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18/12/2002 | FRANCE | N°01/1173

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 18 décembre 2002, 01/1173


TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE

DE ROCHEFORT

JUGEMENT DU 18 DÉCEMBRE 2002 DEMANDERESSE : Mme X..., REPRÉSENTÉE par la S.C.P. RENAULEAUD-SAINDERICHIN, avocats associés, postulant, plaidant par Maître AUCHÉ, avocat au Barreau de SAINTES DÉFENDERESSES : Maître G, notaire associé de la S.C.P. M, REPRÉSENTÉE par Maître RIFFAUD, avocat au Barreau de ROCHEFORT, postulant, plaidant par Maître MADY, avocat au Barreau de POITIERS Société C à capital et personnel variables, régie par le Livre Y... du Code Rural, immatriculée au R.C.S. de SAINTES , agissant aux poursuites et

diligences de son Directeur et de ses Administrateurs - INTERVENANTE VOLONTAI...

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE

DE ROCHEFORT

JUGEMENT DU 18 DÉCEMBRE 2002 DEMANDERESSE : Mme X..., REPRÉSENTÉE par la S.C.P. RENAULEAUD-SAINDERICHIN, avocats associés, postulant, plaidant par Maître AUCHÉ, avocat au Barreau de SAINTES DÉFENDERESSES : Maître G, notaire associé de la S.C.P. M, REPRÉSENTÉE par Maître RIFFAUD, avocat au Barreau de ROCHEFORT, postulant, plaidant par Maître MADY, avocat au Barreau de POITIERS Société C à capital et personnel variables, régie par le Livre Y... du Code Rural, immatriculée au R.C.S. de SAINTES , agissant aux poursuites et diligences de son Directeur et de ses Administrateurs - INTERVENANTE VOLONTAIRE - REPRÉSENTÉE par la S.C.P. CLAIRAND-ROUGIER, avocats associés, plaidant par Maître ROUGIER, avocat au Barreau de LA ROCHELLE

***

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré :

Jean-Pierre MÉNABÉ, Président

Nathalie PIGNON, Vice- Présidente

Sophie ROUBEIX, Vice-Présidente

En présence de Julie DAVOST, Auditrice de Justice.

M.C. LABEYRIE, Greffier présente lors des débats et du prononcé

DÉBATS : En audience publique le 13 Novembre 2002. JUGEMENT :

Contradictoire, prononcé par Jean-Pierre MÉNABÉ, Président, en audience Publique le 18 Décembre 2002, date indiquée à l'issue des

débats. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par acte authentique du 15 octobre 1994, Mme X... et Mr. Y... ont procédé à l'acquisition, chacun pour moitié indivise, d'un bien immobilier.

Pour financer cette acquisition, ils ont souscrit un emprunt de 327.500,00 Francs, en garantie duquel une inscription hypothécaire a été prise, le 28 novembre 1994, sur le bien acheté.

Par jugement du 12 octobre 1995, le Tribunal d'Instance de MARENNES a condamné M. Y... et Mme X... à payer à la Société C les sommes respectives de 35.211,00 Francs avec intérêts au taux de 11,50 % et de 4.744,00 Francs outre intérêts au taux de 13 %.

Suivant acte, reçu par Me G, Notaire associé , le 5 juillet 1996, M. Y... a vendu ses droits sur l'immeuble indivis à Mme X... moyennant un prix de 197.702,77 Francs converti en une obligation de prise en charge du remboursement du prêt .

Se fondant sur les inscriptions d'hypothèque judiciaire, prises, en vertu de la décision du Tribunal d'Instance de MARENNES, sur les droits immobiliers des deux coindivisaires le 19 février 1996, la Société C a engagé une procédure de saisie-immobilière suivant commandement du 11 avril 2001 et a, le 3 mai suivant, sommé Mme X... d'avoir à solder sa créance ou à délaisser son bien.

Par décision du 11 octobre 2001, le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de ROCHEFORT siégeant à MARENNES, saisi de la demande de Mme X... tendant à voir prononcer la mainlevée des inscriptions d'hypothèque litigieuses, s'est déclaré incompétent au profit de la chambre des criées de cette juridiction, laquelle a, le 17 janvier 2002, débouté l'intéressée de cette prétention et ordonné la remise de l'adjudication à l'audience du 16 mai suivant.

Faisant valoir qu'elle ignorait tout de l'inscription régularisée par la Société C faute par le notaire d'avoir levé un état hypothécaire préalablement à l'établissement de l'acte du 5 juillet 1996, que, si

elle en avait eu connaissance, elle aurait subordonné le rachat des parts de M. Y... au règlement de sa dette et à la mainlevée de l'inscription et que, nonobstant les sommes réclamées par la Société C, elle avait dû exposer de nombreux frais, en rapport, notamment, avec la procédure introduite devant le Juge de l'exécution, Mme X... a, dans l'intervalle et par exploit du 15 novembre 2001, fait assigner Me G par-devant le Tribunal de Grande Instance de ROCHEFORT pour l'entendre déclarée responsable de sa faute professionnelle sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil et condamnée à lui payer une somme de 15.244,90 Euros, sauf à parfaire ou diminuer

La Société C est intervenue volontairement à l'instance le 26 avril 2002.

Mme X..., Me G et laSociété C ont déposé leurs dernières écritures au greffe de ce siège, respectivement, les 9 juillet, 6 juin et 28 août 2002.

Aux termes de celles-ci, elles développent les prétentions et moyens suivants :

Mme X..., tout en contestant la violation du principe de la contradiction qui lui est opposée par Me G, soutient :

- que l'hypothèque de la Société C n'a pas survécu à la cessation de l'indivision née du rachat des parts de M. Y... par ses soins,

- qu'en effet, l'acte du 5 juillet 1996 ayant en réalité constaté un partage et ce partage ayant un effet déclaratif, les sûretés, prises sur les droits de M. Y..., n'auraient subsisté que si l'immeuble, leur servant d'assiette, lui avait été attribué,

- que, tel n'ayant pas été le cas, la Société C doit être considéré comme ayant lancé contre elle des poursuites inadmissibles, de sorte qu'il doit être condamné non seulement à la dédommager de son préjudice, mais aussi à supporter l'indemnité susceptible d'être allouée au notaire du fait de l'action qu'elle-même a été contrainte

d'engager,

- qu'en toute hypothèse, et à supposer que le Tribunal ne retienne pas l'extinction des hypothèques grevant son bien, le notaire est bien responsable de cette situation, ce qui justifie qu'il soit condamné à réparer son dommage et à lui régler l'équivalent de la créance de la Société C.

Eu égard à cette argumentation, elle modifie, en conséquence, les termes de sa réclamation originelle, en demandant au Tribunal :

- de dire que, du fait de l'extinction de l'hypothèque de la Société C, aucune faute ne peut être reprochée à Me G,

- de statuer ce que de droit sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts de cette dernière pour avoir été attraite à tort à la procédure,

- de constater que la poursuite engagée par la Société C est exclusivement à l'origine de cette procédure,

- de condamner, de ce fait, la Société C à la relever indemne de toute condamnation envers le notaire et à lui payer la somme de 7.622,00 Euros, pour préjudice subi, outre celle de 2.286,00 Euros, en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Subsidiairement, au cas ou l'extinction de l'inscription d'hypothèque litigieuse ne serait pas constatée,

- de déclarer Me G entièrement responsable de la situation dans laquelle elle se trouve,

- de la condamner, par suite, à désintéresser la Société C de sa créance à l'égard de M. Y... ainsi qu'à lui verser les sommes de 7.622,00 Euros et 2.286,00 Euros précitées.

Me G conclut à l'irrecevabilité des prétentions de Mme X... pour violation des articles 15 et 16 du Nouveau Code de Procédure Civile, les pièces, visées dans l'assignation, n'ayant pas été communiquées et ne figurant pas au bordereau annexé à celle-ci contrairement aux

exigences de l'article 56 dudit Code, subsidiairement, à son débouté ainsi qu'à sa condamnation ou à celle de tout succombant au règlement des sommes de 1.525,00 Euros, à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire, et de 2.000,00 Euros, au titre des frais irrépétibles.

Elle affirme sur le fond :

- que la Société C ne peut utilement poursuivre une procédure de saisie-immobilière alors que ses droits hypothécaires sur le bien, en faisant l'objet, n'existent plus,

- que l'inscription prise sur les droits indivis de Mme X... se trouve irrémédiablement éteinte en raison du paiement par celle-ci de sa propre dette,

- que celle prise du chef de M. Y... l'est également par l'effet de l'acte de partage du 5 juillet 1996, le fait qu'il ait reçu la qualification de vente n'empêchant pas qu'il ait mis fin à l'indivision, l'origine conventionnelle de celle-ci important peu, et son effet déclaratif étant consacré par les dispositions de l'article 883 du Code Civil,

- qu'au surplus, elle n'était tenue d'aucune obligation envers la Société C puisqu'il est demeuré tiers par rapport à l'acte du 5 juillet 1996 dans la mesure où, l'inscription de son hypothèque ne pouvant à elle seule valoir opposition à partage, il lui appartenait, en tant que créancier de l'un des coindivisaires, d'en régulariser une pour faire obstacle à la libre disposition par son débiteur des droits constituant son gage et où, faute par lui de ce faire, il s'est conduit comme un créancier négligent,

- qu'elle n'est donc pas responsable des conséquences d'une procédure de saisie immobilière radicalement irrégulière,

- que, de surcroît, ces conséquences sont liées aux seules carences procédurales de Mme X... qui disposait des moyens juridiques d'obtenir

l'annulation de la procédure de saisie-immobilière, a choisi de saisir le Juge de l'exécution alors qu'il était radicalement incompétent, a ensuite contesté, en pure perte, les modalités d'inscription des hypothèques de la Société C devant la Chambre des criées au lieu de soulever la nullité des poursuites en raison de l'extinction de ses droits hypothécaires et ne saurait dès lors lui imputer la vente éventuelle de son bien alors qu'étant impossible, celle-ci ne procéderait pas, par hypothèse, de son intervention,

- qu'enfin, Mme X... ne peut invoquer à son encontre l'existence d'un préjudice indemnisable dès lors qu'il lui est encore loisible de faire prononcer la nullité de la procédure de saisie-immobilière, l'adjudication ayant été remise et la déchéance prévue à l'article 727 du Code de Procédure Civile ne lui étant pas opposable en présence d'une contestation portant sur le fond même du droit.

La Société C invite le Tribunal à rejeter les prétentions de Mme X... et à la condamner à lui verser une somme de 1.000,00 Euros en compensation des débours, non compris dans les dépens, qu'elle a été amenée à exposer.

Elle allègue en effet :

- que le principe de l'effet déclaratif du partage n'a pas vocation à s'appliquer à l'acte du 5 juillet 1996 puisque, d'une part, ce dernier a constaté une opération qualifiée de vente et ayant donné lieu au paiement d'un prix ainsi que de droits d'enregistrement par Mme X... et que, d'autre part, cet effet est exclu dans le cas d'une indivision d'origine conventionnelle, la consécration de la thèse, défendue par Me G, revenant, en outre, à permettre à un débiteur de procéder à la vente de ses droits indivis grevés d'une inscription pour les faire échapper à toutes poursuites de ses créanciers tout en en encaissant le prix,

- qu'à supposer même que ce principe puisse être valablement invoqué,

le notaire ne se trouve pas pour autant exonéré de sa responsabilité faute par lui de l'avoir alertée sur le projet de vente en cours alors qu'il était tenu de connaître l'existence des inscriptions litigieuses, la preuve étant, par ailleurs, rapportée de ce qu'il l'a omise en rédigeant l'acte de son ministère,

- qu'elle ne saurait être condamnée au paiement d'une quelconque somme au profit de Mme X... alors que la procédure de saisie-immobilière a été diligentée en raison de la subsistance de l'inscription prise sur les droits de M. Y..., que la responsabilité du préjudice éventuel de Mme X... incombe exclusivement au notaire et qu'en tout état de cause, la demanderesse n'explique pas les modalités de calcul de la somme de 7.622,00 Euros réclamée par elle de ce chef.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 octobre 2002. MOTIFS :

- Sur la recevabilité de la demande :

Attendu que Me G, si elle ne tire aucune conséquence juridique de l'absence d'énumération de certaines pièces, évoquées dans la citation, sur le bordereau annexé à celle-ci et n'invoque notamment pas la nullité de l'acte introductif d'instance au regard des dispositions de l'article 56 du Nouveau Code de Procédure Civile, se prévaut d'une violation du principe du contradictoire qui entraînerait l'irrecevabilité de la demande formée à son encontre au visa des articles 15 et 16 dudit Code ;

Attendu qu'il résulte effectivement de ces deux textes que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les éléments de preuve qu'elles produisent afin que chacune soit à même d'organiser sa défense et que le juge ne peut, en outre, retenir dans sa décision les documents produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ;

Mais attendu que Me G reconnaît elle-même que lui ont été communiqués par Mme X... l'acte de licitation du 5 juillet 1996, la décision du Juge

de l'exécution en date du 11 octobre 2001, rappelant les circonstances dans lesquelles la Société C a été amené à engager une procédure de saisie-immobilière portant sur le bien dont cette dernière était devenue seule propriétaire à la suite de la cession des droits indivis de M. Y... et renvoyant sa demande de mainlevée des inscriptions d'hypothèque prises sur cet immeuble à la connaissance de la Chambre des Criées du Tribunal de Grande Instance de ROCHEFORT, ainsi que le jugement de cette dernière juridiction en date du 17 janvier 2002 déboutant la demanderesse de sa prétention ;

Qu'au regard du grief articulé par Mme X... à l'encontre du notaire dans l'assignation, à savoir l'absence de révélation de l'inscription prise par la Société C, et du préjudice allégué, tenant à la somme à elle réclamée par cette banque pour pouvoir éviter la perte de son bien, cette communication était suffisante pour permettre à Me G d'organiser sa défense, dès lors que l'acte du 5 juillet 1996 ne mentionnait que l'inscription et que la réalité des poursuites engagées par la Société C était suffisamment démontrée par les deux décisions judiciaires précitées ;

Qu'en tout état de cause, la Société C a, en cours d'instance, communiqué à ses adversaires l'ensemble des documents relatifs à la procédure de saisie-immobilière, diligentée par ses soins, de sorte que Me G a été à même d'en débattre contradictoirement, ses dernières conclusions faisant, d'ailleurs, référence à chacune des pièces versées aux débats et discutant la plupart d'entre elles ;

Attendu, par suite, que, faute par Me Gde pouvoir valablement invoquer une violation du principe du contradictoire à son détriment, la demande de Mme X... doit être déclarée recevable.

- Sur le fond :

Attendu qu'il incombe au demandeur à une action en responsabilité dirigée contre un professionnel et fondée sur l'article 1382 du Code

Civil d'établir que la faute de ce dernier a été à l'origine directe d'un préjudice né, certain et actuel pour lui ;

Attendu, en outre, qu'il résulte de l'article 883 alinéas 1er et 2 dudit Code que, d'une part, chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n'avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession et que, d'autre part, il en est de même des biens qui lui sont advenus par tout autre acte ayant pour effet de faire cesser l'indivision, aucune distinction n'étant faite selon que l'acte fait cesser l'indivision en tout ou en partie, à l'égard de certains biens ou de certains héritiers seulement ;

Que la généralité de ces dispositions conduit à considérer qu'elles sont applicables au partage de toute indivision, quelle qu'en soit l'origine et même si le bien indivis ne dépend pas d'une universalité ;

Qu'il s'ensuit qu'en cas d'achat d'un bien immobilier en indivision par deux personnes, l'acte, par lequel l'un des deux coindivisaire cède ensuite l'intégralité de ses droits à l'autre, met fin à l'indivision et revêt le caractère d'un partage, la cession étant, dans ce cas, assortie de l'effet déclaratif, prévu à l'article 883 alinéa 1er, et les inscriptions d'hypothèque grevant les droits cédés du fait du cédant étant rétroactivement anéantis sauf par leurs titulaires à exercer ultérieurement l'action paulienne au cas où les formalités conventionnelles, leur permettant de faire opposition au partage, n'auraient pas été respectées ;

Attendu, en l'espèce, qu'aux termes de l'acte reçu par Me G le 5 juillet 1996, M. Y... a cédé à Mme X... les droits qu'il détenait sur l'immeuble qu'ils avaient acquis, chacun pour moitié indivise, le 15 octobre 1994 ;

Attendu qu'il est fait mention, au paragraphe "SITUATION

HYPOTHÉCAIRE", de la seule inscription d'hypothèque conventionnelle prise le 28 novembre 1994 , ;

Que la Société C justifie de ce qu'il a, le 19 février 1996, régularisé deux inscriptions d'hypothèque judiciaire sur les droits indivis de M. Y... et de Mme X... en vertu d'un jugement du Tribunal d'Instance de MARENNES en date du 12 octobre 1995, rectifié le 25 janvier 1996 ;

Attendu que, s'il est constant que ces deux inscriptions n'ont pas été évoquées dans l'acte du 5 juillet 1996, cette omission ne saurait être considérée comme étant à l'origine de ce que, dans le cadre de la procédure de saisie-immobilière engagée par la Société C à l'encontre de M. Y... suivant commandement du 11 avril 2001, Mme X... s'est vue sommer, par acte du 3 mai suivant, d'avoir, en sa qualité de tiers détenteur, à payer les sommes restant dues au créancier poursuivant, soit 67.839,65 Francs, ou à délaisser l'immeuble, objet de la saisie ;

Attendu, en effet, que l'acte, conclu entre M. Y... et Mme X... le 5 juillet 1996, a eu pour conséquence de faire cesser l'indivision immobilière existant entre eux, de sorte que, nonobstant la qualification juridique qui a pu lui être donnée et la nature des taxes réglées par le cessionnaire, il revêt le caractère d'un acte de partage ;

Qu'en raison de l'effet déclaratif qui s'y attache, M. Y... est censé n'avoir jamais eu aucun droit sur l'immeuble devenu l'entière propriété de Mme X..., l'inscription d'hypothèque, prise par la Société C de son chef, ayant, par là-même, perdu toute efficacité ;

Qu'à supposer même qu'il puisse être admis que Me G a commis une faute en ne faisant pas état, dans l'acte de son ministère, de l'existence d'une inscription du chef du vendeur désormais privée d'effet, Mme X..., qui, de l'aveu même de la Société C, s'était libérée

de sa dette envers lui et ne pouvait ainsi faire l'objet de poursuites fondées sur l'inscription prise sur ses propres droits indivis, disposait donc des moyens juridiques lui permettant de faire juger que l'inscription, régularisée sur ceux de M. Y..., ne pouvait davantage servir de fondement à la procédure de saisie-immobilière mise en oeuvre par la Banque ;

Qu'en toute hypothèse, il n'est donc pas démontré l'existence d'un lien de causalité entre la faute, reprochée au notaire, et le préjudice, né de la procédure de de saisie immobilière ;

Qu'enfin, l'argument subsidiaire de la Société C, selon lequel Me G aurait commis une faute en ne l'alertant pas sur les effets de l'acte qu'elle s'apprêtait à recevoir, se trouve dépourvu de portée en l'état des demandes dont le Tribunal se trouve saisi, dès lors que, même s'il devait être retenu que le notaire était tenu d'une obligation d'information à l'égard des créanciers hypothécaires des copartageants, le succès d'une éventuelle action paulienne de la Banque, fondée sur la clandestinité du partage, et ses conséquences préjudiciables pour Mme X... demeurent, pour lors, hypothétiques ;

Attendu, dans ces conditions, qu'eu égard à l'anéantissement de l'inscription d'hypothèque prise par la Société C sur les droits immobiliers indivis de M. Y..., la responsabilité civile de Me G ne saurait être retenue ;

Attendu, par ailleurs, que Mme X..., qui aurait pu échapper rapidement à toutes poursuites en invoquant le moyen tiré de cet anéantissement, ne caractérise pas le préjudice dont elle demande réparation à la Société C ;

Que, de son côté, Me G n'établit pas l'existence de celui que lui aurait causé l'action engagée par Mme X... ;

Que leurs demandes respectives de dommages-intérêts seront, dès lors, rejetées ;

Attendu, enfin, qu'il n'apparaît pas inéquitable que chacune des parties conserve la charge de ses frais irrépétibles et dépens. PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

DIT que, du fait de l'anéantissement de l'inscription d'hypothèque prise par la Société C sur les droits immobiliers indivis de M. Y... par l'effet de l'acte du 5 juillet 1996, la responsabilité civile de Me G ne saurait être retenue.

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions et demandes.

DIT que chacune d'elles conservera la charge des frais non répétibles et dépens qu'elle a pu exposer. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT M.-C. LABEYRIE J.-P. MÉNABÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Numéro d'arrêt : 01/1173
Date de la décision : 18/12/2002

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Faute - Vente - Immeuble - Situation hypothécaire

En cas d'achat d'un bien immobilier en indivision par deux personnes, l'acte par lequel l'un des co'ndivisaires cède l'intégralité de ses droits à l'autre met fin à l'indivision et revêt le caractère d'un partage. La cession est alors assortie de l'effet déclaratif du partage prévu par l'article 883, alinéa 1, du Code civil et les inscriptions d'hypothèque grevant les droits cédés du fait du cédant sont rétroactivement anéantis, sauf par leurs titulaires à exercer ultérieuremnt l'action paulienne. Dès lors, la responsabilité fondée sur l'article 1382 du Code civil à l'encontre du notaire ayant omis de faire état de l'existence d'une inscription hypothécaire du chef du vendeur ne peut être retenue. En effet, il n'est pas démontré l'existence d'un lien de causalité entre la faute du notaire et le préjudice né de la saisie-immobilière, le co'ndivisaire cessionnaire disposant de moyens juridiques lui permettant de faire juger que l'inscription ne pouvait servir de fondement à la saisie


Références :

Code civil, articles 883, alinéa 1er, 1382

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.poitiers;arret;2002-12-18;01.1173 ?
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