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20/11/2007 | FRANCE | N°07/02551

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 20 novembre 2007, 07/02551


JYF/CP







COUR D'APPEL DE POITIERS



Chambre Sociale



ARRET DU 20 NOVEMBRE 2007











ARRET N 649



AFFAIRE N : 07/02551



AFFAIRE : Rémy X..., Bruno Y..., Laurent Z..., Jean-Luc A..., Alain B..., Dominique C..., Hervé D..., Laurent E..., Jérôme F..., Philippe G..., Pascal H..., Daniel I..., Eric J... C/ MANUFACTURE FRANCAISE DES PNEUMATIQUES MICHELIN ET CIE







APPELANTS,



Comparant volontairement à l'audience :



Monsieur Rémy X...


...


86380 MARIGNY BRIZAY



Comparant

Assisté de Me Philippe BRUN (avocat au barreau de REIMS)



Monsieur Bruno Y...


...


86800 MIGNALOUX K...




Comparant

Assisté de Me Philippe...

JYF/CP

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRET DU 20 NOVEMBRE 2007

ARRET N 649

AFFAIRE N : 07/02551

AFFAIRE : Rémy X..., Bruno Y..., Laurent Z..., Jean-Luc A..., Alain B..., Dominique C..., Hervé D..., Laurent E..., Jérôme F..., Philippe G..., Pascal H..., Daniel I..., Eric J... C/ MANUFACTURE FRANCAISE DES PNEUMATIQUES MICHELIN ET CIE

APPELANTS,

Comparant volontairement à l'audience :

Monsieur Rémy X...

...

86380 MARIGNY BRIZAY

Comparant

Assisté de Me Philippe BRUN (avocat au barreau de REIMS)

Monsieur Bruno Y...

...

86800 MIGNALOUX K...

Comparant

Assisté de Me Philippe BRUN (avocat au barreau de REIMS)

Monsieur Laurent Z...

...

86380 CHABOURNAY

Comparant

Assisté de Me Philippe BRUN (avocat au barreau de REIMS)

Monsieur Jean-Luc A...

...

86170 CISSE

Comparant

Assisté de Me Philippe BRUN (avocat au barreau de REIMS)

Monsieur Alain B...

La Cormallièe

86130 DISSAY

Non comparant

Représenté par Me Philippe BRUN (avocat au barreau de REIMS)

Monsieur Dominique C...

...

86000 POITIERS

Comparant

Assisté de Me Philippe BRUN (avocat au barreau de REIMS)

Monsieur Hervé D...

...

86440 MIGNE AUXANCES

Comparant

Assisté de Me Philippe BRUN (avocat au barreau de REIMS)

Monsieur Laurent E...

...

86580 VOUNEUIL SOUS BIARD

Non comparant

Représenté par Me Philippe BRUN (avocat au barreau de REIMS)

Monsieur Jérôme F...

...

86000 POITIERS

Comparant

Assisté de Me Philippe BRUN (avocat au barreau de REIMS)

Monsieur Philippe G...

...

86240 LIGUGE

Comparant

Assisté de Me Philippe BRUN (avocat au barreau de REIMS)

Monsieur Pascal H...

La Counière

86470 BENASSAY

Comparant

Assisté de Me Philippe BRUN (avocat au barreau de REIMS)

Monsieur Daniel I...

...

86000 POITIERS

Comparant

Assisté de Me Philippe BRUN (avocat au barreau de REIMS)

Monsieur Eric J...

...

86170 AVANTON

Comparant

Assisté de Me Philippe BRUN (avocat au barreau de REIMS)

Suivant déclaration d'appel du 30 juillet 2007 d'un jugement au fond du 25 juillet 2007 rendu par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE POITIERS.

INTIMÉE :

MANUFACTURE FRANCAISE DES PNEUMATIQUES MICHELIN ET CIE

Place des Carmes Dechaux

63040 CLERMONT-FERRAND 09

Représenté par M. Philippe MARTIN SAINT LEON (Directeur du personnel)

Assisté de Me Pierre L... (avocat au barreau de POITIERS)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Président : Yves DUBOIS, Président

Conseiller : Isabelle GRANDBARBE, Conseiller

Conseiller : Jean Yves FROUIN, Conseiller

Greffier : Annie FOUR, Greffier, uniquement présent aux débats,

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 octobre 2007,

Les conseils des parties ont été entendus en leurs explications, conclusions et plaidoiries.

L'affaire a été mise en délibéré et les parties avisées de la mise à disposition de l'arrêt au Greffe le 20 novembre 2007.

Ce jour a été rendu contradictoirement et en dernier ressort, l'arrêt suivant :

ARRÊT :

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 13 octobre 2003, un accord collectif d'entreprise a été signé au sein de la société Manufacture française des pneumatiques Michelin (MFPM) qui prévoyait notamment des mesures d'accompagnement social devant permettre de réaliser des adaptations d'effectifs annoncées au comité central d'entreprise de l'unité économique et sociale, le 18 juin 2003, concernant les établissements de Bourges et de Poitiers.

En juin 2005, la société, ayant décidé l'arrêt de la production des pneus poids lourd sur le site de Poitiers et le renforcement du site de Joué les Tours, a engagé une procédure de licenciement collectif pour motif économique qui a donné lieu à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi et à l'issue de laquelle 111 salariés, employés sur le site de Poitiers, ont été licenciés pour motif économique, à partir du 15 février 2006.

M. X... et douze autres salariés, également employés sur le site de Poitiers et qui bénéficiaient d'un statut de représentant du personnel, ont été à leur tour licenciés pour motif économique, le 22 septembre 2006, après que le Ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et de la solidarité a autorisé leur licenciement par décision du 20 septembre 2006. Ils ont saisi la juridiction prud'homale d'une contestation du bien-fondé de leur licenciement pour motif économique et de demandes en paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts. Par jugement en date du 25 juillet 2007, le conseil de prud'hommes de Poitiers a rejeté les demandes comme non fondées.

M. X... et les 12 autres salariés ont régulièrement interjeté appel de ce jugement dont ils sollicitent l'infirmation.

Ils soutiennent, en premier lieu, que leur licenciement est illicite en raison de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi et du non-respect par l'employeur de son obligation conventionnelle de reclassement.

Ils font valoir, en deuxième lieu, que leur licenciement avait un caractère frauduleux et abusif au motif que, sous couvert de transfert d'emplois, des emplois ont été en réalité supprimés.

Ils invoquent, en troisième lieu, une violation de l'ordre des départs.

En conséquence de ces moyens, les salariés demandent la condamnation de la société Manufacture française des pneumatiques Michelin à leur payer les sommes suivantes :

M. X... :

- Dommages et intérêts pour licenciement illicite 68 760 euros

- Dommages et intérêts pour licenciement frauduleux et abusif 45 840 euros

- Dommages et intérêts pour violation de l'ordre des départs 22 920 euros

M. Y... :

- Dommages et intérêts pour licenciement illicite 68 148 euros

- Dommages et intérêts pour licenciement frauduleux et abusif 45 432 euros

- Dommages et intérêts pour violation de l'ordre des départs 22 716 euros

M. Z... :

- Dommages et intérêts pour licenciement illicite 66 420 euros

- Dommages et intérêts pour licenciement frauduleux et abusif 44 280 euros

- Dommages et intérêts pour violation de l'ordre des départs 22 140 euros

M. A... :

- Dommages et intérêts pour licenciement illicite 68 184 euros

- Dommages et intérêts pour licenciement frauduleux et abusif 45 456 euros

- Dommages et intérêts pour violation de l'ordre des départs 22 728 euros

M. M... :

- Dommages et intérêts pour licenciement illicite 82 008 euros

- Dommages et intérêts pour licenciement frauduleux et abusif54 672 euros

- Dommages et intérêts pour violation de l'ordre des départs 27 336 euros

M. C... :

- Dommages et intérêts pour licenciement illicite73 188 euros

- Dommages et intérêts pour licenciement frauduleux et abusif48 792 euros

- Dommages et intérêts pour violation de l'ordre des départs 24 396 euros

M. D... :

- Dommages et intérêts pour licenciement illicite74 772 euros

- Dommages et intérêts pour licenciement frauduleux et abusif49 848 euros

- Dommages et intérêts pour violation de l'ordre des départs 24 924 euros

M. E... :

- Dommages et intérêts pour licenciement illicite54 504 euros

- Dommages et intérêts pour licenciement frauduleux et abusif36 336 euros

- Dommages et intérêts pour violation de l'ordre des départs 18 168 euros

M. F... :

- Dommages et intérêts pour licenciement illicite68 940 euros

- Dommages et intérêts pour licenciement frauduleux et abusif45 960 euros

- Dommages et intérêts pour violation de l'ordre des départs 22 980 euros

M. G... :

- Dommages et intérêts pour licenciement illicite80 100 euros

- Dommages et intérêts pour licenciement frauduleux et abusif53 400 euros

- Dommages et intérêts pour violation de l'ordre des départs 26 700 euros

M. H... :

- Dommages et intérêts pour licenciement illicite74 700 euros

- Dommages et intérêts pour licenciement frauduleux et abusif49 800 euros

- Dommages et intérêts pour violation de l'ordre des départs 24 900 euros

M. I... :

- Dommages et intérêts pour licenciement illicite76 608 euros

- Dommages et intérêts pour licenciement frauduleux et abusif51 072 euros

- Dommages et intérêts pour violation de l'ordre des départs 25 536 euros

M. J... :

- Dommages et intérêts pour licenciement illicite78 696 euros

- Dommages et intérêts pour licenciement frauduleux et abusif52 464 euros

- Dommages et intérêts pour violation de l'ordre des départs 26 232 euros

Il sollicitent également la condamnation de la société Michelin à leur payer la somme de 1 500 euros à chacun sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société conclut à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation in solidum des demandeurs à lui payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la validité du licenciement

En l'état d'une autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement, notamment au regard du respect par l'employeur de son obligation de reclassement.

Cela étant, les salariés dont le licenciement a été autorisé par l'administration peuvent contester la validité du plan social devant la juridiction judiciaire et lui demander d'en tirer les conséquences qui s'évincent de l'article L. 321-4-1 du Code du travail sans que cette contestation, qui ne concerne pas le bien fondé de la décision administrative ayant autorisé le licenciement, porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs.

En l'espèce, M. X... et les autres salariés font valoir tout à la fois pour contester la validité de leur licenciement le manquement de la société à son obligation conventionnelle de reclassement et l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi.

- En ce qui concerne l'obligation conventionnelle de reclassement

Le manquement de l'employeur à une telle obligation, s'il était caractérisé, ne pourrait avoir pour conséquence que l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement des salariés au regard de l'article L. 122-14-3 du code du travail. Au demeurant, au soutien de ce moyen juridique, les salariés demandeurs à l'instance visent expressément ce texte, et seulement ce texte.

Or, ainsi qu'il vient d'être rappelé, en l'état d'une autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement, notamment au regard du respect par l'employeur de son obligation de reclassement, peu important que l'obligation en cause soit de nature conventionnelle.

La demande de ce chef est donc mal fondée.

Surabondamment, aux termes de l'article 14-2 de la convention collective nationale du caoutchouc, "tant qu'à l'intérieur de l'établissement le volume de la production ou du travail dans le secteur de production où le salarié exerce son activité reste constant ou s'accroît, l'employeur devra s'efforcer, avant tout congédiement pour cause de suppression d'emploi, de modification de structure ou de réorganisation de ce secteur, de proposer à l'intéressé, dans l'entreprise, un poste équivalent au précédent et en rapport avec ses aptitudes. Au cas où l'entreprise ne pourrait fournir un tel poste à l'intéressé, elle s'adressera à son organisation professionnelle, qui s'efforcera à son tour de reclasser, dans le cadre local ou régional, le salarié congédié".

Il résulte de ces dispositions que l'information de l'organisation professionnelle à l'effet de tenter le reclassement externe du salarié ne s'impose à l'employeur que pour autant qu'il ne peut proposer à l'intéressé un poste équivalent au précédent et en rapport avec ses aptitudes. Or, en l'espèce, il résulte des pièces du dossier que la société Michelin était en mesure de proposer aux salariés des postes équivalents à leur poste supprimé et qu'elle l'a fait.

Au surplus, une telle obligation n'est prévue par le texte conventionnel qu'une fois le salarié licencié (=congédié), en sorte que sa méconnaissance ne pourrait constituer qu'une simple irrégularité ouvrant droit à dommages et intérêts sans affecter la validité du licenciement.

En conséquence et en toute hypothèse, la société Michelin n'a pas méconnu son obligation conventionnelle de reclassement, contrairement à ce qui est prétendu par les salariés.

- En ce qui concerne la pertinence du plan de sauvegarde de l'emploi

Selon l'article L. 321-4-1 du code du travail, dans les entreprises employant au moins 50 salariés, lorsque le nombre de licenciements est au moins égal à 10 dans une même période de 30 jours, l'employeur doit établir et mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment les salariés âgés ou qui présentent des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile ; le plan social doit prévoir des mesures telles que, par exemple des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent, des créations d'activités nouvelles par l'entreprise, des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi, des soutiens à la création d'activités nouvelles, des actions de formation ou de reconversion, des mesures de réduction ou d'aménagement de la durée du travail, ... ; la validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise.

Il ressort en l'espèce, du plan de sauvegarde de l'emploi établi et mis en oeuvre par la société Michelin que ce plan prévoyait, outre la proposition personnelle à chacun des salariés concernés de deux offres de reclassement dont l'une sur un site proche de celui de Poitiers :

- des mesures de reclassement interne au sein de l'établissement de Joué les Tours, des autres établissements de la société MFPM, ou d'autres sociétés du groupe accompagnées d'une liste précise et concrète de l'ensemble des postes disponibles dans les établissements de la société ou d'autres sociétés et filiales (plus de 400 postes) avec maintien de l'ancienneté, de la qualification, de la rémunération, et aide financière à la mobilité géographique interne sans déménagement vers le site de Joué les Tours ou avec déménagement vers d'autres sites, l'aide étant alors complétée par des aides au logement, à la découverte de la région d'accueil, au conjoint salarié...

- des mesures d'âge de nature à permettre à des salariés de partir à la retraite dès l'âge de 55 ans moyennant la perception d'une allocation de cessation d'activité,

- des aides financière au retour pour réaliser un projet de reconversion pour les salariés de nationalité étrangère,

- des mesures de revitalisation du bassin d'emploi de Poitiers pour permettre le maintien dans l'emploi sur le site de Poitiers, et par conséquent le reclassement externe du personnel concerné,

- la mise en place d'une cellule d'accompagnement à la recherche d'emploi pour favoriser le reclassement externe avec pour mission la formation aux techniques de recherche d'emploi, la réalisation de bilans individuels, l'accompagnement et la dynamisation de la recherche, la prospection du marché de l'emploi,

- des aides spécifiques complémentaires, telles que des aides financières à la recherche d'un emploi salarié, à la création ou la reprise d'activité, à la réalisation d'une formation qualifiante.

Il résulte, par ailleurs, des pièces du dossier que, pour tenir compte des observations qui avaient été présentées par la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la Vienne, le plan de sauvegarde de l'emploi ainsi établi a été encore amélioré par la société sur de nombreux points pour faciliter la recherche et la mise en oeuvre des reclassements : qu'ainsi la durée du congé de reclassement a été allongée, que les prestations de la cellule de reclassement ont été étroitement précisées dans leur objet et leur finalité, que les aides spécifiques complémentaires ont été elles-mêmes précisées dans leur objet et complétées, les frais de formation qualifiante étant désormais intégralement pris en charge par l'employeur tandis qu'une allocation temporaire dégressive était instituée pour compenser la perte de revenu consécutive à un nouvel emploi,...

Il suit de ces éléments que le plan de sauvegarde de l'emploi établi et mis en oeuvre par la société Michelin, qui était de nature à permettre le reclassement de l'ensemble des salariés concernés par les suppressions d'emploi, répondait aux exigences légales de l'article L. 321-4-1, étant tenu compte de ce que sa validité doit être appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise.

Au demeurant, il est établi au dossier que 60 salariés ont été maintenus sur le site de Poitiers, 178 ont bénéficié d'un reclassement interne dont 152 sur le site proche de Joué les Tours, 129 ont bénéficié d'un départ anticipé à la retraite, 52 ont bénéficié d'une formation qualifiante ; que sur les 111 salariés ordinaires qui ont été licenciés, la plupart ont retrouvé un emploi après avoir bénéficié des services de la cellule de reclassement, et que les mesures de revitalisation du bassin d'emploi ont contribué à la création sur place d'un grand nombre d'emplois avec un objectif sur 4 ans de 600 emplois ; que sur les 13 salariés protégés demandeurs à la présente instance qui ont été licenciés, la plupart d'entre eux ont retrouvé un emploi après avoir bénéficié des services de la cellule de reclassement.

Il n'est, d'ailleurs, pas sans intérêt de noter, même si c'est sans incidence juridique sur la présente instance, que les organisations syndicales qui ont saisi le Tribunal de Grande instance d'une demande en nullité de la procédure de licenciement collectif pour diverses irrégularités n'ont pas fait valoir au soutien de leur demande l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, ce qui est significatif.

Enfin, s'il est vrai que le plan de sauvegarde de l'emploi peut sembler réserver l'aide d'une cellule de reclassement aux salariés ayant adhéré au congé de reclassement, encore que la rédaction du plan sur ce point est incertaine et paraît seulement renvoyer aux termes de la loi (selon lesquels le congé de reclassement a pour objet de permettre au salarié de bénéficier d'une cellule d'accompagnement des démarches de recherche d'emploi) sans nécessairement exclure de ce bénéfice les salariés non adhérents au congé de reclassement, il résulte en toute hypothèse des pièces du dossier que la société s'est engagée à faire bénéficier de cette prestation tous les salariés qui le souhaiteraient indépendamment de leur adhésion à un congé de reclassement et a respecté cet engagement. Au surplus, les salariés demandeurs à la présente instance sont sans intérêt à faire valoir cet élément de contestation à l'appui de leur demande en nullité du plan social dès l'instant qu'ils ont tous demandé à bénéficier d'un congé de reclassement et ont donc pu bénéficier de la prestation de la cellule de reclassement.

Sur le caractère frauduleux ou abusif des licenciements

Les salariés soutiennent, ensuite, qu'il y aurait une perte d'emplois cumulés sur les sites de Joué les Tours et de Poitiers par rapport à 2003, et que dès lors les licenciements intervenus ont eu un caractère frauduleux ou abusif.

Le grief tel que formulé est imprécis. Pour qu'il y ait fraude ou abus, il conviendrait qu'une règle ait été radicalement détournée de son objet par la société ou que celle-ci ait dissimulé des intentions réelles derrière des engagements qu'elle aurait pris puis sciemment méconnus.

Or, en l'espèce, la société a annoncé (2003) puis décidé (2005) le regroupement de l'activité de production pneu poids lourd sur le site de Joué les Tours et s'est engagée à affecter l'ensemble des salariés qui en feraient la demande sur ce site. Il n'apparaît pas qu'elle a méconnu cet engagement et il n'est pas davantage établi qu'elle aurait transféré l'outil de production sur d'autres sites que celui de Joué les Tours.

Par suite, la circonstance que l'effectif global des sites de Poitiers et Joué les Tours soit aujourd'hui inférieur à ce qu'il était ne caractérise aucune fraude ou abus et ne rend pas les licenciements prononcés frauduleux ou abusifs.

Sur l'ordre des départs

Pour autant qu'on peut comprendre ce dernier grief fait à la société MFPM par les salariés, la société a appliqué, à tort, les règles de l'ordre des licenciements pour déterminer ceux des salariés qui restaient sur le site de Poitiers alors, est-il soutenu, qu'elle aurait dû établir un ordre des départs ou un ordre des reclassements.

On chercherait, en vain, dans la loi une obligation faite à l'employeur dans pareille situation de définir et mettre en oeuvre un ordre des départs ou un ordre des reclassements.

Ce qui est vrai, c'est que la société n'était pas tenue d'appliquer les règles prévues par l'article L. 321-1-1 du code du travail pour la détermination de ceux des salariés qui seraient reclassés sur le site de Poitiers où la société avait décidé de maintenir une activité tandis que les autres se verraient proposer un reclassement sur le site de Joué les Tours. En effet, l'employeur n'est tenu de mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 321-1-1, relatif à l'établissement et à l'application des critères fixant l'ordre des licenciements, que lorsqu'un licenciement pour motif économique est décidé.

Cela étant, il ne peut lui être reproché d'avoir appliqué des règles qui n'étaient pas obligatoires à seule fin d'assurer la transparence et l'objectivité de ses choix, cela d'autant plus qu'il apparaît au vu des pièces du dossier que les critères définis et mis en oeuvre ont permis de maintenir sur place ceux des salariés qui auraient eu le plus de difficultés à assumer une mobilité.

Il est, d'ailleurs, à noter qu'aucun des salariés demandeurs dans la présente instance ne critique les critères définis et mis en oeuvre, ni ne fait valoir qu'il aurait dû être choisi pour rester sur le site de Poitiers plutôt que tel autre salarié.

Le grief est donc mal fondé.

En application des motifs qui précèdent, il convient donc de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions.

Sur la demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

Il n'y a pas lieu à condamnation des salariés sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Poitiers en date du 17 janvier 2007,

Y ajoutant,

Rejette la demande de la société Manufacture française des pneumatiques Michelin fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Condamne les salariés aux dépens d'appel.

Ainsi prononcé et signé par Monsieur Yves DUBOIS, Président de Chambre, assisté de Annie FOUR, Greffier.

Le Greffier,Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Numéro d'arrêt : 07/02551
Date de la décision : 20/11/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Poitiers


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-11-20;07.02551 ?
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