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06/09/2001 | FRANCE | N°00/00316

France | France, Cour d'appel de reims, 06 septembre 2001, 00/00316


COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE CIVILE - 2ème SECTION EM/ML ARRET N°598 AFFAIRE N : 00/00316 AFFAIRE X... C/ EL Y... C/ une décision rendue par le Tribunal de Grande Instance de CHARLEVILLE MEZIERES le 07 Janvier 2000. ARRET DU 06 SEPTEMBRE 2001 APPELANTE: Madame Fattouma EL Y... née X... xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx 08000 CHARLEVILLE-MEZIERES (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 00/596 du 19/04/2000 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS) COMPARANT, concluant par la SCP GENET - BRAIBANT avoué à la X... Cour, et ayant pour conseil Me Ahmed HARIR, avocat au b

arreau de CHARLEVILLE MEZIERES, INTIME : Monsieur Taibi E...

COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE CIVILE - 2ème SECTION EM/ML ARRET N°598 AFFAIRE N : 00/00316 AFFAIRE X... C/ EL Y... C/ une décision rendue par le Tribunal de Grande Instance de CHARLEVILLE MEZIERES le 07 Janvier 2000. ARRET DU 06 SEPTEMBRE 2001 APPELANTE: Madame Fattouma EL Y... née X... xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx 08000 CHARLEVILLE-MEZIERES (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 00/596 du 19/04/2000 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS) COMPARANT, concluant par la SCP GENET - BRAIBANT avoué à la X... Cour, et ayant pour conseil Me Ahmed HARIR, avocat au barreau de CHARLEVILLE MEZIERES, INTIME : Monsieur Taibi EL Y... 15 rue des Pivoisnes 08000 CHARLEVILLE-MEZIERES COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT - JACQUEMET, avoué à la Cour, et ayant pour conseil Me Hervé DUPUIS, avocat au barreau de CHARLEVILLE MEZIERES. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE : PRÉSIDENT DE CHAMBRE: Madame MARZI Odile Z...: Monsieur NGUYEN Khac-Tan Z...: Monsieur A... Eric GREFFIER D'AUDIENCE Madame Michèle B..., Greffier lors des débats et du prononcé. DÉBATS : En chambre du Conseil du 17 Mai 2001, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Septembre 2001, sans opposition de la part des conseils des parties et en application des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile, Monsieur A..., a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, ARRET : Prononcé par Madame Odile MARZI, Président de Chambre, à l'audience publique du 06 Septembre 2001 et qui a signé la minute avec le Greffier. FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES 1- Taibi EL Y... et Fattouma X... se sont mariés le 23 décembre 1969 à BERRECHID (MAROC). De leur union sont issus six enfants devenus tous majeurs. Après ordonnance de non-conciliation du 2 décembre 1998, Taibi EL Y... a fait assigner son épouse en divorce sur le fondement de l'article 242 du

code civil. Par jugement du 7 janvier 2000, le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de CHARLEVILLE MEZIERES a prononcé le divorce des époux aux torts de l'épouse. Il est fait ici expresse référence aux motifs de cette décision. 2- Fattouma X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 4 février 2000. Elle expose que le Tribunal a accueilli.les griefs de son époux en faisant une mauvaise appréciation des éléments de la cause. Elle expose que son mari a une fâcheuse tendance à la polygamie puisqu'il s'est marié avec une seconde épouse en 1978 d'avec laquelle il a divorcé en 1980 et qu'en 1998, à l'occasion du mariage de son fils Driss, il avait décidé de prendre une nouvelle femme en la personne de Fatima C.... Elle ajoute que lors de la cérémonie de ce mariage célébré au Maroc, il l'avait insultée, avait frappé violemment sa fille Nadia et avait profité de la venue de son épouse au Maroc pour tenter de lui faire signer un renoncement à venir en France afin qu'il pût épouser ladite Fatima C... et installer celle-ci en France à sa place. Elle précise qu'elle s'est enfuie du Maroc pour ne pas être contrainte de signer ce document et l'autorisation du futur mariage de son mari. Arrivée en France, elle explique qu'elle a du se réfugier chez sa fille aînée pour ne pas subir les violences de son mari. Elle estime que dans ces conditions, il ne peut lui être reproché l'abandon du domicile conjugal. Faisant valoir que finalement son mari avait réussi à se remarier sans son accord, qu'il avait fait preuve d'une incontestable violence à son égard, elle conclut au prononcé du divorce à ses torts exclusifs. Eu égard à son absence de ressources propres autres que le RMI, à ses charges, aux revenus de son mari qui sont de l'ordre de 10.000 F par mois et au patrimoine immobilier que celui-ci possède au Maroc, elle sollicite une prestation compensatoire sous forme de rente viagère de 4.500 F par mois, la précarité de sa situation justifiant d'écarter

le principe d'une prestation en capital. Taibi EL Y... réplique qu'en vertu de la convention francomarocaine, la loi applicable en la matière est la loi marocaine, les époux étant tous deux de nationalité marocaine et s'étant mariés au Maroc. Considérant que sa femme avait quitté le domicile conjugal sans raison valable dès lors que sa décision n'a été prise que parce qu'elle ne supportait pas la polygamie de son mari, laquelle est pourtant admise en droit marocain, il estime qu'elle a commis une faute qui justifie l'admission de sa demande en divorce. Sur la demande de son épouse, il estime qu'il n'est pas rapporté la preuve de la violence alléguée. II considère par ailleurs que le grief de polygamie n'est pas fondé en raison de la possibilité pour un marocain d'être bigame. Concluant dans ces conditions au divorce aux torts exclusifs de la femme, il soutient que la demande de prestation compensatoire est irrecevable. A titre subsidiaire, il fait valoir qu'une prestation compensatoire ne peut être allouée sous forme de rente viagère, cette faculté n'étant ouverte que pour des raisons d'âge ou d'état de santé. En outre, eu égard au montant des ressources de l'épouse, de la faiblesse de ses propres revenus, de l'importance de ses charges, il juge que le divorce ne créera pas de disparité dans la situation respective des parties et qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de prestation compensatoire. L'instruction de l'affaire a été clôturée en cet état des prétentions et moyens des parties par ordonnance du 4 mai 2001. MOTIFS DE L'ARRET 1- Sur les demandes en divorce 1-1 Sur la loi applicable Taibi EL Y... et Fattouma X... étant tous deux de nationalité marocaine et s'étant mariés au Maroc, les dispositions de la convention franco-marocaine du 10 août 1981 doivent recevoir application en ce que le mariage et le divorce sont régis par la loi du pays dont les époux ont la nationalité. Les dispositions de la loi marocaine sur le divorce prévoyant notamment

que la dissolution du mariage peut intervenir par voie judiciaire à la demande de l'un des époux en cas de violation des obligations du mariage, il y a lieu d'examiner l'une et l'autre demandes en divorce. 1-2 Sur la demande du mari II n'est pas contesté par Fattouma X... qu'elle a quitté le domicile conjugal après son retour en France qui a fait suite à la cérémonie du mariage de son fils Driss célébré au Maroc en 1998. Elle estime que cet abandon du domicile conjugal n'est pas une faute au motif qu'il est justifié par l'état de bigamie de son mari et sa violence. S'agissant de la bigamie reconnue par le mari, il convient d'observer que celui-ci a été autorisé par les autorités marocaines à contracter un second mariage. Cette nouvelle union doit donc être considérée comme régulière au regard de la loi marocaine qui permet à un homme d'être bigame. La conception française de l'ordre public international ne s'oppose pas à la reconnaissance en France d'un statut personnel autorisant la bigamie dès lors qu'il est commun aux deux époux. Cette bigamie ne peut, dans ces conditions, être constitutive d'une faute et justifier le départ de la femme du domicile conjugal. S'agissant de la violence, Fattouma X... produit quatre attestations aux débats. Celle de Laurent D... précise qu'il a seulement assisté à quelques disputes entre les époux, lesquelles ne sauraient, à proprement parler, être constitutives d'actes de violence. L'attestation de Delphine CHAPIN est plus circonstanciée. Elle explique en effet s'être rendue au Maroc à l'occasion du mariage de Driss EL Y... en août 1998 et avoir assisté à des scènes de violence entre les époux et entre le père et ses enfants. Elle ne décrit toutefois qu'une scène de violence qu'elle indique ne pas avoir vue mais seulement entendue, sans qu'il soit possible de déterminer la provenance des coups qu'elle a entendus. Les attestations de NAT-ABDELAZIZ Rezhoma et de Djoura BENAOUDIA, voisines du couple EL Y..., expliquent que les scènes de

violence étaient relativement courantes au sein de ce couple. Elles ne sont toutefois pas décrites de manière précise et sont anciennes puisque Rezhoma NAT-ABDELAZIZ les situe en 1990 et 1991. Or, Fattouma X... n'a pas quitté à cette époque le domicile conjugal qu'elle a déserté 8 ans plus tard après avoir compris que son mari voulait prendre une coépouse. Il s'avère de la sorte que les violences alléguées ne sont pas véritablement établies, qu'elles n'ont pas été, en tout cas, habituelles et n'ont pas véritablement conduit l'épouse à quitter pour ce motif le domicile conjugal. II s'ensuit que l'abandon dudit domicile n'est pas justifié et constitue une violation grave des obligations du mariage marocain justifiant la demande du mari. De ce chef, le jugement entrepris sera confirmé. 1-3 Sur la demande reconventionnelle Pour les motifs sus-évoqués, il apparaît que la bigamie du mari n'est pas en l'espèce constitutive d'une faute et que sa violence n'est pas véritablement établie. La demande de l'épouse n'est pas, dans ces conditions, fondée et sera rejetée. Le jugement déféré qui a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'épouse sera, par voie de conséquence, confirmé. 2- Sur les conséquences du divorce Le prononcé du divorce aux torts exclusifs de l'épouse étant confirmé, la demande de prestation compensatoire sera jugée irrecevable en application des dispositions de l'article 280-1 alinéa 1 du code civil sur le fondement desquelles .elle a été présentée. PAR CES MOTIFS : La Cour, Statuant publiquement, après débats en Chambre du Conseil et par arrêt contradictoire ; Recevant en la forme l'appel de Fattouma X..., Le déclare mal fondé; En conséquence, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Déclare irrecevable la demande de prestation compensatoire formée par Fattouma X... ; Condamne Fattouma X... aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés pour partie par le Comptable Direct du Trésor conformément

aux dispositions applicables en matière d'aide juridictionnelle, ceux d'appel seulement pouvant être recouvrés directement par la SCP DELVINCOURT-JACQUEMET, avoués à la Cour, dans les formes et conditions prévues à l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de reims
Numéro d'arrêt : 00/00316
Date de la décision : 06/09/2001

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Effets internationaux des jugements - Reconnaissance des jugements non soumis à exequatur

La conception française de l'ordre public international ne s'oppose pas à la reconnaissance en France d'un statut personnel autorisant la bigamie dès lors qu'il est commun aux deux époux. Tel est le cas de deux époux de nationalité marocaine dont le mariage fut célébré dans leur pays d'origine. La loi marocaine reconnaissant la bigamie, celle-ci ne peut être constitutive d'une faute et ne peut dès lors justifier l'abandon du domicile par l'épouse lorsque la violence du mari n'est pas véritablement établie


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.reims;arret;2001-09-06;00.00316 ?
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