PB / AM
Numéro / 08
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH-Section 1
ARRET DU 30 juin 2008
Dossier : 08 / 00720
Dossier : 08 / 01470
Nature affaire :
Autres demandes en matière de baux commerciaux
Affaire :
SARL GORRI MARINELA
C /
Jeanine X... épouse Y...
...
...
IMPOTS DES ENTREPRISES DE BIARRITZ
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 30 juin 2008, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
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APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 06 Mai 2008, devant :
Monsieur BERTRAND, Président chargé du rapport
Madame TRIBOT LASPIERE, Conseiller
Monsieur DARRACQ, Vice-Président placé, désigné par ordonnance du 21 décembre 2007
assistés de Madame SAYOUS, Greffier, présent à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SARL GORRI MARINELA
10 avenue Gabriel Delaunay
64500 CIBOURE
représentée par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour
assistée de Maître HERVE-BAZIN, avocat au barreau de BAYONNE
APPELANTE ET INTIMEE :
Madame Jeanine Y... née ARRIETA
née le 23 octobre 1933 à ASCAIN (64)
...
...
64500 CIBOURE
représentée par Maître VERGEZ, avoué à la Cour
assistée de Maître TOURNAIRE, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMES :
BNP PARIBAS
2 place Maréchal Foch
64500 SAINT JEAN DE LUZ
LARZABAL-L. S. O.
Zone Industrielle des Pontots
64100 BAYONNE
IMPOTS DES ENTREPRISES DE BIARRITZ
17 rue Charles Floquet
64200 BIARRITZ
assignés
sur appel de la décision
en date du 21 JANVIER 2008
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE
Objet succinct du litige-Prétentions et arguments des parties
Vu l'appel interjeté le 27 février 2008 par la SARL GORRI MARINELA à l'encontre d'un jugement du tribunal de grande instance de Bayonne du 21 janvier 2008,
Vu l'ordonnance du premier président du 2 avril 2008 déboutant la SARL GORRI MARINELA de sa demande tendant à arrêter l'exécution provisoire, mais fixant l'affaire au fond à l'audience du 6 mai 2008, par application de l'article 917 alinéa 2 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de Madame Y... du 10 avril 2008,
Vu les conclusions de la SARL GORRI MARINELA du 6 mai 2008.
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Suivant acte authentique du 14 juin 2000 Madame Y... a donné à bail commercial à Monsieur François Z..., restaurateur, des locaux situés..., qui devront être affectés uniquement à l'usage suivant : RESTAURATION, le loyer annuel de 60. 000 francs étant payable mensuellement d'avance par terme de 5. 000 francs.
Par acte authentique des 22 et 23 août 2001 portant avenant à ce bail les parties ont rectifié la désignation des locataires en ce que Madame Marie Eugénie Z..., peintre, est également locataire.
Les consorts Z... ont cédé leur fonds à la SARL GORRI MARINELA, à effet rétroactif du 21 mai 2005, selon les écritures de l'appelante non contestées, à défaut de production de l'acte de cession.
Par acte du 17 octobre 2006 Madame Y... a fait commandement à la SARL GORRI MARINELA de :
- lui payer la somme de 1. 463, 69 €,
- mettre immédiatement fin à son activité de bar et cabaret, et à toute autre activité non conforme à celle stipulée au bail, et se conformer pour l'avenir à l'activité autorisée de restauration, à l'exclusion de toute autre,
en se prévalant de la clause résolutoire, rappelée dans le commandement.
La SARL GORRI MARINELA a fait opposition à ce commandement en assignant Madame Y... par acte du 15 novembre 2006 pour :
- dire et juger nul et de nul effet le commandement,
- constater que le loyer résultant de la convention de bail est payé de manière parfaite en tous éléments,
- dire et juger qu'elle exerce une activité professionnelle conforme aux clauses du bail,
- débouté Madame Y... de ses demandes.
Le tribunal de grande instance de Bayonne, par le jugement entrepris, considérant que le solde des loyers réclamés n'avait été payé que le 5 janvier 2007, qu'en outre le preneur n'avait pas exécuté l'obligation d'exploiter une activité de restaurateur, en se référant à un constat d'huissier dont il résultait que les locaux abritent un commerce de bar de nuit, débit de boissons avec disc-jockey, a :
- constaté le jeu de la clause résolutoire insérée dans le bail,
- ordonné l'expulsion de la SARL GORRI MARINELA sous astreinte, au besoin avec le concours de la force publique,
- condamné la SARL GORRI MARINELA à payer à Madame Y... la somme de 499, 24 € au titre des loyers dus, avec intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2006,
avec l'exécution provisoire.
La SARL GORRI MARINELA demande de réformer ce jugement en toutes ses dispositions, de :
- dire et juger nulle la demande de révision de loyer initiée par courrier simple du 20 mai 2006 comme contraire aux dispositions d'ordre public de l'article 26 du décret du 30 septembre 1953 exigeant un acte extrajudiciaire ou un courrier recommandé avec accusé de réception,
- dire et juger nul le commandement délivré le 17 octobre 2006 réclamant une somme de 1. 318, 89 € représentant le montant de l'arriéré issu de la demande de révision nulle,
- dire et juger nul et de nul effet le commandement délivré le 22 janvier 2007 réclamant une somme de 1. 318, 89 € représentant le montant de l'arriéré issu de la demande de révision nulle, inscrite dans le commandement du 17 octobre 2006 également nul,
- dire et juger pour le surplus que toutes les causes fondées du commandement du 22 janvier 2007 ont été servies dans le délai de sept jours suivant sa délivrance, qu'il ne saurait y avoir lieu à application de la clause résolutoire,
- écarter des débats la pièce no 25 de la communication de Madame Y... et toute référence faite par elle,
- condamner Madame Y... à lui restituer la somme de 1. 318, 39 € en deniers ou quittances avec intérêts de droit à compter du 29 janvier 2007, s'agissant de sommes indûment perçues, faute que la révision du loyer ait été demandée dans les formes et délais prescrits,
- dire et juger l'ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Bayonne le 7 mars 2007, à elle signifiée le 12 mai 2007, nulle et de nul effet au visa des dispositions de l'article 771 du code de procédure civile,
- condamner Madame Y... à lui payer la somme de 10. 000 € à titre de dommages-intérêts par application de l'article 32-1 du code de procédure civile.
Madame Y... demande de confirmer le jugement entrepris, de :
- dire et juger valide le commandement du 17 octobre 2006,
- constater l'inexécution du preneur de payer les loyers et de respecter la clause de destination du bail dans le délai imparti,
- constater le jeu de la clause résolutoire,
- subsidiairement de prononcer la résiliation du bail pour manquements graves, répétés et persistants du preneur à des obligations essentielles, par application des articles 1184, 1728 et 1729 du code civil,
- en conséquence confirmer l'expulsion de la SARL GORRI MARINELA sous astreinte,
- l'autoriser à la faire expulser avec l'assistance de la force publique et un serrurier, à séquestrer les biens mobiliers susceptibles de l'être pour sûreté et paiement des loyers échus et à échoir,
- condamner la SARL GORRI MARINELA à lui payer en deniers ou quittances la somme de 2. 405, 08 € montant des loyers et indemnités d'occupation dus au 7 avril 2008.
Par actes du 11 avril 2008 Madame Y... a fait assigner la BNP PARIBAS, LARZABAL-LSO et Monsieur le Comptable du service des impôts des entreprises de Biarritz, créanciers inscrits, en leur notifiant les pièces de la procédure, en intervention et déclaration d'intérêt commun (enregistrée sous le no de rôle 08 / 01470).
Sur ce
Il convient d'ordonner la jonction de cette instance avec l'appel en cause des créanciers inscrits.
1- Sur l'acte du 17 octobre 2006 en ce qu'il fait commandement de payer la somme de 1. 463, 6 9 €
Le commandement de payer la somme de 1. 463, 69 € distingue la somme de 1. 318, 39 €, due au titre des loyers ou indemnités d'occupation, sans autres précisions des frais de l'acte (coût et recouvrement).
Aucun décompte n'a été produit, aucune indication n'est précisée sur le montant du loyer mensuel réclamé, ni sur le nombre de mensualités réclamées ; c'est uniquement sur le deuxième commandement délivré le 22 janvier 2007 que figure un décompte faisant apparaître le montant du loyer réclamé de 952, 92 € à compter de septembre 2006, mais le débit sur situation au 10 août 2006 de 1. 318, 39 €, montant réclamé dans le commandement en cause du 17 octobre 2006, n'est pas autrement détaillé ni justifié.
Madame Y... a adressé aux consorts Z..., et non pas à la SARL GORRI MARINELA, une correspondance par lettre simple du 20 mai 2006 portant réclamation d'une augmentation de loyer de 210, 20 €, compte tenu de l'indice 1332 en application, avec un virement mensuel qui devra être de 1. 048, 66 €, et un loyer de rattrapage du 1er juin 2003 au 1er juin 2004 qui s'élève à 916, 44 €.
Cette demande de révision triennale du loyer, qui n'a pas été formée par lettre avec accusé de réception ou par acte extrajudiciaire, contrairement à l'article 26 alinéa 2 du décret du 30 septembre 1953, prescrit à peine de nullité, adressé au surplus aux précédents locataires, ne pouvait à l'évidence pas servir de fondement à un commandement de payer, étant par ailleurs observé que Madame Y... a reconnu son erreur dans un courrier du 6 juillet 2006, qu'elle n'a pas répondu à la correspondance du conseil de la SARL GORRI MARINELA du 3 août 2006 qui lui rappelait les modalités de révision de loyer applicables en application du bail.
Les causes du commandement de payer délivré par l'acte du 17 octobre 2006 n'étant pas fondées, faute d'un décompte et de précisions sur le montant du loyer et le nombre de mensualités réclamées, alors que la demande de révision triennale formulée courant mai 2006 était atteinte de nullité et inopposable aux cessionnaires, la clause résolutoire contenue dans le bail n'a pas été invoquée de bonne foi par le bailleur à leur encontre.
2- Sur l'acte du 17 octobre 2006 en ce qu'il fait commandement de mettre fin immédiatement à l'activité de bar et cabaret, et de se conformer pour l'avenir à l'activité autorisée de restauration, à l'exclusion de toute autre
La SARL GORRI MARINELA ne conteste pas l'affectation des locaux à l'usage unique de RESTAURATION, tel que cela figure en ces termes et sous cette forme au bail d'origine, mais soutient que le constat d'huissier des 15 mars et 12 mai 2007, autorisé par une ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance de Bayonne du 7 mars 2007, est nul comme procédant d'une ordonnance nulle, le juge de la mise en état, saisi par son assignation au fond délivrée le 15 novembre 2006, étant seul compétent par application de l'article 771 du code de procédure civile.
La SARL GORRI MARINELA prétend par ailleurs qu'elle exerce des activités de restauration, conformément au bail.
L'ordonnance sur requête du 7 mars 2007 commettant la SCP TAGUERRE-MORAN, huissier de justice à Saint-Jean-de-Luz, à se rendre sur les lieux et constater et décrire les activités exercées par le preneur et notamment si elles sont exclusivement à usage de restauration, même si aucun visa n'y figure, a été rendue sur le fondement des articles 493 et suivants du code de procédure civile.
Elle pouvait être modifiée ou même rétractée par le juge, conformément à l'article 497 du code de procédure civile ; en l'espèce la SARL GORRI MARINELA, à qui cette ordonnance a été signifiée le 12 mai 2007 avec la mention expresse de cette modalité de recours, n'a pas jugé nécessaire de l'utiliser, pour y introduire un débat contradictoire et solliciter éventuellement sa nullité.
Au demeurant elle n'invoque pas le grief que cette autorisation lui aurait causé ; par conséquent sa demande de nullité de l'ordonnance et du constat d'huissier ne sont pas fondées.
L'huissier désigné, constatant le 15 mars 2007 que l'établissement était fermé, a reproduit l'affichage d'un arrêté du 26 février 2007 du préfet des Pyrénées Atlantiques du 26 février 2007 prononçant la fermeture de l'établissement désigné comme débit de boisson, pour une durée de huit jours, considérant les rapports de police faisant état de tapages nocturnes et diffusion de musique amplifiés les 16 / 20 et 21 janvier 2007, les contrôles faisant apparaître des manquements à la législation relatifs à la santé publique et la tranquillité publique.
L'huissier désigné, se rendant sur place le 12 mai 2007 à 1 h 20, l'établissement étant ouvert, a constaté :
- l'apposition d'un panneau extérieur indiquant une activité de restauration, bar, musique, DJ,
- l'absence d'activité de restauration, et au contraire la présence d'une animation musicale avec disc-jockey, pupitre et matériel de sonorisation et vidéo-projecteur.
Madame Y... produit également au débat :
- une affichette publicitaire relative aux activités du Marinella-Kafé : resto, expo, musik, live, DJ,
- une annonce pour une soirée du vendredi 14 mars 2008 selon des activités similaires, exclusives de toute restauration,
- trois correspondances de résidents du... adressées au bailleur qui se plaignent des nuisances sonores et musicales occasionnées par l'établissement désigné comme débit de boissons de nuit ou café, et deux déclarations de main courante du commissariat de Saint-Jean-de-Luz de résidents se plaignant des mêmes nuisances sonores, volume de musique et tapages, de cet établissement désigné comme débit de boissons, bar ou discothèque.
Il résulte de ces éléments que la SARL GORRI MARINELA n'exerce en réalité aucune activité de restauration, sauf très occasionnellement, mais pour l'essentiel une activité nocturne de bar-café musical (disc-jockey), avec quelques manifestations ponctuelles qui s'apparente plus à une discothèque ou à un bar de nuit, comme l'expriment les différents résidents de l'immeuble proche, que cette activité génère des nuisances qui ont conduit à une fermeture administrative et à des plaintes à l'encontre du bailleur, qui avait l'obligation de les faire cesser.
Si l'argumentation de la SARL GORRI MARINELA tenant à l'interprétation extensive du vocable de restauration peut apparaître intellectuellement et historiquement séduisante, comme se référant aux cabarets parisiens du second Empire et de la troisième République, aux caf'conc'de la belle époque, ou pour aujourd'hui à des établissements connus comme les folies bergères, le moulin rouge, le lapin agile, pour en déduire que l'activité de restauration propose souvent un accompagnement musical, voire des ballets et / ou des bals, cette argumentation ne correspond pas à la réalité d'une activité exercée dans un environnement très éloigné, et géographiquement et culturellement des références opposées par la SARL GORRI MARINELA, qui ne propose, contrairement aux lieux distingués ci-dessus, aucune activité de restauration ou très occasionnellement, et s'exerçant dans un local d'une superficie de 160 m2 au sol comprenant un bureau au premier étage, vestiaire et wc, tel que décrit dans le bail, aucune preuve d'un quelconque aménagement par les locataires précédents ou les cessionnaires n'étant rapportée à ce sujet.
Par conséquent la commune intention des parties étant explicitement d'affecter les locaux à l'usage unique de RESTAURATION, et la preuve étant suffisamment rapportée de ce que les locataires cessionnaires ne respectent pas cet élément essentiel du contrat de bail, tant en son aspect positif consistant dans l'obligation d'exploiter l'activité de restauration, qu'en son aspect négatif d'interdiction d'en modifier la destination mettre fin à l'activité de bar et de cabaret, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire, insérée dans le contrat de bail, suivant commandement du 17 octobre 2006 et prononcé l'expulsion de la SARL GORRI MARINELA.
3- Sur les demandes accessoires
La demande de Madame Y... tendant à la condamnation de la SARL GORRI MARINELA de lui payer la somme de 2. 455, 08 € au titre des loyers et / ou indemnités d'occupation dus au 7 avril 2008 est mal fondée, dès lors que le décompte produit part de l'année 2000, alors que la SARL GORRI MARINELA n'exploite que depuis le 21 mai 2005, qu'aucune précision n'est apportée sur le montant du loyer, révisé ou non, et sur la demande de rattrapage formulée en mai 2006 par Madame Y..., comme cela a été analysé au paragraphe 1.
Il s'ensuit que la demande de séquestre est sans objet.
Dès lors que le jugement entrepris est confirmé, partiellement mais en ses dispositions les plus importantes au regard du litige, la SARL GORRI MARINELA devra supporter les dépens de l'appel.
L'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs
La Cour
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
- Ordonne la jonction de l'instance avec l'affaire enrôlée sous le numéro 08 / 1470,
- Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Bayonne du 21 janvier 2008 en ce qu'il a constaté le jeu de la clause résolutoire, insérée dans le contrat de bail, mais uniquement en ce que le commandement du 17 octobre 2006 a été délivré pour mettre fin à l'activité de bar et cabaret et de se conformer à l'activité autorisée de restauration, ordonné l'expulsion de la SARL GORRI MARINELA dans les conditions précisées au dispositif, et condamné la SARL GORRI MARINELA aux dépens,
- Infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
- Déboute Madame Y... de sa demande de paiement d'un arriéré de loyers et / ou d'indemnité d'occupation,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la SARL GORRI MARINELA aux dépens de l'appel, autorise la distraction au profit de Maître VERGEZ, avoué, conformément à l'article 699 du même code.
Signé par Monsieur Philippe BERTRAND, Président, et par Madame Catherine SAYOUS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT