AB/CD
Numéro 4652 /11
COUR D'APPEL DE PAU EXPROPRIATIONS
ARRÊT DU 13/10/2011
Dossier : 10/04295
Nature affaire :
Demande de fixation de l'indemnité d'expropriation
Affaire :
Jeanne X... épouse Y...
C/
S.A. SOCIÉTÉ D'ÉQUIPEMENT DES PAYS DE L'ADOUR
A R R Ê T
prononcé par Monsieur BILLAUD, Président,en vertu de l'article 452 du Code de Procédure Civile,
assisté de Madame DEBON, faisant fonction de Greffière,
à l'audience publique du 13 octobre 2011date indiquée à l'issue des débats.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 09 Juin 2011, devant :
Monsieur BILLAUD, Président suppléant de la chambre des expropriations, nommé pour 3 ans par Ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 07 Septembre 2009, chargé du rapport,
Madame MULLER, Juge suppléant de l'expropriation du département des Landes,
Monsieur DUPEN, Juge titulaire de l'expropriation du département des Pyrénées-Atlantiques,
ces deux derniers désignés conformément aux dispositions des articles R 13-1 et suivants du Code de l'Expropriation,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
En présence de Monsieur BORDES, Commissaire du Gouvernement représentant le Directeur des Services Fiscaux des Hautes-Pyrénées.
Assistés de Monsieur LOM, faisant fonction de Greffier.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame Jeanne X... épouse Y......65100 LOURDES
Représentée par Maître LAZOUD, avocat au barreau de MARSEILLE, loco Maître COLLARD, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE :
S.A. SOCIÉTÉ D'ÉQUIPEMENT DES PAYS DE L'ADOUR238 boulevard de la Paix64000 PAU
Comparante en la personne de Madame D..., service juridique et Madame E..., chargée des opérations, assistées de Maître TEISSEYRE, avocat au barreau de TOULOUSE
sur appel de la décision en date du 10 SEPTEMBRE 2010rendue par le JUGE DE L'EXPROPRIATION du Tribunal de Grande Instance de TARBES
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant mémoire en date du 11 décembre 2009, enregistré au greffe du tribunal de Grande instance de Tarbes le 16 décembre 2009, la société d'Equipement des Pays de l'Adour, (ci-après SEPA), a saisi le Juge de l'Expropriation du département des Hautes-Pyrénées afin de voir fixer l'indemnité devant revenir à Madame Jeanne Y... née X... à la suite de l'acquisition pour cause d'utilité publique de sa parcelle cadastrée section BS 381 commune de Lourdes d'une surface totale de 5456 m².
La ville de Lourdes a décidé d'urbaniser une partie de sa commune sous forme de ZAC et a signé à cette fin, le 25 août 2004, une Convention Publique d'Aménagement avec la SEPA qui agit en qualité de concessionnaires aménagements et poursuit l'acquisition des emprises nécessaires à la réalisation de cette zone urbaine.
Le 10 juillet 2008, cette opération a été déclarée d'utilité publique.
La parcelle susvisée de Madame Y... a été déclarée cessible le 27 octobre 2008 et l'ordonnance d'expropriation est intervenue le 24 avril 2009.
Dans son mémoire introductif, la SEPA a offert une indemnité principale de 87.296 €, soit 16 €/m² de terrain et une indemnité de remploi de 9.729,60 €, soit une indemnisation globale de 97.026 €, précisant qu'à la date de référence du 23 février 2001, ce terrain était classé en zone 1NAa.
Par jugement en date du 10 septembre 2010, la juridiction départementale de l'expropriation des Hautes-Pyrénées a fixé les indemnités du Madame Y... à la somme de 98.208 € à titre d'indemnité principale et 10.821 € à titre d'indemnité de remploi, soit une indemnisation globale de 109.029 €, rejetant la qualification de terrain à bâtir mais retenant la notion de situation privilégiée et fixant ainsi la valeur du mètre carré de terrain à 18 €.
Suivant lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 3 novembre 2010 et enregistrée au greffe de la Cour le 8 novembre 2010, le conseil de Madame Jeanne Y... a relevé appel de cette décision.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Dans son mémoire d'appel expédié le 10 janvier 2011, réceptionné le 12 janvier 2011 et dans ses mémoires complémentaires des 16 mai et 6 juin 2011, Madame Y... demande à la Cour de retenir la qualification juridique de terrain à bâtir pour sa parcelle expropriée et de fixer par conséquent, à la somme de 234.600 € le montant de l'indemnité principale et à la somme de 24.460 € le montant de l'indemnité de remploi et subsidiairement, dans l'hypothèse où ne serait reconnue une situation privilégiée, fixer ces montants à 163.680 € et 18.868 €, ce qui représenterait 43 €/m² de terrain dans la première hypothèse et 30 €/m² dans la seconde.
Dans son mémoire reçu au greffe le 9 février 2011, la société d'Equipement des Pays de l'Adour demande à la Cour de dire et juger que Madame Y... est déchue de son appel en application des dispositions de l'article R. 13-49 du Code de l'Expropriation et que sa déclaration d'appel est entachée de nullité en application des articles R. 13-47, R. 13-48 du Code de l'Expropriation et des articles 58 et 936 du Code de Procédure Civile ; subsidiairement, de confirmer le jugement rendu le 10 septembre 2010 en toutes ses dispositions.
La SEPA rappelle que le mémoire de Madame Y... a été adressé à la Cour après expiration du délai de deux mois imposés par l'article R. 13-49 du Code de l'Expropriation ; en outre, Madame Y... n'aurait pas fait élection de domicile dans le ressort de la Cour d'appel en infraction aux dispositions de l'article 936 du Code de Procédure Civile.
Elle précise par ailleurs, dans son mémoire en défense du 30 mai 2011 que Madame Y... a fait verser aux débats de nouvelles pièces en particulier un rapport d'expertise établie par un bureau d'études GINGER ENVIRONNEMENT et INFRASTUCTURES au mois d'avril 2011 et qu'elle s'oppose fermement à la production de ces éléments non produits dans le délai prévu par l'article R. 13-49 du Code de l'Expropriation d'une part, et totalement contredit par des rapports des sociétés ERDF et Lyonnaise des Eaux d'autre part.
Dans ses conclusions reçues au greffe de la Cour le 16 février 2011, Monsieur le Commissaire du gouvernement demande à la Cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
SUR QUOI :
Sur la forme, la déchéance de l'appel et la communication de pièces :
Attendu que dans ses dernières écritures, la société d'Équipement des Pays de l'Adour (SEPA) demande à la Cour de déclarer Madame Y... déchue de son appel et de dire cet appel nul ;
Sur la déchéance de l'appel :
Attendu que lors des débats, la Cour et les parties ont fait le constat de ce que l'appel étant du 8 novembre 2010, le délai de l'article R. 13-49 du Code de l'Expropriation imparti à l'appelante pour déposer son mémoire et ses pièces, expirait le 8 janvier 2011, ce qui était un samedi et que, par conséquent, en application des dispositions de l'article 642 du Code de Procédure Civile, ce délai a été prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant soit le lundi 10 janvier 2011, date à laquelle le mémoire de l'appelante et ses pièces ont été adressés ainsi qu'en fait foi le cachet de la poste ;
Qu'il y a donc lieu de rejeter le moyen pris de la déchéance de l'appel de Madame Y... ;
Sur la nullité de l'appel :
Attendu par ailleurs, que c'est à tort que la société SEPA soutient la nullité de l'appel en application des dispositions de l'article 936 du Code de Procédure Civile pour défaut d'élection de l'appelante dans le ressort de la Cour, alors que la déclaration d'appel comporte la mention du domicile de l'appelante dans la ville de Lourdes qui est notoirement située dans le ressort du Tribunal de Grande Instance de TARBES et donc dans celui de la Cour d'appel de PAU ;
Que ce moyen de nullité sera également rejeté ;
Sur la communication par l'appelante d'un rapport GINGER ENVIRONNEMENT et INFRASTUCTURES :
Attendu en revanche que la société SEPA soutient à juste titre que ce rapport d'expertise non contradictoire doit être écarté des débats pour avoir été communiqué hors délai ;
Qu'en effet, ce rapport lui-même daté du mois d'avril 2011 n'a été versé aux débats que le 16 mai 2011 ;
Que par conséquent, ce document ne pouvait en aucun cas faire partie des documents susceptibles d'être joints au mémoire de Madame Y... dans les conditions exigées par les dispositions de l'article R. 13-49 du Code de l'Expropriation ;
Qu'il y a donc lieu de faire droit à ce moyen et d'écarter des débats le rapport GINGER ENVIRONNEMENT et INFRASTUCTURES ;
Au fond :
Attendu qu'il n'est ni contestable, ni contesté, que le bien exproprié est situé dans la zone urbaine sur laquelle la commune de Lourdes a approuvé le 28 décembre 1987 un droit de préemption concernant son urbanisation future et que cette zone est par ailleurs, soumise au POS révisé le 23 février 2001 et finalement approuvé le 28 mars 2002 ; qu'ainsi, à cette date qui constitue la date de référence, le bien exproprié se situait en zone 1 NAa dudit plan d'occupation des sols ;
Attendu que la parcelle cadastrée BS 381 appartenant à Madame Y... est plus particulièrement située dans le périmètre d'une ZAC ;
Attendu qu'il est également constant, par référence au POS de la commune de Lourdes que pour la zone 1 NAa, l'urbanisation est conditionnée à la conception d'un aménagement d'ensemble, dans lequel est notamment compris la réalisation de la desserte en voirie ainsi que par les divers réseaux, dans une capacité suffisante ;
Attendu qu'en l'état, et malgré une situation du bien exproprié dans un ensemble déjà urbanisé, il y a lieu de constater, avec les documents établis par ERDF le 8 janvier 2010 et la Lyonnaise des Eaux le 20 octobre 2009 que les divers réseaux le concernant ne sont pas de capacité suffisante pour alimenter l'ensemble de la ZAC à l'intérieur du périmètre de laquelle n'existe encore pas de voie d'accès ;
Attendu par conséquent, qu'en application des dispositions de l'article L. 13-15-I du Code de l'Expropriation, la parcelle expropriée doit être évaluée en fonction de sa nature et de son usage effectif, qu'elle se situe dans une zone insuffisamment équipée destinée à recevoir une urbanisation future, qu'il convient toutefois de tenir compte de sa situation privilégiée lui conférant une réelle plus-value ;
Attendu qu'il y a donc lieu de rejeter expressément toute référence faite par Madame Y... à des valeurs de terrain à bâtir ;
Attendu toutefois, qu'il convient de considérer la réalité de la situation du bien dans la ville de Lourdes, qu'il y a donc lieu de prendre en compte d'une part, les termes de comparaison du marché immobilier sur le terrain à bâtir comme étant une valeur maximale à ne pas dépasser, d'autre part, les accords amiables réalisés par la société SEPA ainsi que les jugements devenus définitifs dans le cadre de cette opération d'expropriation ;
Attendu que la Cour constate en se référant aux termes de comparaison produits aux débats, notamment par Monsieur le Commissaire du Gouvernement, concernant tous des actes publiés, que la valeur du terrain à bâtir s'élève en moyenne à 59,58 €, que la somme de 60 € sera retenue pour ordre ;
Attendu que la société SEPA a consenti les indemnisations amiables comprises entre 18 € et 20,75 € ; que la somme de 20 € doit être retenue pour ordre ;
Attendu que rien ne justifie en l'état, pour parvenir à une évaluation à hauteur de 18 €/m², de procéder à un morcellement de la parcelle expropriée en deux parties de 2728 m² chacune, sous prétexte qu'une partie serait plus proche des réseaux que l'autre, alors qu'il suffit de constater la proximité desdits réseaux pour caractériser la situation privilégiée de la parcelle ; que par ailleurs, rien ne justifie d'opérer un abattement de 50 % sur la valeur de cette terre située en pleine ville ;
Attendu que la valeur la plus significative des termes de comparaison est constituée d'une vente du 15 janvier 2010 d'une parcelle 458 située dans la même section BS que la parcelle de Madame Y... moyennant le prix de 40,82 € le m² ; qu'il convient de retenir la valeur de 40,00 € pour ordre, s'agissant cependant d'une parcelle dans un lotissement ;
Attendu qu'il a été dit que la parcelle expropriée n'est pas juridiquement un terrain à bâtir ;
Attendu qu'il y a lieu de procéder à un abattement de 25 % sur la valeur de 40 € pour parvenir à une indemnisation équitable, eu égard à l'ensemble des termes de comparaison cités par Monsieur le Commissaire du Gouvernement, soit 30 € le mètre carré.
Attendu qu'il y a donc lieu de fixer ainsi le montant de l'indemnisation revenant à Madame Y... :
Indemnité principale :
5456 m² x 30 € = 163.680 €
Indemnité de remploi :
20 % sur 5.000 € = 1.000 € 5 % sur 10.000€ = 500 €10%sur 148.680€ = 14.868€soit la somme de 16.368 € ce qui représente une indemnisation totale de 180.048 €.
Attendu qu'il y a lieu d'infirmer la décision déférée en ce sens ;
Attendu que la société SEPA doit les entiers dépens et la somme de 1.500 € à Madame Y... pour ses frais irrépétibles en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 10 septembre 2010 par la juridiction départementale de l'expropriation des Hautes-Pyrénées et fixe comme suit le montant de l'indemnisation revenant à Madame Jeanne X... épouse Y... pour l'expropriation de sa parcelle sise à Lourdes cadastrée section BS no 381 d'une superficie de 5456 m² :
Indemnité principale :
5456 m² x 30 € = 163.680 €
Indemnité de remploi :
20 % sur 5.000 € = 500 € 5 % sur 10.000€ = 1.500 €10%sur 148.680€ = 14.868€soit la somme de 16.368 € ce qui représente une indemnisation totale de 180.048 €,
Condamne la société d'Equipement des Pays de l'Adour aux entiers dépens,
La condamne en outre, à payer à Madame X... épouse Y..., la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,
Carole DEBON Alain BILLAUD