AB/ CD
Numéro 768/ 11
COUR D'APPEL DE PAU
EXPROPRIATIONS
ARRÊT DU 10/ 02/ 2011
Dossier : 10/ 01372
Nature affaire :
Demande de fixation de l'indemnité d'expropriation
Affaire :
SOCIÉTÉ D'ÉQUIPEMENT DES PAYS DE L'ADOUR
C/
Jean Joseph X...
SEIGNALET
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé par 10 février 2011, Président,
en vertu de l'article 452 du Code de Procédure Civile,
assisté de Madame DEBON, faisant fonction de Greffière,
à l'audience publique du 10 février 2011
date indiquée à l'issue des débats.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 09 Décembre 2010, devant :
Monsieur BILLAUD, Président suppléant de la chambre des expropriations, nommé pour 3 ans par Ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 07 Septembre 2009, chargé du rapport,
Madame MULLER, Juge suppléant de l'expropriation du département des Landes,
Madame LAUVERNIER, Juge titulaire de l'expropriation du département des Hautes Pyrénées,
ces deux derniers désignés conformément aux dispositions des articles R 13-1 et suivants du Code de l'Expropriation,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
En présence de Monsieur Y..., Commissaire du Gouvernement représentant le Directeur des Services Fiscaux des Pyrénées-Atlantiques.
Assistés de Madame DEBON, faisant fonction de Greffière
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SOCIÉTÉ D'EQUIPEMENT DES PAYS DE L'ADOUR,
représentée par Monsieur Z..., Directeur Général de la SEPA,
47 Avenue Norman Prince-BP 7524
64075 PAU CEDEX
Comparante et assistée de Maître CHEN, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ :
Monsieur Jean Joseph X...
...
64140 LONS
Comparant et assisté de Maître MADAR, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 04 MARS 2010
rendue par le JUGE DE L'EXPROPRIATION du Tribunal de Grande Instance de PAU
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant mémoire en date du 7 octobre 2009, la Société d'ÉQUIPEMENT DES PAYS DE L'ADOUR, ci-après SEPA, a saisi le juge de l'expropriation du Tribunal de Grande Instance de PAU afin d'obtenir la fixation des indemnités devant revenir à Monsieur Jean Joseph X...pour l'expropriation de la parcelle suivante dont il est propriétaire : AZ no 165 commune de LONS chemin ...d'une superficie de 1496 m ² pour une emprise totale de cette même surface.
Le 21 mars 2007, le conseil municipal de la commune de LONS a décidé la création de la ZAC « Porte des Pyrénées » dont le programme comprend la réalisation d'environ 165 logements dont 20 % de logements à caractère social.
Cette opération d'aménagement a été déclarée d'utilité publique le 5 décembre 2008.
Les enquêtes publiques et parcellaires ont eu lieu du 22 septembre 2008 au 13 octobre 2008.
L'arrêté de cessibilité a été pris le 24 avril 2009.
L'ordonnance d'expropriation a été prise le 29 mai et 2 juillet 2009 ; cette ordonnance est toujours en cours de publication.
La date de référence un an avant l'enquête publique est le 21 septembre 2007.
Le dernier plan local d'urbanisme de la commune a été approuvé le 19 juillet 2007.
La parcelle est classée en zone 2 AUFp2 du PLU en vigueur à la date de référence.
L'autorité expropriante considère que cette parcelle ne répond pas aux conditions de constructibilité de la zone.
Se référant à des termes de comparaison variant d'environ 19 € à 35 € le m ² de terrain, la SEPA propose une indemnisation à hauteur de 27 € le m ² ce qui représenterait 40. 392 € à titre d'indemnité principale et 5. 039, 20 € à titre d'indemnité de remploi.
Par jugement en date du 4 mars 2010, la juridiction départementale de l'expropriation des Pyrénées-Atlantiques, retenant la qualification de terrain à bâtir, a retenu la valeur de 60 € le m ² et fixé l'indemnité principale d'expropriation à 662. 100 € et l'indemnité de remploi à 67. 210 €.
Suivant déclaration enregistrée au greffe le 6 avril 2010, Maître CHEN, le conseil de la société SEPA a relevé appel de cette décision.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Dans son mémoire d'appel, la SEPA demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré et de fixer les indemnités d'expropriation conformément à son mémoire introductif ci-dessus rappelé ; elle soutient notamment que c'est à tort que le premier juge a qualifié les terrains de terrain à bâtir, elle fait référence à un zonage correspondant à un secteur présentant un caractère naturel non équipé, à savoir 2 AUF ; elle précise que pour l'application de l'article L. 13-15- II du Code de l'expropriation, la dimension des réseaux doit être appréciée au regard de l'ensemble de la zone, que si des réseaux existent encore faut-il qu'il soit suffisamment dimensionné ; l'autorité expropriante rappelle également que le plan local d'urbanisme conditionne la constructibilité de la zone à la réalisation d'une opération d'ensemble c'est-à-dire à la réalisation de l'ensemble des réseaux, voirie comprise, dimensionnés conformément au programme de la Zac et qu'il s'agit de travaux d'aménagement onéreux, n'ayant rien d'hypothétique, qui permettront de viabiliser les terrains.
Dans un mémoire en réplique du 27 octobre 2010, la SEPA soutient en outre que la parcelle litigieuse serait enclavée ; elle réfute totalement l'argumentaire de l'exproprié concernant l'intention dolosive.
Par conclusions en date du 29 juin 2010, Monsieur le Commissaire du Gouvernement demande à la Cour de retenir que le prix de 27 €/ m ² apparaît satisfactoire.
Dans ses dernières conclusions du 17 novembre 2010, Monsieur X...demande à la Cour de retenir le prix de 75 € le m ² ; il rappelle que son terrain est largement desservi par l'ensemble des réseaux, que l'autorité expropriante entretient une confusion entre le classement de sa parcelle qui se trouve en zone 2 AUFp et non en zone AUF, qu'il n'y a donc aucune réserve en ce qui concerne la capacité des réseaux, que conformément à une jurisprudence habituelle le terrain doit recevoir la qualification de terrain à bâtir.
Dans l'hypothèse où serait retenue l'argumentation de la SEPA, l'exproprié soutient de manière subsidiaire que le classement en zone naturelle par un plan local d'urbanisme adopté très peu de temps avant la procédure d'expropriation constituerait la preuve d'une intention dolosive.
Par ailleurs, l'exproprié soutient qu'en tout état de cause, l'examen des termes de comparaison aboutit nécessairement à fixer à la somme minimale de 60 €/ m ² la valeur de la parcelle compte tenu de la situation privilégiée du bien.
Il fait appel incident sur la moins-value retenue par le premier juge au titre d'une servitude de bruit.
SUR QUOI :
Sur la qualification juridique de la nature du terrain exproprié :
Attendu que certaines observations et remarques préalables doivent être faites en ce qui concerne l'ensemble de l'opération d'expropriation des parcelles nécessaires à la création de la Zac « Porte des Pyrénées » sur le territoire de la commune de LONS ;
Attendu que la première remarque concerne le zonage des parcelles expropriées et leur classement au regard du document administratif applicable ;
Attendu en effet que pour la mise en œ uvre des dispositions combinées des articles L. 13-15- I du Code de l'expropriation et de l'article L. 230-3 du Code de l'urbanisme, il y a lieu de constater qu'à la date du 21 septembre 2007, soit un an avant l'ouverture de l'enquête d'utilité publique, le plan local d'urbanisme de la commune de LONS approuvé le 19 juillet 2007 était en vigueur ;
Et attendu qu'il est constant qu'en vertu de ce PLU, la parcelle expropriée est située en zone 2 AUFp et non en zone AUF contrairement à ce qui est soutenu à plusieurs reprises dans les conclusions d'appel de la société SEPA expropriante de manière confuse alors même que la qualification du terrain exproprié eu égard à ce document d'urbanisme est essentielle pour la suite ;
Attendu que la seconde remarque porte sur la situation objective des parcelles expropriées dans le cadre de ce projet : en effet, il résulte tant des constatations du juge de l'expropriation lors de son transport sur les lieux que des plans, documents d'urbanisme, photographies ainsi que du chapitre III constituant le règlement du PLU et des dispositions applicables à la zone 2 AUFp que cette zone destinée au développement de la Zac « Porte des Pyrénées » se caractérise par la présence d'équipements en périphérie immédiate de cette zone permettant de desservir l'ensemble des constructions qu'elle peut potentiellement accueillir, les trois zones définies étant destinées à accueillir des maisons à usage d'habitation individuelle ou collective ;
Par ailleurs il est constant que toutes les parcelles faisant l'objet de cette même procédure d'expropriation sont des parcelles accolées les unes aux autres et desservies par un chemin d'exploitation ;
De même, il est constant que l'ensemble ces parcelles se trouvent à proximité immédiate de la médiathèque de la commune.
Attendu en effet qu'il est établi, ainsi que l'a constaté le juge de l'expropriation lors du transport sur les lieux, que la parcelle expropriée est parfaitement accessible par les chemins ..., et qu'elle se situe en bordure de la voie rapide, que la seule restriction d'accès dont il est fait état par l'autorité expropriante résulte du classement de cet accès en chemin piétonnier postérieurement à la date de référence, que par conséquent cette restriction d'accès n'est pas juridiquement applicable en l'espèce ;
Attendu en effet que ce n'est que dans le cadre de la création de la médiathèque voisine que cette voie d'accès a été aménagée en chemin piétonnier, qu'en tout état de cause, la parcelle ne saurait être considérée comme étant enclavée, étant précisé qu'en droit, selon une jurisprudence constante, l'état d'enclave ne suffit pas par lui-même à écarter la qualification de terrain à bâtir, qu'il est de même constant en droit que toute parcelle enclavée bénéficie nécessairement d'une servitude de passage à déterminer ; en outre, la parcelle expropriée fait manifestement partie d'un tout lui-même rattaché à une voie d'accès, l'ensemble des parcelles constituent donc un bloc homogène desservi par la voie publique ;
Attendu que nul ne saurait par ailleurs contester la situation objective des parcelles expropriées, dans la zone d'agglomération du Grand Pau et dans un secteur d'habitations pavillonnaires effectif à la date de référence ;
Sur les réseaux et leur dimensionnement :
Attendu qu'en application de l'article L. 13-15- II du Code de l'expropriation, la qualification de terrain à bâtir est réservée aux terrains qui, un an avant l'ouverture de l'enquête d'utilité publique ou un an avant la DUP sont, quelle que soit leur utilisation, tout à la fois effectivement desservis par une voie d'accès, un réseau électrique, un réseau d'eau potable et, dans certaines mesures, un réseau d'assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate du terrain en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains ; lorsqu'il s'agit de terrains situés dans une zone désignée par un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé comme devant faire l'objet d'une opération d'aménagement d'ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée au regard de l'ensemble de la zone, et aux terrains situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols rendus publics ou approuvés par un document d'urbanisme ;
Attendu qu'il résulte des constatations qui précèdent que la condition de l'article L. 13-15- II b) est remplie, à savoir qu'il est constant que les terrains expropriés se situent dans un secteur désigné comme constructibles par le PLU applicable ;
Attendu qu'il a été également démontré qu'en juillet 2007, la parcelle expropriée était effectivement desservie par l'ensemble des réseaux en eau électricité et assainissement ainsi que raccordée à une voie d'accès ; que par ailleurs la présence à proximité immédiate de ces réseaux et accès est confirmée par le PLU lui-même ; qu'il ne saurait d'ailleurs en être autrement de parcelles situées immédiatement à côté d'une médiathèque communale ;
Attendu que pour définir son zonage, le PLU a lui-même déterminé que la capacité des équipements présents en périphérie immédiate permettait de desservir l'ensemble des constructions qu'(elle) cette zone peut potentiellement accueillir ;
Attendu que peu importe à cet égard la nécessité de travaux d'adaptation ou de renforcement de ces réseaux dans le cadre de la construction effective de la ZAC ; en effet, pour la mise en œ uvre des dispositions de l'article L. 13-15 du Code de l'expropriation, il y a lieu de se situer à la date de référence c'est-à-dire en juillet 2007 pour déterminer la qualification juridique du bien exproprié, or à cette date, le document d'urbanisme applicable a lui-même constaté la présence et la suffisance des réseaux et accès, en ce qu'il a retenu que ces derniers permettaient de desservir l'ensemble des constructions potentielles de la ZAC ;
Attendu par conséquent que les deux critères cumulatifs des alinéas a) et b) de l'article L. 13-15- II du Code de l'expropriation sont remplies ; il y a donc lieu de confirmer la décision entreprise sur ce point ;
Sur l'évaluation de la parcelle expropriée :
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la parcelle expropriée est un terrain à bâtir, que par conséquent les termes de comparaison cités par l'autorité expropriante ou par le Commissaire du Gouvernement concernant des parcelles n'ayant pas la nature juridique de terrain à bâtir doivent être rejetés comme étant inopérants ;
Attendu que les termes de comparaison utiles sont ceux relatifs à l'acquisition des parcelles nécessaires à la construction de la médiathèque voisine soit 35 €/ m ² en 2007, la vente de terrains à bâtir sur la même commune, à proximité du même chemin ..., à hauteur de 98 €/ m ² pour une parcelle viabilisée et 78 €/ m ² pour une parcelle susceptible de l'être, cela en 2007 et 2005 ; qu'une autre vente sur une commune limitrophe est intervenue en juillet 2006 pour le prix de 60 €/ m ² ;
Attendu que la référence à ces valeurs de comparaison citées par la juridiction départementale de l'expropriation sont pertinentes et déterminent une valeur moyenne comprise entre 63 et 65 € le m ² ; qu'à juste titre, le premier juge a retenu, qu'en raison de la proximité de la voie rapide, qui se déduit aussi des plans produits et du caractère très urbanisé du site, il y avait lieu d'affecter ce prix d'une moins-value en raison du bruit occasionné par cette voie ouverte à une circulation automobile intense notamment aux heures de pointe ;
Attendu qu'il y a donc lieu de rejeter l'appel incident de l'exproprié, de retenir la valeur de 60 € par m ² et par conséquent de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;
Attendu que la preuve de l'intention dolosive de l'autorité expropriante n'a pas été formellement rapportée par l'exproprié ; que sera toutefois relevé le caractère anormal d'une offre d'indemnisation à hauteur de 27 € le m ² alors que la commune a fait l'acquisition d'un terrain immédiatement voisin pour le montant de 35 € le m ² en vue de la construction de la médiathèque ;
Attendu que l'autorité expropriante qui succombe à titre principal doit les entiers dépens ; que la procédure a entraîné pour l'exproprié la nécessité d'assurer sa représentation et la défense de ses intérêts tant devant les juridictions du premier ressort et d'appel, qu'il y a donc lieu de condamner la SEPA à lui payer la somme de 1. 000 € pour ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Après en avoir délibéré, statuant publiquement contradictoirement en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 mars 2010 par la juridiction départementale de l'expropriation des Pyrénées-Atlantiques,
Rejette toutes autres demandes fins et conclusions des parties,
Déboute Monsieur X...des fins de son appel incident sauf en ce qui concerne les frais irrépétibles,
Condamne la Société d'ÉQUIPEMENT DES PAYS DE L'ADOUR aux entiers dépens,
La condamne en outre à verser à Monsieur X...Jean Joseph la somme de 1. 000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,
Carole DEBONAlain BILLAUD