N°22/01089
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d'Appel
de Pau
ORDONNANCE
CHAMBRE SPÉCIALE
Contestation Honoraires Avocat du
17 mars 2022
Dossier N°
N° RG 21/03860 - N° Portalis DBVV-V-B7F-IBSW
Affaire :
SELARL
DARMENDRAIL & [C]
C/
[E] [G]
Nous, Rémi LE HORS, Premier Président de la cour d'appel de Pau,
Après débats en audience publique le 18 février 2022,
Avons prononcé la décision suivante à l'audience du 17 mars 2022 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Avec l'assistance de Madame GABAIX-HIALE, Greffier
ENTRE :
SELARL DARMENDRAIL & [C]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Demanderesse à la contestation à l'encontre de l'ordonnance du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PAU, en date du 28 Octobre 2021,
Me [H] [C] comparant en personne
ET :
Monsieur [E] [G]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Défendeur à la contestation
comparant en personne
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par acte enregistré au greffe de cette juridiction le 30 novembre 2021, la SELARL Darmendrail & [C] à qui [E] [G] a confié la défense de ses intérêts pour l'assister dans une instance qu'il a initiée devant le conseil de prud'hommes de Pau à l'égard du liquidateur judiciaire de la société POINTVIANDES son employeur suite à son licenciement conteste auprès du premier président de ce siège la décision du bâtonnier du barreau de Pau en date du 28 octobre 2021 qui lui a enjoint de restituer au défendeur la somme de 5746,32 € TTC représentant le montant des honoraires de résultat qui lui ont été versés par son client suite à la réformation par la cour d'appel de Pau du jugement de première instance qui lui a accordé des dommages-intérêts à hauteur de 31 924 €.
À l'audience du 18 février 2022, [H] [C] in limine litis et à titre principal conclut à l'irrecevabilité de l'action diligentée d'une part pour être mal dirigée puisque la saisine du bâtonnier était initiée à l'encontre de Maître [C] alors que la convention d'honoraires a été signée avec SELARL Darmendrail & [C] qui a par ailleurs perçu les honoraires, le bâtonnier, en enjoignant à cette personne morale de restituer les honoraires a modifié l'objet du litige en contravention avec l'article 4 du code civil, le bâtonnier, ayant à tort considéré que Maître [H] [C] représentait la SELARL Darmendrail & [C] puisque la requête ne mentionnait pas le prénom, sachant que deux personnes physiques au sein de cette SELARL possèdent le patronyme [C], à savoir Corinne et [H] ensuite pour défaut d'intérêt à agir à l'égard d'un tiers, à savoir Maître [C] puis pour défaut du droit d'agir le paiement des honoraires étant intervenu auprès de SELARL Darmendrail & [C] et enfin pour prescription, l'action devait être initiée dans un délai de cinq ans à compter de la fin du mandat soit au plus tôt le 20 juillet 2015, date du jugement de première instance soit au plus tard le 18 janvier 2016, jour du virement des honoraires contestés à son bénéficiaire alors que le bâtonnier a été saisi le 6 août 2021 ; il demande à titre subsidiaire à cette juridiction d'infirmer la décision attaquée au motif que le règlement des honoraires est intervenu sans aucune réserve et après service rendu, l'autorisation de prélèvement au bénéfice de SELARL Darmendrail & [C] ayant été signée le 3 décembre 2015 par le client ; à titre infiniment subsidiaire, il sera ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la détermination par la juridiction compétente de l'identité du débiteur des honoraires, Maître [H] [C] contestant cette qualité.
[E] [G] sollicite le rejet des prétentions du demandeur et reconnaît avoir signé une convention d'honoraires avec deux avocats mais ajoute n'avoir eu de relations qu'avec Maître [H] [C] ; il regrette le manque de soutien de celui-ci lors de la diligence de voies d'exécution à son encontre ; il affirme également que son avocat lui a conseillé de ne pas restituer les sommes perçues en exécution de la décision de première instance dans l'attente de l'arrêt de la Cour de Cassation ; il relève par la suite le silence de son conseil ; il reconnaît les honoraires fixés mais conteste les honoraires de résultat, à défaut de résultat.
Le demandeur rétorque que le premier président n'est pas compétent pour apprécier à la charge d'un avocat, un défaut de conseil.
SUR QUOI
1) Sur la recevabilité du recours
Il sera rappelé qu'en application de l'article 176 du décret numéro 11 97 du 27 novembre 1991, la décision du bâtonnier taxant les honoraires d'un avocat peut être contestée devant le premier président dans le délai d'un mois par lettre recommandée avec accusé de réception.
Or, en la cause, il sera relevé que la décision du bâtonnier du barreau de Pau a été notifiée à la SELARL Darmendrail & [C] le 2 novembre 2021.
Dès lors, son recours ayant été émis le 29 novembre 2021, il sera déclaré recevable.
2) Sur la recevabilité de l'action
a- Sur l'article 4 du code civil
Il sera souligné que l'article précité édicte le principe de l'intangibilité du litige, le juge ne pouvant en modifier l'objet.
Or, en la cause, s'il est exact que le bâtonnier du barreau de Pau a été saisi le 12 août 2021 par [E] [G] d'un différend l'opposant à
' Maître [C] SELARL Darmendrail & [C] », alors que la décision attaquée a été prononcée à l'encontre de la SELARL Darmendrail & [C] , il sera relevé que cet avocat associé au sein de la SELARL Darmendrail & [C] était l'interlocuteur du défendeur pour l'organisation de sa défense devant le conseil de prud'hommes de Pau.
En outre, le premier président de ce siège a été saisi de ce recours par un courrier à entête de la SELARL Darmendrail & [C] signé par Maître [H] [C] alors que les conclusions écrites du demandeur sont établies au nom de Maître [C] sans qu'il soit fait mention de cette personne morale.
Il en sera déduit que Maître [C] entretient une confusion entre la personne physique et la personne morale.
Dès lors, c'est à bon droit que le bâtonnier a considéré que Maître [C] était attrait en qualité de représentant de la SELARL Darmendrail & [C].
Par suite, le taxateur n'a pas modifié l'identité des parties au litige, la violation des dispositions de l'article 4 du Code civil n'étant pas constituée.
b- Sur l'intérêt à agir
Il n'est pas contesté que les honoraires dont il est demandé la restitution ont été perçus par la SELARL Darmendrail & [C].
C'est donc à juste titre que le bâtonnier a ordonné la restitution des sommes dont s'agit, à la charge de cette personne morale.
L'intérêt à agir à l'encontre de celle-ci est donc établi.
c- Sur le droit à agir
S'il est exact que [E] [G] n'a aucun droit à agir à l'encontre de Maître [C] puisqu'il n'est ni signataire à titre personnel de la convention d'honoraires conclue avec le défendeur le 17 avril 2013 ni percepteur des fonds dont s'agit, il sera relevé que le premier président ce siège considère tel que ci-dessus démontré que la contestation dont a été saisie le bâtonnier était dirigée à l'encontre de la SELARL Darmendrail & [C] représentée par Maître [C].
Bien plus, l'ordonnance attaquée a été prononcée au contradictoire de cette SELARL.
En conséquence, [E] [G] est titulaire d'un droit à agir à l'encontre de celle-ci.
3) Sur la prescription
Il sera rappelé qu'en application de l'article 2224 du Code civil, l'action du client à l'égard d'un avocat en restitution d'honoraires est soumise à la prescription quinquennale dont le point de départ se situe au jour de la fin du mandat.
Or, en la cause, il sera relevé que la créance de [E] [G] à l'égard de la SELARL Darmendrail & [C] en restitution des honoraires de résultat qu'il lui a versés selon une convention a pris naissance le 20 décembre 2018, date de l'arrêt de la cour d'appel de Pau réformant le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en date du 20 juillet 2015.
Partant [E] [G] étant titulaire de ce droit de créance depuis le 20 décembre 2018 alors qu'il a saisi le bâtonnier d'une contestation de ce chef le 12 août 2021, le premier président ce siège dira que l'action du défendeur n'est pas prescrite pour avoir été diligentée dans un délai de cinq ans.
4) Sur la demande de sursis à statuer
L'identité du débiteur de l'obligation à restitution des fonds versés au titre des honoraires de résultat ayant été tranchée par le bâtonnier et cette décision, à savoir la SELARL Darmendrail & [C], et revendiquée par cette dernière, il n'y a pas lieu d'ordonner le sursis à statuer dans l'attente d'une décision de la juridiction compétente à ce titre.
5) Sur le fond
Il sera souligné qu'un avocat ne peut percevoir un honoraire de résultat au titre de la décision de première instance lorsque cette dernière a été frappée d'appel.
Or en la cause, la demanderesse a facturé le 19 novembre 2015 un honoraire de résultat avant que le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en date du 20 juillet 2015 soit irrévocable ; l'appel ayant été interjeté le 27 juillet 2015.
Bien plus la demanderesse ne pouvait ignorer la diligence de cette voie de recours puisqu'elle représentait le défendeur devant la Cour d'appel.
Par suite, la cour d'appel de Pau ayant réformé la décision du Conseil de prud'hommes de Pau qui avait accordé des indemnités à [E] [G] , la somme perçue par la SELARL Darmendrail & [C] au titre des honoraires de résultat à hauteur de 5746,32 € TTC soit 15 % de 31 924 € sera restituée par celle-ci à [E] [G].
L'ordonnance du bâtonnier sera donc confirmée.
PAR CES MOTIFS
Nous premier président, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclarons recevable le recours formé par la SELARL Darmendrail & [C],
Déclarons recevable l'action de [E] [G] ,
Confirmons l'ordonnance du bâtonnier du barreau de Pau en date du 28 octobre 2021,
Enjoignons à la SELARL Darmendrail & [C] à restituer à [E] [G] la somme de 5746,32 € TTC (cinq mille sept cent quarante six euros et trente deux centimes toutes taxes comprises),
Condamnons la SELARL Darmendrail & [C] aux entiers dépens.
Le Greffier,Le Premier Président,
Sandrine GABAIX-HIALERémi LE HORS