JML / AM
Numéro 08 / 4009
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH-Section 1
ARRET DU 18 septembre 2008
Dossier : 07 / 01702
Nature affaire :
Demande en paiement des loyers et charges et / ou tendant à la résiliation du bail et / ou à l'expulsion
Affaire :
Gilles X...
C /
Blanche K... épouse Y...
...
TARB-INVEST 1
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 septembre 2008, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
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APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 26 Mai 2008, devant :
Monsieur LARQUE, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame SAYOUS, Greffier présent à l'appel des causes,
Monsieur LARQUE, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Monsieur FOUASSE et en a rendu compte à la Cour composée de :
Monsieur LARQUE, Président chargé du rapport
Monsieur FOUASSE, Conseiller
Monsieur DARRACQ, Vice-Président placé, désigné par ordonnance du 21 décembre 2007
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur Gilles X...
né le 02 Décembre 1950 à TARBES (65)
...
65000 TARBES
représenté par la SCP F. PIAULT / M. A..., avoués à la Cour
assisté de Maître B..., avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEES :
Madame C... K... épouse Y...
née le 8 mai 1921 à TARBES
de nationalité française
2 André D...
Entrée Nord- 2ème étage
65000 TARBES
représentée par la SCP P. et C. LONGIN, P. LONGIN-DUPEYRON, O. MARIOL, avoués à la Cour
assistée de Maître D..., avocat au barreau de TARBES
Intervenant volontaire :
... TARB-INVEST 1
...
75116 PARIS
représentée par la SCP P. et C. LONGIN, P. LONGIN-DUPEYRON, O. MARIOL, avoués à la Cour
assistée de Maître E..., avocat
sur appel de la décision
en date du 26 AVRIL 2007
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES
DÉCISION
I. Présentation du litige et de la procédure suivie :
Vu le jugement rendu le 26 avril 2007, auquel il est expressément renvoyé pour l'exposé des faits, de la procédure suivie, comme des moyens et prétentions antérieurs des parties, et par lequel par le Tribunal de Grande Instance de TARBES a :
débouté Monsieur Gilles X... de toutes ses demandes,
dit que l'activité exercée dans les lieux loués constitue une cause grave et légitime de non renouvellement du bail à son échéance du 31 décembre 2006,
condamné Monsieur Gilles X... à libérer les lieux dans le délai de trois mois suivant signification du jugement et, à défaut de restitution volontaire, autorisé l'expulsion du locataire et de tous occupants de son chef,
fixé, pour l'exécution de la décision, une astreinte provisoire de 1. 000 euros par mois de retard passé le délai accordé pour libérer les lieux,
condamné Monsieur Gilles X... à payer à Madame C... K... épouse Y... une indemnité de 1. 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
rejeté le surplus des demandes,
mis les dépens à la charge de Monsieur Gilles X....
Vu l'appel régulièrement exercé à l'encontre de cette décision par Monsieur Gilles X..., suivant déclaration reçue au greffe de la Cour le 16 mai 2007.
Vu les conclusions prises par Madame C... K... épouse Y..., les 13 juillet 2007 et 4 décembre 2007.
Vu les conclusions d'intervention volontaire du 23 juillet 2007, de la Société Civile TARB-INVEST 1, nouvelle propriétaire des lieux, suivant acte d'acquisition du 26 mars 2007, et ses conclusions au fond des 11 décembre 2007 et 21 décembre 2007.
Vu les conclusions de Monsieur Gilles X... du 13 août 2007.
Vu l'ordonnance de clôture du 18 mars 2008.
II. Ce qui est soutenu et demandé :
Monsieur Gilles X... demande à la Cour de :
donner acte à la Société Civile TARB-INVEST 1 de son intervention volontaire en sa qualité de propriétaire du local litigieux,
A titre principal :
dire la mise en demeure notifiée le 26 juillet 2006 nulle et de nul effet,
dire que le renouvellement n'a pas été refusé pour un motif grave et légitime et qu'il ouvrira droit au profit du preneur, s'il était maintenu, à une indemnité d'éviction,
A titre subsidiaire :
constater qu'aucune activité de vente de produits de maroquinerie n'est plus exercée dans les lieux,
dire que l'exercice passé de cette activité n'est pas constitutif d'un motif grave et légitime de refus de renouvellement du bail et que ledit refus ouvrira droit, s'il était maintenu, à indemnité d'éviction,
En toute hypothèse,
condamner Madame C... K... épouse Y... à lui payer la somme de 5. 000 euros à titre de dommages et intérêts,
la condamner à lui payer la somme de 2. 000 €, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
dire l'arrêt à intervenir opposable à la Société Civile TARB-INVEST 1,
condamner Madame C... K... épouse Y... aux entiers dépens de l'instance, avec distraction de ceux d'appel au profit de la S. C. P. F. PIAULT et M. A..., sur son offre de droit.
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Dans le dernier état de ses écritures, Madame C... K... épouse Y... formule les demandes suivantes :
statuer ce que de droit quant à la recevabilité de l'appel de M. X...,
l'en déboutant,
prononcer la mise hors de cause de Madame C... K... épouse Y...,
A titre subsidiaire,
confirmer le jugement déféré, en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
condamner M. X... au paiement d'une indemnité complémentaire de 1. 000 €, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
condamner l'appelant aux entiers dépens.
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La Société Civile TARB-INVEST 1 demande, elle, à la Cour, de :
lui donner acte de son intervention, la juger recevable et bien fondée,
confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris,
y ajoutant, condamner Monsieur Gilles X... à lui régler la somme de 3. 000 €, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de la S. C. P. P. et C. LONGIN, P. LONGIN-DUPEYRON et O. MARIOL, avoués.
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La Cour, faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile, entend se référer, pour l'exposé des moyens et prétentions des parties et au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion, aux dernières de leurs écritures ci-dessus visées.
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III. Ce qui doit être retenu :
Relativement à la destination des lieux, le dernier acte qui ait été dressé entre parties, le 16 avril 1992, portant renouvellement du bail venu à expiration, comporte les clauses suivantes :
" Les lieux présentement loués devront servir au preneur exclusivement :
à la vente de tout pour l'habillement hommes, femmes et enfants et accessoires,
et à la négociation ou l'exploitation de machines à tricoter, à coudre et à repasser. "
" Les lieux loués ne pourront être utilisés, même temporairement à un autre usage et il ne pourra y être exercé aucun autre commerce que celui sus-indiqué. Dans leur ensemble, les lieux loués forment une location indivisible et à titre commercial pour le tout. "
" Conformément aux dispositions des articles 34 et suivants du décret du 30 septembre 1953, le preneur, dans les conditions prescrites par lesdits articles, aura la faculté d'adjoindre à l'activité ci-dessus prévue des activités connexes ou complémentaires et de demander au bailleur l'autorisation d'exercer dans les lieux loués une ou plusieurs activités non prévues au présent bail. "
En page 10 de cet acte, il était encore et notamment indiqué :
" Aucun fait de tolérance de la part du bailleur, quelle qu'en soit la durée, ne pourra créer un droit en faveur du preneur, ni entraîner aucune dérogation aux obligations qui incombent au preneur en vertu du bail, de la loi ou des usages, à moins du consentement exprès et par écrit du bailleur. "
Sur la base de ces indications et alors que doit être relevée la précision avec laquelle la destination des lieux avait toujours été mentionnée dans les actes antérieurs des 11 mars 1963, 2 mai 1966 et 28 mars 1983, tant en ce qui y était autorisé qu'en ce qui en était exclu, les indications de l'acte du 16 avril 1992, conçus en termes génériques, doivent s'entendre, pour ce qui a trait à celle des deux activités en relation avec l'habillement et ce qui ressortit de la qualification d'accessoire, comme ayant autorisé toute activité portant sur la vente de produits pouvant être tenus comme accessoires de l'habillement, ce, sans préjudice du bénéfice encore de l'autorisation ainsi implicitement reconnu à l'activité qui, serait-elle sans lien direct avec l'habillement proprement dit, constituerait toutefois, du fait des usages de la profession, une suite normale de la destination autorisée.
De plus, n'ayant pas été indiqué à l'acte que cette commercialisation d'accessoires de l'habillement ne devrait elle-même être exercée qu'accessoirement à la vente de vêtements pour " hommes, femmes et enfants ", il en ressort que Monsieur Gilles X... se trouvait habilité à procéder dans les lieux loués à la vente, à titre principal, d'accessoires de l'habillement, comme de tous articles que les usages de la profession intègrent ou associent à la notion d'activité de vente d'accessoires de l'habillement.
Il ressort des termes de l'attestation rédigée par Maître F... et des photographies produites aux débats, suffisamment démonstratives et qui n'ont pu être prises qu'au temps de l'exploitation du fonds par Monsieur Gilles X..., que, sous l'enseigne " LUDIVINE G... ", Monsieur Gilles X... a procédé à la vente, dans les lieux loués, de sacs à main, mais aussi de sacs de voyage, valises et autres articles complémentaires.
Il est encore justifié, par la production de divers documents de présentation et brochures, que diverses sociétés de couture, de confection ou de diffusion de vêtements, ainsi OSKA, GIL H... et Betty I..., commercialisent sous leurs marques et griffes, pour être offerts à la clientèle dans leurs points de vente,
ensemble des vêtements et produits complémentaires en nature de sacs à main ou autres.
Doivent ainsi être tenus comme entrant dans le champ de cette définition d'accessoires de l'habillement, entre autres articles, des produits de maroquinerie, tels que ceintures, pochettes ou sacs à main.
La définition des produits offerts à la vente par la société " LUDIVINE G... ", ainsi qu'elle ressort des documents photographiques eux-mêmes qui ont été versés aux débats par la bailleresse, montre encore qu'en complément de la ligne de produits, en nature de sacs à main, cette société commercialisait aussi, dans ses mêmes points de vente et sous la même marque d'autres produits de maroquinerie tels, notamment, les sacs de voyage ou autres bagages à main et valises.
Hormis les indications données par Monsieur Gilles X... selon lesquelles il n'aurait jamais cessé de vendre des vêtements dans les lieux, il est encore affirmé dans ses écritures, dans le sens de ce qui a été ci-dessus relevé vis-à-vis de la société " LUDIVINE G... ", que l'ensemble des autres produits qu'il commercialisait dans les lieux loués relevaient de l'exercice d'une même activité de vente de produits de maroquinerie.
Cette dernière affirmation n'est pas expressément critiquée par Madame C... K... épouse Y..., comme par la Société Civile TARB-INVEST 1.
Il doit, dans ces conditions, être retenu que la commercialisation des articles de ce dernier groupe (valises et sacs, autres que sacs à main), ainsi qu'elle a été pratiquée par Monsieur Gilles X..., entre dans le champ de ce que les usages de la profession englobent dans l'activité tenue en l'espèce pour autorisée, de vente de sacs à main et autres accessoires de l'habillement.
Ainsi donc, Monsieur Gilles X... n'était-il pas tenu de solliciter l'accord préalable exprès de la bailleresse, ou à défaut celui du Tribunal, pour inclure dans son activité la vente de ces produits qui constituaient, du fait des usages de la profession, une suite normale de la destination autorisée.
L'aurait-il fait et se serait-il heurté à un refus de la part de la bailleresse, qu'il aurait pu à bon droit s'y faire autoriser par justice.
Dans ces conditions, il ne peut être apprécié qu'il existerait un motif grave et légitime de refus de renouvellement du bail, de sorte que le refus opposé doit être jugé mal fondé et insusceptible de priver Monsieur Gilles X... du droit à une indemnité d'éviction, au cas où celle-ci deviendrait effective.
Madame C... K... épouse Y..., qui a pris l'initiative de notifier le refus de renouvellement sans indemnité d'éviction, qui a résisté aux demandes de Monsieur Gilles X... devant le Tribunal et à l'encontre de laquelle il est sollicité condamnation à paiement de dommages et intérêts, comme d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ne saurait être mise hors de cause.
Sa position s'avérant être mal fondée et alors qu'elle a occasionné un trouble par l'incertitude qu'elle a fait naître sur la portée et le sort du bail, il sera fait droit, quant au principe, à la demande de dommages et intérêts présentée par Monsieur Gilles X..., condamnation à paiement de la somme de 2. 000 € étant prononcée à l'encontre de Madame C... K... épouse Y... au profit de celui-ci.
La Société Civile TARB-INVEST 1 sera reçue en son intervention, mais déboutée, elle aussi, de sa demande de confirmation.
Succombant en leur résistance, Madame C... K... épouse Y... et la Société Civile TARB-INVEST 1 seront condamnées à supporter les entiers de l'appel, ceux de première instance étant laissés à la charge de Madame C... K... épouse Y..., sans préjudice des droits et actions résultant dans leurs rapports entre eux de l'acte de vente intervenu.
L'équité ne commande pas de les dispenser de prendre en charge les frais non compris dans les dépens qui ont été exposés par Monsieur Gilles X..., pour faire valoir ses droits en cause d'appel.
À ce titre et par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, Madame C... K... épouse Y... et la Société Civile TARB-INVEST 1 seront condamnées in solidum à lui payer la somme de 1. 500 €, sans préjudice, ici encore de leurs droits dans leurs rapports entre eux.
Seront par contre rejetées leurs demandes formées sur ce même fondement.
IV. Par ces motifs, ce qui est décidé :
La Cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,
Reçoit Monsieur Gilles X... en son appel principal, la Société Civile TARB-INVEST 1 en son intervention volontaire, comme Madame C... K... épouse Y... en son appel incident,
Rejette la demande de mise hors de cause présentée par Madame C... K... épouse Y...,
Réformant le jugement en toutes ses dispositions,
Dit et juge que le refus de renouvellement du bail sans indemnité d'éviction ne s'est pas trouvé fondé sur un motif grave et légitime,
Dit et juge, en conséquence, ce refus mal fondé et insusceptible de priver Monsieur Gilles X... du droit à une indemnité d'éviction, au cas où celle-ci deviendrait effective,
Condamne Madame C... K... épouse Y... à lui payer la somme de 2. 000 €, à titre de dommages et intérêts,
Condamne in solidum Madame C... K... épouse Y... et la Société Civile TARB-INVEST 1 à lui payer la somme de 1. 500 €, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes de Madame C... K... épouse Y... et de la Société Civile TARB-INVEST 1 sur ce même fondement,
Condamne Madame C... K... épouse Y... aux dépens de première instance,
Condamne in solidum Madame C... K... épouse Y... et la Société Civile TARB-INVEST 1 aux dépens de l'appel.
Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile, la S. C. P. F. PIAULT et M. A..., avoué, à recouvrer directement contre Madame C... K... épouse Y... et la Société Civile TARB-INVEST 1 ceux d'appel dont la S. C. P. a fait l'avance sans avoir reçu provision.
Arrêt signé par Monsieur Jean-Michel LARQUÉ, Président, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT