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30/06/1999 | FRANCE | N°276/99

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 30 juin 1999, 276/99


ORDONNANCE DU 30 JUIN 1999 n° 341 / 99

RG N 276/99

Jean-Claude X... devenu Diane X... FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par requête du 23 février 1999, Mr Jean-Claude X... , né à PARIS 15ème, le 31 janvier 1937, a saisi le Président du Tribunal de Grande Instance de ROCHEFORT pour obtenir, sur le fondement de l'article 99 du Nouveau Code de Procédure Civile, la rectification de son acte de naissance quant à la nature du sexe y figurant et quant aux prénoms s'y trouvant mentionnés, ceux de Diane, Jeanne étant substitués à ceux de Jean-Claud

e, Pierre.

A l'appui de cette demande, il a fait valoir qu'il avait éprouvé un...

ORDONNANCE DU 30 JUIN 1999 n° 341 / 99

RG N 276/99

Jean-Claude X... devenu Diane X... FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par requête du 23 février 1999, Mr Jean-Claude X... , né à PARIS 15ème, le 31 janvier 1937, a saisi le Président du Tribunal de Grande Instance de ROCHEFORT pour obtenir, sur le fondement de l'article 99 du Nouveau Code de Procédure Civile, la rectification de son acte de naissance quant à la nature du sexe y figurant et quant aux prénoms s'y trouvant mentionnés, ceux de Diane, Jeanne étant substitués à ceux de Jean-Claude, Pierre.

A l'appui de cette demande, il a fait valoir qu'il avait éprouvé un penchant pour la féminité dès son plus jeune âge, qu'il avait toujours eu la certitude d'avoir été victime d'une erreur de la nature, qu'après avoir néanmoins fondé une famille, il avait divorcé d'avec son épouse le 21 novembre 1988, qu'il avait immédiatement entamé des traitements hormonaux avant de subir, courant août 1991, une intervention chirurgicale pour ablation des organes génitaux mâles et création d'organes génitaux féminins et qu'il se trouvait dans un cas exceptionnel de transsexualisme authentique.

Mr X... a, par ailleurs, évoqué le détail d'une longue procédure, suivie devant le Tribunal de Grande de PARIS, dans le cadre de laquelle les Drs Y... et Z..., respectivement andrologue et endocrinologue, avaient conclu à l'existence d'un syndrome de transsexualisme, démontré par les traitements subis et par sa biographie, syndrome justifiant qu'il soit considéré comme étant de sexe féminin.

Il a également indiqué qu'aux termes d'un rapport dissident, le Dr A..., psychiatre désigné en même temps que les deux autres experts, avait estimé qu'il existait, chez lui, des symptômes cicatriciels d'affect psychotique et qu'une réévaluation, faisant suite à un suivi psychiatrique pendant deux ans, était nécessaire avant toute décision mais que le Tribunal de Grande Instance de PARIS l'avait en définitive débouté, en l'état, de sa demande dès lors qu'il n'avait pu consigner la provision à valoir sur le coût de la seconde expertise psychiatrique prescrite à la suite des conclusions du Dr A....

Soutenant qu'une décision de débouté en l'état n'avait pas l'autorité de la chose jugée, Mr X... a prétendu que sa requête était parfaitement recevable et qu'elle était en outre bien fondée dès lors qu'il menait une vie de femme et était socialement et administrativement reconnu comme tel.

Aux termes de conclusions écrites, formulées le 10 mars 1999, le Ministère Public a considéré la requête de Mr Jean-Claude X... comme recevable et a, sur le fond, suggéré l'organisation d'une expertise psychiatrique afin de lever les réserves exprimées précédemment par le Dr A....

Par décision du 7 avril suivant, le magistrat saisi a constaté que le Ministère Public ne soulevait aucune fin de non recevoir, tirée de l'autorité de la chose jugée attachée, le cas échéant, au jugement du Tribunal de Grande Instance de PARIS en date du 24 octobre 1995, et, avant dire-droit sur la requête, a désigné les Drs B... et C... avec mission de rechercher si l'état psychique actuel du requérant allait dans le sens d'un transsexualisme authentique ou était, au contraire, révélateur de troubles mentaux ou d'une anomalie à caractère sexuel.

Aux termes de leur rapport conjoint, déposé au secrétariat-greffe de

ce siège le 24 juin 1999, les Drs B... et C... ont exclu l'existence de troubles mentaux de nature psychotique susceptibles d'avoir installé une dysphorie de genre, dont ils ont affirmé le caractère authentique, et ont estimé que l'habitus, l'anatomie, l'adaptation sociale de Mr Jean-Claude X... étaient ceux d'une femme, avant de conclure à la légitimité de sa revendication.

L'affaire a été appelée à l'audience non publique de ce jour.

Mr X..., assisté de Me D..., a réitéré sa requête outre les motifs la fondant.

Sur ce, et après délibération, a été rendue la décision contradictoire suivante : MOTIFS :

Attendu que les très nombreuses pièces, produites par Mr Jean-Claude X... à l'appui de sa requête, tendaient à accréditer la thèse selon laquelle il offrait l'exemple d'un cas de transsexualisme authentique, son comportement, reconnu socialement, n'ayant jamais cessé d'être celui d'une femme depuis 1995 ;

Attendu que le rapport des Drs B... et C... la confirme totalement ;

Attendu, en effet, que ces experts, après avoir noté que le requérant n'avait présenté aucune manifestation de transvestisme, ni aucune conduite homosexuelle, ont affirmé qu'il présentait les critères diagnostiques du transsexualisme, soit :

- une identification intense et persistante à l'autre sexe ;

- un sentiment permanent d'inconfort par rapport à son sexe et/ou d'inadéquation par rapport à l'identité de rôle correspondante, se traduisant par le désir d'élimination de ses caractères sexuels primaires et secondaires;

- l'absence de concomitance avec une affection responsable d'un phénotype hermaphrodite ;

- l'existence d'une souffrance cliniquement significative, pouvant

altérer son fonctionnement social et familial ;

Qu'ils ont également précisé qu'aucun élément symptomatique d'un trouble mental psychotique n'avait pu être relevé, ce qui les a conduits à estimer que le trouble de l'identité sexuelle ou dysphorie de genre, présenté par le requérant, n'était pas imputable à une affection mentale ayant entravé sa capacité de discernement ;

Attendu qu'au vu de ces conclusions, il apparaît que les réserves, ayant pu être émises par le Professeur A... courant 1993, se trouvent aujourd'hui entièrement levées ;

Qu'il s'ensuit qu'en présence d'un transsexualisme authentique aussi clairement caractérisé, aucune raison ne saurait conduire à rejeter la requête. PAR CES MOTIFS :

Statuant en audience non publique, après débats en chambre du conseil, contradictoirement et en premier ressort.

Ordonnons la rectification de l'acte de naissance de Mr Jean-Claude X..., né à PARIS 15ème arrondissement, le 31 janvier 1937, en ce sens que, d'une part, les termes "sexe féminin" seront substitués à ceux de "sexe masculin", y figurant, et que, d'autre part, les prénoms de "Jean-Claude, Pierre" seront remplacés par ceux de "Diane, Jeanne".

Laissons les dépens à la charge du requérant. LE GREFFIER

LE PRÉSIDENT M.C. LABEYRIE

J.P. MÉNABÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Numéro d'arrêt : 276/99
Date de la décision : 30/06/1999
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;1999-06-30;276.99 ?
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