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21/10/2021 | FRANCE | N°20/030431

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 07, 21 octobre 2021, 20/030431


Ordonnance n° 55

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21 Octobre 2021
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RG no 20/03043 -
No Portalis DBV5-V-B7E-GEZD
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S.A. AXA FRANCE IARD
C/
[K] [B], avocat associé de la SCP [B] et ASSOCIES
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Ordonnance notifiée aux parties le :R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DU PREMIER PRESIDENT

Contestation d'honoraires d'avocat

Rendue le vingt et un octobre deux mille vingt et un

Dans l'

affaire qui a été examinée en audience publique le vingt trois septembre deux mille vingt et un par Madame Gwenola JOLY-COZ, pr...

Ordonnance n° 55

-------------------------
21 Octobre 2021
-------------------------
RG no 20/03043 -
No Portalis DBV5-V-B7E-GEZD
-------------------------
S.A. AXA FRANCE IARD
C/
[K] [B], avocat associé de la SCP [B] et ASSOCIES
-------------------------

Ordonnance notifiée aux parties le :R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DU PREMIER PRESIDENT

Contestation d'honoraires d'avocat

Rendue le vingt et un octobre deux mille vingt et un

Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le vingt trois septembre deux mille vingt et un par Madame Gwenola JOLY-COZ, première présidente de la cour d'appel de POITIERS, assistée de Madame Inès BELLIN, greffier, lors des débats.

ENTRE :

S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 2]
[Localité 2]

Représentée par Me François CHAUMAIS de la SARL ARCOLE, avocat au barreau de TOURS

DEMANDEUR en contestation d'honoraires,

D'UNE PART,

ET :

Maître [K] [B], avocat associé de la SCP [B] et ASSOCIES
[Adresse 1]
[Localité 1]

Représenté par Me Michel SAUBOLE, avocat au barreau de POITIERS

DEFENDEUR en contestation d'honoraires,

D'AUTRE PART,

ORDONNANCE :

- Contradictoire

- Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- Signée par Madame Gwenola JOLY-COZ, première présidente et par Madame Inès BELLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Par décision prononcée le 19 novembre 2020, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de [Localité 1] a, sur la requête de Maître [K] [B], taxé le montant des honoraires qui lui étaient dus par la compagnie d'assurances AXA à la somme de 90 094,54 € TTC et a décidé qu'il en restait dû 60 000 € TTC compte tenu des provisions déjà versées.

Cette décision a été notifiée à la compagnie d'assurances AXA le 26 novembre 2020, qui a formé un recours contre cette décision entre les mains de la première présidente de la cour d'appel de Poitiers par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 décembre 2020.

L'affaire a été appelée à l'audience du 21 mai 2021 et renvoyée contradictoirement à l'audience du 23 septembre 2021, où la compagnie d'assurances AXA est représentée par Maître [C] [F].

Il a exposé que de 2010 à 2013, Maître [K] [B] exerçait en tant qu'avocat pour la compagnie d'assurances AXA et que sa rémunération était fixée selon une charte régularisée entre les parties. Puis, à partir de 2013, Maître [K] [B] exerçait ses fonctions indépendamment et sa rémunération s'effectuait via les factures d'honoraires qu'il émettait sur la base d'un taux horaire de 190 € HT, convenu entre les parties. La compagnie d'assurances AXA a régulièrement honoré, au fil des diligences, le paiement des factures émises par Maître [K] [B], antérieurement et postérieurement à 2014. Elle considère que ces factures, adossées à l'accomplissement de diligences détaillées selon un temps passé déterminé, ne peuvent être considérées comme des factures provisionnelles.

Or le 24 février 2020, Maître [K] [B] a adressé à la compagnie d'assurances AXA une facture no205016 d'un montant total de 60 000 € TTC à titre d'honoraires complémentaires. La compagnie d'assurances AXA soutient que cette facture revient sur le taux horaire et le nombre d'heures passées à accomplir les diligences déjà réglées. La compagnie d'assurances AXA, qui soutient ne pas avoir consenti à une telle modification du taux horaire des honoraires, refuse de s'acquitter de cette facture dont elle ne comprends pas le fondement.

La compagnie d'assurances AXA conteste par ailleurs la facturation de certaines diligences telles que la réception de courrier ou la communication de pièces selon des temps impartis qu'elle estime excessifs. Par voie de conséquence, elle considère que Maître [K] [B] ne peut prétendre avoir réalisé près de 567 heures de travail.

La compagnie d'assurances AXA entend ainsi maintenir son opposition au règlement de tout honoraire complémentaire et sollicite l'infirmation de la décision de taxation contestée, ainsi que la condamnation de Maître [K] [B] à lui verser la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Maître [K] [B] est représenté par Maître [I] [W] qui soutient que le temps passé équivalent à 567 heures, consacrées à accomplir les diligences pour le compte de la compagnie d'assurances AXA sur dix années, n'est pas excessif. Il est produit diverses pièces pour justifier des diligences accomplies dont notamment un état volumineux des temps passés.

Il est sollicité la confirmation de la décision de taxation contestée et la condamnation de la compagnie d'assurances AXA au paiement de la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur la recevabilité du recours :

Selon l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel qui est saisi par l'avocat ou la partie par lettre recommandée avec accusé de réception. Le délai de recours est d'un mois à compter de la notification de la décision.

En l'espèce, le recours de la compagnie d'assurances AXA est recevable et régulier en la forme.

Sur la taxation des honoraires :

Les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats sont réglées en recourant à la procédure prévue aux articles 174 et suivants du décret no91-1197 du 27 novembre 1991.

Il résulte de l'article 10 de la loi no71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 10 juillet 1991 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, que sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise notamment le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

A défaut de convention, les honoraires sont fixés au regard de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci, conformément au quatrième alinéa de l'article 10 de la loi no71-1130 du 31 décembre 1971.

En l'espèce, il convient d'abord de remarquer que la décision du batonnier de [Localité 1] note que la compagnie AXA n'a formulé aucune observation devant lui, "en dépit du délai qui lui a été accordé à sa propre demande". L'absence de contradictoire a considérablement réduit la motivation qui s'en tient aux seuls arguements de Maitre [B], sans même retracer l'historique des accords sur les taux horaire entre les parties.

Or il n'est pas contesté que la compagnie d'assurances AXA a confié la défense de ses intérêts à Maître [K] [B], sur la base d'abord de "la charte de l'avocat AXA", puis ensuite d'un accord formalisé par courriels du 27 février 2014 au taux horaire de 190 € TTC. Il n'apparaît pas que les parties ne se soient jamais formellement entendues sur une revalorisation de ce taux horaire à hauteur de 250 € TTC, base pourtant retenue par Maître [K] [B] pour la facturation contestée, qui apparait correspondre, selon son courrier du 1er avril 2020 à la compagie AXA, au " taux horaire usuel de mon cabinet".

Maître [K] [B] a accompli de nombreuses diligences pour le compte de la compagnie d'assurances AXA qui n'en conteste pas la réalité mais parfois le temps passé. Pour en justifier, Maître [K] [B] produit un document de suivi professionnel, sur dix années, qui détaille sous forme de listing informatique toutes ses actions, décrites par des mots clés tels que "lettre", "mise en état", "mail" ou "e barreau" assortis d'une cotation minute allant de 5 à 330 minutes. Il n'est pas pas plus possible pour le juge de procéder au travail de tri et de réaffectation des diligences, que d'en vérifier la véracité.

Il apparait en réalité à la lecture des échanges entre les parties que Maitre [B] considère qu'il est dû, non pas un honoraire de résultat bien qu'il rappelle l'enjeu du litige opposant AXA à Immoland, ni une facture de "ratrappage", mais un solde à l'issue de 10 ans de procédure.

Les 10 lignes qui précède le chiffrage d'honoraires sur la facture contestée numéro 205016 du 24 février 2020 révèle la vision de Maitre [B] en listant : solde sur frais généraux, suivi de ce dossier hors norme, 1585 documents, 4 tomes de papier physique, et mention finale de la signature d'un protocole transactionnel et du recouvrement au profit d'AXA de 4 749 247 euros.

Le courrier du 1er avril 2020 confirme cet état d'esprit en indiquant n'avoir "menagé ni mon temps ni mes efforts", ne pas "penser voler cet argent", "n'avoir jamais démérité" et enfin avoir "estimé raisonnable de limiter sa facture, à titre strictement commercial et exeptionnel, à la somme de 50 000 euros HT".

Or c'est bien cette vision de la fin du dossier, matérialisé par un solde, qui est contesté par AXA. Celle ci indique à juste titre qu'il n'a jamais été convenu avec Maitre [B] qu'en complément des factures émises au fil des diligences, sur lequelles il n'est pas précisé qu'elles sont provisionnelles, il y aurait une facture finale.

Qu'en conséquence rien ne vient justifier la facture du 24 février 2020, "arrondie" à 60 000 euros, sur laquelle rien ne réunit les parties, ni le taux horaire, ni le principe même d'un solde. Que la situation de fortune de la compagnie d'assurances AXA, la difficulté de l'affaire, et les diligences accomplies ne suffisent pas à rendre légitime une facturation de 60 000 euros.

Par conséquent, la décision de Monsieur le batonnier de [Localité 1] doit être infirmée.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les dépens qu'elles supportent au titre de la présente instance ainsi que les frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS :

Nous, Gwenola Joly-Coz, première présidente, statuant publiquement et par décision contradictoire,

Déclarons le recours recevable ;

Infirmons la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de [Localité 1] du 19 novembre 2020 ;

Déboutons Maitre [K] [B] de sa demande de paiement d'honoraires complémentaires à ceux qui lui ont d'ores et déjà été payés par la SA AXA France IARD ;

Déboutons les parties de leur demande respective formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laissons à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens.

La greffière,La première présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 07
Numéro d'arrêt : 20/030431
Date de la décision : 21/10/2021
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.poitiers;arret;2021-10-21;20.030431 ?
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