R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
MINUTE No2
COUR D'APPEL DE POITIERS
03 Janvier 2023 CONTENTIEUX DES SOINS PSYCHIATRIQUES
PROCEDURE DE CONTROLE DES MESURES
ORDONNANCE
No RG 22/00076 - No Portalis DBV5-V-B7G-GWQ6
Mme [W] [V]
Nous, Thierry MONGE, président de chambre, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Poitiers,
Assisté, lors des débats, de Inès BELLIN, greffier,
avons rendu le trois janvier deux mille vingt trois l'ordonnance suivante, par mise à disposition au greffe, sur appel formé contre une ordonnance du Juge des libertés et de la détention de POITIERS en date du 20 Décembre 2022 en matière de soins psychiatriques sans consentement.
APPELANT
Madame [W] [V]
née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 5]
Sans résidence stable
[Localité 4]
comparante en personne, assistée de Me Mégane MIRONNEAU, avocat au barreau de POITIERS
placée sous le régime de l'hospitalisation complète en soins psychiatriques sans consentement
mis en oeuvre par le Centre Hospitalier [6]
INTIMÉS :
CENTRE HOSPITALIER [6]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
non comparant
UDAF DE LA [Localité 8]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
non comparant
PARTIE JOINTE
Ministère public, non représenté, ayant déposé des réquisitions écrites ;
Vu les avis d'audience adressés, conformément aux dispositions de l'article R. 3211-19 du code de la santé publique, à Madame [W] [V], au directeur du centre hospitalier [6], à l'UDAF de [Localité 8], mandataire judiciaire à la protection des majeurs, ainsi qu'au Ministère public ;
Vu les réquisitions du ministère public tendant à la confirmation de l'ordonnance entreprise ;
Vu les débats, qui se sont déroulés le 03 Janvier 2023 au siège de la juridiction, en audience publique conformément aux dispositions de l'article L.3211-12-2 du code de la santé publique.
Après avoir entendu :
- le président en son rapport
- Madame [W] [V] en ses explications
- Me Mégane MIRONNEAU, n'ayant soulevé aucun moyen relatif à la régularité de la procédure, en sa plaidoirie
- Madame [W] [V] ayant eu la parole en dernier.
Le Président a avisé les parties que l'affaire était mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 03 Janvier 2023 pour la décision suivante être rendue.
EXPOSÉ :
[W] [V] a été admise en psychiatrie au Centre hospitalier [6] de [Localité 7] le 15 juin 2022 par décision du directeur de l'établissement en vertu de l'article L.3212-1,II-2 du code de la santé publique, pour péril imminent en l'absence de tiers.
La poursuite de son hospitalisation complète a été reconduite depuis par des décisions du directeur de l'établissement qui ont été contrôlées et validées par le juge des libertés et de la détention de Poitiers.
Le directeur de l'établissement a saisi le juge des libertés et de la détention pour voir statuer sur la situation de la patiente dans le cadre de la poursuite de la mesure d'hospitalisation au-delà de six mois.
Par ordonnance du 20 décembre 2022, le juge des libertés et de la détention de Poitiers a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète sous sa forme actuelle.
[W] [V] a relevé appel de cette ordonnance par courrier reçu le 30 décembre 2022 au greffe de la cour, où ce recours a été aussitôt enregistré.
Par réquisitions écrites du 30 décembre 2022, le Parquet général a sollicité la confirmation de la mesure discutée.
L'établissement a transmis au greffe de la cour un certificat de situation établi par le docteur [K] daté du 2 janvier 2023 énonçant que l'hospitalisation sous contrainte doit se poursuivre sous le régime de l'hospitalisation complète.
À l'audience, Mme [V] se présente accompagnée d'une infirmière.
Sa tutrice, l'Udaf de [Localité 8], n'est pas présente. Elle avait adressé à la cour un courrier en date du 30 décembre 2022 indiquant qu'elle ne se déplacerait pas à l'audience et accompagné d'un rapport énonçant, notamment, que Mme [V], célibataire, sans enfant, n'est plus locataire de son habitation depuis son hospitalisation de juin 2019, qu'elle a des contacts avec son père qui vit à [Localité 7] et est également en relations avec son frère et son neveu établis en région parisienne ; qu'elle alterne les séjours dans l'unité "Scévolles" et dans l'unité "Massigny" du centre hospitalier toutes les six semaines environ afin d'éviter un épuisement des professionnels qui l'accompagnent ; qu'elle n'a aucunement conscience de ses difficultés et de ses mises en danger ; et qu'un accompagnement au quotidien reste nécessaire.
[W] [V] explique qu'elle est suivie en psychiatrie depuis quatre ans ; qu'elle n'a plus de domicile ; qu'avant, elle vivait chez son père et l'épouse de celui-ci ; qu'il a 88 ans et qu'il est malade ; qu'elle ne veut pas quitter l'hôpital [6] mais qu'elle veut y être suivie au pavillon "Mirande", qui est un régime plus ouvert. Elle indique bénéficier depuis quelque temps de 2h de sortie le matin et 2h l'après-midi, qu'elle apprécie beaucoup.
L'avocate qui a été commis d'office pour l'assister est présente. Elle a pris connaissance du dossier, en ce compris les conclusions du Parquet général et l'avis médical motivé du 22 décembre.
Elle fait valoir que le certificat médical du 5 décembre 2022 et l'avis motivé du 2 janvier 2023 sont formulés en termes repris de précédents par simple copier/coller, et observe que l'avis motivé présente comme encore en projet des sorties qui sont déjà en place, comme le confirment l'appelante et l'infirmière qui l'accompagne.
Pour autant, elle indique ne pas solliciter la main-levée de la mesure, que Mme [V] ne demande pas et qui ne paraît pas souhaitable.
Elle observe que l'appel de la patiente a pour objet d'obtenir son transfert dans le pavillon "Mirandes", structure plus ouverte, ce qui pose la question de savoir si le juge des libertés et de la détention, même d'appel, a le pouvoir d'ordonner une telle mesure.
Mme [V] a eu la parole en dernier. Elle indique que le docteur [K] est à moitié d'accord pour la transférer à "Mirandes", et que c'est tout ce qu'elle demande.
SUR CE,
L'appel est régulier en la forme, et recevable.
En vertu de l'article L.3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L.3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1o- ses troubles mentaux rendent impossible son consentement
2o- son état mental impose des soins immédiats assortis soit, d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2 de l'article L.3211-2-1.
[W] [V] est hospitalisée depuis des années au centre hospitalier [6] de [Localité 7] et, en dernier lieu, depuis le 15 juin 2022, dans le cadre de l'article L.3212-1,II-2 du code de la santé publique, pour péril imminent en l'absence de tiers, en raison d'une schizophrénie paranoïde résistante à de nombreux traitements.
Le juge des libertés et de la détention a contrôlé et validé la mesure.
L'ordonnance frappée d'appel par Mme [V] qui autorise la poursuite de la mesure d'hospitalisation sous contrainte a été rendue dans le cadre du contrôle légal requis à l'expiration du délai de six mois.
Les certificats médicaux mensuels des 15 juillet, 17 août, 16 septembre, 17 octobre et 16 novembre 2022 -tous établis dans le délai requis- sont circonstanciés et énoncent qu'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète demeure toujours nécessaire au vu de la persistance de troubles mentaux rendant impossible son consentement.
L'avis médical motivé du 2 janvier 2023 a manifestement été rédigé de manière hâtive, par reprise de précédents dont il réitère les termes, y compris ceux qui ne sont plus d'actualité puisque ce qui est présenté comme un projet, les sorties quotidiennes, est attesté en place depuis quelques semaines.
Pour autant, il ressort de ces avis, y compris le dernier, que les troubles mentaux sévères dont souffre Mme [V] persistent et évoluent même dans un sens péjoratif ; qu'elle présente des troubles cognitifs, des troubles de conduite y compris alimentaire, des manifestations dissociatives, un comportement agité, une opposition de plus en plus active aux soins qui rendent impossible son consentement et justifient une hospitalisation complète.
L'état mental de [W] [V] rend donc encore à ce jour impossible son consentement et impose toujours des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète.
Les conditions légales sont ainsi, et restent, réunies, et l'ordonnance déférée, qui ordonne la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète, sera, en conséquence, confirmée.
La déclaration d'appel, et les propos à l'audience, de la patiente, témoignent que le recours vise seulement à exprimer le souhait d'être hospitalisée dans l'unité "Mirandes" du Centre [6].
Il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des libertés et de la détention, de première instance comme d'appel, d'interférer dans les modalités que prend le traitement, ni donc de prescrire que l'hospitalisation complète du patient, lorsqu'elle est nécessaire comme en l'espèce, se fasse dans un service plutôt qu'un autre.
Il est ainsi simplement consigné que Mme [V] souhaite intensément être transférée dans l'unité "Mirandes" de l'hôpital [6].
PAR CES MOTIFS
statuant publiquement, au siège de la cour d'appel, par décision contradictoire, en dernier ressort, et après avis du ministère public
DÉCLARONS l'appel régulier en la forme, et recevable.
CONFIRMONS l'ordonnance entreprise.
LAISSONS les dépens à la charge de l'État.
Et ont, le président et le greffier, signé la présente ordonnance.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Inès BELLIN Thierry MONGE