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23/10/2002 | FRANCE | N°98/03248

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 23 octobre 2002, 98/03248


COUR D'APPEL DE POITIERS 1ère Chambre Civile Arrêt du 23 Octobre 2002 n°98/03248 APPELANTE: Suivant déclaration d' appel du 27 Octobre 1998 d' un jugement du 22 SEPTEMBRE 1998 rendu par le TRIBUNAL de COMMERCE de LA ROCHE SUR YON. Société S, agissant poursuites et diligences de son Gérant et de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège Représentée par la SCP PAILLE-THIBAULT, avoués à la Cour Assistée de Maître BOULDOUYRE, Avocat au Barreau de LA ROCHE-SUR-YON INTIMEE: Société H,agissant poursuites et diligences de son Gérant en exercice domicilié e

n cette qualité audit siège Représentée par la SCP ALIROL-LAURENT, av...

COUR D'APPEL DE POITIERS 1ère Chambre Civile Arrêt du 23 Octobre 2002 n°98/03248 APPELANTE: Suivant déclaration d' appel du 27 Octobre 1998 d' un jugement du 22 SEPTEMBRE 1998 rendu par le TRIBUNAL de COMMERCE de LA ROCHE SUR YON. Société S, agissant poursuites et diligences de son Gérant et de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège Représentée par la SCP PAILLE-THIBAULT, avoués à la Cour Assistée de Maître BOULDOUYRE, Avocat au Barreau de LA ROCHE-SUR-YON INTIMEE: Société H,agissant poursuites et diligences de son Gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège Représentée par la SCP ALIROL-LAURENT, avoués à la Cour Assistée de Maître Christian TRAINEAU, Avocat au Barreau de LA ROCHE-SUR-YON COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE. Monsieur Raymond MJJLLER, Président, Madame Suzanne BRAUD, Conseiller, Monsieur Axel BARTHELEMY, Conseiller, GREFFIER: Monsieur Lilian X..., Greffier, présent uniquement aux débats, DEBATS: A l' audience publique du 29 Mai 2002, Le Président a été entendu en son rapport, Les Conseils des parties ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, Puis l' affaire a été mise en délibéré au 11 Septembre 2002, prorogé au 23 Octobre 2002, Ce jour, a été rendu, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, l' arrêt suivant: ARRET:

EXPOSE DU LITIGE : Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 8 février 1999, la Société S a interjeté appel d' un jugement du Tribunal de Commerce de La Roche-sur-Yon du 22 septembre 1998, selon lequel, chargée par un tiers de procéder à l' analyse financière des comptes de la Société H, elle a fourni : "par négligence des informations erronées et a manqué de diligence dans leur retrait." Le tribunal considérant qu' il s' agit de comportements fautifs ayant porté atteinte à l' image de la société H, a condamné la Société S. outre aux entiers dépens, à lui verser 40.000,00 francs de dommages

et intérêts ainsi que 50.000,00 francs au titre de l 'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Selon dernières écritures enregistrées au greffe le 8 février 1999, la société S. a conclu à l' infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, en demandant à la Cour de débouter la Société H de toutes ses demandes et de la condamner à lui verser 5.000,00 francs de dommages intérêts pour procédure abusive et 10.000,00 francs en vertu de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu' aux entiers dépens. Elle a fait valoir que le tribunal a occulté le contenu de l' étude financière réalisée pour n' en retenir qu' une mention isolée, alors que celle-ci, prise dans son ensemble, n' était en rien défavorable puisque aboutissant à une conclusion ainsi formulée "la confiance peut être accordée dans le cadre de relations commerciales et un crédit fournisseur serait envisageable..." Dès lors, la société H était présentée, en dépit d' une seule mention négative relative à un endettement très lourd, comme saine, à l' exercice bénéficiaire, à la production conforme "aux attentes du marché et aux frais financiers "normaux" . S' agissant de cet endettement, la Société S a soutenu qu 'elle n' a fait que retranscrire le bilan publié par la société H destiné à être connu des tiers et conseiller une analyse approfondie pour en déterminer les causes. Elle a prétendu qu' il existe une incohérence dans les comptes de la société H encore non expliquée par celle-ci. Elle a ajouté que la fiche informatique litigieuse a été retirée du Minitel dans la nuit du 2 au 3 juin et que la société H, qui avait exigé un retrait avant le 30 mai, ne peut prétendre que ce retard de 2 jours lui aurait été préjudiciable. Elle a estimé la procédure totalement abusive, traduisant la seule volonté de la société H, d 'échapper à toute étude financière. Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la Cour le 18 janvier 2000, la société H a relevé appel incident du chef du montant des dommages

intérêts alloués, pour demander à la Cour de les porter à 100.000,00 francs et de condamner, en outre, Société S à lui payer 12.000,00 francs par application de l 'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle a fait valoir que les informations erronées que la Société S prétend avoir retirées, figuraient toujours sur le serveur Minitel au 21 septembre 1997 et que la société S affirme que le total des dettes excède le chiffre d' affaires net de 561.000,00 francs (soit un dépassement de 26 %) alors que la somme de 2.665.000,00 francs représente un volume d' affaires et non un chiffre d' affaires. Elle a ajouté que cette analyse financière a abouti à des commentaires très préjudiciables, tels que "l' endettement est très lourd. Les dettes sont supérieures au chiffre d 'affaires ce qui rend cette société vulnérable. C 'est un indicateur défavorable et majeur", que de même la société S. a laissé entendre que les dirigeants de la société H se livreraient à des abus de biens sociaux puisqu' elle indiquait dans son étude, à propos de la somme de 500.000,00 francs figurant en compte de dépôt: "Mais s' agit-il d' avance client qu' on fait fructifier en les plaçant ou d' un plan de retraite pour les dirigeants ä" Elle a estimé, qu' il existe des fautes d' une particulière gravité, aggravées par le fait que la société S. a laissé subsister des informations erronées pendant plusieurs mois malgré les dénégations apportées, que l 'atteinte ainsi causée à son image et à sa notoriété nécessite réparation. La procédure de mise en état a été clôturée le 18 avril 2002. I - SUR LA RECEVABILITÉ DE L' APPEL Les formes et délais dans lesquels l 'appel principal a été interjeté par la Société H ne sont pas critiqués et apparaissent réguliers. Dès lors, il convient de déclarer recevables l' appel principal et 'l appel incident. Il - SUR LE FOND L' objet social de la Société S est la réalisation et la commercialisation d' enquêtes commerciales et financières. Dans le cadre de cet objet

social, la Société S a procédé à une analyse financière du bilan de l 'exercice 1995 de la Société H et a publié ses conclusions sur un serveur minitel, en informant la Société H de cette analyse. La Société H a recherché la responsabilité de la Société S., d' une part, en soutenant que par incompétence ou malice, celle-ci a publié une analyse financière erronée, aboutissant à un commentaire du plus fâcheux effet, d' autre part, en insinuant que les dirigeants de la Société H truqueraient les documents comptables et se livreraient à des agissements susceptibles d' être considérés comme des abus de biens sociaux. En retenant purement et simplement l 'argumentation de la Société H, les premiers juges se sont livrés à une analyse inexacte des faits de la cause et des règles de droit applicables. En effet, il convient tout d 'abord de rappeler, d' une part, que l' activité de la Société S est parfaitement licite, et que c' est d' ailleurs celle à laquelle se livre nombre de journaux et de revues économiques, lorsqu ils analysent dans leurs colonnes, les bilans communiqués par certaines sociétés, d' autre part, que la responsabilité de ladite Société ne peut être recherchée que dans les termes du droit commun. Cette responsabilité ne saurait, sous peine d' interdire en fait toute analyse des données comptables, être retenue au seul motif que la Société S. aurait émis des commentaires défavorables ou se serait livrée à une analyse erronée, mais impose à celui qui entend l' engager, d' une part, de démontrer, soit que des conclusions inexactes ont été énoncées avec l 'intention de nuire à la société dont les comptes ont été analysés, soit que ces conclusions erronées sont le fruit d' une erreur grossière d' analyse, inadmissible de la part d' une société dont c' est précisément l' objet social. En l 'espèce, force est de constater, tout d' abord que, contrairement à ce qu' a soutenu la Société H, la Société S n 'a pas dénigré les dirigeants de la société H et que bien

au contraire, la société S a expressément mentionné dans son analyse que "les dirigeants jouissent d' une notoriété de qualité". En second lieu, il convient de relever que l' intention de nuire n 'est ni alléguée, ni démontrée par la Société H au soutien de son action contre la Société S. En troisième lieu, il apparaît que l' analyse effectuée par la Société S et diffusée sur le minitel est très largement favorable à la Société H. En effet, après avoir rappelé que l 'exercice comptable était bénéficiaire, l 'analyse mentionnait que les frais financiers étaient normaux, que le ratio d 'endettement était inférieur à 100 % ce qui permettait à l' entreprise de contracter des emprunts à moyen et à long terme, que le délai moyen de paiement était conforme aux normes et aux usages professionnels, que la situation de la trésorerie était favorable et que le résultat brut d' exploitation était suffisant pour rémunérer les capitaux investis. L' analyse concluait finalement, au vu de l' ensemble des éléments, que la situation financière, au jour de l' enquête, semblait suffisamment bien équilibrée pour que les engagements commerciaux et financiers soient respectés, que confiance pouvait être accordée à la société H dans le cadre de relations commerciales et qu' un crédit fournisseur était parfaitement envisageable. La seule restriction relative à l' endettement, jugé trop lourd dans l' analyse, outre qu' elle n' a pas influé sur les conclusions précédemment rappelées, ne caractérise, ni intention de nuire, ni erreur grossière d' analyse, étant observé que l' avis ainsi émis était notamment complété par une invitation à procéder à un examen attentif du bilan et à une étude approfondie avant de déterminer le montant d' un éventuel crédit fournisseur. Cette divergence d' analyse entre la Société S et les dirigeants de la Société H est parfaitement admissible, dès lors, que la Société S n' a pas formulé de conclusions définitives erronées à ce sujet, mais a simplement

invité les éventuels fournisseurs à procéder à une étude du bilan. Par ailleurs, si aucune faute caractérisée de la Société S n' est démontrée, force est encore de constater que la Société H ne rapporte aucune preuve du préjudice qu' elle prétend avoir subi. Elle affirme, certes, qu' un manque à gagner.. .existe nécessairement", mais ne fournit aucun élément comptable de nature à étayer cette affirmation gratuite. De même, elle soutient, sans fournir aucun élément le corroborant, qu' il y a atteinte à son image et à sa notoriété financiere. Dès lors que la Société H ne rapporte ni la preuve d' une faute de la Société S., ni celle d un préjudice résultant de l' analyse litigieuse, il y a lieu d 'infirmer le jugement entrepris qui a retenu la responsabilité de la Société S. et l 'a condamné à verser des dommages et intérêts et une indemnité de procédure à la Société H, et de débouter cette dernière de l' intégralité de ses prétentions, en la condamnant aux dépens d' instance et d' appel. III - SUR LES DEMANDES ANNEXES L' exercice d' une action enjustice constitue en son principe, un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts que s' il caractérise un acte de mauvaise foi ou de malice ou une erreur grossière équivalente au dol. Tel n' étant pas le cas en l' espèce, il y a lieu de débouter la Société S de sa demande de dommages et intérêts. Par contre l 'équité justifie l 'allocation à la société S d' une indemnité de procédure de 1.500,00 euros. La Société H qui succombe, ne peut prétendre bénéficier des dispositions de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. PAR CES MOTIFS. LA COUR: Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Déclare l' appel principal et l 'appel incident recevables en la forme, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant, Déboute la Société H de l' intégralité de ses prétentions, Déboute la Société S

de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive; Condamne la Société H à payer à la Société S. une somme de 1.500,00 euros par application de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Condamne la société H aux entiers dépens d' instance et d' appel et autorise la S.C.P. PAILLE-THIBAULT à recouvrer directement les dépens dont elle a fait l 'avance sans en avoir reçu provision. Ainsi prononcé publiquement par Monsieur MULLER, Président, Signé par lui-même et Monsieur Lilian X..., Greffier, qui a assisté au prononcé de l 'arrêt.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Numéro d'arrêt : 98/03248
Date de la décision : 23/10/2002

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE

La responsabilité d'une société dont l'objet social est la réalisation et la commercialisation d'enquêtes commerciales et financières ne saurait être retenue au seul motif que celle-ci aurait émis des commentaires défavorables ou se serait livrée à une analyse erronée. Il importe de démontrer pour engager cette responsabilité soit que des conclusions inexactes ont été énoncées avec l'intention de nuire à la société dont les comptes ont été analysés soit que ces conclusions erronées sont le fruit d'une erreur grossière d'analyse, inadmissible de la part d'une société dont c'est l'objet social.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.poitiers;arret;2002-10-23;98.03248 ?
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