GL / LL
Numéro 08 / 3529
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH-Section 2
ARRET DU 08 juillet 2008
Dossier : 08 / 00735
Nature affaire :
Demande relative au droit de visite des grands-parents ou autres personnes, parents ou non
Affaire :
Lysiane X...
C /
Ministère Public
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé en chambre du conseil par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 08 juillet 2008, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience en chambre du conseil tenue le 23 Juin 2008, devant :
Monsieur PIERRE, Président
Madame LACOSTE, Conseiller chargé du rapport
Madame MACKOWIAK, Conseiller
assistés de Mme MARI, Greffier, présent,
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame Lysiane X...
née le 23 Mars 1963 à ST SYMPHORIEN (48600)
de nationalité Française
...
...
40400 ST YAGUEN
représentée par la SCP P. et C. LONGIN, P. LONGIN-DUPEYRON, O. MARIOL, avoués à la Cour
assistée de Me REMBLIERE, avocat au barreaude DAX
INTIME :
Le Ministère Public en la personne de
Monsieur le Procureur Général
près la Cour d'appel de PAU
sur appel de la décision
en date du 12 février 2008
rendue par le tribunal de grande instance de PAU
EXPOSE DU LITIGE
-FAITS ET PROCÉDURE
Lysiane X..., de nationalité française, est la mère d'Océane X...née
le 23 octobre 1998. Depuis 1991, elle vivait en couple avec Ann Poche, de nationalité australienne. L'enfant a été conçue pendant la vie commune, par insémination artificielle non médicalisée. Le couple s'est séparé en 2002. L'enfant, dont la seule filiation maternelle a été établie dispose de la nationalité française, vit depuis cette date avec sa mère tout en maintenant des contacts avec Ann Poche.
Le 26 juin 2006 une ordonnance, rendue par le Tribunal des affaires familiales d'Australie, de Brisbane siégeant à Coffs Harbour, réglait les rapports concernant l'enfant Océane, dont la résidence est chez sa mère, avec Ann Poche en fixant des contacts avec cette dernière sous différentes modalités. Cette ordonnance prévoyait les conditions particulières et financières permettant un départ d'Australie.
Le 26 août 2006 madame X...quittait l'Australie avec sa fille. Elle vit depuis avec sa fille en France à Chicoy (40).
Le 6 février 2007, Ann Z...saisissait les autorités australiennes dans le cadre de la Convention de La Haye estimant que son droit de garde sur Océane avait été violé.
Le 11 octobre 2007, le procureur de la République de Pau saisissait le Juge aux Affaires Familiales de Pau en la forme des référés aux fins de voir ordonner le retour d'Océane en Australie.
Par déclaration du 28 février 2008, madame X...formait appel du jugement du Juge aux Affaires Familiales de Pau en date du 12 février 2008 qui avait notamment ordonné le retour d'Océane en Australie.
En application des dispositions de l'article 151 du code de procédure civile l'audition de l'enfant a été ordonnée par la Cour. Suivant procès-verbal en date du 11 juin 2008, Océane X...a été entendue en présence d'un avocat.
Les débats ont eu lieu à l'audience du 23 juin 2008.
- PRÉTENTIONS DES PARTIES
Madame X..., dans le dernier état de ses conclusions du 1o avril 2008, demande à la Cour de réformer la décision attaquée et plus précisément :
- de constater qu'elle est l'unique et l'entière titulaire de l'autorité parentale sur sa fille Océane,
- de constater que mademoiselle Z...n'est titulaire, en vertu de la décision du Juge aux Affaires Familiales, que d'un droit de contact ou de visite, à l'exclusion d'un droit de garde,
- de constater que si tel n'était pas le cas, cette décision serait contraire à l'article 8 de la Convention Européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par suite contraire à l'ordre public international français,
- de constater qu'Océane est parfaitement intégrée dans son nouveau milieu français.
Monsieur le Procureur Général, dans le dernier état de ses conclusions
en date du 11 avril 2008, se fondant sur les dispositions de la Convention de La Haye, demande à la Cour de confirmer la décision appliquée en toutes ses dispositions et de condamner madame X...aux entiers dépens.
DISCUSSION
Océane X...est née le 23 octobre 1998 à Armidale N. S. W en Australie, son acte de naissance ne porte mention que de sa filiation maternelle envers Lysiane X..., elle a la nationalité française comme sa mère.
Il ressort des éléments aux débats que cette enfant est née d'une insémination artificielle, non médicalisée, alors que sa mère vivait une relation de couple avec Ann Poche.
Ce couple s'est séparé alors qu'Océane était âgée d'environ 3 ans. Les relations s'avérant conflictuelles, selon les déclarations de l'autorité poursuivante, une décision judiciaire, en date du 26 juin 2006, du tribunal de Coffs Harbour, a fixé les modalités " des contacts " qu'Ann Z...était autorisée à entretenir avec Océane alors que la résidence de l'enfant était fixée avec sa mère. En outre, cette décision prévoyait d'autres dispositions pour faciliter ces contacts ainsi que la possibilité, pour la mère, d'emmener l'enfant en France, pour une période déterminée et après avoir donné un gage financier pour assurer le retour de l'enfant en Australie.
Le 23 août 2006, madame X...quittait la France avec sa fille et décidait de s'installer auprès de sa famille en France, dans le ressort de la Cour d'appel de Pau.
Le 6 février 2007, Ann Z...a saisi les autorités australiennes arguant d'un non-retour ou déplacement illicite d'Océane, en application des dispositions de la Convention de la Haye, applicable dans les deux pays et en violation de son droit de garde sur cette enfant.
Océane X...a été entendue le 11 juin 2008, par le Président de la chambre de la Cour saisie de l'appel à l'encontre de la décision du Juge aux Affaires Familiales de Pau.
En préalable, il y a lieu de relever que la saisine a eu lieu, conformément aux dispositions de la Convention, dans l'année qui a suivi le départ d'Océane.
Il est constant qu'il appartient au juge saisi, sur le fondement de la Convention de La Haye, d'apprécier d'une part son application au cas d'espèce et d'autre part, en cas de besoin, le risque que représenterait le retour de l'enfant au regard de son intérêt.
La Cour constate que madame Z...réclame le retour d'Océane en Australie car elle s'estime " titulaire d'un droit de garde sur Océane, qui a été violé par la mère de l'enfant qui a décidé de rester vivre en France ". Ce droit est contesté par la mère de l'enfant qui estime que l'article 8 de la Convention n'est pas applicable car elle est seule titulaire et de manière exclusive du droit de garde sur sa fille. Elle se prévaut également des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La Cour constate que, tant dans ses dispositions que dans les objectifs poursuivis et la jurisprudence qui s'est développée dans les différents pays signataires, la Convention fait clairement la différence entre le droit de garde et le droit de visite prévoyant deux fondements différents pour exercer ces droits. Cette distinction entre droit de visite et droit de garde est essentielle dans la mesure ou une décision de retour ne pourra être rendue qu'en cas de violation du droit de garde.
Il est incontestable que madame Z...est bénéficiaire par décision judiciaire, du droit d'avoir des contacts avec Océane, ce qui s'interprète à l'évidence comme l'équivalent d'un droit de visite au sens de la Convention.
Toutefois, les autorités australiennes, sous la signature de madame Amanda A..., dans le dernier état de leur argumentation, transmise à la Cour par l'intermédiaire du Bureau de l'entraide civile et commerciale internationale, proposent une définition extensive
de la " responsabilité parentale " en " suggérant que l'ordonnance parentale du 26 juin 2006 confère l'autorité parentale à madame Z...vis à vis d'Océane ".
L'examen de cette décision révèle que la juridiction australienne, dans un contexte pourtant conflictuel, a réaffirmé la résidence de l'enfant chez sa mère et a accordé des contacts à son ancienne amie, avec des modalités particulières y compris financières, qui s'analysent, pour partie, en un droit de veto pour assurer l'effectivité de ces contacts et décourager toute obstruction. Pour autant, il est constant que dans tous les systèmes judiciaires, un droit de veto découlant de modalités spécifiques n'a pas pour effet automatique d'accorder des droits supplémentaires, ni de transformer le droit de contact en responsabilité parentale.
Au cas d'espèce, il y a lieu de relever que le seul lien de filiation d'Océane est avec sa mère biologique chez qui, sans contestation, sa résidence a toujours été fixée. Si la proximité affective de madame Z...a été reconnue, elle a été cantonnée à des contacts qui sont limités et n'entraînent pas un partage de responsabilité parentale.
La Cour estime donc que madame X..., est fondée, à ce double titre, à se prévaloir des dispositions de l'article 8 de la Convention en soutenant, à raison, que son ancienne amie n'est pas titulaire du droit de garde sur sa fille Océane et ne bénéficie que de contacts.
En conséquence, madame Z...ne peut obtenir l'application de la Convention et le retour de l'enfant au motif qu'elle ne dispose pas d'un droit de garde. L'interprétation extensive qui a été retenue par le premier juge, suivant en cela l'argumentation proposée par les autorités poursuivantes, n'est pas pertinente car si la particularité de la situation a été prise en compte pour maintenir des relations après la séparation du couple, il n'est pas établi que madame Z...puisse revendiquer plus qu'un droit de visite sur Océane.
En conséquence, il convient de réformer la décision attaquée le retour de l'enfant ne pouvant pas être ordonné sur le fondement d'un droit de visite.
De manière surabondante, il convient de relever que l'enfant, âgée de 9 ans, qui vit avec sa mère, est parfaitement intégrée depuis bientôt deux années, dans son milieu familial, scolaire et social ou elle a tous ses repères.
Enfin, de manière toute aussi surabondante, il est constant que la Convention de la Haye prévoit des dispositions permettant le respect d'un droit de visite.
Les dépens de première instance et d'appel resteront à la charge du trésor public.
PAR CES MOTIFS,
La Cour statuant en chambre du conseil, contradictoirement et en dernier ressort,
Reçoit l'appel de madame X...,
Réforme le jugement du Juge aux Affaires Familiales de Pau en date du 12 février 2008,
Constate que madame Z..., titulaire d'un droit de visite, ne peut obtenir le retour d'Océane sur la base de la Convention de la Haye,
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par le trésor public.
Arrêt signé par Madame MACKOWIAK, Conseiller et par Madame Mari, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Brigitte MARIAnne MACKOWIAK