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05/03/2008 | FRANCE | N°74

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Ct0094, 05 mars 2008, 74


ARRÊT No

R.G : 06/03254

TR/SC

S.A. AGF IART

C/

S.C.I. SAINT-MICHEL

S.A. EXPERTISE COMPTABLE SOFIREC

COUR D'APPEL DE POITIERS

3ème Chambre Civile

ARRÊT DU 05 MARS 2008

APPELANTE :

S.A. ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE - A.G.F. IART

dont le siège social est 87, Rue de Richelieu

75002 PARIS

agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège

Appelante sur l'appel du 23 octobre 2006 et intimée sur l'appel du 07 novembre

2006

représentée par la SCP ALIROL et LAURENT, avoués à la Cour,

assistée de Maître Bruno LEPLUS, avocat au barreau de PARIS

Suivant déclaratio...

ARRÊT No

R.G : 06/03254

TR/SC

S.A. AGF IART

C/

S.C.I. SAINT-MICHEL

S.A. EXPERTISE COMPTABLE SOFIREC

COUR D'APPEL DE POITIERS

3ème Chambre Civile

ARRÊT DU 05 MARS 2008

APPELANTE :

S.A. ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE - A.G.F. IART

dont le siège social est 87, Rue de Richelieu

75002 PARIS

agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège

Appelante sur l'appel du 23 octobre 2006 et intimée sur l'appel du 07 novembre 2006

représentée par la SCP ALIROL et LAURENT, avoués à la Cour,

assistée de Maître Bruno LEPLUS, avocat au barreau de PARIS

Suivant déclarations d'appel du 23 Octobre 2006 et 7 Novembre 2006 d'un jugement du 3 Octobre 2006 rendu par le Tribunal de Grande Instance de LA ROCHE SUR YON.

INTIMÉES :

1o S.C.I. SAINT MICHEL

dont le siège social Château Les Voureuils

85400 CHASNAIS

représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Intimée sur l'appel du 23 octobre 2006 et appelante sur l'appel du 07 novembre 2006

représentée par la SCP PAILLE et THIBAULTetCLERC, avoués à la Cour,

assistée de Maître Y..., avocat au barreau de STRASBOURG

2o S.A.S. EXPERTISE COMPTABLE SOFIREC

dont le siège social 22, Impasse Jean Dieulafoy

B.P. 101

85000 LA ROCHE SUR YON

agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège

Intimée sur les appels des 23 octobre 2006 et 07 novembre 2006

représentée par la SCP TAPON-MICHOT, avoués à la Cour,

assistée de Maître Jacques Z..., avocat au barreau de LA ROCHE SUR YON ;

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Chantal MECHICHE, Présidente,

Monsieur Pierre DELPECH, Conseiller,

Monsieur Thierry RALINCOURT, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier, présent uniquement aux débats,

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 Janvier 2008,

La Présidente a été entendue en son rapport,

Les Conseils des parties ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour être mise à disposition des parties au greffe le 5 Mars 2008,

Ce jour, a été rendu, contradictoirement et en dernier ressort, l'arrêt dont la teneur suit :

ARRET :

Statuant sur l'appel régulièrement formé par la SA A.G.F. IART d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de la Roche-sur-Yon du 3/10/2006 qui a, essentiellement :

- reçu la SAS SOFIREC et la SCI SAINT-MICHEL en leur appel en garantie de la SA A.G.F. IART,

- condamné in solidum la SAS SOFIREC et la SA A.G.F. IART à payer à la SCI SAINT-MICHEL les sommes de :

180.920 € sous le bénéfice de l'exécution provisoire,

2.000 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- rejeté les demandes des parties pour le surplus,

- condamné in solidum la SAS SOFIREC et la SA A.G.F. IART aux dépens ;

Vu les dernières conclusions de la SA A.G.F. IART du 24/11/2006, demandant à la Cour, en réformation du jugement entrepris, de :

- dire et juger irrecevable, pour défaut d'intérêt légitime et en tout cas sans fondement comme manquant en fait et pour mauvaise foi l'action engagée par la SCI SAINT-MICHEL à l'encontre de la SA A.G.F. IART, et rejeter toutes ses demandes,

- en conséquence, dire et juger sans objet l'appel en garantie formé par la SAS SOFIREC à l'encontre de la SA A.G.F. IART, et le rejeter,

- condamner la SCI SAINT-MICHEL au paiement d'une indemnité de 10.000 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

subsidiairement,

- dire et juger que la SA A.G.F. IART ne doit pas sa garantie à la SAS SOFIREC, et la mettre hors de cause,

- condamner la SAS SOFIREC au paiement d'une indemnité de 10.000 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

plus subsidiairement, si la Cour écarte la mauvaise foi de la SCI SAINT-MICHEL et le risque bravé par la SAS SOFIREC,

- dire et juger qu'en tout état de cause, ne peut être inclus dans le préjudice de la SCI SAINT-MICHEL le principal de la T.V.A. et les intérêts de retard,

- évaluer à 110.116 € le préjudice de la SCI SAINT-MICHEL, et rejeter le surplus de ses demandes ;

Vu les dernières conclusions de la SCI SAINT-MICHEL du 11/05/2007, demandant à la Cour, en réformation du jugement entrepris, de :

sur l'exception de procédure :

- dire et juger que la société civile SAINT-MICHEL disposait et dispose d'un intérêt légitime à agir au sens de l'article 31 du Nouveau Code de Procédure Civile à l'encontre de la Compagnie d'assurances AGF par la voie de l'action directe prévue à l'article L. 124-3 du Code des assurances du fait de la faute de son assuré, la société d'expertise comptable SOFIREC ;

rejeter par conséquent la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir présentée par la Compagnie d'assurances AGF ;

sur le fond,

- rejeter tous chefs de demande de la compagnie d'assurances AGF au soutien de son appel principal,

- dire et juger l'appel incident de la société civile SAINT-MICHEL recevable et bien fondé, à l'encontre des dispositions du jugement en ce qu'elles limitent le quantum de l'indemnisation du préjudice subi à la somme en principal de 182.920 euros au titre des seuls intérêts de retard et des pénalités de mauvaise foi appliquées par l'administration fiscale,

en conséquence, en réformation du jugement sur ces dispositions,

- dire et juger que la société SOFIREC doit réparer l'intégralité du préjudice certain et immédiat subi par la société civile immobilière SAINT-MICHEL,

en conséquence,

- condamner in solidum la société SOFIREC et la compagnie d'assurance AGF à payer à la société civile immobilière SAINT-MICHEL les sommes de :

481.099 euros majorés des intérêts au taux légal à compter de la demande initiale en réparation du préjudice résultant des redressements fiscaux,

20.000 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la demande initiale en réparation des frais et honoraires de conseils exposés au cours de la procédure de vérification, et à exposer dans le cadre d'un recours contentieux,

- donner acte à la SCI SAINT-MICHEL de la perception indirecte, par l'effet de l'avis à tiers détenteur diligenté par l'administration fiscale, de la somme de 180.920 euros en réparation partielle du préjudice subi,

- condamner in solidum la société SOFIREC et la compagnie d'assurance AGF à payer à la SCI SAINT-MICHEL, la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires en réparation des préjudices de toute nature résultant de l'inertie et de la résistance abusive de ces dernières dans la gestion du sinistre et de l'indemnisation de la victime,

- condamner in solidum la société SOFIREC et la compagnie d'assurance AGF à payer à la SCI SAINT-MICHEL, une somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Vu les dernières conclusions de la SAS SOFIREC du 19/09/2007, demandant à la Cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à la SCI SAINT-MICHEL une somme de 180.920 € au titre des pénalités et des intérêts exigés par l'Administration fiscale,

- très subsidiairement, confirmer le jugement entrepris sur ce point,

- rejeter la demande de la SCI SAINT-MICHEL tendant voir condamner la SAS SOFIREC au paiement de la TVA impayée,

- si par impossible une faute était reconnue à l'encontre de la SAS SOFIREC, induisant la condamnation de cette dernière pour quelque somme que ce soit, constater qu'elle était régulièrement assurée auprès de la SA A.G.F. IART qui ne peut dénier sa garantie, les motifs qu'elle soulève n'étant pas dans les conditions d'exclusion prévues par la loi,

- en conséquence et en tant que de besoin, ordonner que la SA A.G.F. IART devra garantir la SAS SOFIREC de toutes condamnations prononcées contre elle en principal, intérêts, frais et accessoires, sous réserve de la franchise contractuelle éventuelle,

- en toute hypothèse, condamner la partie défaillante, la SCI SAINT-MICHEL ou la SA A.G.F. IART, à payer à la SAS SOFIREC une indemnité de 5.000 € par application de l'article 700 du Code de Nouveau Procédure Civile ;

Vu l'ordonnance de clôture du 8/01/2008.

O O O

Par acte du 8/03/2001, la SCI SAINT-MICHEL a acquis une propriété sise commune de Chasnais (85) d'une superficie d'environ 23 hectares.

Ledit acte stipule en page 6 la déclaration fiscale suivante : "l'acquéreur demande à bénéficier du régime spécial des achats effectués en vue de la revente en application des articles 1115 et 1020 du Code Général des Impôts. Il déclare à cet effet : que cette opération constitue pour lui une opération de la nature de celle définie à l'article 257-6o du Code Général des Impôts et ne concourt pas à la production ni à la commercialisation d'un immeuble neuf ; qu'il s'engage à revendre le bien acquis dans le délai maximum de quatre ans".

La SCI SAINT-MICHEL a procédé au lotissement de ladite propriété, dénommé "Atlantic Air Park", dont elle revendu 24 lots en 2001 et les 4 lots restants en 2002.

A la suite d'une vérification administrative de comptabilité effectuée en 2004, elle a fait l'objet d'un redressement fiscal notamment pour non paiement de la TVA sur la marge bénéficiaire réalisée lors de l'opération précitée, avec application d'une pénalité pour mauvaise foi.

La SCI SAINT-MICHEL a agi en responsabilité civile à l'encontre de son expert-comptable, la SAS SOFIREC, et en garantie à l'encontre de l'assureur de responsabilité professionnelle de cette dernière, la SA A.G.F. IART.

O O O

1 - sur l'action en responsabilité à l'encontre de la SAS SOFIREC.

1.1 - sur la recevabilité.

La SA A.G.F. IART dénie la légitimité de l'intérêt de la SCI SAINT-MICHEL à agir en responsabilité, au sens de l'article 31 du Code de Procédure Civile, au motif que cette dernière aurait eu connaissance du régime fiscal applicable à l'opération précitée, qu'elle aurait intentionnellement éludé la TVA due, et qu'elle ne pourrait, dès lors, invoquer sa propre turpitude pour faire supporter par autrui la taxe éludée.

Un sujet de droit ayant subi un appauvrissement qu'il qualifie de préjudice a légitimement intérêt à agir en responsabilité civile à l'encontre d'un tiers ou d'un cocontractant qui, selon le requérant, a concouru à la réalisation du préjudice.

L'éventuelle faute personnelle du demandeur, fût-elle intentionnelle, ne prive pas de légitimité l'intérêt de ce dernier à agir, mais peut avoir pour effet, sur le fond, de limiter la responsabilité du défendeur, voire de l'en exonérer si cette faute présente les caractères de la force majeure.

L'action engagée par la SCI SAINT-MICHEL est donc recevable.

1.2 - sur le fond.

1.2.1 - Il n'est contesté par aucune des parties : ni que la SCI SAINT-MICHEL était assujettie, au titre de l'opération précitée, au régime de la TVA sur marge bénéficiaire en vertu de l'article 268 du Code Général des Impôts régissant "les opérations visées au 6o de l'article 257" du même Code ; ni qu'elle n'a ni déclaré ni payé ladite taxe.

La SAS SOFIREC, société d'expertise comptable, a adressé le 18/06/2003 au gérant de la SCI SAINT-MICHEL la correspondance suivante :

"Je fais suite à nos divers entretiens concernant le contrôle de vos dossiers.

"Les états financiers seront établis par vos soins, détail des comptes et liasses fiscales inclus.

"Vous nous remettrez ces états et liasses accompagnés des feuilles de travail justificatives des comptes du grand livre.

"Nous contrôlerons ces comptes et ces états en utilisant des techniques d'audit contractuel proches du commissariat aux comptes.

"Nous présenterons ces états sous notre plaquette pour leur donner la valeur et la garantie de la signature d'un cabinet d'expertise comptable".

Bien que cette lettre soit postérieure aux faits litigieux, il n'est contesté par aucune des parties que la SAS SOFIREC a accompli envers la SCI SAINT-MICHEL, pour les exercices 2001 et 2002, des prestations conformes à la lettre de mission précitée.

A ce titre, la SAS SOFIREC a établi les 28/06/2002 et 14/04/2003 deux documents intitulés "attestation d'expert comptable", rédigés dans les termes similaires suivants :

"Dans le cadre de la mission de présentation des comptes annuels de la SCI SAINT-MICHEL à Chasnais, pour l'exercice du 1er Janvier au 31 Décembre 2001 (et) 2002, et conformément aux termes de ma lettre de mission, j'ai effectué les diligences prévues par les normes définies par l'Ordre des Experts Comptables.

"A l'issue de mes travaux qui ne constituent pas un audit, je n'ai pas relevé d'éléments remettant en cause la cohérence et la vraisemblance des comptes annuels".

En vertu de la documentation produite par la SCI SAINT-MICHEL, les normes applicables aux experts-comptables (ISA 250), dont ni la SAS SOFIREC ni la SA A.G.F. IART ne dénient l'applicabilité, imposent à ces professionnels les diligences suivantes :

- "après avoir acquis (la) connaissance générale du cadre légal et réglementaire dans lequel s'inscrit l'entité et son secteur d'activité, l'expert-comptable met en œuvre des procédures visant à identifier des cas possibles de non-respect des textes légaux et réglementaires qu'il conviendrait de considérer lors de la préparation des comptes. A ce titre : il s'enquiert auprès des dirigeants du respect des textes" (§ 17) ;

- "l'expert-comptable communique à la direction, dans les meilleurs délais et dans les formes qu'il juge utiles, les cas de non-respect des textes légaux et réglementaires dont il a eu connaissance, ou s'assure qu'elle en est correctement informée" (§ 30).

En l'occurrence, la SAS SOFIREC, en procédant au contrôle des comptes de la SCI SAINT-MICHEL pour les exercices 2001 et 2002, a nécessairement relevé la perception, significative, du prix de vente en 2001, des 24 premiers lots pour un montant cumulé de 1.741.512 €, et en 2002 des 4 derniers lots pour un montant cumulé de 316.851 € (montants relevés dans la proposition de rectification suite à une vérification de comptabilité, adressée le 9/12/2004 par l'Administration fiscale à la SCI SAINT-MICHEL, pages IV et V).

Les obligations contractuelles de la SAS SOFIREC, tendant au contrôle et à la validation des comptes de la SCI SAINT-MICHEL, lui imposaient de s'informer sur le cadre juridique et fiscal de ces ventes, et, par conséquent, de requérir de la SCI SAINT-MICHEL la communication de l'acte d'acquisition de la propriété ainsi revendue par lots.

La simple lecture de l'acte d'acquisition du 8/03/2001 révèle l'adoption expresse par la SCI SAINT-MICHEL du régime fiscal de l'article 257-6o du Code Général des Impôts, rendant applicable l'article 268 du même Code, ainsi que ne pouvait l'ignorer le professionnel qu'est la SAS SOFIREC.

Il ne résulte d'aucun élément du dossier, et il n'est pas allégué par la SA A.G.F. IART ni par la SAS SOFIREC, que cette dernière ait attiré l'attention de la SCI SAINT-MICHEL sur le régime fiscal de TVA applicable, et l'ait mise en garde sur les risques afférents à l'absence de déclaration et de paiement de ladite taxe sur marge bénéficiaire.

Le manquement de la SAS SOFIREC à ses obligations contractuelles envers la SCI SAINT-MICHEL est ainsi établi.

Le fait que cette dernière, par ses propres compétences, ait pu être personnellement informée du régime fiscal applicable, n'est pas de nature à dispenser l'expert comptable de son devoir de conseil envers sa cliente.

La responsabilité professionnelle de la SAS SOFIREC est donc engagée, dans son principe, envers la SCI SAINT-MICHEL.

1.2.2 - Toutefois, la SAS SOFIREC et la SA A.G.F. IART ont opposé à la SCI SAINT-MICHEL sa mauvaise foi qui serait, selon elles, à l'origine de son propre préjudice, ladite mauvaise foi ayant été, en outre, retenue par l'administration fiscale qui a infligé à la SCI SAINT-MICHEL une pénalité sur ce fondement.

A cet égard, l'Administration a relevé avec pertinence : d'une part, que l'opération immobilière concernée ne peut être considérée comme occasionnelle pour la SCI SAINT-MICHEL, puisqu'elle est visée dans l'objet social défini par ses statuts ; d'autre part, que l'acte d'acquisition du 8/03/2001 stipule expressément (page 6) que "cette opération constitue une opération de la nature de celle définie à l'article 257-6o du Code Général des Impôts", ce texte disposant, de manière explicite : sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée: (...) 6o les opérations qui portent sur des immeubles, des fonds de commerce ou des actions ou parts de sociétés immobilières et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels ou commerciaux.

L'Administration en a déduit avec pertinence que la SCI SAINT-MICHEL, informée sur ses obligations fiscales, ne peut prétendre écarter sa responsabilité dans les omissions constatées.

Les fautes respectivement commises par la SCI SAINT-MICHEL elle-même et par la SAS SOFIREC ont concouru à l'avènement du redressement fiscal dans des proportions qui seront appréciées comme équivalentes.

Dès lors, la responsabilité de la SAS SOFIREC envers la SCI SAINT-MICHEL au titre du préjudice invoqué par cette dernière sera retenue à concurrence d'une quote-part de moitié.

2 - sur le préjudice indemnisable.

Il résulte des éléments non contestés du dossier que la SCI SAINT-MICHEL a fait l'objet, au titre de l'opération immobilière concernée, du redressement fiscal suivant dont elle réclame l'indemnisation intégrale :

- TVA : 300.179 €

- intérêts de retard : 70.804 €

- pénalité pour mauvaise foi : 110.116 €

total 481.099 €

2.1 - Concernant la TVA, il est de principe que l'impôt éludé ou non payé spontanément, puis réglé sur redressement, ne constitue pas un appauvrissement du contribuable puisque ce dernier a, en définitive, réglé une dette fiscale légalement due, de sorte qu'il n'existe aucun préjudice indemnisable.

La SCI SAINT-MICHEL soutient qu'en l'occurrence elle a subi un préjudice financier égal au montant du redressement, au motif qu'elle aurait été privée de la possibilité de récupérer ladite TVA par intégration de son montant dans les prix des 28 lots revendus par elle.

Il n'est pas contesté que la mission de la SAS SOFIREC consistait en un contrôle et une validation a posteriori des comptes de la SCI SAINT-MICHEL, l'expert comptable n'intervenant qu'après la clôture de l'exercice.

Concernant l'exercice 2001, la SA A.G.F. IART a indiqué, sans être démentie par la SCI SAINT-MICHEL, que la SAS SOFIREC avait procédé à sa mission d'Avril à Juin 2002.

Dans l'hypothèse selon laquelle la SAS SOFIREC aurait alors alerté la SCI SAINT-MICHEL, au cours du 2ème trimestre 2002, sur sa méconnaissance du régime fiscal applicable, cette dernière n'aurait plus eu alors la possibilité de répercuter la TVA sur le prix des 27 lots déjà revendus au 18/04/2002.

Cette possibilité n'aurait perduré que pour le dernier lot (no 16) dont la vente n'a été conclue que postérieurement le 30/08/2002.

La marge bénéficiaire réalisée sur la vente de ce dernier lot s'est élevée à 73.029 € (cf. proposition de rectification de l'Administration Fiscale précitée du 9/12/2004, page V), assujettie à une TVA de 14.313 €.

Il ne peut toutefois être considéré comme certain que la SCI SAINT-MICHEL aurait pu obtenir des acquéreurs dudit lot no 16 leur consentement sur un prix majoré 14.313 € (TVA au taux de 19,60 %) par rapport au prix effectivement convenu.

Il en résulte que la SCI SAINT-MICHEL n'a perdu qu'une chance de récupérer, par intégration dans le prix de vente, la TVA sur marge bénéficiaire afférente au lot no 16, si la SAS SOFIREC avait satisfait à ses obligations contractuelles.

Cette perte de chance peut être évaluée à 50 %, en infirmation du jugement entrepris qui a rejeté ce chef de demande indemnitaire dans son principe.

Compte tenu de la perte de chance et du partage de responsabilité retenus supra, la demande de la SCI SAINT-MICHEL doit être accueillie à hauteur de la somme de :

14.313 € x 50 % / 2 = 3.578,25 €

2.2 - Ainsi que le font valoir avec pertinence la SAS SOFIREC et la SA A.G.F. IART, la demande de la SCI SAINT-MICHEL en indemnisation des intérêts de retard versés par elle à l'administration fiscale doit être rejetée, en ce que l'intéressée ne justifie pas de l'existence d'un préjudice.

Si le paiement desdits intérêts de retard a constitué un appauvrissement pour la SCI SAINT-MICHEL, toutefois, cet appauvrissement a été préalablement compensé par l'avantage financier procuré par l'excédent de trésorerie (plus de 300.000 €) dont elle a bénéficié pendant la période durant laquelle le paiement de la TVA ayant fait l'objet du redressement a été différé.

Il en résulte qu'à ce titre la SCI SAINT-MICHEL n'a subi aucun préjudice financier en lien de causalité avec le manquement de la SAS SOFIREC à ses obligations contractuelles.

Le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a fait droit à ce chef de demande indemnitaire.

2.3 - La pénalité pour mauvaise foi infligée par l'administration fiscale a causé à la SCI SAINT-MICHEL un appauvrissement, et constitue donc un préjudice indemnisable.

Ce préjudice doit être apprécié pour le montant intégral de la pénalité - sous réserve du partage de responsabilité -, dès lors :

- qu'en premier lieu, si la SAS SOFIREC avait satisfait à ses obligations contractuelles envers la SCI SAINT-MICHEL au 2ème trimestre 2002, à la suite de sa vérification des comptes de l'exercice 2001, elle aurait mis ladite SCI en mesure de déclarer et de payer spontanément la TVA afférente aux marges réalisées en 2001 ;

- qu'en second lieu, dans l'hypothèse de tels déclaration et paiement spontanés de TVA (quoiqu'avec retard), avant vérification administrative de comptabilité, l'administration fiscale n'aurait assurément appliqué aucune pénalité pour mauvaise foi, de sorte que le préjudice ne peut être réduit à une simple perte de chance d'éviter l'application d'une telle pénalité.

Compte tenu du partage de responsabilité retenu supra (§ 2.1), ce chef de demande indemnitaire doit être accueilli à hauteur d'une somme de 55.058 €.

2.4 - La demande de la SCI SAINT-MICHEL en indemnisation des frais et honoraires de conseils exposés par elle au cours de la procédure de vérification fiscale et dans le cadre d'un recours contentieux doit être écartée pour les motifs pertinents retenus par les premiers Juges et que la Cour adopte, en ce que, suite à la vérification de la comptabilité de la SCI SAINT-MICHEL entreprise par l'Administration fiscale, la SAS SOFIREC a engagé une mission d'assistance de la SCI SAINT-MICHEL, mais que cette dernière a choisi de recourir à l'assistance d'un autre professionnel et donc d'exposer de nouveaux frais.

Il en résulte que les frais ainsi engagés ne sont pas en lien de causalité directe avec le manquement professionnel commis par en 2002 et 2003 par la SAS SOFIREC.

2.5 - la SCI SAINT-MICHEL n'est pas fondée à réclamer des intérêts moratoires à compter de la demande initiale dès lors que, s'agissant d'une créance indemnitaire, lesdits intérêts courent à compter de la présente décision qui la liquide, en application de l'article 1153-1 du Code Civil.

3 - sur la garantie de la SA A.G.F. IART.

Cette dernière, invoquant la prise de risque délibérée de son assurée SOFIREC qui aurait eu conscience de l'illégalité des écritures comptables de la SCI SAINT-MICHEL qu'elle a avalisées, décline sa garantie sur le fondement de l'article L 113-1 alinéa 2 du Code des Assurances, en vertu duquel l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.

Au sens de ce texte, la faute intentionnelle de l'assuré affranchissant l'assureur de son obligation de garantie est celle qui implique la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu, et qui fait perdre tout caractère incertain à l'événement dommageable.

En l'occurrence, si la SAS SOFIREC a fait preuve de complaisance envers la SCI SAINT-MICHEL en ayant eu connaissance de la violation, par cette dernière, du régime fiscal à laquelle elle était assujettie sans lui adresser une mise en garde expresse et officielle,

en revanche, il ne peut être soutenu ni que la SAS SOFIREC ait eu la volonté de susciter un redressement fiscal de sa cliente, ni que la survenance d'une vérification administrative de la comptabilité de la SAS SOFIREC, dans le délai de la prescription fiscale, ayant abouti au redressement, ait constitué un événement certain.

Les conditions d'application de l'article L 113-1 alinéa 2 du Code des Assurances ne sont pas remplies, et la SA A.G.F. IART est tenue de garantir la SCI SAINT-MICHEL, en confirmation du jugement entrepris.

4 - sur la demande de la SCI SAINT-MICHEL en dommages-intérêts complémentaires.

La SCI SAINT-MICHEL invoque vainement une prétendue inertie et une résistance prétendument abusive de la SAS SOFIREC et de la SA A.G.F. IART dans la gestion du sinistre et de l'indemnisation, alors que, d'une part, la SAS SOFIREC a prêté son assistance à la SCI SAINT-MICHEL lors de la procédure de redressement fiscal (avant que la SCI SAINT-MICHEL recoure à un autre conseil), et que d'autre part la SA A.G.F. IART a pu légitimement contester la responsabilité de son assurée SOFIREC qui, en définitive, n'est retenue que pour une quote-part de moitié.

La demande en dommages-intérêts complémentaires de la SCI SAINT-MICHEL doit être rejetée.

5 - sur les dépens et les frais de procédure.

La SCI SAINT-MICHEL d'une part, et la SAS SOFIREC et la SA A.G.F. IART d'autre part, succombent pour moitié.

Chacune d'elles conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

En conséquence, les demandes indemnitaires réciproques fondées sur l'article 700 du Code de Procédure Civile doivent être rejetées.

PAR CES MOTIFS,

la Cour

Confirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de la Roche-sur-Yon du 3/10/2006 en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SA A.G.F. IART et rejeté les demandes de sursis à statuer.

L'infirme pour le surplus.

Statuant à nouveau,

Déclare la SAS SOFIREC responsable pour moitié du préjudice invoqué par la SCI SAINT-MICHEL.

Condamne la SAS SOFIREC et la SA A.G.F. IART in solidum (sous réserve de la franchise contractuelle éventuelle pour cette dernière) à payer à la

SCI SAINT-MICHEL une somme de 58.636,25 € (cinquante-huit mille six cent trente-six euros vingt-cinq centimes) à titre de dommages-intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du jour du présent arrêt.

Rejette toutes autres demandes.

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens de première instance et d'appel qu'elle a exposés.

Dit n'y avoir lieu à application des articles 699 et 700 du Code de Procédure Civile.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de procédure civile,

Signé par Madame Chantal MECHICHE, Présidente et Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Ct0094
Numéro d'arrêt : 74
Date de la décision : 05/03/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon, 07 novembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.poitiers;arret;2008-03-05;74 ?
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