PhD / AM
Numéro 4012 / 08
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH-Section 1
ARRET DU 18 septembre 2008
Dossier : 08 / 01898
Nature affaire :
Appel sur des décisions relatives au plan de cession (Loi no2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises)
Affaire :
SAS SERVIPALM
C /
Michel X..., ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS SERVIPALM
Sébastien Y..., ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS SERVIPALM
SAS EXCEL DEVELOPPEMENT
SA FRUCTICOMI
SA OSEO FINANCEMENT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 septembre 2008, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 08 Juillet 2008, devant :
Monsieur LARQUE, Président
Monsieur DARRACQ, Conseiller chargé du rapport
Madame MACKOWIAK, Conseiller, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président, en date du 30 juin 2008
assistés de Madame MARI, Greffier, présent à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SAS SERVIPALM
40250 MUGRON
représentée par la SCP P. et C. LONGIN, P. LONGIN-DUPEYRON, O. MARIOL, avoués à la Cour
assistée de Maître CULOZ, avocat au barreau de ALBI
INTIMES :
Maître Michel X...
... 183
40100 DAX
ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS SERVIPALM
Maître Sébastien Y...
...
A...
31000 TOULOUSE
ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS SERVIPALM
représentés par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour
assistés de la société d'avocats CAMILLE et Associés, avocats au barreau de TOULOUSE
SAS EXCEL DEVELOPPEMENT
1060 route de Saint Martin
40380 POYARTIN
agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
représentée par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour
assistée de Maître B..., avocat au barreau de DAX
SA FRUCTICOMI
115 Rue Montmartre
75002 PARIS
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
SA OSEO FINANCEMENT
27-31 Avenue du Général Leclerc
94710 MAISON ALFORT
représentées par la SCP P. MARBOT / S. CREPIN, avoués à la Cour
assistées de Maître TORIEL, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 14 MAI 2008
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE DAX
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par acte notarié du 25 septembre 2003, les sociétés FRUCTICOMI et AUXICOMI aux droits de laquelle est venue la société OSEO FINANCEMENT ont consenti à la société SERVIPALM un crédit-bail immobilier portant sur un immeuble à usage d'abattoir, sis commune de Mugron (40), d'une durée de 15 ans à compter du 1er janvier 2004, affecté à l'exploitation d'un fonds de commerce d'abattage, éviscération et découpe de palmipèdes gras, créé par la société preneuse.
Par jugement en date du 28 février 2007, le tribunal de commerce de Dax a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société SERVIPALM, et la période d'observation a été renouvelée par jugements successifs en vue de l'élaboration d'un projet de plan de cession.
Le 29 avril 2008, Me Y..., administrateur judiciaire, a clôturé son rapport sur les deux projets de reprise du fonds de commerce respectivement présentés par la société EXCEL DEVELOPPEMENT, d'une part et les sociétés LABORDE et CASTAING, d'autre part.
Dans le cadre de leur offre de reprise, les deux candidats repreneurs excluaient toute poursuite du contrat de crédit-bail au profit d'une acquisition des locaux industriels dont le principe et les modalités étaient acceptés par les crédits-bailleurs sous réserve d'une résiliation du crédit-bail par les organes compétents de la procédure collective.
Les offres de reprise ont été examinées à l'audience du tribunal de commerce tenue le 07 mai 2008.
Par lettre du 13 mai 2008, Me Y...a notifié aux crédits-bailleurs sa décision de mettre un terme au contrat de crédit-bail en cours.
Par jugement en date du 14 mai 2008, auquel il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample des faits, de la procédure suivie en première instance, comme des moyens et prétentions initiaux des parties, le tribunal de commerce de Dax a, notamment :
- constaté que les deux candidats acquéreurs faisaient leur affaire de la question du crédit-bail immobilier,
- arrêté la cession du fonds de commerce d'abattage de palmipèdes gras au profit de la société EXCEL DEVELOPPEMENT moyennant le prix de 271. 194, 85 euros,
- autorisé la cession des contrats relatifs aux cocontractants concernés par l'offre, et qui ont exprimé leur accord par écrit, et notamment la reprise des contrats d'assainissement,
- prononcé l'inaliénabilité du fonds de commerce pendant une durée de 5 ans.
La société SERVIPALM a relevé appel de ce jugement, par déclaration reçue au greffe de la Cour le 23 mai 2008, dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas contestées et à l'égard desquelles les seuls éléments portés à la connaissance de la Cour ne font pas ressortir qu'elles seraient contraires à l'ordre public.
Par ordonnance du président de la chambre à laquelle l'affaire a été dévolue, en date du 09 juin 2008, l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 08 juillet 2008.
Vu les conclusions déposées le 08 juillet 2008 par la société SERVIPALM aux fins de voir, au visa des articles L 631-1 et L 642-7 du Code de commerce :
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas ordonné la cession du contrat de crédit-bail,
- au vu de l'évidente nécessité pour le maintien de l'activité de la poursuite de ce contrat de crédit bail, ordonner la cession dudit contrat,
- dire et juger cependant que celle-ci pourra lever l'option d'achat au prix qu'elle a convenu avec les bailleurs,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
L'appelante soutient que le tribunal a violé les dispositions des articles L 642-2 et L 642-7 du Code de commerce en n'ordonnant pas la cession du contrat de crédit-bail en cours alors que ce contrat était indispensable au maintien de l'activité de l'entreprise et quand bien même les candidats repreneurs ne l'auraient pas envisagé, ces derniers étant sans qualité pour choisir les contrats devant être cédés ; que la décision de rompre unilatéralement le contrat de crédit-bail, en cours de délibéré relève d'un stratagème destiné à contourner les règles régissant la cession des contrats et contrevient encore aux dispositions de l'article L 631-1 alinéa 2 du Code de commerce définissant les objectifs de la procédure de redressement judiciaire (poursuite de l'activité, maintien de l'emploi et apurement du passif) en aggravant le montant du passif du fait de l'application d'une indemnité de rupture anticipée d'un montant de plus de 3 millions d'euros ; que dans le cadre de la cession du contrat de crédit-bail, l'article L 621-7 du Code de commerce donne la possibilité au repreneur de lever l'option par anticipation à un prix ne pouvant excéder la valeur dudit immeuble.
Vu les conclusions déposées le 03 juillet 2008 conjointement par Me X..., mandataire judiciaire, et Me Y..., administrateur judiciaire, aux fins de voir :
- confirmer l'ensemble des dispositions de la décision rendue,
- passer les dépens en frais privilégiés de procédure collective.
Vu les conclusions déposées le 30 juin 2008 par la société FRUCICOMI et la société OSEO FINANCEMENT aux fins de voir :
- débouter la société SERVIPALM de ses demandes,
- leur donner acte de ce qu'elle ne s'oppose, en aucune manière, à la cession du contrat de crédit-bail immobilier du 25 septembre 2003 et de son avenant consécutif, sous réserve que celle-ci intervienne conformément aux dispositions de l'article L 642-7 du Code de commerce,
sous cette réserve :
- confirmer le jugement entrepris,
- condamner la société SERVIPALM au paiement d'une somme de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Vu les conclusions déposées par la société EXCEL DEVELOPPEMENT (non revêtue du cachet du greffe mais dont il a été vérifié à l'audience qu'elles avaient bien été communiquées aux autres parties) aux fins de voir :
- débouter la société SERVIPALM de ses demandes,
- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
- y ajoutant, déclarer parfaite et définitive la vente des immeubles au profit de la société EXCEL DEVELOPPEMENT,
- condamner la société SERVIPALM aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En liminaire, il faut constater qu'aux termes de ses écritures, la société SERVIPALM a expressément entendu limiter son appel contre la décision entreprise seulement " en ce qu'elle n'a pas ordonné en application de l'article L 642-7 du Code de commerce la cession du contrat de crédit-bail immobilier " ; l'appel est donc limité à la seule question de la cession du crédit-bail et de la disposition du jugement ayant constaté l'accord du cessionnaire et des crédits-bailleurs quant au sort de ce contrat ; par conséquent les autres dispositions du plan de cession sont devenues définitives ; en l'absence de toute contestation du principe de la cession de l'entreprise au profit de la société EXCEL DEVELOPPEMENT, les observations liminaires de l'appelante quant à une prétendue contrariété des conséquences d'une résiliation du crédit-bail au regard des objectifs de la procédure de redressement judiciaire définis à l'article L 631-1 du Code de commerce sont donc inopérantes ;
Enfin, il sera rappelé que le contentieux de la non continuation des contrats en cours ne ressortit pas à la connaissance du tribunal statuant sur le sort de l'entreprise en redressement judiciaire ;
Ceci posé, et en droit, l'article L 626-10 alinéa 3 du Code de commerce dispose que les personnes qui exécuteront le plan, même à titre d'associés, ne peuvent pas se voir imposer des charges autres que les engagements qu'elles ont souscrits au cours de sa préparation, sous réserve des dispositions prévues aux articles L 626-3 et L 626-16 ;
L'article L 642-2 II régit le formalisme des offres de reprise et prescrit, spécialement que tout offre doit être écrite et comporter l'indication : 1o de la désignation précise des biens, des droits et des contrats inclus dans l'offre... ;
Enfin l'article L 642-7 dispose que le tribunal détermine les contrats de crédit-bail, de location ou de fourniture de biens ou de services nécessaires au maintien de l'activité au vu des observations des cocontractants du débiteur transmises au liquidateur ou à l'administrateur ;
Il résulte de l'articulation de ces trois textes que le tribunal de la procédure collective ne peut imposer au repreneur la cession de l'un des contrats en cours, limitativement énumérés à l'article L 642-7, dont l'exécution aggraverait les engagements qu'il a souscrits au cours de la préparation de son offre de reprise ;
En l'espèce, il est constant que les deux candidats repreneurs avaient expressément exclu du périmètre de reprise le contrat de crédit-bail en raison de son coût financier grevant excessivement les résultats d'exploitation de l'entreprise ; les dirigeants de la société SERVIPALM avaient d'ailleurs présenté le poids de cette charge financière comme une des causes des difficultés économiques et financières de l'entreprise (page 28 du bilan économique et social de l'administrateur), le coût du crédit-bail représentant une somme annuelle de 256. 065, 64 euros, soit environ 10 % du chiffre d'affaires ; c'est dans ce contexte que les candidats repreneurs ont négocié avec les crédits-bailleurs le principe d'une acquisition des locaux industriels au prix de 1. 020. 000 euros sous réserve d'une résiliation du crédit-bail à l'initiative des organes de la procédure compétents ; ce projet a reçu l'aval de l'administrateur judiciaire qui, dans son rapport final, a recommandé la cession du fonds de commerce au profit de la société EXCEL DEVELOPPEMENT qui s'était engagée à reprendre la totalité des 38 contrats de travail à durée indéterminée en cours et avait offert un prix d'acquisition du fonds de commerce supérieur à celui de son concurrent ;
Contrairement à ce que soutient l'appelante, le dernier alinéa de l'article L 642-7 du Code de commerce n'offre au cessionnaire aucune faculté de lever l'option par anticipation à un prix n'excédant pas la valeur de l'immeuble ; en effet, le troisième alinéa de ce même texte rappelle que les contrats cédés doivent être exécutés aux conditions en vigueur au jour de l'ouverture de la procédure, nonobstant toute clause contraire et le plafonnement prévu par le dernier alinéa ne s'applique qu'aux sommes demeurées impayées du chef du précédent crédit-preneur en procédure collective, le cessionnaire n'étant pas dispensé du paiement de l'intégralité des sommes qui lui incombe personnellement au titre du contrat cédé ; dès lors, en l'espèce, aux termes du contrat de crédit-bail, le cessionnaire n'aurait pu exercer l'option d'achat avant la fin de la dixième année d'exécution du contrat, soit au plus tôt en 2013, sous réserve d'avoir respecté les dispositions contractuelles ; par conséquent toute cession forcée de ce contrat aurait eu pour effet de bouleverser l'équilibre économique du projet de reprise de l'entreprise en aggravant les engagements pris par la société EXCEL DEVELOPPEMENT ;
C'est donc à bon droit que le tribunal n'a pas ordonné la cession du contrat de crédit-bail ;
Au surplus, si les locaux industriels sont incontestablement indispensables à la poursuite de l'activité de l'entreprise cédée, en revanche le contrat de crédit – bail, simple instrument juridique concernant les conditions de leur jouissance par le preneur, n'était plus indispensable au maintien de l'activité dès lors que le projet de cession reposait sur la vente desdits locaux sous la condition d'une résiliation du contrat de crédit-bail à l'initiative de l'administrateur, lequel, fondé à rechercher les moyens propres à assurer le redressement de l'entreprise, s'était favorablement prononcé en ce sens ;
Par conséquent, et derechef, la décision entreprise n'a pas méconnu les termes de l'article L 642-7 du Code de commerce ;
Il s'ensuit que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il n'a pas ordonné la cession forcée sur contrat de crédit-bail ;
La demande de la société EXCEL DEVELOPPEMENT tendant à voir " déclarer parfaite et définitive la vente des immeubles " est irrecevable comme étant sans relation avec l'instance en cours ;
La société SERVIPALM sera condamnée aux entiers dépens d'appel et à payer aux sociétés FRUCTICOMI et OSEO FINANCEMENT une indemnité globale de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas ordonné la cession du contrat de crédit-bail souscrit par la société SERVIPALM,
DÉCLARE irrecevable la demande de la société EXCEL DEVELOPPEMENT tendant à voir statuer sur la perfection de la vente des locaux industriels,
CONDAMNE la société SERVIPALM aux entiers dépens d'appel,
CONDAMNE la société SERVIPALM à payer aux sociétés FRUCTICOMI et OSEO FINANCEMENT une indemnité globale de 2. 000 euros (DEUX MILLE EUROS) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
AUTORISE la SCP DE GINESTET-DUALE-LIGNEY et la SCP MARBOT-CREPIN, avoués, à procéder au recouvrement direct des dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Signé par Monsieur Jean-Michel LARQUE, Président, et par Madame Catherine SAYOUS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLE PRESIDENT