R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
MINUTE No10
COUR D'APPEL DE POITIERS
No RG 19/00008
No Portalis DBV5-V-B7D-FWMR
26 Mars 2019CONTENTIEUX DES SOINS PSYCHIATRIQUES
PROCEDURE DE CONTROLE DES MESURES
ORDONNANCE
X... P...
Nous, Dominique NOLET, présidente de chambre, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Poitiers,
Assistée, lors des débats et du prononcé, de Inès BELLIN, greffier,
avons rendu le vingt six mars deux mille dix neuf l'ordonnance suivante, sur appel formé contre une ordonnance du juge des libertés et de la détention de NIORT en date du 14 Mars 2019 en matière de soins psychiatriques sans consentement.
APPELANT
Monsieur X... P...
né le [...] à FONTAINEBLEAU (77300)
[...]
[...]
Représenté par Me Quentin RECLOU, avocat au barreau de POITIERS (demande AJ Provisoire)
placé sous le régime des soins psychiatriques contraints
INTIMÉS :
Monsieur le Directeur du CENTRE HOSPITALIER NORD DEUX-SEVRES
[...]
non comparant
Madame le PREFET DES DEUX-SEVRES
[...]
[...]
non comparante
PARTIE JOINTE
Ministère public, non représenté, ayant déposé des réquisitions écrites ;
Par ordonnance du 14 mars 2019, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de NIORT a rejeté la demande de mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sous contrainte dont Monsieur X... P... fait l'objet au Centre Hospitalier Nord Deux-Sèvres de THOUARS.
Cette décision a été notifiée le 14 mars 2019 à Monsieur X... P..., qui en a relevé appel, par lettre simple reçue au greffe de la cour d'appel le 19 mars 2019.
Vu les avis d'audience adressés, conformément aux dispositions de l'article R. 3211-19 du code de la santé publique, à Monsieur X... P..., au directeur du Centre Hospitalier Nord Deux-Sèvres de THOUARS, à Madame le Préfet des Deux-Sèvres, ainsi qu'au Ministère public ;
Vu les réquisitions du ministère public tendant à la confirmation de l'ordonnance entreprise ;
Vu les observations écrites de Madame le Préfet des Deux-Sèvres ;
Vu les débats, qui se sont déroulés le 26 Mars 2019 au siège de la juridiction, en audience publique conformément aux dispositions de l'article L.3211-12-2 du code de la santé publique.
Après avoir entendu :
- le président en son rapport
- Maître RECLOU, n'ayant soulevé aucun moyen relatif à la régularité de la procédure, en sa plaidoirie.
Le Président a avisé les parties que l'affaire était mise en délibéré dans l'après-midi, pour la décision suivante être rendue.
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M. P... fait l'objet d'une mesure de soins psychiatriques sous contrainte depuis qu'il a fait l'objet d'une mesure d'hospitalisation sous contrainte à la demande d'un tiers sur décision du Préfet de la Somme du 3/11/2014.
Par arrêté préfectoral du 2/10/2015, il a été transféré au Centre Hospitalier Nord Deux-Sèvres qui est son établissement de référence.
Par requête du 19/02/2018 M. P... a sollicité la mainlevée de la mesure de soins sous contrainte initiée en 2014.
Le juge des libertés et de la détention a ordonné une expertise confiée au docteur H....
Par ordonnance du 15/03/2018 à la suite du dépôt de ce rapport le juge des libertés et de la détention a rejeté la demande de mainlevée.
Par nouvelle requête du 5/03/2019 M. P... a saisi le juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de Niort d'une demande de mainlevée de la mesure de soins sous contrainte dont il est l'objet.
Par ordonnance du 14/03/2019 le juge des libertés et de la détention a rejeté cette demande et a ordonné la poursuite de la mesure de soins psychiatriques sous contrainte dont il fait l'objet.
L'ordonnance a été notifiée à M. P... le 14/03/2019.
M. P... a interjeté appel de cette décision par lettre simple reçue au greffe de la cour le 19/03/2019 et a été enregistrée par déclaration d'appel du même jour.
Le Ministère Public conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise.
A l'audience de ce jour le conseil de M. P... a demandé la mainlevée de la mesure. Il conteste la valeur des certificats médicaux produits, il ne consomme plus de cannabis et n'a donc plus besoin de soins.
SUR CE
L'appel est formé dans le délai légal prévu à l'article R 3211-18 du code de la santé publique. Il est recevable en la forme.
Aux termes de l'article L 3211-12 du code de la santé publique, le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l'établissement d'accueil peut-être saisi à tout moment aux fins d'ordonner à bref délai la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques.
Aux termes de l'article L 3212-7 du code de la santé publique à l'issue de la première période de soins psychiatriques prononcée en application de l'article L 3212-4 , les soins peuvent être maintenus par le directeur de l'établissement pour des périodes d'un mois, renouvelables.
En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise du docteur H... que M. P... "est atteint de troubles mentaux caractérisés et entretenus par une polytoxicomanie fortement délétère. Le sujet est atteint de troubles mentaux rendant impossible son consentement aux soins.... l'arrêt des soins ne pourrait que provoquer une rechute psychotique potentiellement grave.
L'impression clinique est aujourd'hui de meilleure qualité que celle constatée lors de la décompensation mais cette qualité est strictement contingente d'un traitement injectable retard du fait de l'absence d'alliance thérapeutique."
Depuis la dernière décision rendue la mesure de soins sous contrainte a été maintenue par décision du 1/03/2019 maintenant la mesure jusqu'au 3/09/2019.
M. P... fait également l'objet (depuis la dernière décision rendue) chaque mois d'un certificat médical mensuel et d'une décision de maintien mensuelle des soins psychiatriques :
28/03/2018, 28/04/2018, 24/05/2018, 28/06/2018, 26/07/2018, 26/08/2018, 27/09/2018, 24/10/2018, 28/11/2018, 26/12/2018, 24/01/2019, 28/02/2019.
Tous ces certificats attestent de ce que l'évolution de l'état psychique de M. P... qui est suivi pour schizophrénie avec absence d'insight, reste stationnaire sous traitement par injection retard faite au CMP de Thouars. Son discours est centré sur l'arrêt de son traitement.
- le 24/01/2019 il était constaté " M. P... se présente dans un état limite incurique avec une certaine agressivité dans le contact. Il oriente d'emblée l'échange sur l'arrêt de son traitement. Il reste dans le déni de sa maladie, il vit l'injection comme inutile et intrusive "on soigne la schizophrénie avec le jeûne".
le 28/02/2019 il était notamment constaté "ce jour il présente un état d'incurie... la désorganisation psychique reste a minima. Absence d'insight chez un patient suivi pour schizophrénie".
Il ressort de l'avis médical motivé du docteur B... en date du 21/03/2019 que "M. P... se présente dans un état d'incurie et de tenue vestimentaire négligée. Son discours est d'emblée centré sur son opposition au traitement avec des propos vindicatifs (notion de consommation excessive de cannabis). Il exprime son intention de porter plainte contre les policiers intervenus lors de sa dernière hospitalisation. Il persiste dans un discours d'allure schizoïde autour de croyances ésotériques...il n'a pas conscience de sa maladie et l'adhésion aux soins est limitée.
Les dernières injections mensuelles ont été réalisées avec du retard et après plusieurs appels téléphoniques.
Au total schizophrénie paranoïde avec comorbidité addictive et absence d'insight.
Le suivi en programme de soins a permis de maintenir une certaine stabilité de son état psychique et d'éviter des décompensations grave possibles (comme déjà décrites précédemment) avec la possibilité de porter atteinte à l'ordre publique.
Dans ces conditions, les soins sous contraintes sont justifiés et à maintenir.
M. P... souffre d'un trouble chronique nécessitant chaque mois une injection retard faute de quoi il est susceptible de devenir dangereux pour lui ou pour autrui ainsi qu'il est indiqué dans le certificat médical du 21/03/2019. M. P... conteste ce traitement mais il ne verse aux débats aucune pièce de nature à remettre en cause la pertinence de cet avis médical il n'y a donc pas d'autre solution que de maintenir ces soins sans son consentement et c'est donc à juste titre que le juge des libertés et de la détention a refusé de donner mainlevée de la mesure dont il est l'objet. Sa décision sera confirmée.
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PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement, au siège de la cour d'appel, en dernier ressort, après débats en audience publique,
Accordons à Maître Quentin RECLOU le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
Déclarons l'appel régulier en la forme et recevable ;
Confirmons l'ordonnance déférée ;
Laissons les dépens à la charge de l'Etat ;
Et ont, le président et le greffier, signé la présente ordonnance.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,
Inès BELLIN Dominique NOLET