PB / AM
Numéro 4674 / 08
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH-Section 1
ARRET DU 28 octobre 2008
Dossier : 07 / 01765
Nature affaire :
Cautionnement-Demande en paiement formée contre la caution seule
Affaire :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE
C /
Agnès X...née Y...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 octobre 2008, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
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APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 16 Septembre 2008, devant :
Monsieur BERTRAND, Président
Monsieur FOUASSE, Conseiller
Monsieur DARRACQ, Vice-Président placé, désigné par ordonnance du 08 septembre 2008
assistés de Madame SAYOUS, Greffier, présent à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE
1 chemin de Devèzes
64121 SERRES CASTET
représentée par la SCP P. et C. LONGIN, P. LONGIN-DUPEYRON, O. MARIOL, avoués à la Cour
assistée de Maître DE GINESTET, avocat au barreau de DAX
INTIMEE :
Madame Agnès X...née Y...
née le 18 septembre 1953 à POUILLON (40)
de nationalité française
...
40350 POUILLON
représentée par la SCP J. Y. RODON, avoués à la Cour
assistée de Maître BENNAZAR-LAFFITAU, avocat au barreau de DAX
sur appel de la décision
en date du 02 MAI 2007
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DAX
Exposé succinct du litige-Prétentions et arguments des parties
Vu l'appel interjeté par la CAISSE REGIONALE de CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE, dite CRCAM PYRENEES GASCOGNE, le 23 mai 2007 à l'encontre d'un jugement du tribunal de grande instance de Dax du 2 mai 2007,
Vu les conclusions de Madame X...du 15 janvier 2008,
Vu les conclusions de la CRCAM PYRENEES GASCOGNE du 18 mars 2008,
Vu l'ordonnance de clôture du 20 mai 2008 pour l'audience fixée au 16 septembre 2008.
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La CRCAM PYRENEES GASCOGNE a consenti le 23 juin 2005 un prêt de 67. 000 € à la SARL PYRENEES EQUIPEMENTS AGENCEMENTS pour l'acquisition de matériel neuf à usage professionnel ; Monsieur X..., gérant de la SARL, et son épouse Madame X..., se sont portés cautions solidaires de cet emprunt, chacun à hauteur de 97. 100 €.
La liquidation judiciaire de la SARL PYRENEES EQUIPEMENTS AGENCEMENTS était prononcée par jugement du tribunal de commerce de Bayonne le 3 octobre 2005 ; la CRCAM PYRENEES GASCOGNE déclarait sa créance le 29 novembre 2005, et faisait assigner Madame X..., en qualité de caution, en paiement de la somme de 71. 688, 40 €, outre intérêts contractuels à compter du 7 novembre 2005, par acte du 16 mars 2006.
Par le jugement entrepris du 2 mai 2007 le tribunal de grande instance de Dax, après avoir rejeté la demande de sursis à statuer de Madame X..., a débouté la CRCAM PYRENEES GASCOGNE de ses demandes, considérant que l'engagement de caution était manifestement disproportionné, par application de l'article L 341-4 du code de la consommation tel que prévu par la loi du 1er août 2003.
La CRCAM PYRENEES GASCOGNE demande d'infirmer ce jugement et de condamner Madame X...à lui payer la somme de 71. 688, 40 €, outre intérêts au taux conventionnel à compter du 15 janvier 2006.
Elle rappelle les circonstances dans lesquelles la SARL PYRENEES EQUIPEMENTS AGENCEMENTS l'avait sollicitée pour un premier prêt de 70. 000 €, réalisé le 30 mars 2005, dont l'objet avait été détourné par le gérant Monsieur X..., lequel avait demandé la mise en place d'un nouveau prêt de 67. 000 €, avec sa garantie et celle de son épouse, estime qu'il n'existe aucune disproportion au vu de la fiche de renseignements de Madame X...produite aux débats.
La CRCAM PYRENEES GASCOGNE soutient que Madame X...a volontairement omis de mentionner certaines informations sur cette fiche, que ses conclusions ne reflètent pas la réalité concernant les engagements de caution au profit d'autres établissements bancaires, notamment celui du CEPME, que c'est à la caution de fournir des renseignements exacts et complets, que Madame X...n'établit que la banque aurait eu des renseignements qu'elle-même ou son mari n'aurait pas, par suite de circonstances exceptionnelles, connus, que Madame X...est une caution avertie, ce qu'elle a reconnu dans l'acte qu'elle a signé.
Madame X...demande :
- de surseoir à statuer sur la demande de la CRCAM PYRENEES GASCOGNE dans l'attente de l'issue de la plainte déposée contre Monsieur Jésus C...entre les mains du juge d'instruction de Dax ;
- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- à titre subsidiaire de constater que la demande de la CRCAM PYRENEES GASCOGNE est imprécise et indéterminée.
Outre sa demande de sursis à statuer, elle soutient que la CRCAM PYRENEES GASCOGNE ne peut se prévaloir d'un engagement de caution manifestement disproportionné au regard de la consistance de son patrimoine, un appartement à Hossegor et la nue-propriété d'une maison à Pouillon, de ses revenus d'ouvrier d'entretien et d'accueil au sein d'un établissement scolaire et de la totalité des engagements de caution souscrits auprès d'autres organismes bancaires.
Elle soutient également que la banque a manqué à son obligation d'information sur la situation obérée de l'entreprise et lui a octroyé un soutien abusif.
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Sur ce
1- Sur les conclusions et pièces déposées par Madame X...le 11 septembre 2008
Les conclusions et pièces déposées par Madame X...quelques jours avant l'audience fixée le 16 septembre 2008 et plusieurs mois après l'ordonnance de clôture du 20 mai 2008 sont irrecevables, par application de l'article 783 du code de procédure civile, la demande tardive de report présentée par Madame X...le 11 septembre, à laquelle l'appelante s'oppose, n'étant pas autrement motivée au regard de l'article 784.
2- Sur la demande de sursis à statuer
Madame X...persiste à solliciter en cause d'appel le sursis à statuer en l'attente de l'issue d'une procédure pénale introduite par son époux selon constitution de partie civile à l'encontre d'un associé Monsieur C..., qui serait gérant de fait de la SARL PYRENEES EQUIPEMENTS AGENCEMENTS.
Cette demande ne vise qu'un hypothétique appel en garantie de la caution à l'encontre de cet associé, et ne concerne pas directement l'action introduite par la CRCAM PYRENEES GASCOGNE à l'encontre de Madame X..., il convient de confirmer le jugement qui a dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer.
3- Sur la qualité de Madame X...en tant que caution
La CRCAM PYRENEES GASCOGNE affirme que Madame X...est une caution avertie, en ce qu'elle l'aurait reconnu dans l'acte qu'elle a signé, sans plus d'explications ni de précisions.
Si Madame X...s'est portée caution d'un prêt consenti à la SARL PYRENEES EQUIPEMENTS AGENCEMENTS dont son mari était le gérant, ce statut de conjoint ne lui confère à priori pas la qualité de caution avertie ; la CRCAM PYRENEES GASCOGNE n'allègue même pas et ne démontre en conséquence pas que Madame X...avait une quelconque responsabilité dans la gestion de la SARL, dans laquelle elle n'était absolument pas impliquée.
Dès lors Madame X..., qui précise exercer la profession d'ouvrier d'entretien et d'accueil dans un établissement scolaire, doit être considérée comme une caution profane, ce qui renforce d'autant l'obligation de la banque à la mettre en garde sur les risques qui s'attachaient à son engagement.
4- Sur l'engagement manifestement disproportionné
Madame X...étant une personne physique, l'article L 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction de la loi du 1er août 2003, est applicable à l'engagement de caution souscrit le 23 juin 2005, en ce que la CRCAM PYRENEES GASCOGNE, créancier professionnel, ne peut s'en prévaloir si le contrat était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux biens et revenus de cette caution.
Il est constant que l'engagement manifestement disproportionné doit être apprécié au regard des biens et revenus de chacune des cautions solidaires, que les autres garanties existantes doivent être prises en considération, qu'il appartient à la banque de se renseigner sur les capacités financières de la caution profane, de les vérifier et de l'avertir des risques qu'elle encourt, d'en rapporter la preuve.
En l'espèce et contrairement à ce que soutient la CRCAM PYRENEES GASCOGNE :
- l'engagement de caution ne porte pas sur le seul montant de l'emprunt de 67. 000 €, mais sur un montant de 97. 100 € ;
- la seule fiche de renseignements établie sur un document pré-imprimé de la banque, indistinctement pour Monsieur X...et Madame X..., alors qu'une fiche concernant chacune des cautions aurait du être délivrée et renseignée, si elle ne mentionne effectivement pas l'engagement au profit du CEPME, indique précisément les deux autres engagements de caution souscrits au profit de la banque POUYANNE d'une part, de la BAMI d'autre part, pour des montants respectifs de 255. 000 € et de 130. 000 €, soit un total de 385. 000 €, déjà supérieur à la valeur des deux biens immobiliers de Monsieur X...et de Madame X..., estimée à 370. 000 € ;
- la somme portée sur cette fiche quant aux revenus mensuels de Monsieur et de Madame X..., soit 54. 000 € avec des charges de 8. 000 €, démontre qu'aucune vérification, même sommaire, n'a été effectuée par la CRCAM PYRENEES GASCOGNE quant aux revenus de Madame X..., qui ne perçoit en réalité qu'un salaire mensuel de 1. 080 €.
Par conséquent, et alors au surplus que la CRCAM PYRENEES GASCOGNE avait parfaitement connaissance, par la simple consultation des relevés bancaires de la SARL PYRENEES EQUIPEMENTS AGENCEMENTS au cours de l'année 2005, systématiquement débiteurs entre janvier et juin (de 20. 774 € au 30 juin malgré la réalisation du prêt) de la situation particulièrement obérée de l'entreprise et des risques encourus par Madame X..., caution profane, comme le premier juge l'a fait remarquer, l'engagement de Madame X...à hauteur de 97. 100 € le 23 juin 2005 était manifestement disproportionné à ses revenus et biens, la CRCAM PYRENEES GASCOGNE ne peut s'en prévaloir, il convient de confirmer le jugement entrepris qui l'a déboutée de ses demandes en paiement.
5- Sur les demandes accessoires
L'équité commande d'allouer à Madame X...la somme de 2. 000 € qu'elle réclame sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs
La Cour
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
- Dit irrecevables les conclusions et pièces déposées par Madame X...le 11 septembre 2008,
- Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Dax du 2 mai 2007,
- Condamne la CRCAM PYRENEES GASCOGNE à payer à Madame X...la somme de 2. 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- La condamne aux dépens de l'appel, autorise la distraction au profit de la SCP RODON, avoué, conformément à l'article 699 du même code.
Signé par Monsieur Philippe BERTRAND, Président, et par Madame Catherine SAYOUS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLE PRESIDENT