La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2022 | FRANCE | N°22/010501

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 07, 07 juillet 2022, 22/010501


Ordonnance n° 37

-------------------------
07 Juillet 2022
-------------------------
No RG 22/01050 -
No Portalis DBV5-V-B7G-GQ4C
-------------------------
S.A.R.L. DESCARTES AVOCATS, représentée par Maître [V] [E]
C/
S.A.R.L. FIMJ, prise en la personne de son gérant, Monsieur [C] [T]
-------------------------

Ordonnance notifiée aux parties le :R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DU PREMIER PRESIDENT

Contestation d'honoraires d'avocat

Rendue le

sept juillet deux mille vingt deux

Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le vingt trois juin deux mille ...

Ordonnance n° 37

-------------------------
07 Juillet 2022
-------------------------
No RG 22/01050 -
No Portalis DBV5-V-B7G-GQ4C
-------------------------
S.A.R.L. DESCARTES AVOCATS, représentée par Maître [V] [E]
C/
S.A.R.L. FIMJ, prise en la personne de son gérant, Monsieur [C] [T]
-------------------------

Ordonnance notifiée aux parties le :R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DU PREMIER PRESIDENT

Contestation d'honoraires d'avocat

Rendue le sept juillet deux mille vingt deux

Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le vingt trois juin deux mille vingt deux par Madame Estelle LAFOND, conseillère, agissant sur délégation de la première présidente de la cour d'appel de POITIERS, conformément à son ordonnance en date du 13 décembre 2021, assistée de Madame Inès BELLIN, greffier, lors des débats.

ENTRE :

S.A.R.L. DESCARTES AVOCATS, représentée par Maître [V] [E]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Comparant en personne

DEMANDEUR en contestation d'honoraires,

D'UNE PART,

ET :

S.A.R.L. FIMJ, prise en la personne de son gérant, Monsieur [C] [T]
[Adresse 4]
[Localité 2]

Représentée par Me Jérôme CREPIN de la SCP CREPIN-FONTAINE, avocat au barreau d'AMIENS

DEFENDEUR en contestation d'honoraires,

D'AUTRE PART,

ORDONNANCE :

- Contradictoire

- Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- Signée par Madame Estelle LAFOND, conseillère agissant sur délégation de la première présidente et par Madame Inès BELLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

La SARL Descartes Avocats a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Poitiers d'une demande de taxation d'un honoraire de résultat dû par la SARL FIMJ à hauteur de 221 920,66 euros toutes taxes comprises.

Par décision du 31 mars 2022, Monsieur le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Poitiers a débouté la SARL Descartes Avocats de sa demande de taxation.

La décision du bâtonnier a été notifiée à la SARL Descartes Avocats le 11 avril 2022, laquelle a formé un recours entre les mains de la première présidente de la cour d'appel de Poitiers le 22 avril 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 23 juin 2022.

La SARL Descartes Avocats qui a comparu en la personne de Maître [V] [E], expose avoir été saisie par Monsieur [C] [T] en sa qualité de gérant de la SARL FIMJ dans le cadre d'un litige l'opposant à la société Microsoft Corp.

Elle fait valoir que contrairement à ce qu'a retenu le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Poitiers, l'absence de convention d'honoraires n'empêche pas la fixation d'un honoraire complémentaire de résultat dès lors que les honoraires réclamés ont été fixés en accord avec le client.

La SARL Descartes Avocats soutient avoir exposé oralement à Monsieur [C] [T] les conditions financières de son intervention, notamment sur l'existence d'un honoraire de résultat et lui avoir adressé plusieurs conventions d'honoraires. Elle soutient que si la SARL FIMJ n'a pas signé la convention d'honoraires, elle n'a jamais émis le moindre désaccord sur les modalités financières de son intervention, de sorte qu'elle les aurait acceptées. Elle rappelle que la formation d'un contrat ne nécessite pas d'écrit.

La SARL Descartes Avocats rappelle être intervenue dans de multiple dossiers menés par le siège américain de la société Microsoft corp contre la société FIMJ et que cette dernière avait déjà connaissance des conditions financières de son intervention qu'elle avait acceptées.

La SARL Descartes Avocats fait valoir que ses arguments ont permis à la SARL FIMJ de réaliser une économie de 3 082 231,22 euros et que l'honoraire de résultat réclamé est fixé selon les termes de la convention d'honoraires.

Elle indique que la décision rendue par la cour d'appel de Douai est devenue définitive, de sorte que rien ne s'opposerait à la demande de condamnation formulée à l'encontre de la SARL FIMJ.
Elle fait valoir que le dossier dont elle a été saisie comprenait notamment l'analyse de 41 330 pages de pièces de la partie adverse.

La SARL Descartes Avocats sollicite :
- la confirmation de la décision en ce qu'elle a retenu que sa demande n'était pas prescrite ;
- la réformation de la décision entreprise en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de taxation ;
- la condamnation de la SARL FIMJ à lui payer la somme de 221 920,66 euros toutes taxes comprises ;
- le débouté des demandes, fins et prétentions de la SARL FIMJ ;
- la condamnation de la SARL FIMJ à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL FIMJ, représentée à l'audience, fait valoir que la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ne peut intervenir que par une convention entre l'avocat et son client.

Elle indique ne pas avoir signé la convention d'honoraires qui lui a été présentée, laquelle lui serait inopposable.

La société FIMJ soutient qu'elle n'entendait pas s'engager dans cet honoraire de résultat et fait valoir que le fait qu'elle ait payé l'honoraire de base ne démontre pas qu'elle ait accepté un honoraire complémentaire.

La SARL FIMJ sollicite la confirmation de l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Poitiers du 31 mars 2022 et la condamnation de la SARL Descartes Avocats à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la recevabilité :

Selon l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel qui est saisi par l'avocat ou la partie par lettre recommandée avec accusé de réception. Le délai de recours est d'un mois à compter de la notification de la décision.

En l'espèce, le recours de la SARL Descartes Avocats est recevable et régulier en la forme.

Sur le fond :

Les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats sont réglées en recourant à la procédure prévue aux articles 174 et suivants du décret no91-1197 du 27 novembre 1991.
Il résulte de l'article 10 de la loi no71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 10 juillet 1991 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, que sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise notamment le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

A défaut de convention, les honoraires sont fixés au regard de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci, conformément au quatrième alinéa de l'article 10 de la loi no71-1130 du 31 décembre 1971.
Toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu.

Il sera rappelé qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'honoraire de se prononcer sur l'éventuelle responsabilité civile de l'avocat à l'égard de son client, liée au manquement à son devoir de conseil et d'information, ou à une exécution défectueuse de sa prestation. De tels griefs relèvent de la responsabilité professionnelle de l'avocat et non de l'évaluation des honoraires et ils ne peuvent pas non plus justifier une réduction de sa rémunération.

Sur la prescription :
Devant le bâtonnier, la SARL FIMJ avait soulevé la prescription de l'action de la SARL Descartes Avocats.
Le bâtonnier a retenu que le point de départ du délai de prescription de cinq ans prévu à l'article 2224 du code civil commençait à courir à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de former sa demande, soit en matière d'honoraires de résultat, lorsqu'il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle définitive, de sorte que la prescription n'est pas acquise.
La SARL Descartes Avocats sollicite la confirmation du jugement sur ce point.
Il convient de constater que la SARL FIMJ ne conteste pas la décision du bâtonnier sur la question de la prescription, de sorte que la décision du bâtonnier sera confirmée en ce qu'elle a retenu que la demande de la SARL Descartes Avocats n'était pas prescrite.

Sur l'honoraire de résultat :
En l'espèce, la SARL Descartes Avocats a été saisie par Monsieur [C] [T] en sa qualité de gérant de la SARL FIMJ dans le cadre d'un litige l'opposant à la société Microsoft Corp.

Aucune convention d'honoraires n'a été régularisée par les parties.

La SARL Descartes Avocats a soumis à la signature de la SARL FIMJ une convention d'honoraires, laquelle prévoyait la rémunération de l'avocat selon un honoraire de base et un honoraire complémentaire de résultat. Cette convention n'a jamais été retournée à la SARL Descartes Avocats.

Il est constant que lorsqu'aucune convention d'honoraires a été signée, un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ne peut être réclamé que si les parties se sont entendues sur son principe et sur son montant.

En l'espèce, le fait que la société FIMJ n'ait pas manifesté son désaccord sur les modalités financières de l'intervention de la SARL Descartes Avocats ne permet pas de considérer qu'elle aurait tacitement accepté le principe de l'honoraire de résultat facturé.

L'attestation de Madame [P] [I], assistante de la SARL Descartes Avocats, par laquelle elle indique que Monsieur [C] [T], gérant de la société FIMJ, aurait expressément accepté l'honoraire de résultat lors d'un rendez-vous téléphonique est inopérante et ne saurait être de nature à établir l'existence d'un accord de la société FIMJ sur le versement d'un honoraire de résultat.

Par conséquent, la SARL Descartes Avocats ne démontrant pas que la SARL FIMJ était d'accord pour s'acquitter d'un honoraire de résultat, un tel honoraire ne saurait lui être réclamé.

La décision du bâtonnier sera donc confirmée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

Succombant à la présente instance, la SARL Descartes Avocats sera condamnée à payer à la SARL FIMJ la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens :

L'article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Succombant à la présente instance, la SARL Descartes Avocats en supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS :

Nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence, statuant par délégation de la première présidente, par mise à disposition au greffe et par ordonnance contradictoire,

Déclarons le recours de la SARL Descartes Avocats recevable et régulier en la forme ;

Confirmons l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Poitiers en date du 31 mars 2022 ;

En conséquence,

Déboutons la SARL Descartes Avocats de sa demande de taxation ;

Condamnons la SARL Descartes Avocats à payer à la SARL FIMJ une indemnité de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la SARL Descartes Avocats aux dépens.

Le greffier, La déléguée de la première présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 07
Numéro d'arrêt : 22/010501
Date de la décision : 07/07/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.poitiers;arret;2022-07-07;22.010501 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award