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10/12/2009 | FRANCE | N°09/01461

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre des expropriations, 10 décembre 2009, 09/01461


COUR D'APPEL DE PAU
EXPROPRIATIONS
ARRET DU 10 / 12 / 2009
Dossier : 09 / 01461

Nature affaire :

Demande de fixation de l'indemnité d'expropriation
Affaire :
Alain X...

C /

LE CONSEIL GÉNÉRAL DES HAUTES PYRÉNÉES
A R R E T
prononcé par Monsieur BILLAUD, Président, en vertu de l'article 452 du Code de Procédure Civile,

assisté de Monsieur LOM, faisant fonction de Greffier,
à l'audience publique du 10 décembre 2009 date indiquée à l'issue des débats.

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le

12 Novembre 2009, devant :

Monsieur BILLAUD, Président suppléant de la chambre des expropriations, nommé pour 3 ans par Ordonna...

COUR D'APPEL DE PAU
EXPROPRIATIONS
ARRET DU 10 / 12 / 2009
Dossier : 09 / 01461

Nature affaire :

Demande de fixation de l'indemnité d'expropriation
Affaire :
Alain X...

C /

LE CONSEIL GÉNÉRAL DES HAUTES PYRÉNÉES
A R R E T
prononcé par Monsieur BILLAUD, Président, en vertu de l'article 452 du Code de Procédure Civile,

assisté de Monsieur LOM, faisant fonction de Greffier,
à l'audience publique du 10 décembre 2009 date indiquée à l'issue des débats.

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 12 Novembre 2009, devant :

Monsieur BILLAUD, Président suppléant de la chambre des expropriations, nommé pour 3 ans par Ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 07 Septembre 2009, chargé du rapport,

Madame MULLER, Juge suppléante de l'expropriation du département des Landes,
Madame GARDRAT-DUMONT, Juge titulaire de l'expropriation du département des Pyrénées-Atlantiques,
ces deux derniers désignés conformément aux dispositions des articles R 13-1 et suivants du Code de l'Expropriation,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
En présence de Monsieur URBAIN, Commissaire du Gouvernement représentant le Directeur des Services Fiscaux des Hautes-Pyrénées.
Assistés de Madame DEBON, faisant fonction de Greffière.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur Alain X...... 65290 JUILLAN

Comparant et assisté de Maître SOULIE, avocat au barreau de TARBES

INTIME :

LE CONSEIL GÉNÉRAL DES HAUTES PYRÉNÉES représenté par M. Jean-Paul A..., Inspecteur des Impôts au Service France Domaines, au nom et pour le compte du Département 6 Rue Gaston Manent B. P 1324 65013 TARBES CEDEX

Comparant

sur appel de la décision en date du 06 MARS 2009 rendue par le JUGE DE L'EXPROPRIATION du Tribunal de Grande Instance de Tarbes

FAITS ET PROCÉDURE

Le 3 octobre 2008, le département des Hautes-Pyrénées représenté par Monsieur l'Inspecteur des Impôts chargé du service France-Domaine a saisi le juge de l'expropriation du Tribunal de Grande Instance de Tarbes d'une demande afin d'obtenir la fixation judiciaire des indemnités devant revenir à Monsieur Alain X... pour l'emprise sur la parcelle dont il est propriétaire à BORDERES sur ECHEZ section F. 73 pour une superficie de 1581 m ² sur un total de 5581 m ² en nature de taillis, classé en zone AUE du POS de la commune et donné en location à l'EARL FORTUNA ; L'autorité expropriante a proposé une indemnité à hauteur de 1, 07 € le mètre-carré de terrain soit 1. 692 € à titre principal et 338 € à titre de remploi.

Par jugement en date du 6 mars 2009, le juge de l'expropriation du Département des Hautes-Pyrénées a débouté Monsieur X... de ces fins de non recevoir concernant le défaut de qualité à agir de la Trésorerie Générale des Hautes-Pyrénées pour le compte du Conseil Général des Hautes-Pyrénées, le défaut de qualité à agir de Monsieur B..., de signature des mémoires, de violation de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et du principe de l'égalité des armes ; Ledit jugement a par ailleurs dit que les dispositions de l'article 753 du Code de procédure civile n'étaient pas applicables devant la juridiction de l'expropriation et a fixé l'indemnité l'expropriation revenant à Monsieur X... à la somme de 1. 692 + 338 € = 2. 030 €, a débouté Monsieur X... de ses demandes relatives à la dépréciation du surplus, à marge de recul, aux difficultés d'exploitation et allongement de parcours.

Par lettre recommandée reçue le 21 avril 2009, Maître SOULIE le conseil de Monsieur Alain X... a relevé appel de cette décision.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par mémoire enregistré le 15 juin 2009, Monsieur X... demande à la Cour de :

- déclarer l'appel recevable,
- réformer le jugement dont appel en son entier,
- constater le défaut de qualité à agir de la Trésorerie générale sur le fondement de l'article 122 du Code de procédure civile, des articles L. 13-2 à L. 13-5 et à l'article R. 12-4 du Code de l'expropriation, et déclarer son action irrecevable,
- déclarer nulle l'action entreprise par la Trésorerie générale, sur le fondement de l'article 6 de la CEDH,
- constater le défaut de qualité à agir du signataire du mémoire de l'expropriant, sur le fondement de l'article R. 13-25 du Code de l'expropriation,
- à titre subsidiaire, fixer le montant total de l'indemnité d'expropriation à 34. 371 €,
- condamner le Département des Hautes-Pyrénées à verser à Monsieur X... la somme de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il soutient notamment dans son subsidiaire que la parcelle en cause a toujours été classée dans une zone d'urbanisation future dans la mesure où l'ensemble des réseaux est à proximité.
Dans son mémoire en réponse du 13 juillet 2009 le DÉPARTEMENT DES HAUTES-PYRÉNÉES demande à la Cour de confirmer le jugement du 6 mars 2009.

Par conclusions du 22 juillet 2009, Monsieur LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT demande également la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.

SUR QUOI :

Attendu que dans son mémoire d'appel déposé le 15 juin 2009 l'appelant soutient préalablement deux fins de non recevoir relatives au défaut de qualité pour agir de la Trésorerie Générale ou de la personne signataire du mémoire valant offres d'indemnisation ainsi qu'une demande d'annulation de la procédure pour non-respect de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) ;

Attendu que l'acte qui a saisi la juridiction départementale de l'expropriation et qui est à l'origine de la procédure judiciaire est le mémoire valant offre d'indemnisation enregistré au greffe du Tribunal de Grande Instance de Tarbes le 3 octobre 2008 et que ce mémoire a été établi et soutenu par " le Département des Hautes-Pyrénées représenté par Monsieur B..., inspecteur des impôts au service France-Domaine, 4 chemin de l'ormeau à Tarbes, habilité à agir devant la juridiction compétente, au nom et pour le compte du Département en vertu du décret no 67-568 du 12 juillet 1967, d'un arrêté interministériel du 18 septembre 1974 publié au J. O. du 26 septembre, d'un arrêté préfectoral du 19 juin 2008 no 2008 – 171 – 27 et d'un arrêté de Monsieur le Trésorier-Payeur Général des Hautes-Pyrénées en date du 30 juin 2008, partie expropriante " ;
Attendu qu'à l'audience le conseil de l'exproprié ne soutient que la violation des dispositions de l'article 6 de la CEDH, qu'il sera toutefois répondu à l'ensemble de ses conclusions ;
Sur la qualité pour agir de Monsieur Le Trésorier-Payeur Général et de l'auteur du mémoire introductif :
Attendu qu'il convient préalablement d'observer qu'en aucun cas l'action n'a été mise en mouvement par Monsieur Le Trésorier-Payeur Général mais bien par la collectivité territoriale départementale au terme d'un pouvoir qu'elle a donné à un fonctionnaire des impôts habilité ; qu'ainsi l'action a bien été mise en mouvement par le Département et que ce n'est qu'au terme d'une confusion regrettable que l'exproprié a cru devoir conclure contre Monsieur Le Trésorier-Payeur Général, confondant ainsi la qualité de mandant et celle de mandataire ;
Attendu en effet qu'il est constant que le Département des Hautes-Pyrénées fait partie des 45 départements dans lesquels a été institué un service foncier résultant de la volonté de l'État de mettre en place un dispositif adapté pour conduire différentes opérations à caractère immobilier ; Que le département des Hautes-Pyrénées est directement concerné par la mise en oeuvre du décret du 12 juillet 1967 qui instaure un service foncier et qu'il a été désigné spécifiquement à cet effet par arrêté interministériel du 18 septembre 1974 ; Qu'il sera toutefois d'ores et déjà relevé, ainsi que le rappelle Monsieur Le Commissaire du Gouvernement dans ses propres conclusions, que si le concours du service foncier ainsi créé est obligatoire pour les services de l'État, il s'agit d'une simple faculté de recours pour les collectivités territoriales qui restent libres de demander ou non l'assistance de ce service dit du domaine pour les catégories d'opérations relevant de sa compétence et fixées par arrêté interministériel ;

Attendu que le Département des Hautes-Pyrénées a donné un mandat complet au service du domaine pour mener des opérations relatives à ses acquisitions foncières notamment celles nécessaires aux opérations, travaux et réalisations de la rocade nord-ouest de Tarbes dont il s'agit ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la critique de la qualité pour agir soit du Trésorier-Payeur Général soit de l'inspecteur des impôts délégataire de pouvoir et auteur du mémoire introductif, ainsi que l'envisage l'appelant dans son mémoire, impliquerait nécessairement l'examen de la légalité des actes administratifs dont il s'agit, ce qui n'est pas de la compétence de la Cour d'appel juridiction de l'ordre judiciaire ;
Attendu que la Cour qui prendra acte de l'organisation de ce service foncier et en tirera toutes les conséquences rejettera donc les conclusions de l'appelant sur ses deux premiers points relatifs à la qualité pour agir de Monsieur le Trésorier-Payeur Général et de l'Inspecteur des Impôts auteur du mémoire valant offre d'indemnisation ;

Sur la violation de l'article 6 de la CEDH :

Attendu que l'article 6 paragraphe 1 de la CEDH prévoit notamment que " toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. " ;
Attendu qu'il est constant en droit que la notion de procès équitable suppose le principe de l'égalité des armes ainsi que l'a rappelé la Cour Européenne des Droits de l'Homme dès le 6 mai 1985 ; Attendu que le droit à un procès équitable a pour objectif de garantir la possibilité pour tout citoyen d'exposer sa cause devant un tribunal dans des conditions qui ne le désavantagent pas par rapport à la partie adverse ; que la notion de prééminence du droit et celle de procès équitable résultant de l'article 6 paragraphe 1 susvisé s'opposent également à toute ingérence du pouvoir étatique dans l'administration de la justice pour y influer sur le dénouement d'un litige ;

Attendu qu'en l'espèce il convient d'observer que le Département des Hautes-Pyrénées partie expropriante a choisi de se faire représenter dans la procédure par l'inspecteur des impôts compétent du service France Domaine des Hautes-Pyrénées désigné dans le cadre de l'application du décret du 12 juillet 1967 et de l'arrêté interministériel du 18 septembre 1974 ;
Qu'il convient de rappeler qu'il ne s'agissait-là que d'une simple faculté offerte par les textes ;
Attendu qu'il est constant que les fonctionnaires occupant et remplissant la fonction de Commissaire du Gouvernement dans la procédure d'expropriation font également partie de l'administration fiscale de l'État français ;
Attendu qu'il est également constant que le mémoire introductif de la procédure judiciaire a été établi par un inspecteur des Impôts, donc un fonctionnaire membre de la même direction départementale des services fiscaux que le Commissaire du Gouvernement ;
Attendu qu'il est tout aussi constant que ces deux agents de l'État français sont soumis au même contrôle hiérarchique, peu important alors qu'ils agissent sur délégation du Préfet ou du Trésorier-Payeur Général ;
Attendu qu'en agissant de la sorte, le Département des Hautes-Pyrénées, autorité expropriante, a créé notamment vis-à-vis de l'exproprié, une situation extrêmement désavantageuse, en rupture avec la notion d'égalité des armes, notamment en permettant une sureprésentation des intérêts de l'Etat dans la procédure ;
Attendu que la Cour a pu constater -non seulement à travers les 27 pages des conclusions du Commissaire du gouvernement alors que le mémoire du Département n'en compte que 3, mais aussi à la lumière des débats au cours desquels le Commissaire du Gouvernement a soutenu le principe de l'action du département et le montant même des indemnités d'expropriation proposées ne se contentant pas de la mission d'information qui lui est traditionnellement reconnue- que cette délégation de pouvoir à un membre de l'administration fiscale par la collectivité territoriale départementale avait créé pour Monsieur X... une situation de net désavantage par rapport à son adversaire et avait ainsi créé un déséquilibre incompatible avec le principe de l'égalité des armes ;
Attendu par conséquent qu'il convient de faire droit aux conclusions de l'appelant et d'ordonner l'annulation de la procédure à compter du mémoire saisissant l'autorité judiciaire, mémoire valant offre d'indemnisation enregistré le 3 octobre 2008 au greffe du tribunal de grande instance de Tarbes ; Qu'il convient donc d'infirmer le jugement déféré en ce sens sans qu'il soit besoin d'examiner les autres conclusions des parties ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Rejetant toutes autres demandes fins et conclusions des parties,
Déboute Monsieur Alain X... de ses conclusions de fin de non-recevoir relatives au défaut de qualité pour agir de Monsieur Le Trésorier-Payeur Général des Hautes-Pyrénées et de l'auteur du mémoire introductif d'instance,
Infirme le jugement rendu le 6 mars 2009 par la juridiction départementale de l'expropriation des Hautes-Pyrénées,
Annule la procédure relative à l'indemnisation judiciaire de Monsieur X... exproprié à compter du mémoire valant offre d'indemnisation enregistré le 3 octobre 2008 par le Département des Hautes-Pyrénées, ce mémoire y compris,
Laisse les dépens à la charge du Département des Hautes-Pyrénées expropriant,
Condamne le Département des Hautes Pyrénées à payer la somme de 800 € à Monsieur X... pour ses frais irrépétibles en cause d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Patrick LOMAlain BILLAUD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre des expropriations
Numéro d'arrêt : 09/01461
Date de la décision : 10/12/2009
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - Indemnité - Fixation - Procédure

La chambre de l'expropriation de la cour d'appel de Pau a annulé la procédure judiciaire en fixation des indemnités d'expropriation pour violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au motif que, s'étant faite représentée par un fonctionnaire de l'Etat dépendant de la même administration publique que le Commissaire du Gouvernement, la collectivité territoriale expropriante avait occasionné dans la procédure une surreprésentation des intérêts de l'Etat dans la procédure, créant ainsi vis-à-vis de l'exproprié, une situation extrêmement désavantageuse, en rupture avec la notion d'égalité des armes.


Références :

article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.pau;arret;2009-12-10;09.01461 ?
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