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04/02/2003 | FRANCE | N°02/00653

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 04 février 2003, 02/00653


Tribunal de Grande Instance de LA ROCHE SUR YON Contentieux 1ère CHAMBRE CIVILE JUGEMENT du 04 Février 2003 DEMANDEURS : Consorts X... Madame Y... Monsieur Z... A... : Maître A, Notaire COMPOSITION DU TRIBUNAL : Lors des débats et du délibéré : Monsieur ROVINSKI B... ayant fait rapport en cours de délibéré à Monsieur LAPEYRE C... et Madame DEFOY D.... Greffier : Madame E.... DEBATS : à l'audience publique du 17 DECEMBRE 2002, le C... du Tribunal a indiqué aux parties que le jugement serait prononcé, pour plus ample délibéré à l'audience du 04 Février 2003. JUGEMENT : EXPOSE

SOMMAIRE DES FAITS ET DES MOYENS DES PARTIES. Article 455 du nouve...

Tribunal de Grande Instance de LA ROCHE SUR YON Contentieux 1ère CHAMBRE CIVILE JUGEMENT du 04 Février 2003 DEMANDEURS : Consorts X... Madame Y... Monsieur Z... A... : Maître A, Notaire COMPOSITION DU TRIBUNAL : Lors des débats et du délibéré : Monsieur ROVINSKI B... ayant fait rapport en cours de délibéré à Monsieur LAPEYRE C... et Madame DEFOY D.... Greffier : Madame E.... DEBATS : à l'audience publique du 17 DECEMBRE 2002, le C... du Tribunal a indiqué aux parties que le jugement serait prononcé, pour plus ample délibéré à l'audience du 04 Février 2003. JUGEMENT : EXPOSE SOMMAIRE DES FAITS ET DES MOYENS DES PARTIES. Article 455 du nouveau Code de procédure civile.

Les consorts X..., Y... et Z... ont acquis diverses parts sociales dans une SCI "LE CANTAGREL" dont l'objet était l'acquisition d'un immeuble à usage d'hôtel en l'état futur d'achèvement.

L'opération immobilière s'est avérée catastrophique. Estimant que Maître A, Notaire, intervenu à tous les niveaux de l'élaboration et de la mise en place du projet avait engagé sa responsabilité civile à leur égard, comme il a été jugé déjà par la juridiction de ce siège dans ses décisions des 15 OCTOBRE 1996 et 18 MAI 1999, ils l'ont assigné par acte du 29 MARS 2002 et demandent avec exécution provisoire dans leurs dernières conclusions du 29 NOVEMBRE 2002 sa condamnation à leur payer sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil : - Madame F...: . au titre de sa perte en capital

16 556,27 ä . au titre de sa perte de loyers

11 072,45 ä - Monsieur X... : . au titre de sa perte en capital

12 417,22 ä . au titre de sa perte de loyers

8 304,34 ä - Monsieur G...: . au titre de sa perte en capital

8 278,14 ä . au titre de sa perte de loyers

5 536,23 ä - Madame Y... : . au titre de sa perte en capital

16 556,27 ä . au titre de sa perte de loyers

11 072,45 ä - Madame Z... : . au titre de sa perte en capital

11 589,40 ä . au titre de sa perte de loyers

7 750,72 ä - Monsieur Z... : . au titre de sa perte en capital

16 556,27 ä . au tire de sa perte de loyers

11 072,45 ä - conjointement Mr et Mme Z...: . au titre de leur perte en capital

13 245,03 ä . au titre de leur perte de loyers

8 857,96 ä - Monsieur X...: . au titre de sa perte en capital

10 761,59 ä . au titre de sa perte de loyers

7 197,09 ä ces sommes majorées des intérêts légaux à compter de l'acte introductif d'instance et capitalisées, - à chacun, la somme de 800 Euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Maître A demande par conclusions du 23 OCTOBRE 2002 que l'action des demandeurs soit déclarée irrecevable en raison de la prescription et que ceux-ci soient condamnés à lui payer la somme de 1 200 Euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il explique que sa responsabilité d'officier public ne peut être recherchée en application des dispositions de l'article 1382 du Code civil que sur le seul terrain délictuel et qu'en application de celles de l'article 2270-1 alinéa 1er de ce même code, les actions en responsabilité extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ; qu'ici, l'assignation est datée du 29 MARS 2002, soit plus de dix ans après la manifestation du dommage que les Consorts X..., Y... et Z... situent eux mêmes en AVRIL 1991, date à laquelle le locataire a cessé de payer ses loyers et il est apparu que la faillite de l'opération était inévitable.

Les Consorts X... renouvellent leurs demandes par conclusions du 29 NOVEMBRE 2002 après ordonnance du 7 NOVEMBRE 2002 ayant prononcé la révocation de la clôture et expliquent que le préjudice n'a existé au plus tôt que lors de la réalisation de l'immeuble soit en fin d'année 1994, ce qui justifie le rejet de la fin de non recevoir tirée de la prescription.

Ils ajoutent que si la responsabilité d'un notaire ne peut être recherchée en sa qualité et dans les limites de sa mission d'officier public qu'en application des dispositions de l'article 1382 du Code civil, il en est différemment lorsqu'il se charge pour le compte de ses clients de missions contractuelles étrangères à sa fonction d'officier ministériel. SUR CE,

Attendu que les actions en responsabilité civile extra contractuelle se préscrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation, en application des dispositions de l'article 2270-1 du Code civil ;

Attendu que le notaire est tenu, en application des dispositions de l'article 1382 du Code civil, d'éclairer les parties sur la portée des actes qu'il dresse et sur la valeur des garanties qui peuvent y être attachées; qu'il doit également informer et assister son client sur la portée de ses engagements surtout lorsqu'il intervient en véritable négociateur professionnel au fait de l'opération notamment sur le plan économique dont il assure la mise en oeuvre juridique, voire la promotion ;

Attendu que des pièces versées aux débats il ressort que Maître A a rédigé les statuts de la SCI LE CANTAGREL, l'acte de vente en l'état futur d'achèvement au profit de cette SCI, le bail commercial conclu entre elle et la SARL LE CANTAGREL, entre le 24 JANVIER 1988 et le 4 SEPTEMBRE 1989 ;

Attendu que Maître A a proposé aux Consorts X... par l'intermédiaire

d'une publicité alléchante d'effectuer, comme à d'autres, des placements en souscrivant à l'acquisition de parts de la SCI LE CANTAGREL; qu'il a pu leur remettre un document sur la SCI LE CANTAGREL faisant état de sa constitution pour un capital de 18 600 000 Francs, ayant pour objet l'achat en l'état futur d'achèvement de l'immeuble sis 90, rue de Patay et 63, rue Cantagrel à PARIS 75013 qui devait permettre l'exploitation d'un hôtel de 38 chambres, précisant le calendrier des opérations (constitution de la SCI et augmentation de son capital) et la rentabilité de l'opération ; qu'il n'est pas contesté qu'il soit intervenu au delà de sa fonction d'officier public en qualité de négociateur à tous les niveaux de l'élaboration et de la réalisation effective du projet ; qu'il devait aviser ses clients du caractère hasardeux de celui-ci et des risques encourus; qu'au contraire, Maître A n'a pas démenti ses clients qui escomptaient comme cela leur était promis un rendement garanti de 9% correspondant à l'époque à la rémunération de placements bancaires sans risques, outre la valorisation espérée du capital social ;

Que ce faisant, Maître A a manqué à leur égard à son obligation d'information et de conseil, renforcée par son implication dans l'opération et a engagé sa responsabilité ;

Mais attendu que des conclusions mêmes des Consorts X..., il ressort que dès l'origine et au moment de l'engagement de ceux-ci, date à laquelle doit être appréciée l'étendue et le contenu de l'obligation du notaire d'information et de conseil, l'opération n'était pas viable au delà de son aléa économique naturel ;

Que dans un jugement du 18 MAI 1999, ce tribunal saisi déjà de la question de la responsabilité civile de Maître A, déclarait en effet : "Il était prévu 38 chambres et un prix de nuitée de 290 F HT, soit un chiffre d'affaires annuel HT d'un montant maximum de 4 022 300 F.

Maître A n'apporte aucun élément pour contester les allégations des Epoux H... selon lesquelles le taux maximal de remplissage d'un hôtel au coeur de PARIS était en 1989 de 65%, ce qui aurait représenté un chiffre d'affaires de 2 614 495 F. Compte tenu des frais de gestion de 3%, le loyer représentait une charge annuelle de 1 724 000 F HT soit 65,94% du chiffre d'affaires optimal. Ce simple calcul permet de comprendre que le loyer était manifestement surélevé. Plus simplement encore, Maître A aurait pu se renseigner sur les montants des loyers qui étaient habituellement pratiqués. La SARL LALOU, membre du consortium national de l'hôtellerie, indique le 1er FEVRIER 1991 que, pour des hôtels 3 étoiles de 26 chambres, 38 et 50 chambres, les montants annuels des loyers étaient respectivement de 190 000 F, 174 000 F et 252 000 F, soit au moins sept fois inférieurs à celui du bail du 4 SEPTEMBRE 1989."

Que le tribunal concluait à juste titre que le loyer était manifestement excessif, ce qui ne pouvait qu'entraîner inéluctablement la cessation de paiements du preneur ;

Attendu que dès FEVRIER 1991, la SARL LE CANTAGREL ne réglait plus ponctuellement ses loyers; qu'auparavant et dès OCTOBRE 1990, les associés de la SCI LE CANTAGREL s'étaient accordés sur le principe de la vente afin de minimiser leurs pertes ;

Qu'en conséquence, dès 1990, les Consorts X... connaissaient le dommage qu'ils subissaient consécutif au manquement de Maître A à son obligation d'information et de conseil à leur égard, au moment de la souscription des parts ;

Que leur dommage, certain dès leur engagement compte tenu de la non viabilité économique avérée de l'opération, ne pouvait plus varier que dans son quantum, en fonction seulement du prix de revente décidée de l'immeuble ;

Attendu que s'agissant du point de départ du délai de prescription,

la validité de l'importance du préjudice est indifférente dès lors que celui-ci était manifeste aux yeux des Consorts X... au moins dès OCTOBRE 1990; que la vente de l'immeuble qui a permis de chiffrer définitivement le préjudice des associés de la SCI intervenue en 1994 est en conséquence sans portée juridique de ce chef ;

Attendu que l'assignation est du 29 MARS 2002 soit plus de dix ans après la manifestation du dommage et sa connaissance par les demandeurs ;

Qu'en conséquence la responsabilité civile de Maître A ne pouvant par ailleurs être recherchée sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du Code civil dès lors qu'il n'est pas prouvé ni même sérieusement allégué qu'il soit intervenu comme mandataire des Consorts X... ou agent d'affaires, il y a lieu de faire droit à sa fin de non recevoir et de déclarer l'action prescrite ;

Attendu que les circonstances de l'affaire et la responsabilité civile avérée de Maître A justifient qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et qu'en application de celles de l'article 696 du même code, celui-ci soit condamné aux dépens ; PAR CES MOTIFS --------------------------

Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort,

Déclare l'action prescrite ;

Condamne Maître A, Notaire, aux dépens ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Accorde à Me BLANCHARD, Avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 de ce code ;

Ainsi prononcé publiquement,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Numéro d'arrêt : 02/00653
Date de la décision : 04/02/2003

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Action en responsabilité

Si le notaire est tenu d'une obligation d'information et de conseil à l'égard de ses clients, l'étendue et le contenu de cette obligation s'apprécie au moment de l'engagement. L'action en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivant par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation, dès lors que le dommage est certain au moment de l'engagement, la variation du quantum de celui-ci est sans effet sur le délai de prescription


Références :

Code civil, articles 1382, 2270-1

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.poitiers;arret;2003-02-04;02.00653 ?
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