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15/10/2015 | FRANCE | N°15/00059

France | France, Cour d'appel de Poitiers, RÉfÉrÉ, 15 octobre 2015, 15/00059


COUR D'APPEL DE POITIERS
ORDONNANCE DU PREMIER PRÉSIDENT
RÉFÉRÉ
Ordonnance n° 71

---------------------------15 Octobre 2015--------------------------- RG no15/00059--------------------------- Jean-Marc X... C/ SA ASSURANCE DU CREDIT MUTUEL (ACM IARD)---------------------------

Rendue publiquement le quinze octobre deux mille quinze par M. David MELEUC, conseiller, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Poitiers, assisté de Mme Inès BELLIN, greffier,
Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le premier octobre

deux mille quinze, mise en délibéré au quinze octobre deux mille quinze.

ENTRE :
...

COUR D'APPEL DE POITIERS
ORDONNANCE DU PREMIER PRÉSIDENT
RÉFÉRÉ
Ordonnance n° 71

---------------------------15 Octobre 2015--------------------------- RG no15/00059--------------------------- Jean-Marc X... C/ SA ASSURANCE DU CREDIT MUTUEL (ACM IARD)---------------------------

Rendue publiquement le quinze octobre deux mille quinze par M. David MELEUC, conseiller, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Poitiers, assisté de Mme Inès BELLIN, greffier,
Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le premier octobre deux mille quinze, mise en délibéré au quinze octobre deux mille quinze.

ENTRE :

Monsieur Jean-Marc X... Centre hospitalier Georges Mazurelle Unité d'Hospitalisation Nord-Ouest-Route d'Aubigny 85000 LA ROCHE SUR YON

Représentants :- Me Jean DOUCET de la SELARL CORNET-VINCENT-SEGUREL (C. V. S.), avocat au barreau de NANTES, substitué par Me LARONZE-Me Nicolas DUFLOS de la SCP DUFLOS LECLER-CHAPERON, avocat au barreau de POITIERS, substitué par Me DE CAMBOURG

DEMANDEUR en référé,

D'UNE PART,

ET :

SA ASSURANCE DU CREDIT MUTUEL (ACM IARD) 34 rue du Wacken 67000 STRASBOURG

Représentant : Me Gérald FROIDEFOND de la SCP BILLY FROIDEFOND, avocat au barreau de POITIERS

DEFENDEUR en référé,

D'AUTRE PART,
- I-EXPOSÉ DU LITIGE :
Madame Jacqueline Y..., assurée pour les risques locatifs auprès de la compagnie d'assurance ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL (ACM IARD), a loué à VENDÉE LOGEMENT une maison individuelle située à LA ROCHE SUR YON (85),....
Le 10 août 2006, un incendie s'est déclaré dans l'immeuble, provoquant le décès de Madame Jacqueline Y... après qu'elle ait sauvé celle de ses deux jeunes enfants.
L'enquête ouverte par le procureur de la République pour déterminer les causes du sinistre a conduit à l'ouverture d'une information criminelle confiée au juge d'instruction de LA ROCHE SUR YON, lequel a rendu le 29 janvier 2008 une ordonnance de mise en accusation et de renvoi devant la cour d'assises de la VENDÉE de Monsieur Jean-Marc X..., fils de l'employeur de feue Madame Jacqueline Y....
Cette ordonnance a été confirmée par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de POITIERS.
En exécution du contrat d'assurance et contre quittance subrogative, les ACM ont versé la somme de 25. 855, 08 ¿.
Par acte d'huissier en date du 14 juin 2013, les ACM IARD ont fait assigner devant le Tribunal de grande instance de LA ROCHE SUR YON Monsieur Jean-Marc X... aux fins de voir statuer sur les responsabilités encourues et le préjudice subi.
Par jugement prononcé le 24 juillet 2015, le Tribunal de grande instance de LA ROCHE SUR YON a ordonné le sursis à statuer sur le fondement de l'article 4 du code de procédure pénale, dans l'attente du jugement de Monsieur Jean-Marc X... par la cour d'assises de la VENDÉE et dit que le dossier serait rappelé à la première audience de mise en état du mois de décembre 2015 à la diligence du greffe pour une éventuelle radiation ou retrait du rôle.

- II-PROCÉDURE :

Par acte d'huissier délivré le 21 août 2015, Monsieur Jean-Marc X... a fait assigner en référé devant le premier président de la cour d'appel la société d'assurances ACM (ASSURANCE DU CRÉDIT MUTUEL) IARD, aux fins d'obtenir sur le fondement de l'article 380 du code de procédure civile : l'autorisation d'interjeter immédiatement appel de la décision de sursis à statuer rendue le 24 juillet 2015 par le Tribunal de grande instance de LA ROCHE SUR YON ; la fixation de l'affaire selon la procédure à jour fixe.

À l'audience du 1er octobre 2015, tenue après un renvoi sollicité par les parties, Monsieur Jean-Marc X..., représenté par Maître LARONZE, a maintenu ses demandes initiales en expliquant qu'il était placé en détention provisoire depuis 2006. Plusieurs années plus tard, sa comparution devant la cour d'assises ne serait toujours pas audiencée en dépit d'une ordonnance de mise en accusation datant de 2012, et ceci du fait de l'incapacité du corps médical à prendre clairement position sur la compatibilité entre l'organisation d'un procès et la schizophrénie paranoïde diagnostiquée à son sujet.
Après avoir insisté sur les conséquences de la procédure civile diligentée par l'assureur sur l'évolution défavorable de son état de santé depuis plusieurs mois, l'incertitude dans laquelle il était plongé depuis le jugement de sursis à statuer renforçant à nouveau son intention suicidaire sur fond de vécu persécutoire majoré, il a fait valoir que rien ne permettrait aujourd'hui de considérer que la session d'Assises se tienne effectivement un jour, alors qu'elle n'avait cessé d'être repoussée depuis plusieurs années pour motifs médicaux.
Il a enfin argué d'une violation de l'article 5 du code de procédure civile en ce que le tribunal de grande instance de LA ROCHE SUR YON aurait omis de statuer sur une exception d'irrecevabilité, préalablement à sa décision de sursis à statuer. La société d'assurances ACM (ASSURANCE DU CRÉDIT MUTUEL) IARD, représentée par Maître FROIDEFOND, a conclu quant à elle : au rejet de la demande soutenue par son adversaire ; à la condamnation de Monsieur X... à lui payer la somme de 1. 500, 00 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

À l'appui de sa position, elle a indiqué que l'état de santé de Monsieur X... était connu depuis 2006 et qu'il ne résultait pas des certificats médicaux produits par l'intéressé la preuve d'une aggravation consécutive à la procédure civile initiée. En tout état de cause, le sursis à statuer prononcé par le tribunal de grande instance ne préjudicierait pas à ses intérêts.
Par ailleurs, rien ne militerait pour accueillir un appel immédiat du jugement rendu par le tribunal de grande instance de LA ROCHE SUR YON dès lors que le sursis à statuer ne serait pas un moyen de défense et qu'il ne serait pas soumis en tant que tel à l'obligation imposée par l'article 74 du code de procédure civile de devoir soulever les exceptions avant toute défense au fond.

- III-MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur l'autorisation d'interjeter appel de la décision de sursis à statuer
En droit, l'article 380 du code de procédure civile dispose que " la décision de sursis peut être frappée d'appel sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime. La partie qui veut faire appel saisit le premier président, qui statue dans la forme des référés. L'assignation doit être délivrée dans le mois de la décision. S'il accueille la demande, le premier président fixe, par une décision insusceptible de pourvoi, le jour où l'affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de procédure à jour fixe ou comme il est dit à l'article 948, selon le cas ".

Le premier président ou son délégataire apprécient souverainement la gravité et la légitimité du motif invoqué (Com. 2 mars 1984 : Bull. civ. IV, no144) mais il ne lui appartient pas, pour cette appréciation, de se fonder sur le bien-fondé du jugement (Civ. 2ème, 5 avr. 1982 : Gaz. Pal. 1982. 2. Pan. 338).
Constitue ainsi un motif grave et légitime justifiant l'appel immédiat une décision de sursis à statuer jusqu'à la décision définitive sur l'action publique ayant pour effet de différer à une date indéterminée le règlement d'une indemnité d'assurance à la suite d'un cambriolage dont l'auteur est en fuite depuis trois ans (CA Paris, ord. prem. prés., 16 févr. 1983 : JurisData no1983-027922). Au surplus, une erreur de droit manifeste peut justifier l'autorisation d'un appel immédiat (CA Paris, ord. prem. prés., 18 janv. 1984 : JurisData no1984-026699). En l'espèce, le jugement querellé est totalement taisant sur l'exception d'irrecevabilité opposée par Monsieur Jean-Marc X... à la demande de sursis à statuer des ACM IARD, ce qui ne peut, quelle que soit la pertinence du moyen allégué, que préjudicier aux droits de l'intéressé, et ceci d'autant plus qu'il résulte de la combinaison des articles 73, 74 et 108 du code de procédure civile que l'exception de sursis à statuer fondée sur les dispositions de l'article 4 du code de procédure pénale tendant à suspendre le cours de l'instance doit être soulevée avant toute défense au fond à peine d'irrecevabilité, laquelle doit même être relevée d'office par le juge (Cass. 2ème civ., 19 mars 2009, no 05-18.484 : Juris-Data no2009-047699).

En outre, l'analyse des certificats médicaux délivrés par le corps médical en application du code de la santé publique démontre l'existence d'un lien de causalité entre la procédure judiciaire intentée par les ACM IARD devant la juridiction civile et l'évolution clinique de Monsieur Jean-Marc X..., qui souffre de " schizophrénie paranoïde avec items cliniques de dissociation, d'émoussement affectif, incarcéré en détention préventive l'été 2006 à la maison d'arrêt de Nantes, adressé en HO pour risque suicidaire majeur en septembre 2008 au Centre Hospitalier de Blain ".

S'il est ainsi parfaitement incontestable que l'état de santé de l'accusé est diagnostiqué depuis de nombreuses années, il n'en demeure pas moins que la " persistance d'un vécu persécutoire majoré à l'évocation de sa situation judiciaire " est soulignée par le Docteur Gaëlle A... dans son certificat daté du 3 août 2015, de même que l'expression d'une " intentionnalité suicidaire du fait du fonctionnement judiciaire actuel (...) comme c'est le cas depuis juillet ".

Force est de constater sur ce point que " l'intentionnalité suicidaire " évoquée par le Docteur A... ne transparaissait pas des certificats médicaux antérieurs à la décision du 24 juillet 2015.
Dans ces conditions, il existe effectivement un motif grave et légitime justifiant que Monsieur Jean-Marc X... soit autorisé à interjeter appel par application de l'article 380 du code de procédure civile, dès lors que l'intéressé est toujours en attente d'être jugé depuis son renvoi devant la cour d'assises le 29 janvier 2008, qu'il demeure totalement impossible de déterminer la date de sa comparution prochaine devant cette juridiction et que la pathologie diagnostiquée ainsi que l'évolution de son état clinique l'exposent à un risque suicidaire.
D'où il suit que la demande sera accueillie ainsi qu'il sera dit au dispositif.
- Sur les dépens et sur les frais non répétibles
Il appartient à la partie succombante de supporter les dépens par application de l'article 696 du code de procédure civile.
Aucune circonstance particulière issue de l'équité ou de la situation économique respective des parties ne vient justifier l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le premier président, statuant par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire susceptible de pourvoi en cassation :
AUTORISONS Monsieur Jean-Marc X... à interjeter appel du jugement rendu le 24 juillet 2015 par le Tribunal de grande instance de LA ROCHE SUR YON ;
FIXONS au 27 janvier 2016 à 9h15 la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience de la 3ème chambre civile de la Cour d'Appel de Poitiers, comme dans le cadre de la procédure à jour fixe ;
DISONS n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNONS les ACM IARD à supporter les dépens de l'instance.
Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.

Le greffier, Le conseiller,

I. BELLIN D. MELEUC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : RÉfÉrÉ
Numéro d'arrêt : 15/00059
Date de la décision : 15/10/2015
Sens de l'arrêt : Autorise à faire ou à ne pas faire quelque chose

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.poitiers;arret;2015-10-15;15.00059 ?
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