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27/11/2007 | FRANCE | N°05/03790

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Ct0081, 27 novembre 2007, 05/03790


JYF/CP

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRET DU 27 NOVEMBRE 2007

ARRET N

AFFAIRE N : 05/03790

AFFAIRE : Jean-Baptiste X... C/ SARL PRIMA VIENNE ENERGIE

APPELANT :

Monsieur Jean-Baptiste X...

...

86180 BUXEROLLES

Représenté par Me Claude COMTE (avocat au barreau de POITIERS)

Suivant déclaration d'appel du 23 décembre 2005 d'un jugement au fond du 05 décembre 2005 rendu par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE POITIERS.

INTIMÉE :

SARL PRIMA VIENNE ENERGIE

ZI de Chasseneuil

Ave

nue de l'Europe

86360 CHASSENEUIL DU POITOU

Représenté parMe François-Xavier Y... (avocat au barreau de POITIERS)

COMPOSITION DE LA COUR :

lors d...

JYF/CP

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRET DU 27 NOVEMBRE 2007

ARRET N

AFFAIRE N : 05/03790

AFFAIRE : Jean-Baptiste X... C/ SARL PRIMA VIENNE ENERGIE

APPELANT :

Monsieur Jean-Baptiste X...

...

86180 BUXEROLLES

Représenté par Me Claude COMTE (avocat au barreau de POITIERS)

Suivant déclaration d'appel du 23 décembre 2005 d'un jugement au fond du 05 décembre 2005 rendu par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE POITIERS.

INTIMÉE :

SARL PRIMA VIENNE ENERGIE

ZI de Chasseneuil

Avenue de l'Europe

86360 CHASSENEUIL DU POITOU

Représenté parMe François-Xavier Y... (avocat au barreau de POITIERS)

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats,

en application de l'article 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition des avocats des parties ou des parties :

Monsieur Jean-Yves FROUIN, faisant fonction de Conseiller Rapporteur,

après avoir entendu les plaidoiries et explications des parties,

assisté de Annie FOUR, Greffier, uniquement présent aux débats,

en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur Yves DUBOIS Président,

Madame Isabelle GRANDBARBE Conseiller,

Monsieur Jean Yves FROUIN, Conseiller.

DÉBATS :

A l'audience publique du 24 Octobre 2007,

Les conseils des parties ont été entendus en leurs explications, conclusions et plaidoiries,

L'affaire a été mise en délibéré et les parties avisées de la mise à disposition de l'arrêt au Greffe le 27 Novembre 2007.

Ce jour a été rendu contradictoirement et en dernier ressort l'arrêt suivant :

ARRÊT :

EXPOSÉ DU LITIGE

M. X..., engagé le 5 octobre 2000 en qualité d'agent commercial par la société Prima Vienne Energie, a notifié à son employeur, par lettre du 18 août 2004, qu'il quitterait l'entreprise, le 30 août suivant.

Par jugement en date du 24 octobre 2005 rendu sous la présidence du juge départiteur, le conseil de prud'hommes de Poitiers a dit que la rupture du contrat de travail n'était pas imputable à la société Prima Vienne Energie, a rejeté les demandes du salarié à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à titre de rappel de congés payés, et condamné la société à lui payer la somme de 372 euros à titre de rappel de commissions.

M. X... a régulièrement interjeté appel du jugement dont il sollicite l'infirmation. Il soutient que la rupture du contrat de travail procédait des manquements de l'employeur à son égard et conclut à la condamnation de la société à lui payer les sommes de 30 000 euros à titre à titre de dommages et intérêts, 734, 21 euros à titre de rappel de congés payés et 758, 47 euros à titre de rappel de commissions pour l'année 2003 Il sollicite également la condamnation de la société à lui remettre les relevés mensuels des contrats conclus à compter du 1er janvier 2004 jusqu'au 18 août 2004 dans les huit jours de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 30 euros par jour de retard, sa condamnation à lui payer les commissions afférentes au titre de l'année 2004, et sa condamnation à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Prima Vienne Energie conclut à la confirmation du jugement attaqué sur le licenciement et sur le rappel de congés payés mais forme appel incident pour le surplus et conclut au rejet de la demande de M. X... à titre de rappel de commissions et à sa condamnation à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la rupture

Il est de règle que la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur s'analyse, quelle que soit la dénomination utilisée (prise d'acte, démission, résiliation, départ de l'entreprise...), en une prise d'acte qui produit les effets, soit, d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou d'un licenciement nul, s'agissant d'un salarié protégé) si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

En l'espèce, il ressort de la lettre de M. X... à son employeur en date du 18 août 2004 qu'il l'informe qu'il quittera l'entreprise le 31 août suivant aux motifs que "l'employeur a manifesté à son égard un comportement difficilement tolérable, qu'indépendamment d'une véritable persécution épistolaire, il a pris un malin plaisir à tenir à son encontre des propos inadmissibles dans le but évident de se débarrasser de lui, que compte tenu du véritable harcèlement dont il a été l'objet il apparaît que seule la cessation des relations professionnelles peut être de nature à lui permettre de reprendre une vie normale".

Il suit de ces éléments, conformément à la règle qui précède, que la rupture s'analyse en une prise d'acte.

Il importe donc de déterminer si les faits invoqués sont établis et étaient de nature à la justifier étant observé que, contrairement à ce qui est soutenu par la société, l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige et que le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

A cet égard, il résulte des pièces produites aux débats qu'entre le 4 juin 2003 et le 7 juin 2004, la société a adressé à M. X... au moins vingt neuf courriers !

Il en ressort également et plus précisément :

- que, par lettre du 4 juin 2003, la société Prima Vienne Energie a mis en demeure M. X... de lui remettre sous huit jours ses rapports d'activité depuis le 21 mars 2003 et de veiller à transmettre tous les lundis le rapport hebdomadaire de la semaine écoulée, ce qui n'est pas en soi anormal pour un agent commercial mais n'était pas exigé des autres agents commerciaux par la société (en tout cas pas de manière aussi brutale et avec la même pression),

- qu'au cours du mois de juin 2003, la société, sans même en aviser préalablement M. X..., a fait suspendre d'autorité sa ligne téléphonique par France Télécom au-delà d'un certain temps d'utilisation,

- que, par lettre du 26 novembre 2003, la société a imposé à M. X..., sans justification particulière, de passer quotidiennement dans les bureaux de Chasseneuil en lui demandant d'utiliser la pointeuse mise en place dans l'entreprise pour justifier de ses passages, ce qui n'était exigé d'aucun autre agent commercial,

- que, par lettre du 8 décembre 2003, la société a demandé instamment à M. X..., alors en arrêt de travail pour maladie, de ramener la voiture de service à la société dans les 48 heures,

- que, par lettre du 11 février 2004, la société a notifié à M. X... qu'"après analyse de ses temps passés à l'exploitation le matin pour établir ses prévisionnels de travail de la journée et ses rendez-vous, elle doutait fort qu'une moyenne de 10 minutes lui permette de préparer de façon complète son plan de travail", ce qui signifie qu'outre qu'elle exigeait le passage de M. Day chaque jour à l'exploitation elle contrôlait d'une manière tatillonne le temps passé quotidiennement par lui et l'adéquation de ce temps avec le temps de préparation d'une journée de travail !

- que, par lettre du 7 avril 2004, la société a reproché à M. X... de n'avoir pas été présent le 18 mars 2004 à une réunion du salon de l'habitat pour le compte de la société alors qu'il est établi au dossier qu'il y était bien présent,

- que, par lettre du 7 juin 2004, la société a notifié à M. X..., sans aucune explication ni justification pertinentes, qu'elle lui refusait les congés qu'il avait posés pour le mois d'août comme l'année précédente.

Ces illustrations, au vu des pièces du dossier, ne sont qu'une petite partie des tracasseries, mises en garde, menaces de toute nature faites par courriers par la société à M. X....

Il importe d'ajouter que, n'étant plus réglé par la société de ses frais professionnels pour les mois de février, mars, avril et mai 2004, M. X... a dû saisir la formation de référé de la juridiction prud'homale d'une demande que celle-ci a accueilli par une ordonnance du 10 juin 2004 contre laquelle la société n'a formé aucun recours.

Enfin, et surtout, il ressort des éléments du dossier que, peu avant la prise d'acte de la rupture par M. X... aux torts de son employeur, ce dernier avait saisi l'inspecteur du travail d'une demande aux fins d'autorisation du licenciement du salarié, lequel était délégué du personnel suppléant, en alléguant six griefs (rapports d'activité hebdomadaire non remis systématiquement le lundi matin, absence de pointage tous les matins à huit heures, absence de démarchage de certains clients et nombre de prospects insuffisants, mensonge quant au démarchage de clients, téléphone utilisé à des fins personnelles, non paiement de procès-verbaux de stationnement) et que l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation par une décision en date du 16 avril 2004 très fortement motivée sur chacun des griefs en retenant que "les faits allégués n'étaient ni réels ni établis et qu'au surplus un traitement différent était fait par M. Z... (gérant de la société) entre M. X... et les autres salariés de l'entreprise". La décision de l'inspecteur du travail n'a été l'objet d'aucun recours par la société.

Il est ainsi établi par l'ensemble de ces éléments que M. X... a subi des agissements pouvant être qualifiés de harcèlement moral au sens de l'article L. 122-49 du code du travail et que ces faits étaient de nature à justifier la prise d'acte de la rupture par lui aux torts de l'employeur.

Il importe donc d'infirmer le jugement attaqué, de dire que la prise d'acte de la rupture par M. X... a produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur et, au vu des pièces produites pour justifier du préjudice ayant résulté pour le salarié du caractère illicite de la rupture, de condamner la société Prima Vienne Energie à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur le rappel de congés payés

Il ressort des pièces produites aux débats, qu'au moment de son départ de l'entreprise, M. X... avait acquis des droits à congé dont il n'a pas bénéficié du fait de son départ. Il est donc bien fondé à prétendre de ce chef à une indemnité compensatrice de congés payés à hauteur de la somme de 734, 21 euros.

Aussi y a t-il lieu d'infirmer le jugement attaqué également de ce chef et de condamner la société à payer cette somme à M. X....

Sur le rappel de commissions

Il était prévu par l'avenant au contrat de travail en date du 28 février 2003 que M. X... percevrait une prime de 31 euros brut sur les contrats traités par M. A... sur les cantons de Vienne et de l'Indre et Loire.

Il résulte des contrats conclus et du décompte produits aux débats que M. X... avait droit à ce titre en application de l'avenant au paiement d'une prime de 758, 47 euros qui ne lui a jamais été payée par la société.

Il importe en conséquence de réformer le jugement attaqué et de condamner la société à payer cette somme à M. X....

Sur la demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

En application de ce texte, il convient de condamner Prima Vienne Energie, partie perdante et tenue aux dépens, à payer à M. X..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, tels les honoraires d'avocat, une somme qui sera déterminée dans le dispositif ci-après.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Poitiers en date du 24 octobre 2005 et, statuant à nouveau,

Dit que la prise d'acte de la rupture par M. X... a produit les effets d'un licenciement nul,

Condamne la société Prima Vienne Energie à payer à M. X... la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne la société Prima Vienne Energie à payer à M. X... les sommes de 734, 21 euros à titre de rappel de congés payés et 758, 47 euros à titre de rappel de commissions,

Condamne la société Prima Vienne Energie à payer à M. X... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Condamne la société Prima Vienne Energie aux dépens d'appel de première instance et d'appel.

Ainsi prononcé et signé par Monsieur Yves DUBOIS, Président de Chambre, assisté de Annie FOUR, Greffier.

Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Ct0081
Numéro d'arrêt : 05/03790
Date de la décision : 27/11/2007

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Prise d'acte de la rupture - Prise d'acte par le salarié - Cause - Manquements reprochés à l'employeur - Preuve - Effets - Détermination de l'imputabilité de la rupture - // JDF

La rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur s'analyse, quelle que soit la dénomination utilisée, en une prise d'acte, qui produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou d'un licenciement nul s'agissant d'un salarié protégé, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Poitiers, 05 décembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.poitiers;arret;2007-11-27;05.03790 ?
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