dit jugement dans toutes les dispositions non contraires aux présentes.
Y AJOUTANT
Condamne Y... Z... à payer à X... AMBROSINI une indemnité de DEUX MILLE (2.000 francs) soit TROIS CENT QUATRE EUROS QUATRE VINGT DIX sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. 6 Condamne Y... Z... aux entiers dépens de l'instance.
LE GREFFIER
LE PREMIER PRÉSIDENT