ARRET No 128
R.G : 17/02430
X...
Y...
C/
Z...
Syndicat des copropriétaires LE CENTRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 13 MARS 2018
Numéro d'inscription au répertoire général : 17/02430
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 13 juin 2017 rendue par le Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE.
APPELANTS :
Monsieur Philippe Pascal X...
né le [...] [...]
[...]
ayant pour avocat postulant Maître Eric ALLERIT de la SCP GALLET ALLERIT, avocat au barreau de POITIERS, et pour avocat plaidant Maître Pierre BOISSEAU, avocat au barreau de SAINTES
Monsieur Robert René Y...
né le [...] [...]
[...]
ayant pour avocat postulant Maître Eric ALLERIT de la SCP GALLET ALLERIT, avocat au barreau de POITIERS, et pour avocat plaidant Maître Pierre BOISSEAU, avocat au barreau de SAINTES
INTIMEES :
Madame Emmanuelle Z...
née le [...] [...]
[...]
ayant pour avocat Maître Vincent VANRAET, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
Le Syndicat des copropriétaires LE CENTRE
[...]
ayant pour avocat Maître Vincent VANRAET, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Isabelle CHASSARD, Président
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Madame Anne VERRIER, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Sarah PECHER,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Madame Isabelle CHASSARD, Président, et par Madame Sarah PECHER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par acte authentique du 27 janvier 2012, la société civile immobilière S.M.2.A. a vendu à Madame Emmanuelle Z... le lot no 5 d'un ensemble immobilier situé [...] (Charente-Maritime).
La société S.M.2.A. a été dissoute amiablement le 31 décembre 2013 et radiée du registre du commerce et des sociétés le 25 juillet 2014.
Soutenant que des éléments de structure avaient été modifiés lors des travaux de rénovation commandés par la société S.M.2.A. et être fondée à agir à l'encontre des associés de la société, dissoute et radiée, Madame Emmanuelle Z... a par acte du 7 avril 2017 fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de LA ROCHELLE Monsieur Philippe X... et Monsieur Bruno Y..., anciens associés. Elle a demandé d'ordonner une expertise. Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble LE CENTRE est intervenu volontairement à l'instance.
Par ordonnance contradictoire du 13 juin 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de LA ROCHELLE a statué en ces termes :
"Déclare recevable l'action diligentée par Emmanuelle Z... et le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble LE CENTRE à l'encontre de Philippe X... et Bruno Y...;
Ordonne une expertise et commet pour y procéder M. Philippe A..., [...] , avec mission de :
- se faire remettre tous documents utiles;
- se rendre sur les lieux;
- décrire les désordres, préciser leur origine, les remèdes à y apporter, leur durée et leur coût;
- donner tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction du fond éventuellement saisie, de statuer sur les responsabilités encourues et les préjudices annexes;
- en cas d'urgence reconnue par l'expert, dit que les demandeurs sont autorisés à faire exécuter à leurs frais avancés et pour le compte de qui il appartiendra, les travaux estimés indispensables par l'expert et sous son contrôle;
Dit que l'Expert devra adresser aux parties une note de synthèse de ses opérations; leur impartir un délai d'un mois pour lui adresser leurs dires ; y répondre et déposer son rapport définitif au greffe du Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE, avant le 1er décembre 2017 ;
Dit que Emmanuelle Z... et le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble LE CENTRE devront consigner entre les mains du Régisseur d'Avances et de Recettes de ce Tribunal la somme de 4.000,00 € à valoir sur les frais et honoraires de l'Expert, avant le 15 juillet 2017 ;
Dit qu'en cas d'empêchement de l'Expert, il sera remplacé sur simple ordonnance;
Dit que Emmanuelle Z... et le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble LE CENTRE supporteront provisoirement la charge des dépens".
Il a considéré que des désordres affectaient les parties communes et privatives de l'immeuble, qu'il était possible d'agir à l'encontre des anciens associés de la société dissoute et radiée dès lors que les désordres existaient en germe au moment de la vente, et que tant Madame Emmanuelle Z... que le syndicat des copropriétaires justifiaient d'un motif légitime d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige.
Par déclaration reçue au greffe le 7 juillet 2017 enrôlée sous le numéro 17/02430 puis par déclaration reçue au greffe le 10 juillet suivant enrôlée sous le numéro 17/02435, Monsieur Philippe X... et Monsieur Robert Y... ont interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions. Ces procédures ont été jointes par ordonnance du 11 juillet 2017.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 septembre 2017, ils ont demandé de :
"CONSTATER que Madame Z... et le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES ne justifient d'aucune créance exigible à l'encontre de la société SCI S.M.2A
CONSTATER qu'ils n'ont ni exercé de poursuites, ni fait reconnaître de créance à l'encontre de ladite société.
DIRE et JUGER que Monsieur X... et Monsieur Y... ne peuvent pas être tenus à d'autres obligations de la société SCI S.M.2A que celle tenant au paiement d'un passif exigible à proportion de leur participation dans le capital.
CONSTATER au surplus que Madame Z... ne justifie d'aucun désordre affectant à des parties privatives à son appartement qui ne se serait pas la conséquence de désordres affectants des parties communes.
En conséquence,
DECLARER Madame Z... et le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier « Le centre » irrecevables en leur demande d'expertise et les en débouter.
LES DECLARER fondés en outre en toutes autres demandes, fins et conclusions
Les CONDAMNER in solidum à payer à Monsieur X... et Monsieur Y... une indemnité de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les CONDAMNER in solidum aux entiers dépens".
Ils ont exposé que la société SCI S.M.2A n'avait pas été préalablement actionnée, que les anciens associés n'étaient tenus que des dettes sociales et non de l'ensemble des obligations de la société, qu'ils n'avaient pas la qualité de vendeur du bien et que Madame Emmanuelle Z... était également irrecevable en ses demandes, en ce que les désordres invoquées concernaient les parties communes.
Par écritures notifiées par voie électronique le 6 septembre 2017, Madame Emmanuelle Z... et le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier LE CENTRE pris en la personne de son syndic la S.A.R.L. RIVAGES IMMOBILIER ont demandé de :
"Vu l'article 145 du code de procédure civile
Vu les articles 1857 et suivants du code civil
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile
Vu les pièces versées aux débats
Vu l'ordonnance de référé du 13 juin 2017
CONSTATER que la S.C.I. S.M.2.A a été radiée en juin 2014 et a perdu sa personnalité juridique
CONSTATER que la S.C.I. S.M.2.A était bien la venderesse de l'appartement acquis par Madame Emmanuelle Z...
CONSTATER qu'il est donc impossible d'agir au préalable à l'encontre de la société civile et que Madame Emmanuelle Z... et le Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier LE CENTRE sont fondés à solliciter une expertise judiciaire à l'encontre des anciens associés de la S.C.I. S.M.2A
CONSTATER que Monsieur Philippe X... et Monsieur Bruno Y... étaient bien associés de la S.C.I. S.M.2.A
CONSTATER que les désordres ont bien une nature commune et une nature privative
DIRE ET JUGER que Madame Emmanuelle Z... et le Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier LE CENTRE ont donc bien une créance à l'encontre des anciens associés de la S.C.I. S.M.2.A
DIRE ET JUGER que Madame Emmanuelle Z... et le Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier LE CENTRE ont un intérêt légitime à obtenir l'organisation d'une expertise judiciaire au contradictoire de Monsieur Philippe X... et Monsieur Bruno Y...
En conséquence,
CONFIRMER l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de grande instance de LA ROCHELLE en date du 13 juin 2017
CONDAMNER in solidum Monsieur Philippe X... et Monsieur Bruno Y... à verser à Madame Emmanuelle Z... et au Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier LE CENTRE la somme de 4.000,00 € au titre des frais irrépétibles
CONDAMNER in solidum Monsieur Philippe X... et Monsieur Bruno Y... aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel"
Ils ont rappelé que le bâtiment avait été rénové et transformé en logements par la S.C.I. S.M.2A qui les avait cédés, qu'un bureau d'étude avait alerté la copropriété sur un problème structurel important nécessitant des travaux pour préserver l'intégrité de l'immeuble et que les désordres affectaient tant les parties communes que privatives.
Ils ont soutenu que la S.C.I. S.M.2A, liquidée amiablement par ses associés le 27 juin 2014 puis radiée du registre du commerce et des sociétés le 25 juillet suivant, avait perdu sa personnalité morale et toute existence juridique. Aucune action judiciaire n'étant dès lors possible à son encontre, ils étaient par application de l'article 1858 du code civil recevables à agir à l'encontre des anciens associés, tenus des engagements sociaux.
Ils ont maintenu justifier d'un intérêt légitime à voir ordonner une expertise.
MOTIFS DE LA DÉCISION
RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE
L'article 1844-8 du code civil dispose que "la dissolution de la société entraîne sa liquidation" et que "la personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci".
Aux termes de l'article 1857 du même code, "à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements". L'article 1858 précise que "les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale".
Il résulte de ces dispositions que le paiement d'une dette d'une société civile immobilière dissoute, liquidée, radiée du registre du commerce et des sociétés et dont la clôture a été régulièrement publiée, peut être poursuivi directement par le créancier contre l'un des anciens associés.
Les associés ont par délibération du 31 décembre 2013 décidé de la liquidation amiable de la S.C.I. S.M.2A, constructeur et vendeur de la résidence. Par délibération du 27 juin 2014, l'assemblée générale extraordinaire des associés a notamment prononcé à cette date la clôture des opérations de liquidation. La publication dans un journal d'annonces légales est du 25 juillet 2014. L'extrait Kbis d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés mentionne une radiation de la société à compter du 27 juin 2014 et : "radiation par suite de clôture des opérations de liquidation et disparation de la personne morale à compter du 27/06/2014".
Les désordres ont été constatés par procès-verbaux d'huissier de justice des 16 juin 2015 et 10 février 2016. Un "diagnostic structurel" en date du 21 février 2017 a été établi par la société BAG INGENIEURS CONSEILS. L'action a été introduite par acte du 7 avril 2017, postérieurement à la perte de la personnalité morale de la société.
Madame Emmanuelle Z... et le syndicat des copropriétaires sont dès lors fondés à agir à l'encontre des associés, la poursuite préalable de la personne morale n'étant plus possible, et en toute hypothèse vaine.
L'ordonnance sera pour ces motifs confirmée sur ce point.
SUR L'EXPERTISE
L'article 145 du code de procédure civile dispose que "s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé".
Les désordres décrits aux procès-verbaux précités, affectant tant les parties privatives que communes, fondent l'expertise sollicitée.
L'ordonnance sera confirmée sur ce point.
SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Il serait par ailleurs inéquitable et préjudiciable aux droits des intimés de laisser à leur charge les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens d'appel. Il sera pour ce motif fait droit à la demande formée de ce chef pour le montant ci-après précisé.
SUR LES DÉPENS
La charge des dépens d'appel incombe aux appelants.
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME l'ordonnance du 13 juin 2017 du juge des référés du tribunal de grande instance de LA ROCHELLE ;
CONDAMNE in solidum Monsieur Philippe X... et Monsieur Robert Y... à payer à Madame Emmanuelle Z... et le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier LE CENTRE la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum Monsieur Philippe X... et Monsieur Robert Y... aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,