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08/07/2008 | FRANCE | N°07/00259

France | France, Cour d'appel de Pau, 08 juillet 2008, 07/00259


MFTL / BLL


Numéro 3533 / 08




COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH-Section 1






ARRET DU 8 juillet 2008






Dossier : 07 / 00259




Nature affaire :


Demande en garantie formée contre le vendeur














Affaire :


Anne Marie X...



C /


Brigitte Y...





































RÉP

UBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS










A R R E T


Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 8 juillet 2008, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de Procédure Civile.








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MFTL / BLL

Numéro 3533 / 08

COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH-Section 1

ARRET DU 8 juillet 2008

Dossier : 07 / 00259

Nature affaire :

Demande en garantie formée contre le vendeur

Affaire :

Anne Marie X...

C /

Brigitte Y...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 8 juillet 2008, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 02 Juin 2008, devant :

Monsieur LARQUE, Président

Madame TRIBOT LASPIERE, Conseiller chargé du rapport

Monsieur Z..., Vice-Président placé, désigné par ordonnance du 21 décembre 2007

assistés de Madame SAYOUS, Greffier, présent à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame Anne Marie X...

née le 09 Août 1943 à BEYRIE SUR JOYEUSE (64120)
de nationalité Française

...

...

64250 CAMBO LES BAINS

représentée par la SCP P. et C. LONGIN, P. LONGIN-DUPEYRON, O. MARIOL, avoués à la Cour
assistée de Me A..., avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEE :

Madame Brigitte Y...

née le 9 août 1976 à Bayonne

...

64250 CAMBO LES BAINS

représentée par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour
assistée de Me B..., avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision
en date du 08 JANVIER 2007
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BAYONNE

Faits et procédure

Melle Anne Marie X... exploitait à CAMBO LES BAINS deux fonds de commerce :

- Un fonds de commerce de lingerie, bonneterie, chemiserie, soldes, articles de laines des Pyrénées, situé Place Duhalde ;

- Un fonds de commerce de linge de maison, linge Basque, tissu des Pyrénées, bonneterie, mercerie, confection, ventes de textile, situé rue des Terrasses ;

Par acte sous seing privé du 5 octobre 2004, Melle X... a vendu sous conditions suspensives à Mr et Mme Y... le fonds de commerce de la rue des Terrasses, pour le prix de 48 780 €, s'appliquant à hauteur de la somme de 37 794 € aux éléments incorporels et 10 986 € aux éléments corporels du fonds de commerce ; l'acte comportait une clause de non concurrence libellée dans les termes suivants :
La Venderesse « s'interdit expressément de créer ou faire valoir, directement ou indirectement aucun fonds similaire en tout ou en partie à celui vendu, comme aussi d'être associé ou intéressé, même à simple titre de commanditaire, dans une activité de cette nature pendant une durée de trois ans, à compter de ce jour, et dans un rayon de 10 km à vol d'oiseau du lieu d'exploitation du fonds vendu. Il est rappelé que la venderesse exploite sur la Commune un autre fonds de linge de maison et de prêt à porter ».

Cette clause a été réitérée dans l'acte de vente du 25 janvier 2005 dans les termes suivants :

La venderesse « Interdit expressément de créer ou de faire valoir, directement ou indirectement, aucun fonds similaire ou en partie à celui vendu, comme aussi d'être associé ou intéressé, même à simple titre commanditaire, dans une activité de cette nature, pendant une durée de trois ans, à compter de ce jour, et dans un rayon de 10 km à vol d'oiseau du lieu d'exploitation du fonds vendu » il est rappelé que la venderesse « exploite un fonds de commerce de lingerie, bonneterie, chemiserie, soldes, articles de laine des Pyrénées, Place Duhalde à CAMBO. Melle X... ne pourra vendre néanmoins des articles identiques à ceux proposés par Mme Y... » ;

Par acte d'huissier du 25 avril 2006, Mme Y... a fait assigner Melle X... devant le Tribunal de commerce de BAYONNE à l'effet de faire constater, qu'au mépris de l'obligation de délivrance qui s'impose à la venderesse et de la clause de non concurrence inscrite dans l'acte de vente, Melle X... commercialise dans son magasin de la lingerie, des débardeurs, robes de chambres, chemise de nuit, pyjamas et même des maillots de bains enfants ; Mme Y... fondait ses prétentions à la fois sur les dispositions des articles 1137 et suivants du code civil et celles des articles 1143 et 1145 du même code relatives à l'obligation de faire ou de ne pas faire ;

Par jugement du 8 janvier 2007, le Tribunal de commerce a relevé que, contrairement à ses engagements, Mme X... a commercialisé dans son magasin des articles identiques à ceux vendus dans le fonds de commerce cédée et que la venderesse avait eu des pratiques commerciales visant à semer la confusion dans l'esprit de la clientèle ; en l'absence de pièces comptables permettant de chiffrer objectivement le préjudice découlant de ces agissements, le Tribunal a condamné Mme X... à payer à Mme Y... la somme forfaitaire de 7 000 € à titre de dommages intérêts mais a débouté Mme Y... de sa demande tendant à voir interdire à Mme X... de vendre des articles définis sous le terme générique de lingerie ;

Mme X... a été condamnée à verser à Mme Y... la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Mme X... a interjeté appel de ce jugement.

Prétentions et moyens des parties

L'appelante fait grief au premier juge d'avoir alloué des dommages intérêts à Mme Y... en l'absence de tout justificatif de l'existence d'un préjudice ; elle relève que les pièces produites ne démontrent pas une baisse du chiffre d'affaires mais établissent au contraire que les ventes de lingerie ont augmenté entre 2005 et 2006 ; elle conteste avoir commis tout acte de démarchage de clientèle au détriment du fonds vendu et prétend que les marchandises offertes à la vente ne sont pas identiques dans les deux fonds ;

L'appelante soutient qu'il se déduit de la clause de non concurrence figurant dans l'acte de cession que la venderesse avait la possibilité de poursuivre une activité de lingerie, Place Duhalde, à la seule condition de ne pas vendre des articles identiques à ceux proposés par Mme Y... ; elle prétend que cette dernière, âgée de 30 ans lors de l'achat du fonds de commerce, a manifesté l'intention de changer la politique commerciale de l'établissement en délaissant les fournisseurs habituels pour proposer à la vente de la lingerie de marque destiné à une clientèle plus jeune ; qu'elle n'a donc pas racheté le stock existant qu'elle considérait comme « ringard » et qui a été repris par le magasin de la rue Duhalde exploité par la venderesse ;

Dans ce contexte, Melle X... prétend que la clause de non concurrence ne lui interdisait nullement de commercialiser de la lingerie féminine mais seulement de proposer à la vente des articles de lingerie de la même marque ou des articles de prêt-à-porter pour enfants ;

Melle X... déclare que les articles vendus dans son magasin s'adressent à une clientèle de personnes âgées ou à des grandes tailles et qu'ils ne font pas concurrence au commerce de Mme Y... ; que la preuve d'un quelconque préjudice n'est par ailleurs aucunement rapportée ;

L'appelante conclut à la réformation du jugement dont appel ; elle demande à la Cour de débouter Mme Y... de toutes ses prétentions et de la condamner à lui verser la somme de 1 500 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

*

Mme Y... soutient que Melle X... tente de donner une interprétation de la clause de non concurrence qui n'est pas conforme à la commune intention des parties ; elle prétend que la cession portait sur l'activité de commerce de lingerie et de prêt-à-porter pour enfants, la venderesse conservant l'activité mercerie, linge de maison et prêt-à-porter féminin mais que, après la vente, Melle X... a continué de commercialiser des articles de lingerie malgré l'interdiction figurant dans l'acte de cession ;

Mme Y... prétend que l'appelante tente de déplacer le litige sur le terrain de la concurrence déloyale alors que la présente action a pour objet d'obtenir l'exécution d'une obligation contractuelle et ne nécessite pas la démonstration de l'existence d'un préjudice financier ;

Elle déclare que malgré un travail acharné, elle n'est pas parvenue à développer le chiffre d'affaires de l'activité lingerie en raison de la concurrence que lui a faite Melle X... et qu'elle a dû se résoudre à revendre le fonds de commerce à perte en février 2008 ;

Mme Y... conclut à la confirmation du jugement dont appel en ce qu'il a retenu que Melle X... avait violé la clause de non concurrence mais elle demande à la Cour de réformer la décision entreprise sur le montant de dommages intérêts et de condamner Melle X... à lui verser la somme de 20 000 € ; d'interdire en outre à cette dernière de commercialiser de la lingerie féminine et de la condamner à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La procédure a été clôturée le 15 mai 2008 ; les dernières conclusions de l'appelante, faisant suite à celles notifiées le 7 mai 2008 par Melle X..., sont datées du jour de la clôture ; la partie adverse a pu faire valoir ses observations à l'audience et n'a pas demandé à ce que ces conclusions soient écartées des débats ; elles seront en conséquence examinées avec les pièces auxquelles elles font référence et dont la communication a été régulièrement faite antérieurement à la clôture.

Motifs de la décision

Le vendeur d'un fonds de commerce doit s'abstenir de tout acte de nature à détourner la clientèle du fonds cédé ; cette garantie légale s'applique en dehors de toute clause de non concurrence ou de non rétablissement ;

Lorsque dans un acte de cession de fonds de commerce, les parties prennent soin d'inclure une clause de non concurrence, une telle clause a en principe pour effet de renforcer et de préciser l'étendue de la garantie du vendeur ;

En l'espèce la promesse de vente sous conditions suspensives et l'acte de cession du fonds de commerce comportent une clause de non concurrence dont les termes ne sont pas exactement les mêmes ;

La promesse de vente comme l'acte de cession fait interdiction à la venderesse d'exercer directement ou indirectement à un commerce similaire ou d'être intéressé dans une activité de même nature que celle du fonds vendu ; cette interdiction générale ne se différencie pas de l'obligation de non concurrence qui s'impose au vendeur de fonds de commerce ; il est toutefois précisé dans l'engagement initial que la venderesse exploite à CAMBO un autre magasin de linge de maison et de prêt-à-porter ;

L'acte de cession réitère l'interdiction générale faite à la venderesse de faire concurrence au fonds cédé mais apparaît moins restrictive en ce qu'elle élargit les activités de l'autre magasin exploité par Melle X... en y incluant la lingerie, la bonneterie, la chemiserie et les articles en laine des Pyrénées tout en précisant que la venderesse ne pourra « néanmoins » vendre des articles identiques à ceux proposés par Mme Y... ;

Il se déduit de l'utilisation de cet adverbe que contrairement aux termes généraux de la clause de non concurrence qui interdisent dans un premier temps à la venderesse d'exercer un commerce ou une activité similaire à celle du fonds vendu, Melle X... pourrait continuer à exercer ces mêmes activités dans son autre magasin sous la seule réserve de ne pas vendre les mêmes articles ;

La clause ainsi libellée autoriserait donc la poursuite d'une activité concurrentielle qu'elle interdit dans la première partie du même paragraphe ;

En présence d'une disposition contractuelle comportant un double sens ou une contradiction, il y a lieu aux termes de l'article 1157 et suivants du code civil le sens avec lequel elle peut produire effet ou celui qui paraît convenir le plus à la matière du contrat ;

En l'espèce la volonté commune des parties a été d'assortir la cession du fonds de commerce d'une interdiction de concurrence de la part de la venderesse ;

La question se pose de savoir qu'elle est la portée et l'étendue que les parties ont entendu donner à cette interdiction ;

La clause de non concurrence figurant promesse de vente initiale limitait les activités exercées dans l'autre magasin (non compris dans la cession) au linge de maison et au prêt-à-porter permettant ainsi un partage des activités entre les deux magasins :

- le linge de maison et le prêt-à-porter féminin au commerce de la rue Duhalde exploité par Melle X... ;

- la lingerie et le prêt-à-porter enfant au fonds de commerce de la rue des Terrasses vendu à Mme Y... ;

Cette répartition est conforme aux dispositions de l'acte de vente duquel il ressort que le bailleur partie intervenante, a autorisé la déspécialisation du bail pour permettre à Mme Y... d'exercer dans les lieux les activités de lingerie et de prêt-à-porter enfants ;
Mme X... ne pouvait ignorer l'accord de déspécialisation figurant en toutes lettres dans l'acte de cession à laquelle elle était partie prenante et savait que le projet de Mme Y... était de développer ces deux activités en vue desquelles celle-ci avait monté son projet de financement ;

Il ressort de l'acte de cession que l'accord du bailleur à la déspécialisation a été obtenu moyennant le paiement par Mme Y... d'une indemnité de 4 500 € ; la cessionnaire avait donc le plus grand intérêt à protéger ses nouvelles activités et notamment à se prémunir contre tout acte de concurrence de la part de la venderesse ; la clause de non concurrence serait vider de sa consistance si elle se limitait à interdire à la venderesse de vendre des articles identiques ; il faudrait en outre préciser ce qu'il convient d'entendre par « articles identiques » ; cette expression recouvre t-elle la nature des articles, les modèles, les marques ? Autant d'incertitudes qui priveraient d'effet une clause de non concurrence ainsi libellée ;

La Cour considère en conséquence que la clause litigieuse interdisait à Melle X... de concurrencer directement ou indirectement Mme Y... dans les activités de lingerie et de prêt-à-porter enfants ;

Il résulte des témoignages versés aux débats, sans qu'il y a ait lieu de caractériser des faits de concurrence déloyale étrangers à la matière contractuelle, que Melle X... a failli à la clause de non concurrence prévue dans l'acte de cession du fonds de commerce, en poursuivant dans son autre magasin, distant de seulement 400 m du fonds vendu, l'activité concurrentielle de lingerie en vue de laquelle le fonds avait été cédé ;

Cette activité a été maintenue par Melle X..., malgré les mises en demeure de Mme Y... ; même si cette concurrence a été relativement peu importante puisqu'en définitive, cette dernière est parvenu dès la première année à accroître le chiffre d'affaires du magasin, elle a néanmoins constitué un élément perturbateur dans le lancement et le développement du commerce de Mme Y... qui, après avoir investi une somme d'environ 17 700 € dans cette affaire, a revendu le fonds à perte en 2008 soit trois ans plus tard ; au vu des justificatifs produits le préjudice tant matériel que moral subi par Mme Y... a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 7 000 € ;

Mme Y... qui n'exploite plus le fonds ne justifie d'aucun intérêt à demander qu'interdiction soit faite à Melle X... d'exercer l'activité de lingerie et de prêt-à-porter enfants ; il convient au surplus de relever que la clause de non concurrence qui était limitée à trois années s'est éteinte le 25 janvier 2008 ;

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme Y... les frais exposés par elle pour assurer sa défense devant la Cour.

Par ces motifs

LA COUR

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de BAYONNE du 8 janvier 2007 ;

Y ajoutant

Condamne Melle X... à payer à Mme Y... la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais exposés devant la Cour ;

Condamne Melle X... aux dépens ; autorise la SCP de GINESTET-DUALE-LIGNEY, avoués à recouvrer ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Monsieur LARQUE, Président et par Madame SAYOUS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Numéro d'arrêt : 07/00259
Date de la décision : 08/07/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Bayonne


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-07-08;07.00259 ?
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