ARRET No220
R. G : 06 / 01668
C. M. / R. B.
X...
Z...
C /
Y...
COUR D'APPEL DE POITIERS
3ème Chambre Civile
ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2008
APPELANTS :
1o) Monsieur Franck X...
né le 1er février 1931 à MERIGNAC (17)
...
17420 SAINT-PALAIS-SUR-MER
2o) Madame Jane
Z...
épouse X...
née le 3 mai 1934 à CHAILLEVETTE (17)
...
17420 SAINT-PALAIS-SUR-MER
représentés par la SCP MUSEREAU MAZAUDON-PROVOST-CUIF, avoués à la Cour
assistés de Me Dominique A..., avocat au barreau de SAINTES
Suivant déclaration d'appel du 26 Mai 2006 d'un jugement rendu le 2 Mai 2006 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINTES.
INTIMEE :
Madame Jeanine Y...
née le 08 Janvier 1933 à AIN TEMOUCHENT (ALGERIE)
...
17200 SAINT-SULPICE-DE-ROYAN
représentée par la SCP PAILLE & THIBAULT & CLERC, avoués à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Chantal MECHICHE, Présidente,
Monsieur Pierre DELPECH, Conseiller,
Monsieur Thierry RALINCOURT, Conseiller,
GREFFIER :
Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier, présent uniquement aux débats,
DEBATS :
A l'audience publique du 11 Juin 2008,
La Présidente a été entendue en son rapport,
Les Conseils des parties ont été entendus en leurs conclusions et plaidoirie,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour être mise à disposition des parties au greffe le 17 Septembre 2008, puis prorogé au 24 septembre 2008,
Ce jour, a été rendu, contradictoirement et en dernier ressort, l'arrêt dont la teneur suit :
ARRET :
Statuant sur appel régulièrement formé par les époux B...Z...
d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de SAINTES du 2 mai 2006 qui a rejeté la demande d'expulsion qu'ils avaient formée à l'encontre de Madame Y...et qui a rejeté leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions des époux B...Z...
du 14 mai 2008 qui demandent à la Cour d'Appel de réformer le jugement et de prononcer l'expulsion des lieux situés ...à Saint Sulpice de Royan de Madame Jeanine Y...et de tous occupants de son chef et de la condamner à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Vu les dernières conclusions de Madame Y...du 18 mars 2008 qui conclut à la confirmation du jugement.
Vu l'ordonnance de clôture du 2 juin 2008.
Suivant acte notarié du 30 décembre 1988 les époux B...Z...
ont vendu à Madame Y...un ensemble immobilier situé à Saint Sulpice de Royan ...(aujourd'hui ...) cadastré section A no1126 et 1129.
Par jugement du 19 avril 1996 Madame Y...a été déclarée en redressement judiciaire lequel a été converti en liquidation judiciaire par jugement du 9 janvier 1998.
Un jugement du Tribunal de Grande Instance de SAINTES du 10 mars 2000 passé en force de chose jugée a constaté la résolution de la vente consentie le 30 décembre 1988.
Madame Y...continue à occuper les lieux litigieux. Les époux B...Z...
ont sollicité du tribunal son expulsion et font grief au jugement d'avoir rejeté leur demande en retenant à tort que Madame Y...bénéficiait d'une suspension provisoire des poursuites par application de la loi du 30 décembre 1997 relative aux rapatriés réinstallés dans une profession non salariée.
Il est constant que Madame Y...a déposé le 4 juin 1999 une demande d'aide au désendettement dans le cadre de la législation relative aux rapatriés réinstallés dans une profession non salariée et que son dossier a été déclaré éligible le 1er avril 2003.
Pour s'opposer à la demande d'expulsion dirigée contre elle Madame Y...entend bénéficier des dispositions selon lesquelles ces personnes bénéficient d'une suspension provisoire des poursuites engagées à leur encontre jusqu'à décision de l'autorité administrative compétente.
Mais les dispositions légales résultant des articles 100 de la loi du 30 décembre 1997, 76 de la loi du 2 juillet 1998, 25 de la loi du 30 décembre 1998, 2 du décret du 4 juin 1999 et 77 de la loi du 17 janvier 2002 organisent une suspension automatique des poursuites pour une durée indéterminée qui porte atteinte aux droits des créanciers qui sont privés de tous recours alors que leur débiteur bénéficie de recours suspensifs devant la juridiction administrative. Cette suspension qui intervient en dehors de toute intervention d'un juge est contraire aux dispositions de l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales qui permet à l'Etat de limiter le droit d'accès à un tribunal dans un but légitime mais à la condition que la substance de ce droit ne soit pas atteinte.
En l'espèce les droits des époux B...Z...
ne sont pas discutés ni discutables puisque par un jugement ayant force de chose jugée du 10 mars 2000 le Tribunal de Grande Instance de SAINTES a prononcé la résolution de la vente immobilière conclue le 30 décembre 1988 avec Madame Y...et qu'ils sont redevenus propriétaires de l'immeuble litigieux qui est toujours occupé par Madame Y....
Depuis cette date ils sont dans l'attente pour une durée indéterminée de la décision définitive à intervenir sur la demande de Madame Y...déposée depuis le 4 juin 1999 puisqu'en effet on ignore la suite donnée au recours qui a été exercé contre la décision de rejet de la Commission Nationale de Désendettement prononcée lors de sa séance du 27 avril 2005. Depuis plusieurs années le maintien dans les lieux de Madame Y...interdit aux époux B...Z...
de disposer de leur bien et ils continuent à en supporter les charges.
Dès lors les époux B...Z...
sont fondés à faire valoir que les règles légales relatives à la réinstallation dans une profession non salariée des rapatriés que Madame Y...leur oppose sont contraires aux dispositions de l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.
Madame Y...oppose aux époux B...Z...
l'autorité de la chose jugée d'un arrêt de la Cour d'Appel de POITIERS du 11 mars 2008 qui a ordonné le maintien de la suspension de la procédure collective ouverte à l'encontre de Madame Y...jusqu'à ce qu'il soit statué par les juridictions administratives sur cette demande.
Mais outre que les époux B...Z...
n'étaient pas partie à cette procédure, l'arrêt ne fait que considérer que Madame Y...ne peut pas être atteinte par les effets d'une procédure collective et il s'en déduit que ses créanciers peuvent continuer à agir directement contre elle. L'arrêt du 11 mars 2008 ne fait pas obstacle à l'action des époux B...Z...
et il ne peut leur être opposé aucune autorité de la chose jugée pour paralyser leur action.
Madame Y...ne fait valoir aucun autre moyen à l'encontre de la demande d'expulsion formée contre elle. Depuis la résolution de la vente elle est occupante sans droit ni titre de l'immeuble de Saint Sulpice de Royan et les époux B...Z...
sont fondés en leur action.
Le jugement est infirmé. L'expulsion de Madame Y...est ordonnée.
Les époux B...Z...
étant fondés en leur appel, les dépens de première instance et d'appel seront supportés par Madame Y...et il est équitable de la condamner à verser aux époux B...Z...
la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
INFIRME le jugement du Tribunal de Grande Instance de SAINTES du 2 mai 2006,
STATUANT à NOUVEAU,
ORDONNE l'expulsion de Madame Y...et de tous occupants de son chef de l'ensemble immobilier situé ...(anciennement 18) à Saint Sulpice de Royan cadastré section A no 1126 et 1129 avec au besoin l'assistance de la force publique et d'un serrurier.
CONDAMNE Madame Y...à verser aux époux B...Z...
la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
CONDAMNE Madame Y...aux dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP MUSEREAU-MAZAUDON-PROVOST-CUIF à recouvrer ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision,
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Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
Signé par Madame Chantal MECHICHE, Présidente et Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,