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03/01/2023 | FRANCE | N°22/000756

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Pp, 03 janvier 2023, 22/000756


R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

MINUTE No1
COUR D'APPEL DE POITIERS

03 Janvier 2023 CONTENTIEUX DES SOINS PSYCHIATRIQUES
PROCEDURE DE CONTROLE DES MESURES

ORDONNANCE

No RG 22/00075 - No Portalis DBV5-V-B7G-GWPY

Mme [G] [P]

Nous, Thierry MONGE, président de chambre, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Poitiers,

Assisté, lors des débats, de Inès BELLIN, greffier,

avons rendu le trois janvier deux mille vingt trois l'ordonnance suivante, par mise à disposi

tion au greffe, sur appel formé contre une ordonnance du Juge des libertés et de la détention des SABLES D'OLONNE ...

R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

MINUTE No1
COUR D'APPEL DE POITIERS

03 Janvier 2023 CONTENTIEUX DES SOINS PSYCHIATRIQUES
PROCEDURE DE CONTROLE DES MESURES

ORDONNANCE

No RG 22/00075 - No Portalis DBV5-V-B7G-GWPY

Mme [G] [P]

Nous, Thierry MONGE, président de chambre, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Poitiers,

Assisté, lors des débats, de Inès BELLIN, greffier,

avons rendu le trois janvier deux mille vingt trois l'ordonnance suivante, par mise à disposition au greffe, sur appel formé contre une ordonnance du Juge des libertés et de la détention des SABLES D'OLONNE en date du 22 Décembre 2022 en matière de soins psychiatriques sans consentement.

APPELANT

Madame [G] [P]
née le [Date naissance 2] 1989 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 5]

comparante en personne, assistée de Me Mégane MIRONNEAU, avocat au barreau de POITIERS
placée sous le régime de l'hospitalisation complète en soins psychiatriques sans consentement

mis en oeuvre par le Centre Hospitalier [8]

INTIMÉS :

CENTRE HOSPITALIER [8]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
85300 [Localité 7]

non comparant

Monsieur [I] [P]
né le [Date naissance 1] 1961 à
[Adresse 4]
[Localité 5]

non comparant

PARTIE JOINTE

Ministère public, non représenté, ayant déposé des réquisitions écrites ;

Vu les avis d'audience adressés, conformément aux dispositions de l'article R. 3211-19 du code de la santé publique, à Madame [G] [P], au directeur du centre hospitalier [8], à Monsieur [I] [P], ainsi qu'au Ministère public ;

Vu les réquisitions du ministère public tendant à la confirmation de l'ordonnance entreprise ;

Vu les débats, qui se sont déroulés le 3 Janvier 2023 au siège de la juridiction, en audience publique conformément aux dispositions de l'article L.3211-12-2 du code de la santé publique.

Après avoir entendu :

- le président en son rapport
- Madame [G] [P] en ses explications
- Me [F] [V], n'ayant soulevé aucun moyen relatif à la régularité de la procédure, en sa plaidoirie
- Madame [G] [P] ayant eu la parole en dernier.

Le Président a avisé les parties que l'affaire était mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 3 Janvier 2023 dans l'après-midi, pour la décision suivante être rendue.

EXPOSÉ :

[G] [P] a été hospitalisée en psychiatrie au Centre hospitalier [8] de [Localité 7] le 12 décembre 2022 par décision du directeur de l'établissement en vertu de l'article L.3212-1, II-2 du code de la santé publique dans le cadre de la demande d'un tiers, pour péril imminent.

Par décision du 15 décembre 2022, le directeur de l'établissement a prolongé la mesure d'hospitalisation complète, au vu des certificats médicaux dressés attestant que les soins psychiatriques de Mme [P] devaient se poursuivre sous la forme d'une hospitalisation complète, et il a saisi le 19 décembre 2022 le juge des libertés et de la détention pour voir statuer sur la situation de la patiente.

Par ordonnance du 22 décembre 2022, le juge des libertés et de la détention des Sables d'Olonnes a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète sous sa forme actuelle.

[G] [P] a relevé appel de cette ordonnance par courrier reçu le 29 décembre 2022 au greffe de la cour, où ce recours a été aussitôt enregistré.

Par réquisitions écrites du 30 décembre 2022, le Parquet général a sollicité la confirmation de la mesure discutée.

L'établissement a transmis au greffe de la cour un certificat de situation établi par le docteur [W] daté du 30 décembre 2022 énonçant que l'état de la patiente n'est pas stabilisé et qu'il est important de poursuivre l'hospitalisation sous contrainte.

À l'audience, [G] [P] est présente.

L'avocate qui a été commise d'office pour l'assister est présente. Elle a pris connaissance du dossier, en ce compris les conclusions du Parquet général et l'avis médical motivé du 22 décembre.

Mme [P] expose qu'alors qu'elle était venue à [Localité 10] chez ses parents y reprendre une attestation d'assurance dont elle avait besoin, elle s'est vu contrainte de monter dans une ambulance qu'ils avaient fait venir à l'avance. Elle indique que sa mère est psychiatre et n'accepte pas le choix de vie et projet professionnel qu'elle a récemment fait de quitter le cabinet de psychothérapeute en ville où elle exerçait à [Localité 9] depuis cinq ans et d'être psychothérapeute corporelle itinérante.

Elle relate avoir ainsi exercé cet état dans le village où elle allait passer ses vacances enfant, avec succès. Elle conteste souffrir de troubles mentaux, et indique être d'autant plus opposée à la mesure d'hospitalisation sous contrainte dont elle fait l'objet qu'elle est intolérante aux médicaments, et en bonne santé. Elle précise n'avoir jamais souffert de dépression ni de maladie. Elle déclare protester contre son sort, mais être contrainte de subir ces soins. Elle considère que son mode de vie et d'exercice professionnel n'a rien de pathologique, et ajoute que si c'est trop compliqué, elle retournera exercer en cabinet, à [Localité 9].

Son conseil sollicite la main-levée de la mesure en indiquant que les certificats médicaux ne caractérisent aucun trouble mental et contiennent des énonciations hypothétiques. Elle considère que sous une formulation qui passe pour médicale, il s'agit en réalité seulement de dénier à Mademoiselle [P] le droit de vivre et de travailler de façon nomade. Elle déclare s'interroger sur la possible incidence de la profession de psychiatre de la mère de la patiente sur le sort fait à l'appelante.

SUR CE,

L'appel est régulier en la forme, et recevable.

En vertu de l'article L.3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L.3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1o- ses troubles mentaux rendent impossible son consentement
2o- son état mental impose des soins immédiats assortis soit, d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2 de l'article L.3211-2-1.

[G] [P] a été hospitalisée au Centre hospitalier [8] de [Localité 7] le 12 décembre 2022 dans le cadre de la demande d'un tiers, en l'occurrence son père, pour péril imminent en raison d'un risque grave d'atteinte à son intégrité attesté par un certificat médical énonçant qu'elle présentait "les troubles suivants :
.délire de filiation
.voyage pathologique
.déni des troubles
.refus de soins
.perception de voix
.agitation avec risque d'auto et hétéro-agressivité"
et au motif que son état imposait des soins immédiats.

Ces indications, dont la plupart renvoient au mode de vie nomade adopté par la patiente, manifestement réprouvé par sa famille, ne caractérisent pas réellement de troubles mentaux, le délire de filiation étant explicité par l'affirmation de la patiente qu'elle ne reconnaissait plus comme siens les parents qui l'avaient fait hospitaliser de force à l'occasion de la visite qu'elle leur rendait ; la notion de "voyage pathologique" ne renvoyant à aucune pathologie psychiatrique ou médicale identifiée ; le déni des troubles et le refus des soins ne s'entendant que s'il y a des troubles avérés et une nécessité de soins ; l'agitation pouvant s'expliquer par l'émotion d'une hospitalisation contrainte subie dans de telles conditions, de sorte que seule la perception de voix peut apparaître comme un possible symptôme avéré de trouble mental.

Le certificat de 24 heures fait état d'une suspicion de décompensation d'un trouble psychiatrique chronique et pour le reste recense l'attitude de méfiance de la patiente, son refus de soins et sa méfiance, ce qui n'emporte pas démonstration de troubles mentaux.

Celui des 72 heures est davantage encore exempt d'indications médicales circonstanciées, et vise une "perte du lien avec sa filiation", une "rupture sociale" et une "mise en danger sur nomadisme pathologique" qui relèvent d'un registre moral de désapprobation du mode de vie itinérant choisi par mademoiselle [P] en rupture avec sa famille.

L'avis motivé du 19 décembre 2022 reprend la notion "de délire de filiation", fait état d'un discours logorrhéique diffluent, d'une "suspicion de trouble psychotique", d'un "délire contenu et hermétique" qui est illustré par le propos de la patiente selon lequel elle "trouve un souffle de la Terre", et pour le reste insiste sur l'anosognosie complète et le déni du trouble qui laissent entière la question de la caractérisation médicale des troubles dont la patiente conteste en effet pour sa part l'existence même.

L'avis médical motivé établi en dernier lieu en date du 30 décembre 2022 se réfère à une "hospitalisation précédente sur le CHU de [Localité 9] pour la même pathologie" dont le dossier ne fait pas état et dont le conseil de l'appelante indique que celle-ci lui déclare qu'elle a précisément été levée par le juge des libertés et de la détention contre l'avis des médecins. Il ne contient, pour le reste, aucun élément médical, et ne fait qu'énoncer que la patiente est dans le déni de ses troubles et ne prend le traitement que parce qu'elle y est contrainte, ce qui ne constitue pas une démonstration de l'existence de troubles et de la nécessité d'une hospitalisation sous contrainte.

Ainsi, les éléments du dossier ne caractérisent pas réellement en quoi [G] [P] présenterait des troubles mentaux qui rendraient impossible son consentement, ni que son état mental impose des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète.

Il y a lieu, dans ces conditions, d'ordonner, par infirmation de l'ordonnance entreprise, la main-levée de la mesure.

Cette main-levée prendra effet dans un délai maximal de vingt quatre heures, afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi en application de l'article L.3211-12-III, alinéa 2, du code de la santé publique.

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, au siège de la cour d'appel, contradictoirement, en dernier ressort, après débats en audience publique et après avis du ministère public,

DÉCLARONS l'appel régulier en la forme, et recevable.

INFIRMONS l'ordonnance entreprise.

ORDONNONS la main-levée de la mesure d'hospitalisation complète en soins psychiatriques sous contrainte dont [G] [P] fait l'objet depuis le 12 décembre 2022.

DISONS que la mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt quatre heures, afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi en application de l'article L.3211-12-III, alinéa 2, du code de la santé publique.

DISONS que la présente ordonnance sera portée à la connaissance du Ministère Public.

LAISSONS les dépens à la charge de l'État.
Et ont, le président et le greffier, signé la présente ordonnance.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Inès BELLIN Thierry MONGE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Pp
Numéro d'arrêt : 22/000756
Date de la décision : 03/01/2023
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.poitiers;arret;2023-01-03;22.000756 ?
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