Ordonnance n° 19
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28 Mars 2019
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No RG 19/00015
No Portalis DBV5-V-B7D-FV4S
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SARL LA MAISON AUTO-NETTOYANTE LA ROCHE SUR YON
C/
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
P... Q..., L'U.D.A.F. DE VENDEE
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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
ORDONNANCE DU PREMIER PRÉSIDENT
RÉFÉRÉ
Rendue publiquement le vingt huit mars deux mille dix neuf par M. David MELEUC, conseiller, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Poitiers, assisté de Mme Inès BELLIN, greffier,
Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le vingt et un mars deux mille dix neuf, mise en délibéré au vingt huit mars deux mille dix neuf.
ENTRE :
La SARL LA MAISON AUTO-NETTOYANTE LA ROCHE SUR YON exerçant sous l'enseigne TECHNITOIT
[...]
[...]
Représentants : -Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS
- Me Stéphane CONTANT, avocat au barreau d'ANGERS
DEMANDEUR en référé ,
D'UNE PART,
ET :
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
[...]
[...]
Représentant : Me Chantal ROUSSEAU de la SELARL BRT, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT, substituée par Me MALARD, avocat au barreau de POITIERS
Monsieur P... Q...
[...]
[...]
Représentant : Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS
L'U.D.A.F. DE VENDEE, ès qualité de curateur de Monsieur P... Q...
[...]
[...]
[...]
Représentant : Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS
DEFENDEURS en référé ,
D'AUTRE PART,
- I - EXPOSÉ DU LITIGE :
La société Bnp Paribas Personal Finance a consenti en 2013 et 2014 à Monsieur P... Q... quatre offres de crédits affectés au financement de travaux de rénovation d'une maison d'habitation, commandés par l'emprunteur auprès de la société à responsabilité limitée (Sarl) La Maison Auto-Nettoyante de La Roche-sur-Yon.
Les travaux ont été réalisés et les fonds ont été débloqués.
Par actes d'huissier en date des 28 décembre 2016 et 4 janvier 2017, Monsieur P... Q... a fait délivrer assignation à la Sarl La Maison Auto-Nettoyante de La Roche-sur-Yon et à la société Bnp Paribas Personal Finance, afin d'obtenir notamment la condamnation du vendeur à lui verser la somme de 48.284,91 €, in solidum avec le prêteur dans la limite de 28.799,49 € au titre de la réduction de prix des contrats aux motifs que ces derniers avaient été conclus suite à des manoeuvres et réticences dolosives.
Par jugement contradictoire prononcé en premier ressort le 26 novembre 2018, le tribunal d'instance de Fontenay-le-Comte a, pour l'essentiel :
débouté la société La Maison Auto-Nettoyante de La Roche-sur-Yon de sa demande visant à prononcer la nullité de l'assignation ;
condamné la Sarl La Maison Auto-Nettoyante de La Roche-sur-Yon à verser à Monsieur P... Q... la somme de 29.630,40 € en réparation de son préjudice, in solidum avec la société Bnp Paribas Personal Finance à hauteur de 14.150,60 € ;
ordonné l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;
condamné in solidum la Sarl La Maison Auto-Nettoyante de La Roche-sur-Yon et la société Bnp Paribas Personal Finance à verser à Monsieur P... Q... la somme de 2.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
La Sarl La Maison Auto-Nettoyante de La Roche-sur-Yon a interjeté appel de cette décision le 11 décembre 2018.
Par jugement du 8 janvier 2019 du juge des tutelles du tribunal d'instance de Fontenay-le-Comte, Monsieur P... Q... a été placé sous curatelle renforcée pour une durée de 60 mois, le directeur de l'Udaf 85 étant désigné en qualité de curateur.
- II - PROCÉDURE :
Par actes d'huissier délivrés les 18 et 25 février 2019, la Sarl La Maison Auto-Nettoyante de La Roche-sur-Yon et la société Bnp Paribas Personal Finance ont fait délivrer assignation en référé par devant le premier président de la cour d'appel à Monsieur P... Q... et à l'Udaf de Vendée pris en sa qualité de curateur, aux fins d'obtenir, sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile :
à titre principal, l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement entrepris ;
à titre subsidiaire, l'autorisation de consigner les sommes mises à leurs charges respectives selon toute modalité utile ;
À l'audience du 21 mars 2019, le délégué du premier président a ordonné la jonction de l'instance enrôlée sous le numéro Rg 19/00017 avec l'instance Rg no19/00015.
La Sarl La Maison Auto-Nettoyante de La Roche-sur-Yon, représentée par Maître Contant, a maintenu ses demandes en soutenant que la somme de 29.630,40 € qu'elle avait été condamnée à payer par le jugement entrepris ne lui serait probablement jamais restituée par Monsieur Q..., du fait de l'état de surendettement dans lequel se trouvait l'intéressé. Le tribunal d'instance de Fontenay-le-Comte aurait d'ailleurs souligné la situation particulièrement précaire de son adversaire, placé sous mesure de protection judiciaire et contraint de mettre en vente son bien immobilier d'habitation. En l'absence de garantie de remboursement de Monsieur Q..., l'exécution des condamnations pécuniaires prononcées à son encontre aurait donc des conséquences manifestement excessives qui justifieraient l'application des dispositions de l'article 524 du code de procédure civile, subsidiairement la consignation des sommes dues.
La Sa Bnp Paribas Personal Finance, représentée par Maître Malard, a maintenu ses demandes pour les mêmes motifs.
Monsieur P... Q... et son curateur l'Udaf de la Vendée, représentés par Maître Mazaudon, ont demandé quant à eux au premier président de bien vouloir débouter ses adversaires de l'intégralité de leurs demandes.
Au soutien de sa position, il a indiqué que son patrimoine lui permettait de garantir le remboursement de sa créance, dans l'hypothèse d'une infirmation du jugement entrepris par la cour d'appel. Son actif constitué du prix de 92.500,00 € devant lui revenir à la signature de l'acte authentique de vente de son bien immobilier ainsi que de son épargne d'un montant total de 22.135,02 €, dont 11.791,80 € d'avoirs bancaires, excéderait en effet son passif d'un montant de 86.350,26 €, au terme de deux ans d'exécution des échéances de son plan de surendettement. La mise en place de la curatelle renforcée et l'interdiction corrélative de faire emploi seul de ses capitaux garantirait au surplus que les fonds litigieux ne soient pas dilapidés dans l'intervalle de la décision à venir.
- III - MOTIFS DE LA DÉCISION :
- Sur les demandes principales
En droit, l'article 521 du code de procédure civile prévoit que "la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.
En cas de condamnation au versement d'un capital en réparation d'un dommage corporel, le juge peut aussi ordonner que ce capital sera confié à un séquestre à charge d'en verser périodiquement à la victime la part que le juge détermine".
L'article 524 dudit code ajoute que "lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants :
1o Si elle est interdite par la loi ;
2o Si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522.
Le même pouvoir appartient, en cas d'opposition, au juge qui a rendu la décision.
Lorsque l'exécution provisoire est de droit, le premier président peut prendre les mesures prévues au deuxième alinéa de l'article 521 et à l'article 522.
Le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 et lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives".
L'appréciation du bien-fondé de la décision entreprise ressort exclusivement de l'appréciation de la cour statuant au fond, le premier président ou son délégataire n'ayant pas à se prononcer sur le bien fondé ou le mal fondé des moyens développés par la requérante au soutien de son appel mais uniquement sur les conséquences susceptibles d'être engendrées par l'exécution provisoire sur sa situation, eu égard à ses facultés de paiement ou aux facultés de remboursement de son adversaire dans l'hypothèse d'une infirmation du jugement dont appel (Cass. A. P., 2 nov. 1990 - Cass. Civ. 2ème, 12 nov. 1997 ; Bull. Civ. II, no274).
En l'espèce, l'analyse des pièces du dossier confirme les difficultés socio-professionnelles de Monsieur P... Q..., aujourd'hui âgé de 53 ans et placé depuis le 8 janvier 2019 sous mesure de curatelle renforcée en raison d'une altération médicalement constatée de ses facultés.
L'intéressé bénéficie en outre depuis le 28 février 2017 de l'exécution d'un plan de surendettement destiné à lui permettre, à l'issue d'une période de 24 mois, d'apurer une partie de son passif d'un montant initial de 101.693,27 €.
Il n'en demeure pas moins que l'intimé vient de vendre sous conditions suspensives son bien immobilier situé à [...], [...] , contre un prix net vendeur de 92.500,00 €.
Si cette transaction doit encore être réitérée par acte authentique, il n'en demeure pas moins que l'actif du patrimoine de Monsieur Q... est aujourd'hui supérieur à son passif, étant observé d'une part que l'intéressé dispose d'une épargne salariale dans les livres du Cic d'un montant de 10.343,22 € au 15 mars 2019, outre 11.791,80 € de valeurs mobilières placées dans les livres de la Caisse d'épargne Bretagne Pays de Loire, et d'autre part que le remboursement des 24 échéances de son plan de surendettement a réduit son passif à la somme de 86.350,26 €.
Il justifie par ailleurs d'un salaire d'un montant mensuel de 1.663,18 €, qui lui permet notamment de payer son loyer de 535,00 € par mois. Il n'a pas d'enfant à charge et ne répond d'aucune obligation alimentaire.
Ces éléments démontrent l'existence de capacités sérieuses de remboursement de l'intimé dans l'hypothèse d'une infirmation du jugement dont appel, et ceci d'autant plus que la mesure de curatelle renforcée imposera à Monsieur Q... de percevoir et placer les capitaux en connaissance de cause, sous la double signature de l'Udaf de Vendée.
D'où il suit que la preuve de conséquences manifestement excessives n'est pas suffisamment rapportée au sens de l'article 524 du code de procédure civile.
Ces mêmes motifs justifient le rejet de la demande de consignation des fonds.
- Sur les dépens et sur les frais non répétibles
Il appartient à la partie succombante de supporter les dépens de l'instance par application de l'article 696 du code de procédure civile.
Aucune circonstance particulière issue de l'équité ou de la situation économique respective ne permet de faire application de l'article 700 du même code.
PAR CES MOTIFS :
Nous, David Meleuc, statuant par mise à disposition au greffe, en matière de référé et par ordonnance contradictoire :
ORDONNONS la jonction de l'instance enrôlée sous le numéro Rg 19/00017 avec l'instance Rg no19/00015 ;
DÉBOUTONS la Sarl La Maison Auto-Nettoyante de La Roche-sur-Yon ainsi que la Sa Bnp Paribas Personal Finance de l'intégralité de leurs demandes ;
DISONS n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSONS à la Sarl La Maison Auto-Nettoyante de La Roche-sur-Yon ainsi que la Sa Bnp Paribas Personal Finance la charge de leurs propres dépens ;
Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.
Le greffier, Le conseiller,
Inès BELLIN David MELEUC