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29/01/2008 | FRANCE | N°06/1707

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 29 janvier 2008, 06/1707


JYF/CP







COUR D'APPEL DE POITIERS



Chambre Sociale



ARRET DU 29 JANVIER 2008











ARRET N 49



AFFAIRE N : 06/01707



AFFAIRE : Virginie X... épouse Y... C/ Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE





APPELANTE :



Madame Virginie X... épouse Y...


...


86340 ASLONNES



Comparante

Assistée de Me Z... Lee substituant Me Emmanuel A...
B... (avocat au barreau de POITIERS)





Suiva

nt déclaration d'appel du 24 mai 2006 d'un jugement au fond du 09 mai 2006 rendu par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE POITIERS.





INTIMÉE :



Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE

...


B.P 306

42008 ST ETIENNE CEDEX



Représentée par Me Jean-Cha...

JYF/CP

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRET DU 29 JANVIER 2008

ARRET N 49

AFFAIRE N : 06/01707

AFFAIRE : Virginie X... épouse Y... C/ Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE

APPELANTE :

Madame Virginie X... épouse Y...

...

86340 ASLONNES

Comparante

Assistée de Me Z... Lee substituant Me Emmanuel A...
B... (avocat au barreau de POITIERS)

Suivant déclaration d'appel du 24 mai 2006 d'un jugement au fond du 09 mai 2006 rendu par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE POITIERS.

INTIMÉE :

Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE

...

B.P 306

42008 ST ETIENNE CEDEX

Représentée par Me Jean-Charles MENEGAIRE (avocat au barreau de POITIERS)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Président : Yves DUBOIS, Président

Conseiller : Isabelle GRANDBARBE, Conseiller

Conseiller : Jean Yves FROUIN, Conseiller

Greffier : Annie FOUR, uniquement présent aux débats,

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 décembre 2007,

Les conseils des parties ont été entendus en leurs explications, conclusions et plaidoiries.

L'affaire a été mise en délibéré et les parties avisées de la mise à disposition de l'arrêt au Greffe le 29 janvier 2008.

Ce jour a été rendu contradictoirement et en dernier ressort, l'arrêt suivant :

ARRÊT :

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme Y..., engagée à compter du 15 mai 1990 par la société Hyperallye, aux droits de laquelle se trouve la société Distribution Casino France en qualité d'hôtesse de Caisse et promue à compter du 1er novembre 2000 responsable commerciale, a été licenciée pour inaptitude, le 3 février 2005.

Par jugement en date du 9 mai 2006, le conseil de prud'hommes de Poitiers a dit que Mme Y... n'avait pas subi de harcèlement moral, que son contrat n'avait pas été modifié, et a rejeté toutes ses demandes.

Mme Y... a régulièrement interjeté appel du jugement dont elle sollicite l'infirmation. Elle soutient qu'elle a subi des agissements de harcèlement moral dont est résultée son inaptitude, qu'il s'ensuit que le licenciement est nul et conclut à la condamnation de la société à lui payer les sommes de 31 929, 60 à titre de dommages et intérêts pour rupture illicite, 1 330, 40 euros à titre d'indemnité de préavis, 10 000 euros à titre de préjudice moral, 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Distribution Casino France conclut à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de Mme Y... à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur le harcèlement moral

En vertu de l'article L. 122-49 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Par ailleurs, aux termes de l'article L. 122-52 du même code, en cas de litige relatif à l'application de l'article L. 122-49, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il est constant et ressort des éléments du dossier (certificat de travail) que Mme Y..., recrutée comme caissière, a occupé, à partir du 1er novembre 2000, d'un commun accord entre les parties les fonctions de responsable commerciale.

Or il est établi par les pièces du dossier qu'après un arrêt de travail pour un accident du travail du 25 juin 2002 au 28 mars 2003, et après avoir été déclarée apte à la reprise du travail à son poste par le médecin du travail, Mme Y... a été affectée à son retour, le 30 mars 2003, et pendant plusieurs mois au poste d'hôtesse de caisse, sans aucune justification, puisque d'une part le médecin du travail n'avait exprimé aucune réserve, et que d'autre part en application de l'article L. 122-32-4 du code du travail, à l'issue des périodes de suspension, le salarié, s'il y est déclaré apte par le médecin du travail, retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente.

Il est encore établi par une attestation précise et circonstanciée, versée au dossier, que la supérieure de Mme Y... a fait comprendre au délégué du personnel que Mme Y... en "baverait" si elle persistait à vouloir reprendre son poste d'hôtesse.

Il résulte, en outre, des pièces produites aux débats, que Mme Y... a sollicité, le 31 juillet 2003, soit trois mois à l'avance, trois jours de congé sur ses congés annuels pour les derniers jours d'octobre qui lui ont été refusés sans motif tiré des nécessités du fonctionnement de l'entreprise mais parce que la raison invoquée par la salariée -anniversaire- n'était pas une bonne raison !

Enfin, il ressort d'un certificat médical du médecin du travail en date du 10 janvier 2004 que celui-ci a constaté un syndrome anxio-dépressif réactionnel ayant commencé le 12 septembre 2003, avec signes évocateurs d'une névrose post-traumatique due à une mutation vécue par la salariée comme une sanction puis à diverses difficultés relationnelles avec la hiérarchie, évoquées par la salariée.

Madame Y... établit ainsi des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 122-49.

De son côté, l'employeur, sans répondre sur l'attestation produite et les congés refusés, se borne à faire valoir que c'est pour protéger Mme Y... de toute rechute qu'il l'a affectée à des fonctions d'hôtesse de caisse à son retour de congé maladie et qu'à partir d'un avenant du 12 juin 2003 il pouvait l'affecter à tout poste en fonction des nécessités de service.

Cependant, l'employeur ne peut sérieusement faire valoir la protection de la santé de la salariée pour justifier sa mutation à un poste inférieur dès lors que le médecin du travail l'avait déclarée apte à son poste. Par ailleurs, il ne peut davantage se prévaloir de l'avenant conclu le 12 juin 2003 car cet avenant était parfaitement illicite en ce qu'il réservait à l'employeur la faculté d'affecter la salariée en fonction des nécessités du service ou des modifications des demandes des clients aux différents travaux de l'établissement. En effet, la clause par laquelle l'employeur se réserve le droit de modifier en tout ou partie le contrat de travail du salarié est nulle, le salarié ne pouvant renoncer aux droits qu'il tient de la loi.

En conséquence, l'employeur ne rapporte pas la preuve dont la charge lui incombe que les agissements qui lui sont imputés ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il est ainsi établi que Mme Y... a subi des agissements de harcèlement moral.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les termes et les limites du litige, énonce que le licenciement de Mme Y... a été prononcé en raison de son inaptitude physique à son poste de travail et de l'impossibilité de son reclassement.

Il ressort de l'examen médical de reprise de Mme Y... par le médecin du travail en date du 7 janvier 2005 que celui-ci l'a déclarée inapte à son poste, avec risque de danger immédiat en cas de retour dans l'entreprise, et pas de reclassement possible dans aucun établissement de l'entreprise.

Cela étant, il appartient au juge, en cas de contestation du bien-fondé du licenciement, de rechercher la véritable cause du licenciement. Par ailleurs, si le motif de licenciement invoqué trouve sa cause directe et certaine dans un fait préalable et fautif de l'employeur qui l'a provoqué, c'est ce fait qui constitue alors la véritable cause de licenciement et il prive nécessairement de validité le licenciement subséquent.

En l'espèce, il résulte tant du rapprochement de la déclaration d'inaptitude de Mme Y... par le médecin du travail avec son certificat médical précédemment établi le 10 janvier 2004 que d'un certificat médical du médecin traitant produit aux débats en date du 6 janvier 2006 que l'inaptitude de Mme Y... à son poste de travail trouve sa cause directe et certaine dans les agissements de harcèlement moral qu'elle a subis au travail.

Ce sont donc ces agissements, imputables à l'employeur, qui constituent la véritable cause du licenciement.

Or, aux termes de l'article L. 122-49, dernier alinéa du code du travail, toute rupture du contrat de travail d'un salarié qui résulterait d'agissements de harcèlement moral dont il a été victime est nulle.

Il s'ensuit que le licenciement de Mme Y... est nul.

Il convient donc d'infirmer le jugement attaqué de dire que son licenciement est nul comme consécutif à des agissements de harcèlement moral, et de condamner la société Distribution Casino à lui payer la somme de 1 330, 40 euros à titre d'indemnité de préavis et, au vu des pièces produites pour justifier du préjudice ayant résulté pour la salariée du caractère illicite de la rupture, celle de 27 000 euros de ce chef.

Il n‘est en outre pas douteux que Mme Y... a subi un préjudice moral distinct et indépendant de celui résultant du caractère illicite de la rupture. Aussi y a t-il lieu de condamner la société Distribution Casino à lui payer la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef.

Sur la demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

En application de ce texte, il convient de condamner la société Distribution Casino, partie perdante et tenue aux dépens, à payer à Mme Y..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, tels les honoraires d'avocat, une somme qui sera déterminée dans le dispositif ci-après.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Poitiers en date du 9 mai 2006 et, statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Mme Y... est nul comme consécutif à des agissements de harcèlement moral,

Condamne la société Distribution Casino à payer à Mme Y... les sommes de 1 330, 40 euros à titre d'indemnité de préavis, 28 000 euros à titre d'indemnité pour rupture illicite de son contrat de travail, 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Condamne la société Distribution Casino à payer à Mme Y... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Condamne la société Distribution Casino aux dépens de première instance et d'appel.

Ainsi prononcé et signé par Monsieur Yves DUBOIS, Président de Chambre, assisté de Annie FOUR, Greffier.

Le Greffier,Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Numéro d'arrêt : 06/1707
Date de la décision : 29/01/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Poitiers


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-01-29;06.1707 ?
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