R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
MINUTE No28
COUR D'APPEL DE POITIERS
No RG 19/00026
No Portalis DBV5-V-B7D-F2T4
13 Septembre 2019CONTENTIEUX DES SOINS PSYCHIATRIQUES
PROCEDURE DE CONTROLE DES MESURES
ORDONNANCE
H... R...
Nous, Jean ROVINSKI, président de chambre, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Poitiers,
Assisté, lors des débats et du prononcé, de Inès BELLIN, greffier,
avons rendu le treize septembre deux mille dix neuf l'ordonnance suivante, sur appel formé contre une ordonnance du juge des libertés et de la détention de LA ROCHELLE en date du 21 Août 2019 en matière de soins psychiatriques sans consentement.
APPELANT
Madame H... R...
née le [...] à LORIENT (56100) [...]
[...]
comparante en personne, assistée de Me Aline ASSELIN, avocat au barreau de POITIERS
placée sous le régime de l'hospitalisation complète en soins psychiatriques sans consentement au [...]
INTIMÉS :
Association ATINA, mandataire spécial de Mme H... R...
[...]
non comparant
Monsieur le Directeur du CENTRE [...]
[...]
non comparant
PARTIE JOINTE
Ministère public, non représenté, ayant déposé des réquisitions écrites ;
Par ordonnance du 21 août 2019, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de LA ROCHELLE a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète dont Madame H... R... fait l'objet au [...], où elle a été placée selon la procédure de péril imminent, par décision du directeur du centre hospitalier en date du 10 août 2019.
Cette décision a été notifiée le 21 août 2019 à Madame H... R..., qui en a relevé appel, par lettre simple en date du 29 août 2019, reçue au greffe de la cour d'appel le 2 septembre 2019.
Vu les avis d'audience adressés, conformément aux dispositions de l'article R. 3211-19 du code de la santé publique, à Madame H... R..., au directeur du Centre Hospitalier de LA ROCHELLE, à l'Association ATINA, mandataire spécial de Mme H... R..., ainsi qu'au Ministère public ;
Vu les réquisitions du ministère public tendant à la confirmation de l'ordonnance entreprise ;
Vu les débats, qui se sont déroulés le 13 Septembre 2019 au siège de la juridiction, en audience publique conformément aux dispositions de l'article L.3211-12-2 du code de la santé publique.
Après avoir entendu :
- le président en son rapport
- Madame H... R... en ses explications
- Maître Aline ASSELIN, n'ayant soulevé aucun moyen relatif à la régularité de la procédure, en sa plaidoirie
- Madame H... R... ayant eu la parole en dernier.
Le Président a avisé les parties que l'affaire était mise en délibéré dans l'après-midi, pour la décision suivante être rendue.
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Le 10 août 2019, le directeur du centre hospitalier de La Rochelle a prononcé la décision d'admission en soins psychiatriques de Madame H... R.... Depuis cette date, Mme R... fait l'objet de cette hospitalisation.
Le 16 août 2019, le directeur de l'établissement précité à saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de l'hospitalisation complète de Madame R....
Par ordonnance du 21 août 2019, après l'audience qui s'est tenue le même jour et après débats, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort, le juge des libertés et de la détention a :
-ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète dont a fait l'objet Mme Bernadette R...
-a rappelé que sa décision était susceptible d'appel devant le Premier Président de la cour d'appel de Poitiers dans le délai de 10 jours à compter de sa notification par déclaration d'appel motivé, transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel de Poitiers conformément aux dispositions des articles R3211-18 et R3211-19 du décret 2011-846 du 18 juillet 2011, et que seul l'appel formé par le Ministère public peut être déclaré suspensif
-a laissé la charge des dépens à l'Etat.
Mme R... a fait appel par lettre simple datée du 21 août 2019 et reçue le 2 septembre 2019 à 11 heures de l'ordonnance rendue le 21 août 2019 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de La Rochelle sur la mesure de soins psychiatriques sans consentement dont elle a fait l'objet.
SUR CE
Sur la régularité de la procédure et la recevabilité de l'appel:
Aux termes de l'article L3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1. Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement
2. Son état mental impose des soins immédiats, assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2o de l'article L3211-2-1 du code de la santé publique.
L'article L3211-12-1 de ce code dispose que l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, n'ait statué sur cette mesure:
1. Avant l'expiration d'un délai de 12 jours à compter de l'admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent Titre ou de l'article L3214-3
2. Avant l'expiration du délai de 12 jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l'établissement ou le représentant de l'Etat a modifié la forme de la prise en charge du patient en procédant à son hospitalisation complète en application, respectivement, du dernier alinéa de l'article L3212-4 ou du III de l'article L3213-3 du code de la santé publique.
La décision du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le Premier Président de la cour d'appel de Poitiers dans le délai de 10 jours à compter de sa notification par déclaration d'appel motivé, transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel de Poitiers conformément aux dispositions des articles R3211-18 et R3211-19 du décret 2011-846 du 18 juillet 2011, seul l'appel formé par le Ministère public pouvant être déclaré suspensif.
Il a été statué par ordonnance du juge des libertés et de la détention du 21 août 2019, régulièrement notifiée le jour même.
L'appel est intervenu dans les formes requises et dans le délai utile, en sorte qu'il est recevable.
Maître Asselin fait valoir qu'il n'a pas été notifié à la famille de Mme R... et à l'association désignée chargée de la sauvegarde de justice, la décision d'admission.
L'ordonnance de sauvegarde de justice emportant désignation d'un mandataire spécial en la personne d'ATINA est du 4 juin 2019. Il y a lieu de constater que le mandataire spécial ne s'est vu confier qu'une mission de protection des biens de Mme R..., à l'exclusion de toute mission de protection de sa personne dans les conditions des articles 457-1 à 463 du code civil telle que prévue par son article 438.
Dans ces conditions, la procédure est régulière.
Sur le fond:
Le juge des libertés et de la détention a estimé qu'il résultait des pièces du dossier et des débats, notamment de l'avis motivé du 19 août 2019 du docteur U..., que Mme H... R... présentait des troubles mentaux rendant impossible son consentement et que son état mental imposait des soins assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme de soins ambulatoires, pouvant comporter des soins à domicile, dispensés par un établissement mentionné à l'article L3222-1 du code de la santé publique et, le cas échéant, des séjours effectués dans un établissement de ce type. Le juge des libertés en a conclu qu'il convenait d'ordonner la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète.
Mme R... a expliqué devant le premier juge :
-qu'elle ne pensait pas qu'on s'occupait bien d'elle car le traitement de base prescrit par des médecins de grands hôpitaux n'étaient pas suivis
-qu'elle bougeait facilement et qu'elle occupait un logement sur Nice qui est en vente et qu'elle a décidé d'aller sur Arcachon où se sont posés des problèmes notamment de logement
-qu'elle s'est rendue ensuite dans le Périgord mais qu'un viol s'est produit chez l'ami qui l'hébergeait
-qu'elle a été hospitalisée à Sarlat puis s'est dirigée sur la Rochelle
-qu'elle a porté plainte mais que son assistante sociale la considérant en errance, l'a faite hospitalisée
-que son hospitalisation ne devait pas selon elle se poursuivre dès lors qu'elle a la tête sur les épaules et sait ce qu'elle fait
-qu'elle n'a aucun trouble psychiatrique, hormis les séquelles du viol et les coups qu'elle a subis
-qu'elle souffrait de la privation de liberté.
L'avis motivé du docteur U... du 19 août 2019 est rédigé comme suit : "patiente vulnérable qui s'est trouvée en errance pathologique sur la Rochelle. Elle est originaire d'Arcachon et a déjà bénéficié d'hospitalisations en milieu psychiatrique sur Bordeaux. Elle est totalement isolée sur le plan socio-affectif et une demande de mesure de protection a été diligentée récemment en Gironde. Dans le service, il est observé des modifications brutales rapides de son comportement liées à des mouvements caractériels. Elle a des projets le plus souvent inadaptés et incohérents à sa situation. Elle se montre soit dans des attitudes de position active ou passive. Une demande de transfert sur son secteur d'origine est en cours. L'état de santé de l'intéressée requiert des soins sans consentement en hospitalisation complète."
Dans ses certificats précédents des 11 et 13 août 2019, le même praticien précisait qu'il s'agissait d'une patiente handicapée, très vulnérable, en situation de grande précarité, en errance, présentant des troubles de la perception de la réalité, assortis de dysfonctionnement comportemental ; que le parcours de l'intéressée était chaotique (agressions physiques en Dordogne) ; que toutes les démarches entreprises pour obtenir la signature d'un tiers étaient restées vaines (refus famille, ami...) et que la mesure de soins sous contrainte était justifiée et devait être maintenue sous la même forme dès lors que Mme R... présentait un tableau clinique changeant (alliance thérapeutique même en présence d'un déni de trouble ou de difficulté puis attitude de véhémence et d'agressivité verbale) avec un discours qui, s'il ne montrait pas une désorganisation avérée, laissait transparaître des éléments d'incohérence pouvant renvoyer à une altération des fonctions cognitives à type de jugement et de raisonnement.
Dans son avis médical du 11 septembre 2019, le docteur W... explique que Mme R... a été admise dans l'unité Arguin ([...]) le 5 septembre 2019 ; qu'il a été observé dans ce service des modifications rapides de son comportement ; qu'elle peut se présenter en fauteuil à un moment de la journée puis faire de la gymnastique quelque temps après ; qu'elle présente en entretien les mêmes fluctuations du contact, sur un mode plainte et victimisation puis sur un mode séduction ; qu'elle est très sensible à la suggestion, son discours souvent contradictoire et immature en donnant et retirant sa confiance dans une forme de jeu relationnel, sans critique de ses comportements d'errance dont elle livre une version peu cohérente en contradiction avec celle relatée par les intervenants du Centre hospitalier de la Rochelle ; que ses projets sont toujours inadaptés, en sorte qu'elle pourrait se retrouver en errance, en refusant l'étayage proposé et se montrant critique vis-à-vis de la prise en charge.
Le docteur W... en conclut que la mesure de "SPPI" est justifiée et qu'elle doit être maintenue.
Le Parquet général sur ses réquisitions du 2 septembre 2019, a expliqué que l'état de santé de Mme R... nécessitait le maintien de la mesure.
Mme R... a expliqué à l'audience qu'elle souhaitait demeurer hospitalisée dans l'immédiat, même si elle souhaitait une adaptation de ses conditions d'hospitalisation prenant en compte le fait qu'elle conserve ses facultés intellectuelles et qu'il lui est difficile d'être hospitalisée en compagnie de personnes mentalement atteintes.
Il résulte de l'analyse des diverses pièces du dossier :
-que Mme R... est une patiente vulnérable arrivée à la Rochelle en situation d'errance et en grande précarité ; que son passé médical et psychiatrique nécessitait des investigations, ce temps d'évaluation clinique approfondie sous surveillance médicale continue face à son instabilité comportementale et à son ambivalence sur son adhésion aux soins proposés rendant la mise en place de soins hospitaliers efficaces impossibles, devant permettre d'éviter un péril imminent chez une femme de 64 ans vulnérable physiquement et psychiquement et hors d'état de consentir durablement à la mesure d'hospitalisation.
-que les projets de Mme R... sont toujours inadaptés, en sorte qu'elle pourrait se retrouver en errance, en refusant l'étayage proposé et se montrant critique vis-à-vis de la prise en charge.
-que Mme R... a été placée sous sauvegarde de justice avec désignation d'un mandataire spécial (ATINA rue Robert I... ) par ordonnance du juge des tutelles d'Arcachon du 4 juin 2019 et que sa sécurité doit être assurée jusqu'à la mise en oeuvre effective d'une mesure de protection de type curatelle ou tutelle applicable à sa personne.
Il y a lieu en conséquence de confirmer la décision du juge des libertés et de la détention et d'ordonner la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète dont fait l'objet Mme R....
Les dépens de l'instance d'appel doivent être laissés à la charge de l'Etat.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement, au siège de la cour d'appel, en dernier ressort, après débats en audience publique,
Vu les articles L3212-1 et L3211-12-1 du code de la santé publique, ensemble ses articles R3211-18 et R3211-19 issus du décret no2014-897 du 15 août 2014;
Déclarons recevable l'appel formé par Mme R... de la décision du 21 août 2019 du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de la Rochelle ;
Disons la procédure régulière en la forme ;
Rejettons la demande de Mme R... ;
Autorisons la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète dont fait l'objet Mme R... dans les conditions de l'article L3212-1 du code de la santé publique ;
Laissons les dépens de l'instance d'appel à la charge de l'Etat.
Et ont, le président et le greffier, signé la présente ordonnance.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Inès BELLIN Jean ROVINSKI