JF / BLL
Numéro 4011 / 08
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH-Section 1
ARRET DU 18 septembre 2008
Dossier : 07 / 03551
Nature affaire :
Demande relative à une interdiction bancaire
Affaire :
Marie Christine X... épouse Y...,
Alain Y...
C /
S. A. CREDIT LYONNAIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 septembre 2008, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 19 mai 2008, devant :
Monsieur LARQUE, Président
Monsieur FOUASSE, Conseiller chargé du rapport
Monsieur DARRACQ, Vice-Président placé, désigné par ordonnance du 21 décembre 2007
assistés de Madame SAYOUS, Greffier, présent à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
Le Ministère Public a eu connaissance de la procédure le 6 novembre 2007
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Madame Marie Christine X... épouse Y...
née le 18 Mai 1952 à ORLEANS (45000)
de nationalité Française
...
64120 BEGUIOS
Maître Alain Y...
né le 01 Novembre 1947 à DAKAR (Sénégal)
de nationalité Française
...
64120 BEGUIOS
représentés par la SCP P. et C. LONGIN, P. LONGIN-DUPEYRON, O. MARIOL, avoués à la Cour
assistés de Me DECIS, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEE :
S. A. CREDIT LYONNAIS
représentée par son Directeur Général domicilié en cette qualité au siège social sis
Agence de Bayonne
6 Place de la Liberté
64100 BAYONNE
représentée par la SCP F. PIAULT / M. LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour
assistée de Me HEUTY, avocat au barreau de DAX
sur appel de la décision
en date du 16 OCTOBRE 2007
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DAX
FAITS et PROCEDURE :
Lors de l'acquisition le 20 avril 1998 de parts de la SARL L'HOSTELLERIE du CHEVALIER de FOUFFLERS exploitant un fonds de commerce d'hôtel restaurant au SÉNÉGAL, Monsieur Alain Y... a émis deux chèques d'un montant total de 1 222 750 francs sur un compte joint ouvert au CRÉDIT LYONNAIS de BAYONNE à l'ordre de M. Z... : un chèque de 1 000 000 francs daté du 31 décembre 1998 et un second de 222 750 francs daté du 17 juin 1998.
Ces deux chèques ont été remis à l'encaissement le 16 décembre 1998 et sont revenus impayés, le tireur ayant fait opposition à leur paiement pour utilisation frauduleuse.
Le compte a été clôturé le 31 janvier 2001 par lettre recommandée avec accusé de réception et le 28 mars 2001, le Tribunal de Grande Instance de DAX a ordonné la main levée des oppositions, décision confirmée le 24 octobre 2002 par arrêt de la Cour.
Le 15 juillet 2003, la SCP d'avocats chargée des intérêts de M. Z... donnait mandat à la SCP d'huissiers A... d'obtenir le règlement de ces chèques et le 25 mars 2005, par sommation interpellative, Me A... demandait au CRÉDIT LYONNAIS les certificats de non paiement qui lui seront adressés le 12 mai 2005.
A l'occasion d'une demande de crédit professionnel, M. Y... était informé de son interdiction bancaire : Me A... reconnaissait une erreur de son étude pour avoir présenté les deux chèques émis au bénéfice de M. Z..., décédé entre temps.
A défaut de réponse satisfaisante à leur démarches amiables, les époux Y... saisissaient le 22 mai 2007 le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de DAX afin de voir déclarer nulles les interdictions bancaires les frappant et voir ordonner sous astreinte la levée par le CREDIT LYONNAIS de ces interdictions.
Par ordonnance du 16 octobre 2007, le juge des référés les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes et condamnés au paiement de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Par déclaration déposée au greffe le 26 octobre 2007, les époux Y... ont relevé appel de cette ordonnance.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Les époux Y... soutiennent que le juge des référés est compétent pour connaître d'une interdiction bancaire, la seule constatation d'un trouble manifestement illicite justifiant la censure de l'ordonnance entreprise, et qu'aucun élément du dossier ne permet de considérer que des actes de recouvrement en vertu des chèques litigieux aient été exercé au nom et pour le compte d'un tiers, héritier ou bénéficiaire du chèque puisque le bénéficiaire de ces chèques, M. Z..., décédé, a reconnu que l'acte en cause était une erreur de sa part ainsi que de l'huissier : le CRÉDIT LYONNAIS ne pouvait donc traiter comme un incident de paiement la présentation des deux chèques.
Les époux Y... demandent à la Cour de :
Réformant la décision de première instance,
Vu les articles 808 et 809 du NCPC,
Déclarer nulles les interdictions bancaires frappant les époux Y....
Voir ordonner que le CRÉDIT LYONNAIS lèvera auprès de la Banque de France les interdictions bancaires et ce sous astreintes de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, valant commandement de le faire.
Le CRÉDIT LYONNAIS s'oppose à ces demandes et sollicite la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions. La banque fait valoir que les conditions posées par l'article L 131-73 du CMF ne sont pas remplies et que les époux Y... ayant eu connaissance de la situation des chèques et de leur compte ne peuvent se prévaloir du délai de paiement de ces chèques puisqu'ils sont à l'origine de l'opposition.
Par ailleurs, la banque souligne qu'il ne lui appartient pas de se faire juge des rapports entre le tireur et le bénéficiaire du chèque ni d'intervenir dans les contentieux pouvant apparaître entre ces derniers directement par leurs héritiers ou leurs créanciers.
Le CRÉDIT LYONNAIS demande à la Cour la confirmation de l'ordonnance et la condamnation des appelants au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts et 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 15 avril 2008 et l'affaire fixée à l'audience du 19 mai 2008 pour y être plaidée.
Vu les conclusions déposées à la clôture.
MOTIFS de la DECISION :
Le compte a été clôturé le 31 janvier 2001 par lettre recommandée avec accusé de réception comme le mentionne Mme Y... dans sa lettre du 7 juillet 2005.
Le fondement de l'action des appelants est présentée in fine sur le fondement des articles 808 et 809 du CPC (danger imminent, trouble manifestement illicite) mais ils développent d'abord leur argumentation sur le fondement de l'article L 131-73 du Code Monétaire et Financier (CMF).
Sur le CMF :
L'article L 131-37 2o du CMF indique :
" Le banquier tiré peut, après avoir informé par tout moyen approprié mis à sa disposition par lui le titulaire du compte des conséquences du défaut de provision, refuser le paiement d'un chèque pour défaut de provision suffisante... "
" Le titulaire du compte recouvre la possibilité d'émettre des chèques lorsqu'il justifie avoir, à la suite de cette injonction adressée après un incident de paiement :
- Réglé le montant du chèque impayé ou constitué une provision suffisante et disponible destinée à son règlement par les soins du tiré ;
- Payé une pénalité libératoire dans les conditions et sous les réserves fixées par las articles L 131-75 à L 131-77 ".
Le texte limite donc strictement la faculté de recouvrement du droit d'émettre des chèques à ces deux conditions : en l'espèce, les appelants ne justifient pas remplir ces conditions.
Sur le danger imminent et le trouble manifestement illicite :
Ceux-ci résulteraient, selon les appelants, de la privation des facilités bancaires et de l'usage de chèques : cependant cette situation n'est que la conséquence directe du comportement des époux Y... puisque après avoir émis des chèques pour un montant total de 1 222 750 francs, M. Y... a fait opposition, et a clôturé leur compte sans vérifier au préalable que ces chèques ne seraient pas à nouveau présentés : cette opposition a été jugée irrégulière par l'arrêt du 24 octobre 2002, la Cour d'appel de TOULOUSE confirmant le jugement du TGI de DAX du 28 mars 2001 ordonnant la main levée de l'opposition pratiquée par M. Alain Y... sur ces chèques.
Les époux Y... se devaient, au regard de la décision judiciaire ordonnant la main levée de l'opposition des deux chèques, de provisionner leur compte en conséquence et d'engager toute procédure utile pour contester leur obligation de paiement, ayant parfaitement connaissance des risques encourus en cas d'impayés.
Par ailleurs, c'est à juste titre que la banque souligne qu'il ne lui appartient pas de se faire juge des rapports entre le tireur et le bénéficiaire du chèque ni d'intervenir dans les contentieux pouvant apparaître entre ces derniers directement par leurs héritiers ou leurs créanciers.
Sur les autres demandes :
La demande en dommages et intérêts présentée par le Crédit Lyonnais n'apparaît pas justifiée mais, par contre, il serait inéquitable de laisser à la charge de la banque les frais irrépétibles engagés en cause d'appel pour la défense de ses droits.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement par décision contradictoire, et en dernier ressort,
Déclare les époux Y... infondés en leur appel,
En conséquence,
Confirme en toutes ses dispositions la décision entreprise,
Y ajoutant :
Déboute le CREDIT LYONNAIS de sa demande en dommages et intérêts,
Condamne les époux Y... au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP PIAULT-LACRAMPE CARRAZE à procéder au recouvrement de ces derniers conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
Arrêt signé par Monsieur LARQUE, Président et par Madame SAYOUS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT