Ordonnance n° 43
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23 Septembre 2021
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RG no20/03137 -
No Portalis DBV5-V-B7E-GE7B
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[W] [R], [H] [R]
C/
Maître [D] [C]
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Ordonnance notifiée aux parties le :R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
ORDONNANCE DU PREMIER PRESIDENT
Contestation d'honoraires d'avocat
Rendue le vingt trois septembre deux mille vingt et un
Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le vingt quatre juin deux mille vingt et un par Madame Gwenola JOLY-COZ, première présidente de la cour d'appel de POITIERS, assistée de Madame Véronique DEDIEU, greffier, lors des débats, et de Madame Inès BELLIN, greffier, lors de la mise à disposition
ENTRE :
Monsieur [W] [R]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Comparant en personne
Madame [H] [R]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Comparante en personne
DEMANDEUR en contestation d'honoraires,
D'UNE PART,
ET :
Maître Maître [D] [C], membre de la SELARL OPTIMA AVOCATS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par la SELARL CLERC, avocats au barreau de POITIERS
DEFENDEUR en contestation d'honoraires,
D'AUTRE PART,
ORDONNANCE :
- Contradictoire
- Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- Signée par Madame Gwenola JOLY-COZ, première présidente et par Madame Inès BELLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Par lettre réceptionnée le 6 avril 2020, Maitre [D] [C] a saisi Monsieur le bâtonnier de l'ordre des avocats de La Rochelle-Rochefort d'une demande de fixation de ses honoraires dus par le couple [W] et [H] [R].
Par décision prononcée le 4 décembre 2020, le bâtonnier a fixé les honoraires à la somme de 4 800 euros TTC dont à déduire les acomptes versés, outre les intérêts de retard à courir jusqu'à complet réglement.
Cette décision a été notifiée le 11 décembre 2020 à Monsieur et Madame [R] qui ont formé un recours devant la première présidente de la cour d'appel de Poitiers par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 décembre 2020.
L'affaire a été appelée à l'audience du 24 juin 2021.
A l'audience le couple [R] a comparu personnellement devant la première présidente de la cour d'appel de Poitiers. Ils ont mandaté Maitre [C] aux fins de finalisation d'une transaction avec le constructeur de leur maison. Ils contestent les honoraires réclamés, estimant n'avoir pas été assez informés du montant prévisionnel. Ils sollicitent l'infirmation de la décision du bâtonnier ainsi que la condamnation de Maitre [C] à leur verser 1 639.80 euros TTC sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Monsieur et Madame [R] demandent la condamnation de Maitre [D] [C] à payer la somme de 500 euros TTC au titre du préjudice moral/harcèlement et la somme de 1000 euros TTC au titre du non respect des principes essentiels de la profession d'avocat.
La SELARL Clerc représente Maître [C] et sollicite la confirmation de la décision de taxation du bâtonnier. Elle demande à ce que les époux [R] soient déboutés de toutes leurs demandes et sollicite leur condamnation à lui payer la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS :
Sur la recevabilité du recours :
Selon l'article 176 du décret no91-1197 du 27 novembre 1991, la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel qui est saisi par l'avocat ou la partie par lettre recommandée avec accusé de réception. Le délai de recours est d'un mois à compter de la notification de la décision.
La décision du bâtonnier a été notifiée à Monsieur et Madame [R] le 11 décembre 2020 et ils ont formé un recours contre cette dernière le 29 décembre 2020. Le recours de Monsieur et Madame [R] est donc recevable et régulier en la forme.
Sur le fond :
Sur la convention d'honoraires :
Les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats sont réglées en recourant à la procédure prévue aux articles 174 et suivants du décret no91-1197 du 27 novembre 1991.
Il résulte de l'article 10 de la loi no71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 10 juillet 1991 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, que sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise notamment le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
Cependant, en l'absence de convention d'honoraires, les honoraires sont alors fixés selon les usages, en tenant compte de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Qu'en conséquence, l'absence de convention d'honoraires ne saurait priver Maitre [D] [C] de son droit à rémunération pour les diligences effectuées.
Sur les diligences accomplies et leur paiement :
L'article 11-2 du réglement intérieur national de la profession d'avocat prévoit que "les honoraires sont fixés selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. L'avocat chargé d'un dossier peut demander des honoraires à son client même si ce dossier lui est retiré avant sa conclusion, dans la mesure du travail accompli."
Dans le cadre d'un litige de malfaçons dans la construction d'une maison, Maitre [C] a été mobilisée à deux niveaux, ce dont elle justifie.
Elle a rédigé un protocole de résolution amiable, et pour ce faire étudié le dossier, fait des recherches, eu plusieurs rendez vous téléphoniques, envoyé 48 mails et reçu 71. Le montant de 3 000 euros HT est adapté à ce travail.
Elle a rédigé dans l'urgence un projet d'assignation en référé, qu'elle facture 1 000 euros HT. Les époux [R] conteste particulièrement cet aspect de la prestation estimant que l'assignation n'est qu'un "copié-collé" d'un document rédigé par un avocat précédant, que pourtant ils ne versent pas au débat. Il apparait que très tôt dans les relations écrites entre les époux [R] et leur conseil, la question du manque de transparence sur le tarif de la prestation est évoquée. Même s'ils avaient connaissance que ce nouvel acte de procédure n'était pas compris dans le forfait initial, ils ont réitérés ce reproche à l'audience. Si le projet d'assignation démontre la connaissance du dossier, une facuration rapportée à 500 euros HT correspond mieux à la réalité du travail accompli.
Sur la responsabilité de l'avocat :
Monsieur et Madame [R] relèvent que diverses erreurs ont été commises par Maitre [D] [C] pendant son mandat. Ils précisent également que Madame [D] [C] a violé le secret professionnel en contactant et en informant la tante de Madame [R] (connaissance commune) du différend qui les opposaient.
Il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'honoraire de se prononcer sur l'éventuelle faute professionnelle ou la responsabilité civile de l'avocat à l'égard de son client liée au manquement à son devoir de conseil et d'information, ou à une exécution défectueuse de sa prestation. De tels griefs relèvent de la responsabilité professionnelle de l'avocat et non de l'évaluation des honoraires.
Les demandes formulées par les époux [R] sur ce fondement seront rejetées.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
En l'espèce il apparait équitable de laisser à la charge des parties les frais par elles exposés.
PAR CES MOTIFS :
Nous, Gwenola Joly-Coz, première présidente, statuant publiquement et par décision contradictoire,
Déclarons le recours recevable ;
Infirmons partiellement l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de La Rochelle-Rochefort en date du 4 décembre 2020 ;
Enjoignons à Monsieur et Madame [R] à payer à Maitre [D] [C] la somme de 3 500 euros HT, dont il conviendra de déduire les sommes HT déjà versées ;
Déboute Monsieur et Madame [R] de leurs autres demandes ;
Disons n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Disons que chacune des parties conservera à sa charge ses propres dépens.
La greffière,La première présidente,