ARRET NoR.G : 04/01042P.B./R.B. X... C/GAN ASSURANCES IARD Y... INFIRMATION COUR D'APPEL DE POITIERS 3ème Chambre Civile ARRET DU 31 MAI 2006 DEMANDEUR :Monsieur Gilles X... né le 06 Juin 1966 à TULLE (19) ... 19260 AFFIEUX représenté par la SCP MUSEREAU & MAZAUDON, avoués à la Cour assisté de Me François MORICE, avocat au barreau de TULLE (USSEL)Suivant déclaration de saisine du 7 Avril 2004 après arrêt de la Cour de Cassation du 10 mars 2004, cassant et annulant l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de LIMOGES le 10 décembre 2002 sur appel d'un jugement rendu le 21 décembre 2000 par le Tribunal de Grande Instance de TULLE DEFENDEURS :1o) Société Anonyme GAN ASSURANCES IARD 8, rue d'Astorg 75008 PARIS représentée par ses Président et Directeur domiciliés en cette qualité audit siège. 2o) Monsieur Jean-Marc Y... né le 22 Mars 1963 à CHATOU (78) ... 19260 AFFIEUX représentés par la SCP LANDRY & TAPON, avoués à la Courassistés de Me Luc BILLY, avocat au barreau de POITIERS COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :Madam Chantal MECHICHE, Présidente, Monsieur Philippe SALLES DE SAINT-PAUL, Conseiller, Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller,GREFFIER :Madame Estelle RIBANNEAU, Greffier,MINISTERE PUBLIC : Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.DEBATS :A l'audience publique du 06 Avril 2006, La Présidente a été entendu en son rapport,Les Conseils des parties ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,Puis l'affaire a été mise en délibéré pour être mise à disposition des parties au greffe le 31 Mai 2006,Ce jour, a été rendu, contradictoirement et en dernier ressort, l'arrêt dont la teneur suit :
ARRET : FAITS ET PROCEDURE
M. Z..., préposé de la société Thébault, qui livrait le 28 mai 1996 chez M. X..., agriculteur, des plaques de béton pour la construction d'un silo, a été blessé par la chute de l'un de ces
éléments au cours de son déchargement opéré au moyen de la fourche élévatrice d'un tracteur agricole conduit par son propriétaire M. Y..., agriculteur voisin. Pénalement poursuivis, MM. X... et Y... ont été relaxés du chef du délit de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité temporaire totale de plus de trois mois par un jugement, rendu le 29 juin 1999, du Tribunal correctionnel de Tulle qui, statuant sur l'action civile, a fait application de la loi du 5 juillet 1985 et a condamné M. Y..., en sa qualité de conducteur et propriétaire du tracteur impliqué dans l'accident, et son assureur, la compagnie Groupe des assurances nationales (le Gan), à réparer le dommage subi par M. Z.... Le Gan et M. Y... ont alors introduit une action récursoire à l'encontre de M. X... pour dire que les blessures subies par M. Z... s'étaient produites alors que M. Y... aidait bénévolement M. X... à la demande de celui-ci et dans le cadre d'une convention d'assistance bénévole et qu'en l'absence de faute de l'assistant, M. Y..., cette convention comportait nécessairement l'obligation pour l'assisté, M. X..., de garantir de toute responsabilité par lui encourue à l'égard de la victime de l'accident.
Par jugement du 21 décembre 2000, le Tribunal de grande instance de Tulle, rejetant l'application des dispositions sur l'entraide agricole, a dit que les blessures subies par M. Z... à l'occasion de l'accident survenu le 28 mai 1996 se sont produites dans le cadre d'une convention d'assistance bénévole entre M. Y... et M. X..., a condamné M. X... à relever indemnes M. Y... et le Gan de toute condamnation prononcée à leur encontre et a rejeté toute autre demande.
Par arrêt du 10 décembre 2002, la Cour d'appel de Limoges a infirmé ce jugement et a rejeté les demandes de M. Y... et du Gan.
Sur le pourvoi formé par le Gan et M. Y..., la Cour de cassation
(2ème Chambre civile) a, par arrêt du 10 mars 2004, cassé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2002 et renvoyé les parties devant la Cour d'appel de Poitiers. Elle a estimé que la Cour d'appel de Limoges, en rejetant la demande de M. Y... et du Gan aux motifs que les responsables éventuels du dommage autre que du fait du véhicule impliqué ne peuvent être recherchés que sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et que l'action récursoire engagée sur l'application de la loi du 5 juillet 1985 ne peut prospérer, a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile, alors que M. Y... et le Gan avaient exclusivement fondé leur action récursoire sur l'obligation contractuelle de garantie résultant pour M. X..., qui n'était pas conducteur, de la convention d'assistance bénévole tacite conclue entre lui et M. Y... pour le déchargement des éléments de béton.
Sur renvoi de cassation, la présente Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. X... du jugement du 21 décembre 2000.
L'ordonnance de clôture est en date du 28 mars 2006.PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions en date du 17 mars 2006, M. X... sollicite de la Cour qu'elle réforme la décision frappée d'appel et qu'elle rejette la demande du Gan et de M. Y... et les condamne in solidum à lui payer la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Pour soutenir qu'il doit être fait application des dispositions légales sur l'entraide agricole, il expose que M. Y..., agriculteur, a aidé son voisin également agriculteur, lui-même, à décharger des éléments préfabriqués pour la construction d'un silo et il fait valoir que M. Y... lui a ainsi fourni un travail et des moyens d'exploitation (tracteur agricole) pour la construction d'un
bâtiment qui se rattache à l'exploitation agricole, que le silo n'est pas un bâtiment mais un matériel d'exploitation, que la manutention de ces éléments constitue une opération faisant partie des travaux susceptibles d'être mise en oeuvre par un agriculteur dans le cadre de son exploitation et qu'ainsi, il convient d'appliquer les dispositions dérogatoires du droit commun résultant de la loi du 8 août 1962 en vigueur au jour de l'accident en 1996 et reprises dans les articles L. 325-1 à L. 325-3 du Code rural dans leur rédaction actuelle.
Par leurs dernières conclusions en date du 26 mai 2005, le Gan et M. Y... sollicitent de la Cour qu'elle confirme la décision frappée d'appel et condamne M. X... à leur rembourser une somme en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Ils soutiennent que le droit applicable est le droit commun du contrat d'assistance et non le droit particulier du contrat d'assistance agricole, que le travail pour lequel M. Y... avait prêté son assistance n'était pas un travail agricole au sens de la loi du 8 août 1962 qui doit s'interpréter restrictivement, excluant les travaux de bâtiment, que M. X... ne peut échapper aux conséquences de la convention d'entraide bénévole de droit commun qui oblige l'assisté à garantir l'assistant des responsabilités par lui encourues sans faute de sa part à l'égard d'une victime, et que, le jugement du Tribunal correctionnel, passé en force de chose jugée, ayant considéré que la responsabilité de M. Y... était engagée, cette responsabilité doit être garantie par M. X..., qui doit relever indemne M. Y... et le Gan de toute condamnation prononcée contre eux par la décision pénale au profit de la victime qui n'a commis aucune faute, alors que l'autorité de la chose jugée, attachée à la décision de relaxe correctionnelle, s'oppose à ce que l'idée même d'une faute puisse être invoquée contre M. Y... même si la
cause de l'accident est un accident de la circulation.
Le 4 avril 2006, M. le procureur général déclare s'en rapporter.MOTIFSSur la nature de la prestation de services
Selon l'article 20 de la loi no 62-933 du 8 août 1962, devenu ultérieurement les articles L. 325-1 à L. 325-3 du Code rural, l'entraide est réalisée entre agriculteurs par des échanges de services en travail et en moyens d'exploitation.
Une prestation, pour qu'elle relève du régime de l'entraide agricole, ne peut avoir lieu qu'entre agriculteurs et à condition que les travaux effectuées à ce titre soient de nature agricole, effectués dans l'intérêt de leurs exploitations et correspondent à des travaux agricoles ou à des activités accessoires à ces travaux, auxquels ils se livrent habituellement dans l'exercice de l'activité professionnelle agricole
En l'espèce, le préposé de la société qui livrait chez M. X..., agriculteur, des plaques pour la construction d'un silo, a été blessé par la chute de l'un de ces éléments au cours de son déchargement, opéré au moyen de la fourche élévatrice du tracteur agricole conduit par son propriétaire M. Y..., agriculteur voisin. Les photographies et documents techniques, produits aux débats, permettent de constater que ces plaques sont des éléments en béton, en forme de T ou de L, dont la hauteur, non précisée dans le cas d'espèce, est de 1 à 3 mètres, qu'ils permettent l'installation de murs de stockage pour les céréales et autres produits tirés de l'exploitation et qu'ils sont mobiles et conçus pour être déplacés en fonction des besoins de l'utilisateur, le cas échéant avec le concours de tierces personnes.
Ainsi, il apparaît que M. Y... a aidé son voisin, agriculteur, à décharger des éléments de silo destinés à stocker des produits agricoles. De la sorte, il a fourni un travail et des moyens
techniques (tracteur agricole) pour la mise en place d'un matériel de stockage à but agricole. Cette activité se rattachait à l'exploitation agricole et le silo ainsi mis en place n'est pas un bâtiment au sens juridique du terme mais un matériel d'exploitation dont la manutention constitue une opération faisant partie des travaux susceptibles d'être mise en oeuvre par un agriculteur dans le cadre de son exploitation.
Cette manutention, possible avec du matériel agricole, tracteur et engin de levage, n'empruntait rien à la technique du bâtiment, et les éléments de ce silo étaient d'une dimension et d'une forme telles qu'ils étaient aisément manipulables par des exploitants agriculteurs sans aucune connaissance des techniques du bâtiment. Ainsi, le travail rentrait dans la catégorie de l'entraide agricole.
Dès lors, M. X... n'a pas obligation de garantir l'assistant, M. Y..., propriétaire de l'engin utilisé qu'il conduisait, des responsabilités par lui encourues sans faute de sa part à l'égard de la victime.
En conséquence, la Cour, réformant le jugement du Tribunal de grande instance de Tulle, décide que l'accident survenu le 28 mai 1996 s'est réalisé au cours d'une opération d'entraide agricole et que, quoi qu'il en soit du jugement du Tribunal correctionnel, M. Y... et le Gan ne peuvent demander à M. X... de les garantir des condamnations prononcées à leur encontre en suite de cet accident.Sur les autres chefs de demande
M. Y... et le Gan qui succombent doivent être condamnés aux dépens.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais exposés par lui et non compris dans les dépens. La Cour fixe à 1.200 euros la somme que M. Y... et le Gan doivent être condamnés in solidum à lui payer à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
INFIRME le jugement du Tribunal de grande instance de Tulle en date du 21 décembre 2000,
Et, statuant à nouveau,
REJETTE la demande de M. Y... et du Gan,
Les condamne in solidum à payer à M. X... la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
Les condamne de même aux dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les dépens de l'arrêt cassé,
Autorise la SCP Y. Musereau, F. Musereau, B. Mazaudon à recouvrer directement contre eux ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.*************************
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de procédure civile,
Signé par Madame Chantal MECHICHE, Présidente et Madame Estelle RIBANNEAU, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.La Greffière, La Présidente,