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18/09/2008 | FRANCE | N°02/03558

France | France, Cour d'appel de Pau, 18 septembre 2008, 02/03558


JF / AM


Numéro 4001 / 08




COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH-Section 1






ARRET DU 18 septembre 2008






Dossier : 02 / 03558




Nature affaire :


Demande en comblement de l'insuffisance d'actif à l'encontre des dirigeants (procédures ouvertes avant le 1er janvier 2006)














Affaire :


Michel X..., ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL LES ARTISANS PONTOIS


C /


Jean Ch

arles Y...

Michel Z...











































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS












A R R E T


prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Co...

JF / AM

Numéro 4001 / 08

COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH-Section 1

ARRET DU 18 septembre 2008

Dossier : 02 / 03558

Nature affaire :

Demande en comblement de l'insuffisance d'actif à l'encontre des dirigeants (procédures ouvertes avant le 1er janvier 2006)

Affaire :

Michel X..., ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL LES ARTISANS PONTOIS

C /

Jean Charles Y...

Michel Z...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 septembre 2008, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 19 Mai 2008, devant :

Monsieur LARQUE, Président

Monsieur FOUASSE, Conseiller chargé du rapport

Monsieur A..., Vice-Président placé, désigné par ordonnance du 21 décembre 2007

assistés de Madame SAYOUS, Greffier, présent à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Maître Michel X...

...

...

40100 DAX
ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL LES ARTISANS PONTOIS

représenté par la SCP P. et C. LONGIN, P. LONGIN-DUPEYRON, O. MARIOL, avoués à la Cour
assisté de la SCPA DEFOS DU RAU-CAMBRIEL, avocats au barreau de DAX

INTIMES :

Monsieur Jean Charles Y...

né en le 17 novembre 1966 à ARCACHON (33)

...

40465 PONTONX SUR L'ADOUR

représenté par Maître VERGEZ, avoué à la Cour
assisté de Maître B..., avocat au barreau de DAX

Monsieur Michel Z...

né le 12 mai 1950 à SOUSTONS (40)

...

40140 MAGESCQ

représenté par la SCP P. MARBOT / S. CREPIN, avoués à la Cour
assisté de Maître C..., avocat au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision
en date du 08 OCTOBRE 2002
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE DAX

FAITS et PROCEDURE :

Le 1er mars 1996 a été déclarée au greffe du Tribunal de Commerce de DAX la cessation des paiements de la SARL LES ARTISANS PONTOIS, société coopérative à capital variable ; le 06 mars 1996 le Tribunal a placé la société en redressement judiciaire simplifié, procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement du 20 mars 1996.

Par jugement du 12 juin 1996 la date de cessation des paiements a été reportée au 06 septembre 1994.

Le 17 mars 1999 le mandataire liquidateur, Me Claudine D..., a assigné les deux gérants que comptait la société lors de la déclaration de cessation des paiements, MM. Michel Z... et Jean-Charles Y..., en comblement de l'insuffisance d'actif, évaluée à l'assignation à 4. 201. 980, 80 F (640. 587, 84 €).

MM. Z... et Y... ont assigné en garantie M. Jean-François E... le 11 juin 1999, exposant qu'il avait été le créateur de la société et qu'il était en possession de la comptabilité.

Me D... a ensuite été remplacée par Me Michel X... par jugement du 26 décembre 2001.

Par jugement du 08 octobre 2002 le Tribunal a :

- dit que MM. Z... et Y... ne pouvaient appeler M. E... en cause,

- condamné les intéressés solidairement à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur de 25. 000, 00 €, et à payer cette somme à Me X... avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- autorisé MM. Z... et Y... à se libérer en 12 versements mensuels consécutifs et égaux, le premier dès la signification du jugement.

Me X... a interjeté appel le 08 novembre 2002.

Par arrêt du 14 avril 2005 auquel il convient de se référer pour le rappel de la procédure et des demandes initiales des parties, la Cour d'appel de PAU a ordonné une mesure d'expertise confiée à M. Francis F..., expert comptable, commissaire aux comptes.

M. l'expert a remis son rapport le 2 mars 2007.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suite au dépôt du rapport d'expertise, Me X... expose que l'expert dans son rapport confirme de manière univoque la responsabilité de Messieurs Y... et Z... puisque les déficits cumulés s'élevaient au 31 décembre 1994 à 2 481 191 francs et que le retard de la déclaration de cessation des paiements a entraîné un accroissement de l'endettement de la société de 1 973 364 francs, soit une progression mensuelle moyenne de 109 631 francs.

Me X... demande à la Cour de confirmer en son principe le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité personnelle et solidaire de MM. Y... et Z..., et de faire droit à son appel limité en condamnant ces derniers à payer la totalité de l'insuffisance d'actifs de la liquidation judiciaire de la SARL LES ARTISANS PONTOIS, soit la somme de 640 587, 83 euros outre la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

--------------

M. Y... fait valoir que l'expert judiciaire a noté qu'aucune des parties n'a pu mettre à sa disposition la comptabilité proprement dite de la SARL LES ARTISANS PONTOIS, alors que ces documents auraient permis à l'expert de démonter que l'ancien gérant M. E... avait fabriqué de toutes pièces une comptabilité falsifiée.

M. Y... soutient que seul Me X..., ès qualités, doit en porter la responsabilité puisqu'en sa qualité de mandataire liquidateur de la société, il est le seul habilité à fournir ces documents ou en tous cas à donner le moyen de les retrouver.

Il souligne par ailleurs que les sommes que réclame aujourd'hui Me X... en sa qualité de liquidateur de la société, ne concernent en rien les fournisseurs mais plutôt les membres de la Coopérative eux-mêmes qui ont voté la poursuite d'activité le tout avec l'assentiment de l'expert comptable de l'entreprise et de son commissaire aux comptes, et que s'il avait eu connaissance de l'état de cessation des paiements, il n'a pu aussi que se plier à la décision des associés lors de l'Assemblée du 27 juin 1994 et poursuivre l'activité durant six mois supplémentaires puisque ce sont les créanciers eux-mêmes de l'entreprise pour leur plus grande partie qui ont voulu cette situation.

M. Y... demande à la Cour de :

Déclarer l'appel de Me X..., ès qualités, mal fondé.

Le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Faisant droit à l'appel incident de Mr Y....

Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Dire et juger que Mr Y... n'a commis aucune faute de gestion ayant généré un préjudice pour les créanciers de la SARL LES ARTISANS PONTOIS.

Condamner Me X..., ès qualités, à payer à Mr Y... la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

--------------

M. Z... s'oppose aux demandes de Me X... soulignant que ce dernier a refusé de satisfaire aux demandes de l'expert judiciaire en présentant l'ensemble de la comptabilité que seul il détient.

M. Z... relève que M. E... n'a pas été entendu alors qu'il gérait seul la Coopérative depuis sa création en 1982 jusqu'à sa démission le 30 juin 1994 et qu'à partir de cette date, l'activité de gestion a été assumée en totalité et exclusivement par M. Y..., gérant salarié et agent commercial.

M. Z... souligne enfin qu'il n'a jamais été informé des comptes et n'était pas chargé du suivi des chantiers, bien que présenté comme cogérant il ne peut donc être impliqué dans une poursuite abusive d'une exploitation déficitaire, n'ayant eu des relations avec la Coopérative que pour les travaux qu'il effectuait et qu'il facturait : il n'avait en aucune façon accès à la gestion ni à la comptabilité et aucune faute ne peut donc lui être reprochée, n'étant que gérant statutaire, les gérants salariés étant Mrs E... puis Y....

M. Z... demande à la Cour de faire application de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, et subsidiairement, de dire et juger que l'Expert G... n'a pu satisfaire à la mission à lui donnée par la Cour du seul fait de l'Administrateur Judiciaire Mr SD... ;

Dire et juger que Mr Z... n'a commis aucune faute génératrice de l'application de l'article 180 de la Loi du 25 janvier 1985,

Débouter Maître X..., ès qualités, de toutes ses demandes,

Condamner Maître X..., ès qualités, à payer à Mr Z... la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du N. C. P. C., ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 26 février 2008 et l'affaire fixée à l'audience du 19 mai 2008 pour y être plaidée.

Vu les conclusions déposées à la clôture.

MOTIFS de la DECISION :

Sur la qualité de gérant de MM. Y... et Z...

M. Y... indique qu'il a été nommé gérant le 21 décembre 1993 : il conteste avoir eu alors connaissance de la situation de cessation des paiements de la coopérative mais reconnaît avoir été gérant salarié ; il rappelle que l'expert mentionne dans son rapport qu'il a eu une connaissance nettement moindre des comptes que celle de M. Z... qui est lui associé gérant depuis la création de la société.

M. Z... indique dans ses écritures " qu'il s'est intégré dans cette société Coopérative en 1986 à titre, d'abord de coopérateur, puis simplement à titre nominatif de gérant parmi d'autres coopérateurs " et qu'il n'a pris aucune part active dans la gestion de la Coopérative. Cependant, des pièces aux dossiers, il apparaît que cette présentation de son rôle précis dans la société est inexacte puisque :

- M. Z... a été nommé gérant de la société le 25 avril 1988, avec effet rétroactif à compter du 1er janvier 1988, sans aucune limitation de pouvoirs ;

- M. Z... a présidé l'Assemblée Générale Extraordinaire de la SARL LES ARTISANS PONTOIS le 21 décembre 1993 au cours de laquelle les comptes et le rapport de la gérance de l'exercice clos le 30 juin 1993 ont été présentés ; à cette date, la situation nette de la société était négative de 64 570 francs.

- M. Z..., comme relevé par l'expert F..., a également convoqué et présidé l'Assemblée Générale du 31 décembre 1994.

Le rôle de gérant de MM. Y... et Z... est donc parfaitement établi.

Plus généralement, il sera rappelé qu'en application de l'article L 223-22 al 1 du Code de commerce les gérants sont responsables individuellement ou solidairement envers la société ou envers les tiers, spécialement des fautes commises dans leur gestion et l'article L 223-18 laisse aux associés le soin de fixer comme ils l'entendent l'étendue des pouvoirs du gérant, les statuts pouvant limiter ces pouvoirs.

En l'espèce, aucune limitation de pouvoir n'est fixée envers MM. Z... et Y... et dans ce cas, ces derniers sont habilités à accomplir " tous les actes de gestion dans l'intérêt de la société " (art L 221-4 al 1 sur renvoi de l'article L 223-18 al 4), les actes de gestion étant entendus dans un sens large. Et en cas de pluralité de gérants et lorsque les statuts n'ont pas déterminé leurs fonctions respectives ni précisé qu'ils doivent agir conjointement, chacun peut agir séparément, sauf le droit pour les autres de s'opposer à toute opération non encore conclue (art L 221-4 al 2 sur renvoi de l'article L 223-18 al 4).

Sur les fautes de gestion de MM. Y... et Z...

Il paraît utile d'abord de rappeler la mission fixée à l'expert par l'arrêt de la Cour du 14 avril 2005 :

"- d'examiner la comptabilité de la SARL LES ARTISANS PONTOIS,

- de dire si les comptes ont été manipulés, et dans l'affirmative, dans quelle mesure,

- de donner son avis sur le moment à partir duquel MM. Y... et Z..., fussent-ils induits en erreur par une comptabilité manipulée ne pouvaient pas ne pas avoir conscience de la cessation des paiements,

- de dire si le retard apporté alors à la déclaration de cessation des paiements a entraîné un accroissement de l'endettement de la société,

- de donner son avis sur l'incidence qu'a pu avoir l'absence d'établissement des comptes annuels au 31 décembre 1995 sur un éventuel accroissement de l'endettement,

- de dire le montant de l'insuffisance d'actif au 06 mars 1996, jour du jugement d'ouverture de la procédure collective,

- de prendre connaissance des dires, écrits et explications des parties ainsi que de tous sachants, de joindre à son avis les observations ou réclamations écrites, et d'indiquer la suite qu'il leur aura donnée,

- d'une manière générale, de fournir à la Cour tous renseignements lui permettant de statuer sur le litige qui lui est soumis. "

Il convient de reprendre ces différents points de l'expertise :

- Sur la comptabilité :

L'expert mentionne que :

" Aucune des parties n'a pu mettre à notre disposition la comptabilité proprement dite de la SARL LES ARTISANS PONTOIS, c'est-à-dire : les grands livres, journaux et pièces comptables, l'état des travaux en cours ".

Compte tenu de cette situation, il précise : " ce manque de pièces nous empêche de dire si les comptes sont manipulés ".

MM. Z... et Y... font reproche à Me X... de l'absence de production de ces documents qui, selon eux, leur aurait permis d'établir la responsabilité de l'ancien gérant, M. E..., dans la manipulation des données comptables avant 1993 : l'expert indique qu'aucune des parties n'a été en mesure de lui communiquer ces documents, ce qui ne permet pas d'avoir une analyse détaillée de la situation comptable avant 1993 : cependant, il est surprenant que M. Z..., associé et gérant de droit depuis 1988, ne soit pas en mesure de présenter des éléments comptables précis sur cette période et s'il est de la responsabilité de Me X... de démontrer la faute des gérants, MM. Z... et Y..., il revient à ces derniers de donner les éléments de preuve quant à leur affirmation de manipulation des comptes par M. E... : sur ce point, l'inversement de la charge de la preuve ne peut être retenue.

L'expert note que son examen a donc porté uniquement sur les bilans et comptes de résultat : et au regard de ces documents il relève que la société a présenté deux bilans différents au 31 décembre 1994 :

- un avec un déficit de 1 961 624 francs (le bilan au 31 / 12 / 1994 comparé à celui au 30 / 06 / 1993) et un autre avec un déficit de 1 624 932 francs (le bilan au 31 / 12 / 1994 comparé à la situation au 30 / 06 / 1995) : l'écart qui s'élève à 336 689 francs représente une provision sur créances douteuses.

L'expert mentionne en commentaire de ces chiffres discordants : " On peut se poser la question du sérieux avec lequel les comptes étaient présentés ".

Sur ces pièces comptables, il écrit également qu'au 31 / 12 / 1994 les déficits cumulés s'élèvent à 2 481 191 francs et qu'un tel montant ne permet pas d'envisager la poursuite de l'activité.

Il est donc établi que d'une part, la comptabilité n'était pas tenue avec rigueur, et que d'autre part la situation financière de la société fin 1994 ne permettait pas d'envisager la poursuite de l'activité.

M. Z... conteste ces chiffres et soutient qu'" il n'avait pas connaissance de la situation négative de 2 061 191 francs au 31 décembre 1994 puisque aussi bien il n'était pas en charge de la comptabilité, ne la détenait pas, ne faisait pas les comptes, ne signait pas les chèques, etc... "

M. Z... soutient qu'il n'a jamais tenu une comptabilité, mais reconnaît cependant qu'il était un des gérants de la société, depuis le premier janvier 1988 et qu'il a convoqué et présidé l'assemblée générale du 27 juin 1994, comme rappelé ci-dessus : or les gérants engagent leur responsabilité en cas d'inobservation des dispositions légales applicables aux SARL.

De plus, l'expert souligne que M. Z..., en sa qualité de fournisseur de la société, était créancier à hauteur de 1 203 178 francs au 30 septembre 1994, cette créance représentant 66 % des dettes de la coopérative.

M. Y... indique de son côté qu'" il a été nommé gérant le 21 décembre 1993 soit six mois après la clôture des comptes au 30 juin précédent et a découvert tout au long du premier semestre 1994 l'ampleur des manipulations sur la comptabilité ; qu'il a donc reporté la date de clôture du bilan de six mois lors de l'assemblée générale du 27 juin 1994 afin de mieux cerner le passif et mettre en place avec les entreprises membres de la Coopérative les apports de capitaux nécessaires à la poursuite de l'activité. "

M. Y... reconnaît ainsi, de fait, qu'il était informé, au moins au début 1994 de la situation déficitaire de la société et que sa proposition de report de clôture en juin 1994 avait bien pour conséquence objective de ne pas dévoiler l'état de cessation des paiements de la coopérative.

Sur le retard apporté à la déclaration de cessation des paiements :

La cessation des paiements a été déclarée le 1er mars 1996 et reportée par jugement au 6 septembre 1994.

L'expert indique dans son rapport (page 14) que le bilan clos au 31 / 12 / 1994 fait état de deux résultats :

- un déficit de 1 961 621 francs

-un déficit de 1 624 932 francs

soit un écart de 336 689 francs qui porte sur la dépréciation des clients douteux.

Par ailleurs, l'expert, analysant les différents bilans, indique que la dette fournisseur a progressé de 1 414 876 francs en l'espace de dix huit mois, soit entre le 30 juin 1993 et le 31 décembre 1994, et qu'il en résulte donc une augmentation de l'endettement durant cette période de 1 973 364 francs : " cette analyse permet de constater que le retard de la déclaration d'état de cessation des paiements a entraîné un accroissement de l'endettement de la société. "

Ainsi, il ressort des constations de l'expert que le déficit a été essentiellement-du moins à hauteur de 1 973 364 francs-généré durant cette période du 30 juin 1993 au 31 décembre 1994, c'est-à-dire sous la gestion de MM. Z... et Y..., étant souligné qu'au 31 décembre 1994, le ratio résultat net / chiffre d'affaires de la société était négatif :-21, 06 % (-1 961 621 / 9 314 258), ratio figurant expressément sur le bilan intermédiaire arrêté au 30 juin 1995. Les gérants ne pouvaient donc l'ignorer ; or ce n'est que le 1er mars 1996 qu'est intervenue la déclaration de cessation des paiements.

Il y a donc là une faute certaine de la part des gérants et l'argument de MM. Z... et Y... visant à reporter la responsabilité de cette situation sur l'ancien gérant M. E... ne peut être retenue puisque la comparaison des comptes de résultat des exercices 1993 et 1994 montre qu'aucun chantier en cours de production n'a été comptabilisé, et donc, a fortiori " surévalué " : en conséquence, aucune surévaluation d'actifs ne permet d'expliquer la perte d'exploitation de 1 797 859 francs qui figure au compte de résultat de 1994, contrairement à ce qu'affirme M. Y....

L'expert indique d'ailleurs que le compte de résultat de 1994 fait apparaître un total d'achat de marchandises et variations de stock de 9 329 919 francs pour un chiffre d'affaires de 9 314 258 francs, soit une perte commerciale brute, hors salaires, charges sociales et autres charges externes, de 19 661 francs, et donc une perte d'exploitation de 1 797 589 francs : il est donc clairement établi que les gérants de la société, MM. Z... et Y... ont poursuivi une activité déficitaire ne couvrant même pas le coût des marchandises employées.

Par ailleurs, il y a lieu de noter que MM. Y... et Z... n'ont jamais mis au vote la dissolution anticipée de la SARL, alors qu'il s'agissait pour eux d'une obligation légale et que les textes particuliers régissant les coopératives artisanales (loi du 20 juillet 1983 et décret du 23 novembre 1984) imposent la procédure de révision coopérative, ayant pour objet l'examen critique et analytique de la situation et du fonctionnement de la coopérative au vu des comptes annuels de celle-ci lorsque trois exercices consécutifs ont été déficitaires ou si les pertes constatées au cours de l'exercice écoulé s'élèvent à la moitié du montant le plus élevé atteint par le capital social (article 2 du décret).

Or il n'est pas justifié que cette révision soit intervenue.

L'insuffisance d'actif s'élève à la somme de 640 587, 83 euros.

Les fautes de gestion commises par MM. Z... et Y... sont largement établies par les différents éléments rappelés ci-dessus, et ont eu pour conséquence directe d'aggraver la situation financière de la coopérative et donc de rendre impossible son redressement.

MM. Z... et Y... n'établissent pas par ailleurs la manipulation qu'ils allèguent de la comptabilité antérieurement à 1993, étant rappelé que pour ce qui le concerne, M. Z... est gérant depuis le premier janvier 1988.

En conséquence, il y a lieu de condamner M. Z... Michel à payer à Me X... la totalité de l'insuffisance d'actifs de la liquidation judiciaire de la SARL LES ARTISANS PONTOIS, soit la somme de 640 587, 83 euros dont partie solidairement avec M. Y... Jean Charles dont la responsabilité sera reconnue à hauteur de la somme de 378 255, 13 euros (2 481 191 francs), montant des déficits cumulés au 31 décembre 1994.

Sur l'article 700 du CPC :

Compte tenu des éléments de la cause, il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelant les frais irrépétibles engagés pour la défense de ses droits dans le cadre de la présente instance.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,

Déclare Me X... recevable et bien fondé en son appel,

Confirme en son principe le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité personnelle et solidaire de MM. Y... et Z...,

Infirmant pour le surplus,

Condamne M. Z... Michel à payer à Me X... la totalité de l'insuffisance d'actifs de la liquidation judiciaire de la SARL LES ARTISANS PONTOIS, soit la somme de 640 587, 83 euros dont 378 255, 13 € solidairement avec M. Y... Jean Charles.

Condamne solidairement M. Z... Michel et M. Y... Jean Charles à payer à Me X... la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Signé par Monsieur Jean-Michel LARQUE, Président, et par Madame Catherine SAYOUS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Numéro d'arrêt : 02/03558
Date de la décision : 18/09/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Dax


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-09-18;02.03558 ?
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