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07/07/2023 | FRANCE | N°22/00010

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Expropriations, 07 juillet 2023, 22/00010


ARRET N°359



N° RG 22/00010 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GS3Y









[F]

[F]

[F]

[F]

[Z]



C/



Etablissement Public ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE NOUVELLE AQUITAINE

COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT



























































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISr>


COUR D'APPEL DE POITIERS



Chambre de l'expropriation



ARRÊT DU 07 JUILLET 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00010 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GS3Y



Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 13 avril 2022 rendu par le Juge de l'expropriation de [Localité 4].







APPELANTS :



Monsieur [K] ...

ARRET N°359

N° RG 22/00010 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GS3Y

[F]

[F]

[F]

[F]

[Z]

C/

Etablissement Public ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE NOUVELLE AQUITAINE

COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre de l'expropriation

ARRÊT DU 07 JUILLET 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00010 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GS3Y

Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 13 avril 2022 rendu par le Juge de l'expropriation de [Localité 4].

APPELANTS :

Monsieur [K] [F]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 11]

Monsieur [W] [F]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 7]

Monsieur [M] [F]

de nationalité Française

[Adresse 17]

[Localité 3]

Monsieur [R] [F]

de nationalité Française

[Adresse 12]

[Localité 5]

Madame [P] [Z]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 6]

ayant tous pour avocat postulant Me Stéphanie COLOMBIER, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT et pour avocat plaidant Me Audrey CHELLY, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE NOUVELLE AQUITAINE

[Adresse 1]

[Localité 13]

ayant pour avocat postulant Me Alisson CURTY-ROBAIN, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT et pour avocat plaidant Me Miguel BARATA, avocat au barreau de PARIS

COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

DDFIP

Service Domaine et Politique Immobilière de l'Etat

[Adresse 8]

[Localité 4]

représenté par M. [T] [X], inspecteur des finances publiques, muni d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ :

Suite à une déclaration d'intention d'aliéner pour un prix de 2.063.880 euros portant sur une parcelle d'une superficie totale de 9.828 m² sise à [Adresse 16] (Charente-Maritime), l'Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine a décidé le 10 février 2021 d'exercer en qualité de délégataire de ce droit, le droit de préemption sur l'ensemble de ce bien en proposant à ses propriétaires indivis, [K] [F], [W] [F], [M] [F], [R] [F] et [P] [Z], de l'acheter au prix de 341.100 euros.

En l'état du refus d'accepter ce prix exprimé par les vendeurs, l'EPF de Nouvelle-Aquitaine a saisi le juge de l'expropriation du département de la Charente-Maritime aux fins de fixation du prix du bien préempté par un courrier reçu au greffe le 22 mars 2021 auquel était joint un mémoire contenant sa proposition maintenue à même hauteur de prix.

Le juge de l'expropriation a procédé le 22 octobre 2021 au transport sur les lieux puis a tenu l'audience le 11 février 2022.

Par jugement du 13 avril 2022, il a :

* rejeté l'exception de nullité de la procédure soulevée par les consorts [F]

* retenu comme date de référence pour apprécier l'usage effectif du bien le 19 décembre 2019

* débouté les consorts [F] de leur demande tendant à voir déclarer dolosives les entraves à la constructibilité de leur terrain

* fixé le prix d'aliénation de la parcelle à la somme totale

-si elle est libre : de 341.100 euros

-si elle est encore occupée : de 306.990 euros

* débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

* laissé les dépens à la charge de l'EPF de Nouvelle Aquitaine

* écarté l'exécution provisoire.

Les consorts [F] ont formé appel de ce jugement le 15 juillet 2022.

Ont été adressées à la cour :

¿ par les appelants :

-des conclusions d'appelant n°1 reçues le 17 octobre 2022 au greffe et notifiées le 18 octobre à l'EPF de Nouvelle Aquitaine et au commissaire du gouvernement (les AR du 19.10)

-des conclusions d'appelant n°2 reçues le 12 avril 2023 et notifiées le 13 avril à l'EPF de Nouvelle Aquitaine et au commissaire du gouvernement

-des conclusions d'appelant n°2 en couleur reçues le 21 avril 2023 et notifiées le jour même à l'EPF de Nouvelle Aquitaine et au commissaire du gouvernement

-des conclusions d'appelant n°3 reçues le 4 mai 2023 et notifiées le jour même à l'EPF de Nouvelle Aquitaine et au commissaire du gouvernement

-étant précisé que les appelants ont adressé à la cour

.en avril 2023 leurs pièces n°1 à 22 visées dans leurs conclusions, en deux temps avant d'atteindre le nombre d'autant d'exemplaires que de parties plus un, et que le greffe a notifiées le 14 avril lorsqu'il a détenu le nombre requis d'exemplaires

.le 9 mai 2023 s'agissant de leurs pièces n°23 et 24, notifiées le 10 mai par le greffe.

¿ par l'EPF de Nouvelle Aquitaine :

-un mémoire d'intimé reçu le 17 janvier 2023 et notifié le jour même aux appelants et au commissaire du gouvernement (les AR du 18.01)

- un mémoire récapitulatif et en réplique reçu le 4 mai 2023 et notifié le jour même aux appelants et au commissaire du gouvernement

¿ par le commissaire du gouvernement :

-des conclusions adressées le 13 et reçues le 15 février 2023, notifiées le jour même aux appelants et à l'EPF de Nouvelle Aquitaine (les AR du 16.02)

-des conclusions adressées le 21 avril et reçues le 24 avril 2023, notifiées le jour même aux appelants et à l'EPF de Nouvelle Aquitaine.

Les consorts [F] demandent à la cour dans leurs conclusions n°1 d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

de les déclarer recevables et bien fondés

À titre principal :

Vu les articles R.211-2 du code de l'urbanisme : ordonner l'inexistence de l'intervention de l'Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine parce qu'hors délai, intervenant avant la date effective de son mandat, subséquemment Ordonner la nullité de toutes les procédures engagées par l'EPF de Nouvelle Aquitaine et déclarer les DIA purgées de tout droit de préemption à partir du 12 janvier 2022

Vu l'article L.322-4 du code de l'expropriation : ordonner l'inopposabilité des contraintes administratives du PLUi en vigueur, mises en place avec une intention dolosive démontrée

À titre subsidiaire : dans l'hypothèse où la cour ne ferait pas droit à la demande d'inexistence et à l'exception d'inopposabilité, de

-débouter l'EPF de Nouvelle Aquitaine de l'ensemble de ses demandes et la déclarer mal fondée

-ordonner que, aucun élément de comparaison situé en zone urbaine dense n'étant apporté, ni par l'EPF NA, ni par le commissaire du gouvernement, les éléments de comparaison fournis, pour les raisons développées, ne peuvent donc pas être pris en compte puisque situés en zone urbaine diffuse

-ordonner la prise en compte des terrains préemptés comme 'terrains à bâtir', devant être construits en projet global et donc estimés à un prix identique, et non à des prix différenciés

-ordonner que, n'ayant pas d'éléments comparatifs en zone urbaine dense, la valeur des terrains soit fixée selon la méthode du compte à rebours

-ordonner que les chiffres proposés par les propriétaires, pour un projet semblable à celui porté par l'EPF NA au nom de la CDA, soient pris en compte

-fixer le prix d'aliénation du terrain nu situé à [Adresse 16]), correspondant à la parcelle cadastrée [Cadastre 15] pour [Cadastre 14], propriété des consorts [F], au prix de 210 euros le m², soit un montant total de 2.063.880 euros

-condamner l'EPF NA au paiement de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Dans leurs conclusions n°2, les appelants ont ajouté à ces demandes dans le dispositif de leurs conclusions celle de condamner l'EPF NA à de lourds dommages et intérêts, qui ne pourront pas être inférieurs à 10.000 euros, pour avoir délibérément entravé une transaction privée parfaitement légale, avoir en toute conscience détourné de leur finalité les lois sur l'urbanisme et sur la préemption, et enfin avoir dissimulé à la justice ses transactions concomitantes largement supérieures au prix qu'il proposait aux appelants, agissant ainsi avec traîtrise, alors qu'il représente l'État.

Dans leurs conclusions n°3, les appelants ont ajouté à ces demandes dans le dispositif de leurs conclusions celles :

-de débouter l'Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine de sa demande de caducité de la déclaration d'appel

-d'ordonner que les chiffres proposés par les propriétaires, 210 euros le m², confirmés par des promesses de ventes valides, pour un projet exactement semblable à celui porté par l'EPF NA, représentant le prix du marché et la faisabilité comptable d'une opération intégralement semblable à celle prévue par la CA dans son mandat de préemption donné à l'EPFNA,soient pris en compte.

Les appelants répondent au moyen de caducité de leur appel invoqué au regard de l'article R.311-26 du code de l'expropriation qu'il ne s'agit pas d'une expropriation mais d'une préemption et donc d'une simple discussion sur le prix ; que les pièces fournies en appel sont, à cinq près les mêmes que celles de première instance ; que les conclusions papier contiennent un lien hyper-texte qui permet de charger les pièces d'un simple clic avec un moteur de recherche; que l'édition en papier est nuisible à l'environnement ; que la Cour de cassation veille à ne pas priver l'appelant du droit de produire des pièces en réponse aux mémoires adverses.

Ils maintiennent que l'EPF NA a engagé la procédure alors que la convention conclue avec la communauté d'agglomération était caduque et que son mandat n'était pas encore valide, de sorte que son intervention du 11 janvier 2021 est inexistante. Ils indiquent qu'ils auraient en effet pu saisir la juridiction administrative pour le faire juger, mais qu'apolitiques, ils n'ont pas voulu s'engager dans cette polémique.

Ils en déduisent que les DIA sont purgées, puisque l'EPF NA n'avait pas de mandat valable lorsqu'il a demandé des pièces complémentaires afin de proroger artificiellement la date de cette purge.

Si la cour n'estime pas purgées les DIA, ils indiquent que le jugement a trahi la vérité en faisant mine de retenir comme date de référence pour apprécier l'usage effectif du bien le 19 décembre 2019, et ils demandent que la date soit celle celle du 17 décembre 2020 qui fixe, par deux votes du conseil communautaire mandatant l'EPF NA pour préemption, l'évolution constructible des terrains prévue au PLUi.

Ils estiment que la communauté d'agglomération et l'Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine détournent de leur finalité les procédures pour une opération sans aucun intérêt public, recourent à des manoeuvres dolosives et piétinent leurs droits constitutionnels.

Ils rappellent que la propriété est un droit inaliénable.

Ils indiquent qu'ils ont bien un acquéreur, et que la promesse unilatérale de vente est dûment enregistrée, et ils considèrent qu'elle seule permet de déterminer le prix de leur bien.

Ils soutiennent que la méthode comparative dans laquelle le premier juge s'est engagée conduit à une impasse puisqu'il n'existe pas de terrain comparable en zone urbaine dense de la communauté d'agglomération de [Localité 4], et qu'il faut recourir à la méthode 'du compte à rebours'.Ils estiment qu'il serait absurde que leur parcelle ne soit pas constructible immédiatement

Ils indiquent qu'une plainte pour escroquerie au jugement a été déposée entre les mains du procureur de la république de [Localité 4] puisque l'EPF dissimule volontairement à la justice qu'il achète sur le même site à un prix nettement supérieur à celui auquel il entend préempter.

Ils déplorent que le commissaire du gouvernement participe au détournement de finalité des lois de l'urbanisme et de l'expropriation, plutôt que de défendre les droits des citoyens.

L'Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine demande à la cour dans son mémoire d'intimé de

-constater que les appelants n'ont pas notifié les pièces annexées à leurs conclusions d'appel dans le délai de l'article R.311-26 du code de l'expropriation

En conséquence :

-déclarer caduque la déclaration d'appel des consorts [F]

À titre subsidiaire :

-déclarer que les consorts [F] n'ont pas saisi la cour de prétentions portant sur la fixation de la date de référence

En conséquence :

-confirmer le jugement en ce qu'il a retenu le 19 décembre 2019 comme date de référence

-confirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions

-rejeter les demandes des consorts [F]

-condamner les consorts [F] aux dépens d'appel

-condamner in solidum les consorts [F] à lui payer 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans son mémoire récapitulatif et en réplique, l'EPF de Nouvelle Aquitaine demande à la cour de

-ordonner sur le fondement de l'article 41, alinéa 4 et 5 de la loi du 29 juillet 1881 le retrait des conclusions en réponse n°2 notifiées par les appelants des passages ci-dessous :

'Dans cette affaire de préemption la manipulation de la réalité est grotesque et effrayante tant elle est semblable à l'aryanisation des entreprises juives en France dans les années 1940 à 1944, voir l'ouvrage de [O] [B] 'Les mauvais comptes de vichy' aux éditions [G] dans la collection Terre d'histoire, sorti en 1999, où l'on découvre les AP (administrateurs provisoires) et le SCAP (Service de Contrôle des Administrateurs Provisoires) qui utilisent le formalisme légaliste pour transformer la réalité des valeurs, si semblablement que le font ici l'EPFNA et le CG' (page 5)

'...agissant ainsi avec traîtrise, alors qu'il représente l'État' (page 33).

-condamner les consorts [F], in solidum, à payer à l'EPF Nouvelle Aquitaine 1 euro de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 41, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881

-constater que les appelants n'ont pas notifié les pièces annexées à leurs conclusions d'appel dans le délai de l'article R.311-26 du code de l'expropriation

-constater que le commissaire du gouvernement n'a pas produit dans les conditions imposées et dans le délai prévu à l'article R.311-26 du code de l'expropriation les pièces annexées aux conclusions qu'il a notifiées

-constater que les conclusions d'appel incident notifiées par le commissaire du gouvernement n'ont pas saisi la cour dans les délais pour ce faire de conclusions par lesquelles , au sein du dispositif, est sollicitée l'infirmation ou l'annulation du jugement

-déclarer que la demande indemnitaire formée à titre subsidiaire par les consorts [F] dans leurs conclusions n°2 est irrecevable comme formée devant une juridiction incompétente pour en connaître et dans une procédure qui ne le permet pas, nouvelle et formée hors délai de l'article R.311-26 du code de l'expropriation

En conséquence :

-déclarer caduque la déclaration d'appel

-déclarer irrecevables les conclusions notifiées par le commissaire du gouvernement

-déclarer irrecevable la demande indemnitaire formée à titre subsidiaire par les consorts [F] dans leurs conclusions en réponse

À titre subsidiaire :

-déclarer que les consorts [F] n'ont pas saisi la cour de prétentions portant sur la fixation de la date de référence

En conséquence :

-confirmer le jugement en ce qu'il a retenu le 19 décembre 2019 comme date de référence

-confirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions

-rejeter les demandes des consorts [F]

-condamner les consorts [F] aux dépens d'appel

-condamner in solidum les consorts [F] à lui payer 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'EPF de Nouvelle Aquitaine fait valoir que les conclusions n°2 des appelants contiennent à deux reprises dans les passages dont la suppression est sollicitée des propos injurieux et outrageants à son endroit qui sont dépourvus de tout lien avec l'instance, tenus en dehors de toute nécessité d'assurer la défense des intérêts des appelants, et avec la conscience de l'atteinte à l'honneur des personnes qui sont directement visées, ce qui justifie d'en ordonner la suppression et de lui allouer un euro de dommages et intérêts.

Il invoque au visa de l'article R.311-26 du code de l'expropriation la caducité de la déclaration d'appel en faisant valoir que si les appelants ont bien transmis leurs conclusions à la cour dans le délai de trois mois à compter de leur déclaration d'appel, ils n'ont déposé les pièces visées dans ces conclusions qu'après son expiration, ce qu'une jurisprudence établie sanctionne de la caducité de l'appel. Il tient pour inopérantes les considérations opposées à ce moyen par les appelants, sans lien avec les obligations procédurales s'imposant à eux sous peine de caducité.

Il invoque l'irrecevabilité des conclusions du commissaire du gouvernement au motif qu'elles ont été transmises à la cour après l'expiration du délai de trois mois à compter de la notification des conclusions des appelants, et il invoque consécutivement l'irrecevabilité de l'appel incident qu'elles contiennent.

Il ajoute que ces conclusions étaient aussi irrecevables en tant que les pièces qui y sont visées n'ont pas été communiquées en même temps qu'elles, ni dans le délai ouvert au commissaire du gouvernement pour conclure.

Il indique que cette irrecevabilité entraîne celle des conclusions complémentaires notifiées le 24 avril 2023 par le commissaire du gouvernement.

Il fait valoir au visa des articles 542 et 954 du code de procédure civile que le dispositif des conclusions du commissaire du gouvernement ne sollicitant ni l'infirmation ni l'annulation du jugement alors qu'elles contiennent un appel incident, la cour n'était de toute façon saisie de sa part d'aucune contestation du jugement, qu'elle ne pouvait donc que confirmer à son égard.

Subsidiairement, sur le fond, il soutient que le moyen de nullité de la procédure tiré par les appelants de son prétendu défaut de pouvoir administratif, outre qu'il est mal fondé, relève de toute façon de la compétence de la juridiction administrative.

Il approuve la date de référence retenue par le juge de l'expropriation.

Il récuse l'intention dolosive que les appelants lui prêtent, en observant qu'il n'est pas l'auteur du classement au PLUi que fustigent les appelants, et en observant que ceux-ci ne l'ont au demeurant pas contesté devant les juridictions administratives comme ils pouvaient le faire.

Il invoque l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts formée par les appelants après l'expiration du délai de trois mois à compter de leur déclaration d'appel.

Il déclare tenir la promesse de vente conclue avec un promoteur pour factice, en faisant valoir qu'elle n'a pas été enregistrée comme requis par l'article 1589-2 du code civil.

Il observe que les appelants n'invoquent aucun terme de comparaison, et il exclut l'application de la méthode 'du compte à rebours', qui tient compte de la vocation future du bien, ce que la loi proscrit.

Il vante la pertinence des termes de comparaison qu'il a produits, et sur lesquels la juridiction de l'expropriation a fondé son évaluation. Il conteste la pertinence de ceux invoqués par le commissaire du gouvernement en rappelant les tenir pour irrecevables.

Le commissaire du gouvernement demande à la cour dans ses premières conclusions de fixer le prix d'aliénation de l'immeuble objet des présentes à la somme totale de 511.550 euros, sur la base d'une valeur unitaire de 52,05 euros du m² , soit 104,11 euros/m² avec abattement de 50%, et sans indemnité de remploi.

Dans ses secondes conclusions, il demande à la cour de fixer le prix d'aliénation de l'immeuble à la somme totale de 435.970 euros sur la base d'une valeur unitaire de 44,36 euros du m², et sans indemnité de remploi.

Il demande à la cour de se poser la question de la déchéance de l'appel des consorts [F] en ce que leur mémoire d'appelant a été transmis sans les pièces visées.

Il approuve la date de référence au 10 décembre 2019.

Il estime que la parcelle est enclavée, ce qui justifie à ses yeux un abattement de 50%, et soumise à d'importantes nuisances environnementales.

Il récuse toute application de la méthode dite 'du compte à rebours'..

Il indique se fonder sur une étude de marché portant sur des cessions de terrains entre 3.000 et 80.000 m², tout zonage confondu, dans la première couronne rochelaise entre septembre 2019 et septembre 2022, élargie aux terrains non répertoriés en terrain à bâtir.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

* sur la demande de l'EPF de Nouvelle Aquitaine tendant à la suppression de deux passages des conclusions des appelants

L'Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine sollicite sur le fondement de l'article 41, alinéa 4 et 5 de la loi du 29 juillet 1881 la suppression du paragraphe suivant contenu en page 5 des conclusions en réponse n°2 déposées par les appelants :

'Dans cette affaire de préemption la manipulation de la réalité est grotesque et effrayante tant elle est semblable à l'aryanisation des entreprises juives en France dans les années 1940 à 1944, voir l'ouvrage de [O] [B] 'Les mauvais comptes de vichy' aux éditions [G] dans la collection Terre d'histoire, sorti en 1999, où l'on découvre les AP (administrateurs provisoires) et le SCAP (Service de Contrôle des Administrateurs Provisoires) qui utilisent le formalisme légaliste pour transformer la réalité des valeurs, si semblablement que le font ici l'EPFNA et le CG'

Les moyens tirés de la caducité de la déclaration d'appel et de l'irrecevabilité de l'appel incident ne font pas obstacle à l'examen de cette demande, qui est préalable.

Selon l'article 41, alinéa 4, ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte-rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.

Selon l'article 41, alinéa 5, pourront néanmoins, les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages et intérêts.

Surmontée d'un titre en gros caractères 'L'INDICIBLE' qui le place dans un registre dédié à l'évocation d'abominations suprêmes, le paragraphe dont l'Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine sollicite la suppression rapproche et même, par les termes 'semblable' et 'semblablement', assimile, son exercice du droit de préemption et sa saisine de la juridiction de l'expropriation en vue de fixer un prix d'acquisition à un montant moindre que celui mentionné à la promesse unilatérale de vente des propriétaires, à l'entreprise de spoliation des juifs de France qui avait pour objet, et pour effet, d'accaparer leurs biens sous le régime de collaboration des autorités avec l'occupant nazi durant la seconde guerre mondiale.

Un tel parallèle, en ce qu'il a de gratuit et de grossièrement infamant pour l'Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine, comme d'ailleurs aussi pour le commissaire du gouvernement, présente le caractère outrageant qui justifie d'ordonner sa suppression.

Sa présence dans des écritures destinées à une juridiction statuant en audience publique et communiquées à plusieurs parties, a causé à l'Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine un préjudice moral que la suppression ne répare pas entièrement et qui sera indemnisé par l'allocation de l'euro de dommages et intérêts qu'il sollicite.

La formule en page 33 des conclusions n°2 des appelants désignant l'EPF NA comme '...agissant ainsi avec traîtrise, alors qu'il représente l'État', si outrancière qu'elle soit, demeure néanmoins quant à elle dans les limites de la liberté d'expression, et il n'y a pas lieu de faire droit à la demande visant à sa suppression.

* sur la demande de l'EPF de Nouvelle Aquitaine tendant à voir constater la caducité de l'appel principal

Aux termes du premier alinéa de l'article R.311-26 du code de l'expropriation, à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

Selon le cinquième alinéa dudit article R.311-26, les conclusions et les documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Selon son sixième alinéa, le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

Ces deux derniers textes impliquent nécessairement que l'appelant adresse matériellement au greffe ses conclusions et les documents qu'il entend produire, en tirage sur papier, afin qu'ils puissent être notifiés par le greffe, l'exemplaire surnuméraire étant destiné à la cour.

Contrairement à ce que font valoir les appelants, ces dispositions s'appliquent à la procédure d'appel des décisions du juge de l'expropriation tant en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique que de préemption, comme en l'espèce.

Il ressort du dossier de procédure de la cour, et il n'est au demeurant pas discuté, que les appelants ont transmis au greffe de la cour en autant d'exemplaires que de parties plus un leurs conclusions dans les trois mois de leur déclaration d'appel, mais qu'ils n'ont transmis ni concomitamment, ni à tout le moins dans ce délai, mais seulement en avril 2023, les pièces visées à leurs conclusions et sur lesquelles ils fondaient leurs prétentions.

Il n'y a pas à rechercher si cette irrégularité a causé un grief aux intimés, dès lors que la caducité de la déclaration d'appel est encourue au titre non d'un vice de forme mais de l'absence de remise au greffe dans les délais requis (cf Cass. 2° Civ. 24.09.2015 P n°13-28017).

Il est inopérant, pour les appelants, de faire valoir que la plupart des pièces visées dans leurs conclusions d'appel avaient déjà été produites en première instance, l'appelant devant déposer ou transmettre à la cour dans le délai imparti toutes les pièces qu'il entend invoquer, y compris celles déjà déposées en première instance.

Il est vain, pour eux, de faire valoir que leurs conclusions contenaient un lien hyper-texte permettant de charger leurs pièces avec un moteur de recherche, le code de l'expropriation ne prévoyant pas de faculté de déroger ainsi, ou de quelque façon que ce soit, à l'obligation pour les parties à la procédure de procéder au dépôt au greffe des exemplaires de leurs pièces de façon à ce qu'il soit procédé à leur notification matérielle.

Il est sans incidence sur cette nécessité légale d'un dépôt matériel de pièces que l'édition en papier soit nuisible à l'environnement.

La caducité de la déclaration d'appel résultant de ce que les documents n'ont pas été remis au greffe dans le délai imparti par la loi ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi, qui est d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel, et elle n'est pas contraire aux exigences de l'article 6 §1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Elle sera donc prononcée.

* sur la demande de l'EPF de Nouvelle Aquitaine tendant à voir prononcer l'irrecevabilité des conclusions du commissaire du gouvernement et de l'appel incident qu'elles contiennent

Selon l'article R.311-26, alinéa 2, du code de l'expropriation, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

Selon l'article R.311-26, alinéa 4, le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Le commissaire du gouvernement a adressé au greffe le 13 février 2023 des conclusions reçues le 14 février 2023 soit après l'expiration du délai de trois mois qui courait à compter du 19 octobre 2022, date de sa réception de la notification par le greffe des conclusions des appelants.

Ces conclusions sont ainsi irrecevables.

L'appel incident qu'elles contiennent, en ce que le commissaire du gouvernement y demande à la cour de fixer le prix d'aliénation de la parcelle préemptée à une somme différente de celle chiffrée par le juge de l'expropriation de Charente maritime, est donc irrecevable.

Cet appel incident était d'ailleurs également caduc.

Selon l'article 550, alinéa 1er, du code de procédure civile, en effet, sous réserve des articles 905-2, 909 et 910, l'appel incident ou l'appel provoqué peut être formé en tout état de cause, alors même que celui qui l'interjetterait serait forclos pour agir à titre principal, mais dans ce dernier cas, il ne sera toutefois pas reçu si l'appel principal n'est pas lui-même recevable, ou s'il est caduc, or cet appel incident a été formé après l'expiration du délai pour interjeter appel principal et l'appel principal est caduc.

* sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Les appelants succombent devant la cour et ils supporteront les dépens d'appel.

Ils verseront, in solidum, une indemnité de procédure à l'Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

ORDONNE en application de l'article 41, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881 la suppression du paragraphe suivant contenu en page 5 des conclusions en réponse n°2 déposées par les appelants et repris dans leurs conclusions n°3 :

'Dans cette affaire de préemption la manipulation de la réalité est grotesque et effrayante tant elle est semblable à l'aryanisation des entreprises juives en France dans les années 1940 à 1944, voir l'ouvrage de [O] [B] 'Les mauvais comptes de vichy' aux éditions [G] dans la collection Terre d'histoire, sorti en 1999, où l'on découvre les AP (administrateurs provisoires) et le SCAP (Service de Contrôle des Administrateurs Provisoires) qui utilisent le formalisme légaliste pour transformer la réalité des valeurs, si semblablement que le font ici l'EPFNA et le CG'

REJETTE la demande en suppression d'un autre passage des conclusions des appelants

CONDAMNE in solidum [K] [F], [W] [F], [M] [F], [R] [F] et [P] [Z] à payer 1 euro (UN EURO) à titre de dommages et intérêts à l'Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine en réparation du préjudice que lui ont causé ces écrits outrageants

PRONONCE la caducité de la déclaration d'appel des consorts [F]/[Z]

DÉCLARE irrecevable l'appel incident formé par le commissaire du gouvernement

CONDAMNE in solidum [K] [F], [W] [F], [M] [F], [R] [F] et [P] [Z] aux dépens d'appel

LES CONDAMNE in solidum à payer 1.000 euros à à l'Établissement public foncier de Nouvelle Aquitaine en application de l'article 700 de code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Expropriations
Numéro d'arrêt : 22/00010
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;22.00010 ?
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